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Décisions

CA Orléans, ch. com., 10 avril 2025, n° 22/00566

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pholos Consultants (SARL)

Défendeur :

Alliance Entreprendre (SAS), SCR Banque Populaire Developpement (SA), CATP Expansion (SAS), Credit Mutuel Equity SCR (SAS), Mediprema Group (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Baudry, Me Gatefin, Me Phalippou, Me Brillatz, Me Valev

T. com., Tours, du 4 févr. 2022

4 février 2022

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Le groupe Mediprema conçoit, fabrique, commercialise et distribue des biens d'équipements médicaux et des consommables destinés aux nouveaux-nés.

Il est constitué d'une société holding, la société Mediprema Group, basée à [Localité 15] (37), de deux filiales qui composent le pôle équipement et de quatre filiales composant le pôle consommable.

La société Mediprema Group était au moment de l'ouverture de l'instance détenue à hauteur de 71,8 % par plusieurs fonds d'investissement (Investisseurs Financiers) et à hauteur de 28,2 % par les actuels ou anciens dirigeants et managers de l'entreprise dont M. [I] [S], actionnaire historique ayant dirigé la société pendant 15 ans.

La société Mediprema Group est gérée et administrée par un président et un comité d'échange constitué par les représentants des investisseurs financiers et le président, dont les rôles sont définis par les statuts.

La société Pholos Consultants exerce une activité de conseil aux entreprises. Elle est détenue et gérée par M. [C] [O]. Ce dernier détient également la société Trugarez Da Panellruz, au travers de laquelle il a investi dans le groupe Mediprema.

Au mois de juillet 2017, il a été envisagé que M. [C] [O] entre dans le capital de la société Mediprema Group et prenne progressivement sa direction.

Les 18 et 25 avril 2018, M. [C] [O] et ses deux sociétés Trugarez Da Panellruz et Pholos Consultants ont signé avec les Investisseurs Financiers et M. [I] [S] des contrats intitulés 'term-sheet' actant des principaux termes et conditions de leur investissement dans la société Médiprema Group.

Le 23 mai 2018, un accord confirmatoire a été conclu.

Il a été contractuellement prévu que l'entrée de M. [C] [O] dans le capital de la société Médiprema Group et la transmission de la gouvernance interviendraient en deux phases.

Dans le cadre de la phase 1, M. [C] [O] et ses sociétés ont notamment arrêté avec la société Médiprema Group la documentation suivante :

- un contrat de prestation de services avec la société Pholos Consultants à effet du 23 mai 2018 et d'une durée maximum de cinq mois ;

- un contrat de travail à durée déterminée avec M. [C] [O] avec effet à compter du 28 mai 2018 et jusqu'au 30 septembre 2018, assorti d'une délégation de pouvoir du président lui permettant d'exercer un rôle équivalent à celui d'un directeur général ;

- un emprunt obligataire de la société Médiprema Group souscrit par la société Trugarez Da Panellruz le 1er juin 2018 pour un montant de 1 025 000 euros, produisant intérêts annuellement au taux de 2%, majoré à 7% en cas de non-paiement à terme.

Dans le cadre de la phase 2, il était prévu que les opérations capitalistiques et de changement de gouvernance définies dans le 'term-sheet' interviendraient au plus tard le 30 septembre 2018. Ces opérations prévoyaient notamment la désignation de la société Pholos Consultants en qualité de président de la société Médiprema Group.

Au mois de juillet 2018, le groupe Mediprema a rencontré des difficultés et un audit a été effectué.

A la suite de l'état des lieux du groupe réalisé par M. [C] [O] un nouvel accord complémentaire a été signé le 30 septembre 2018 pour aménager les contrats des 18 et 25 avril 2018 aux fins de prendre en compte les difficultés économiques rencontrées par la branche belge du groupe.

Aux termes de cet accord, il a été convenu entre les parties de se laisser un délai supplémentaire d'analyse et de négociation.

Le 6 novembre 2018, l'assemblée générale des associés de la société Médiprema Group a prononcé la révocation du mandat de président de M. [I] [S] et a désigné la société Pholos Consultants en qualité de nouveau président.

Les discussions se sont poursuivies entre M. [C] [O], les Investisseurs Financiers et M. [I] [S] sans aboutir à un accord finalisé.

Le 26 septembre 2019, le comité d'échange de la société Mediprema Group a prononcé la révocation du mandat de président de la société Pholos Consultants avec effet immédiat et désigné la société 2P Management en qualité de nouveau président.

La société Pholos Consultants a également été révoquée de son mandat de membre du comité d'échange.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 29 décembre 2019, la société Trugarez Da Panellruz a mis en demeure la société Médiprema Group de lui rembourser la totalité de sa créance obligataire, soit la somme de 1 053 463,10 euros.

Par ordonnance du 10 janvier 2020, le président du tribunal de commerce de Tours a ouvert une procédure de conciliation à l'égard de la société Médiprema Group.

Par ordonnance du 14 avril 2020, le président du tribunal de commerce de Tours a fait droit à la demande de report de paiement de la société Mediprema Group de la créance obligataire de la société Trugarez Da Panellruz, arrivée à échéance le 31 décembre 3019, au 26 mai 2022.

Par acte en date des 30, 31 janvier, 3 et 4 février 2020, M. [C] [O] et les sociétés Pholos Consultants et Trugarez Da Panelleruz ont fait assigner la société Médiprema Group, les Investisseurs Financiers et M. [I] [S] devant le tribunal de commerce de Paris en nullité pour dol du contrat obligataire du 1er juin 2018, subsidiairement caducité du contrat, en remboursement à la société Trugarez Da Panelleruz de la somme de 1 025 000 euros avec intérêts, en paiement à la société Pholos Consultants de la somme de 2 000 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir un retour sur investissement ainsi que la somme de 375 000 euros au titre de la perte de chance d'être rémunérée sur d'autres projets, outre la somme de 50 000 euros au bénéfice de M. [C] [O] au titre du préjudice personnellement subi.

Depuis lors, l'emprunt obligataire a été remboursé par la société Mediprema Group.

Parallèlement, par acte en date des 31 janvier et 3 février 2020, la société Pholos Consultants a fait assigner la société Médiprema Group, la SAS Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la SA SCR Banque Populaire Développement, la SAS CATP Expansion et la SAS CM-CIC Investissement SCR, membres du comité d'échange, devant le tribunal de commerce de Tours en paiement de la somme de 280 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait du caractère brutal et vexatoire, et sans procédure contradictoire préalable, des révocations de la société Pholos Consultants de son mandat de président (250 000 euros) et de son mandat de membre du comité d'échange (30 000 euros), outre la publication du jugement à intervenir, pendant une durée de 4 mois, sur les sites internet des défendeurs et/ou le site internet de l'entité qu'ils représentent, sous astreinte.

Par jugement contradictoire du 4 février 2022, le tribunal de commerce de Tours a :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les pièces du dossier,

- débouté la société Pholos Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Pholos Consultants à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

' la somme de 2 000 euros à la société Mediprema Group,

' la somme totale de 2 000 euros à la SAS Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la SA Banque Populaire Développement, la SAS CAPT

Expansion et la SAS CM-CIC Investissement SCR, ensemble,

- débouté la société Pholos Consultants de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la présente decision est assortie de l'exécution provisoire,

- condamné la société Pholos Consultants aux entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 202,57 euros.

Suivant déclaration du 4 mars 2022, la SARL Pholos Consultants a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement, intimant la SAS Mediprema, la SAS Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la SA SCR Banque Populaire Developpement, la SAS CATP Expansion, la société CM-CIC Investissement SCR.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 novembre 2022, la société Pholos Consultants demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

- réformer intégralement le jugement du tribunal de commerce de Tours du 4 février 2022, en ce qu'il a :

' débouté la société Pholos Consultants de toutes demandes, fins et conclusions,

' condamné la société Pholos Consultants à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

o la somme de 2 000 euros à la société Mediprema Group,

o la somme totale de 2 000 euros à la SAS Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la SA Banque Populaire Développement, la SAS CAPT Expansion et la SAS CM-CIC Investissement SCR, ensemble,

' débouté la société Pholos Consultants de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la société Pholos Consultants aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Mediprema Group, la société Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la société SCR Banque Populaire Développement, la société CATP Expansion, la société CM-CIC Investissement SCR à régler à la société Pholos Consultants la somme de 280 000 euros,

- condamner la société Mediprema Group, la société Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la société SCR Banque Populaire Développement, la société CATP Expansion, la société CM-CIC Investissement SCR à faire publier le jugement à intervenir, pendant une durée de quatre mois, sur leur site internet et/ou le site internet de l'entité qu'ils représentent, et ce dans les quinze jours suivant la signification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- débouter la société Mediprema Group, la société Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la société SCR Banque Populaire Développement, la société CATP Expansion, la société CM-CIC Investissement SCR de toutes demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum la société Mediprema Group, la société Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la société SCR Banque Populaire Développement, la société CATP Expansion, la société CM-CIC Investissement SCR à régler à la société Pholos Consultants la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles avancés en première instance et en appel,

- condamner la société Mediprema Group, la société Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la société SCR Banque Populaire Développement, la société CATP Expansion, la société CM-CIC Investissement SCR aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 août 2022, la société Mediprema Group demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1130, 1137 et 1186 du code civil,

Vu les pièces,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 4 février 2022 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la société Pholos Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner la société Pholos Consultants à régler à la société Mediprema Group la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Pholos Consultants aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 21 juillet 2022, la société Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la société SCR Banque Populaire Développement, la société CATP Expansion et la société Crédit Mutuel Equity SCR (anciennement CM-CIC Investissement SCR) demandent à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les pièces communiquées,

- déclarer mal fondé l'appel formé par la société Pholos Consultants à l'encontre du jugement

rendu par le tribunal de commerce de Tours le 4 février 2022, l'en débouter,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 4 février 2022 en toutes ses dispositions,

- débouter, en conséquence, la société Pholos Consultants de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Pholos Consultants à payer à Alliance Entreprendre SAS, M. [E] [X], M. [M] [B], SCR Banque Populaire Développement SA , CATP Expansion SAS, et Crédit Mutuel Equity SCR la somme additionnelle de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Pholos Consultants aux entiers dépens d'appel.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 février 2024, pour l'affaire être plaidée le 21 mars suivant.

MOTIFS :

L'article 12-4 des statuts de la société Mediprema Group prévoit que 'le président est révocable à tout moment de manière discrétionnaire, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer quelque motif que ce soit, par le comité d'échange statuant à la majorité prévue à l'article 15-4 ci-dessous', à savoir la majorité simple des membres présents ou représentés, étant

précisé que pour pouvoir délibérer le comité devra réunir plus de la moitié de ses membres, le président du comité disposant d'une voix prépondérante en cas de partage de voix.

L'article 15-3 des statuts de la société Mediprema Group dispose que 'la révocation d'un membre (du comité d'échange) peut intervenir à tout moment sans indemnité à quelque titre que ce soit sur décision des associés statuant aux conditions des décisions extraordinaires'.

Il en résulte que la société Pholos Consultants était révocable ad nutum de ses mandats de président et membre du comité d'échange selon les statuts.

Il est constant que le dirigeant ou membre révoqué ne peut alors réclamer de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil qu'en cas de révocation abusive.

La révocation n'est abusive que si elle a été accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions qui portent atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant révoqué ou si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation. Seules les circonstances entourant la révocation permettent d'en apprécier le caractère abusif et il n'y a pas lieu d'apprécier le bien fondé des griefs ayant conduit à la révocation pour déterminer si l'abus est établi.

En l'espèce, la société Pholos Consultants fait valoir que les deux révocations ont été particulièrement brutales, prononcées avec une précipitation inhabituelle faisant douter de son honorabilité. Elle expose qu'elle n'a pas été avisée des motifs de ces révocations, ce qui ne lui a pas permis de préparer sa défense et de s'expliquer sur les faits reprochés ; que sa révocation en qualité de présidente survenue lors de la réunion du comité d'échange du 26 septembre 2019 n'a pas été mise à l'ordre du jour, que les motifs de révocation n'ont pas été discutés lors de la réunion du comité d'échange du 26 septembre 2019, aucun débat n'ayant eu lieu sur les griefs parfaitement infondés mis en avant pour justifier de sa révocation ; que l'ensemble de ses accès à la société Mediprema Group a été supprimé dès le 26 septembre 2019, la contraignant à s'organiser le jour même pour quitter l'entreprise ; qu'une telle brutalité jette le discrédit sur son honorabilité et sa réputation, si bien que cette révocation est fautive et engage la responsabilité tant de la société Mediprema Group que celle, personnelle, des membres du comité d'échange qui l'ont prononcée.

La société Pholos Consultants sollicite en réparation du préjudice d'image et moral causé par le caractère brutal et vexatoire des révocations les sommes de 250 000 euros pour ce qui concerne la révocation du mandat de président et de 30 000 euros pour ce qui concerne la révocation du mandat de membre du comité d'échange, outre une large publication de la décision sur le site internet des différents intimés.

Les intimés rappellent que la société Pholos Consultants était révocable ad nutum en application des statuts de la société Mediprema Group et contestent le caractère abusif des révocations, en l'absence de circonstances brutales et vexatoires, faisant valoir que la société Pholos Consultants a été informée des griefs très en amont de sa révocation, qu'elle a été parfaitement à même de présenter ses observations sur l'ensemble des

griefs qui lui étaient reprochés par les membres du comité d'échange avant qu'il ne soit procédé au vote, qu'il n'a jamais été interdit à M. [O], dirigeant de la société Pholos Consultants, de se présenter de nouveau dans l'entreprise après la révocation de la société Pholos Consultants et que la révocation de celle-ci n'a donné lieu à aucune publicite ni dénigrement au sein de la société Mediprema Group ni auprès de tiers. Ils ajoutent que la révocation de la société Pholos Consultants n'a donc pu entraîner de préjudice d'image ou de réputation.

La révocation de la société Pholos Consultants est intervenue à l'issue de la réunion du comité d'échange du 26 septembre 2019. Certes la révocation du président n'a pas été mise à l'ordre du jour de cette réunion. Toutefois, s'agissant d'une révocation pouvant intervenir à tout moment de manière discrétionnaire, ce moyen ne saurait suffire à caractériser un abus dès lors que la société Pholos Consultants pouvait se douter d'une telle issue et qu'elle a été mise en mesure de présenter ses observations.

Ainsi, il ressort du procès-verbal de la réunion du précédent comité d'échange du 5 septembre 2019, trois semaines avant la révocation, que les membres du comité d'échange ont fait part à M. [C] [O], représentant de la société Pholos Consultants, des griefs qu'ils avaient à son encontre. Contrairement à ce que soutient la société Pholos Consultants, ce procès-verbal ne peut être lu seulement en ce qu'il rend compte de discussions tout à fait classiques entre organes de direction d'une société.

En effet, on peut y lire notamment :

- sur la procédure de mandat ad hoc : 'M. [K] souhaite revenir sur le déclenchement de la procédure de mandat ad hoc qui n'a pas été discuté préalablement en comité contrairement à ce qui avait été demandé par les investisseurs, notamment dans des emails de début août. Bien au contraire, selon la compréhension des investisseurs, la procédure avait déjà été lancée alors qu'ils indiquaient par email et téléphone à M. [C] [O] leur souhait d'échanger préalablement. Pour rappel, le présent comité devait normalement se prononcer sur l'opportunité d'ouvrir un mandat ad hoc.

M. [G] rappelle l'importance de mettre en place un climat de confiance entre les actionnaires et le dirigeant et notamment de faire valider les décisions importantes par le comité d'échange. Les investisseurs veulent être en phase avec leur dirigeant sur les décisions lourdes et graves.

(...)

Les investisseurs rappellent qu'ils ont demandé à plusieurs reprises, sans les obtenir, des chiffres relatifs à la trésorerie des différentes sociétés du groupe afin notamment de mesurer le risque de cessation des paiements' ;

- sur les prévisions de trésorerie du groupe : 'M. [K] précise que les investisseurs souhaitent avoir des chiffres et du reporting et que notamment ils n'ont toujours pas reçu la trésorerie au 31 août 2019. Il indique qu'ils auront besoin d'un atterrissage 2019 et d'un budget 2020 pour envisager remettre de l'argent dans Mediprema Group.

M. [B] ajoute que les quelques éléments chiffrés communiqués par M. [C] [O] ne font jamais apparaître d'embellie. Il rappelle que les investisseurs ont besoin de projections chiffrés des impacts de la stratégie proposée par M. [C] [O], et les coûts y relatifs, afin de comprendre et mesurer ces impacts.

M. [G] précise qu'il est essentiel d'avoir une vision limpide sur la trésorerie dans un contexte de restructuration et d'investissements importants' ;

- sur le projet de changement ERP : 'les investisseurs précisent qu'ils n'ont pas donné leur accord sur ce point' ;

- sur la mision d'IBR confiée au cabinet SOMG : 'les investisseurs ont constaté lors de la conférence téléphonique de lundi 2 septembre dernier que M. [C] [O] a mandaté le cabinet SOMG sans consulter les investisseurs. Ils rappellent qu'ils avaient proposé que la mission soit effectuée par le cabinet CPA et que ce point puisse être discuté en comité'.

A l'évidence, la tonalité du procès-verbal de la réunion du comité d'échange du 5 septembre 2019 où la question de la confiance entre les actionnaires et le dirigeant est au moins sous-jacente si ce n'est évoquée ne permet pas à la société Pholos Consultants de sérieusement soutenir qu'aucun grief n'y transparaissait. Au demeurant, il convient de relever que M. [C] [O] a refusé de signer ce procès-verbal comme il était prévu, au motif que ce compte-rendu était 'clairement déséquilibré et tendancieux comme présentation', de sorte que c'est à raison que les premiers juges ont considéré que M. [C] [O] savait que les investisseurs lui faisaient des reproches quant à sa tendance à écarter le comité d'échange des décisions importantes, d'outrepasser son rôle statutaire et de ne pas fournir au moment opportun les documents demandés par le comité d'échange.

Il ressort encore de ce procès-verbal que la société Pholos Consultants s'est exprimée à de nombreuses reprises et a pu présenter ses observations sur chacun des points évoqués y compris ceux faisant l'objet de reproches.

Le procès-verbal de la réunion du comité d'échange du 26 septembre 2019 mentionne au titre des questions diverses : 'A partir de ce point, les échanges entre les investisseurs et M. [C] [O] portent sur des sujets dont la plupart avaient déjà été évoqués lors du dernier comité d'échange du 5 septembre dernier'. On peut y lire que 'M. [K] indique que les investisseurs sont très dubitatifs sur l'urgence de lancer un mandat ad hoc, alors qu'ils avaient demandé à en parler préalablement. Il paraissait préférable aux investisseurs de faire un IBR pour préparer au mieux les discussions dans le cadre d'un éventuel mandat ad hoc.

M. [G] et M. [K] regrettent l'absence d'informations chiffrées et de reporting envoyés par M. [C] [O], notamment l'absence de trésorerie mensuelle. Ils précisent qu'ils n'ont pas les informations pour prendre des décisions'. Suit la réponse de M. [C] [O] sur ce point.

Le procès verbal relate ensuite : 'M. [G] indique que la situation est très grave et qu'elle inquiète beaucoup les investisseurs et qu'il n'y avait plus de confiance entre les investisseurs et le dirigeant. M. [K] ajoute que la situation s'est aggravée depuis le dernier comité, à la suite du retour de M. [C] [O] sur le projet de procès-verbal de ce comité dans lequel il avait rayé la plupart de ses propos et où le procès-verbal avait été vidé de son contenu'. S'ensuit un échange d'observations entre M. [O] et des membres du comité d'échange, à l'issue duquel il a été proposé de révoquer la société Pholos Consultants de son mandat de président.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé que le procès-verbal du 26 septembre 2019 ne faisait que reprendre les griefs déjà évoqués le 5 septembre et que M. [O] a eu l'occasion d'y répondre puisqu'il était présent aux deux réunions.

Si par essence la décision de révocation ad nutum revêt un caractère brutal, la société Pholos Consultants ne saurait en l'espèce soutenir que celle-ci a eu lieu de manière précipitée, par surprise, sans connaissance des motifs de révocation et sans qu'elle ait pu s'exprimer. A cet égard, le fait que le procès-verbal de la réunion du 26 septembre 2019 n'ait pas été immédiatement transmis à la société Pholos Consultants ne peut permettre à celle-ci d'affirmer qu'il n'y a eu aucun débat et que les membres du comité d'échange chercheraient par là à couvrir a posteriori une décision de révocation prise brutalement, étant observé qu'un tiers en la personne de Me [A] [W] a été invitée à assister à la réunion des membres du comité d'échange.

Quant au caractère vexatoire allégué, il convient de relever qu'à compter de sa révocation -laquelle en l'espèce a pris effet le jour du vote-, un dirigeant n'a plus de fonctions opérationnelles et que sa présence sur les lieux ne se justifie plus pas plus que le maintien de ses accès à la société. Pour autant, la société Mediprema Group indique, sans être démentie, que M. [C] [O] a été autorisé à se rendre sur les sites de [Localité 14] et [Localité 13] pour dire au revoir aux salariés du groupe. Les allégations d'humiliation devant les cadres de la société Mediprema Group le lendemain de la révocation du mandat de président, lorsque M. [O] a été brusquement prié de quitter les lieux, ne sont corroborées par aucune pièce, la société Mediprema Group expliquant pour sa part que M. [O] était entré dans la salle de réunion et avait interrompu les discussions en prenant la parole alors qu'il n'avait pas été convié à cette réunion, de sorte que c'est en toute légitimité qu'il lui avait été demandé de quitter la salle.

En conséquence, la révocation de la société Pholos Consultants de son mandat de président de la société Mediprema Group ne revêt aucun caractère abusif.

La révocation de la société Pholos Consultants de son mandat de membre du comité d'échange a également eu lieu lors de la réunion du comité d'échange du 26 septembre 2019, à la suite de la révocation de la société Pholos Consultants de son mandat de président, en ces termes : 'le comité d'échange rappelle que la société Pholos Consultants disposait, en sa qualité de président de la société, d'un mandat de droit de membre du comité d'échange de la société, constate en tant que de besoin, en conséquence de la révocation objet de la précédente décision, le terme de son mandat de membre du comité d'échange, décide que le terme de ce mandat ne donnera lieu au versement d'aucune indemnité, à quelque titre que ce soit'.

La critique de cette révocation, laquelle n'est que la conséquence de la révocation du mandat de président, ne fait pas l'objet de développement distinct de celui exposé précédemment et sur lequel il vient d'être statué, tant sur la faute alléguée que la nature du préjudice réclamé.

A titre surabondant sur le préjudice, il convient de relever que les dommages-intérêts alloués en cas de révocation abusive ont pour objet de compenser un préjudice distinct de celui résultant de la révocation elle-même et de la perte des fonctions. Or en l'espèce, la société Pholos Consultants fait état à ce titre d'une part de ce qu'elle éprouve des difficultés à retrouver une activité -ce qui ne peut être indemnisé-, d'autre part d'une atteinte à son image et sa réputation, sans produire aucune pièce sur une éventuelle publicité des révocations ou un quelconque dénigrement de la part de la société Mediprema Group et des investisseurs financiers ni développer dans ses

écritures des faits de nature à constituer une atteinte à sa réputation ou à son honneur.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Pholos Consultants de ses demandes de dommages-intérêts et de publication.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges.

La société Pholos Consultants, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à la société Mediprema Group d'une part, aux membres du comité d'échange ensemble d'autre part, la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 4 février 2022 du tribunal de commerce de Tours en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Pholos Consultants aux dépens d'appel,

Condamne la SARL Pholos Consultants à verser à la société Mediprema Group la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Pholos Consultants à verser à la société Alliance Entreprendre, M. [E] [X], M. [M] [B], la société SCR Banque Populaire Developpement, la société CATP Expansion et la société Credit Mutuel Equity SCR, ensemble, la somme totale de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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