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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 10 avril 2025, n° 23/02708

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Keed Boat (SAS)

Défendeur :

Caisse régionale de Crédit Mutuel d'Ile de France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vannier

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Scolan, Me Fedida, Me Menou, SCP RSD Avocats

T. com. Evreux, du 29 juin 2023, n° 2023…

29 juin 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 12 avril 2021, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France a consenti à la SAS Keed Boat une ouverture d'un compte courant professionnel numéroté [XXXXXXXXXX01].

Par acte sous seing privé du 23 septembre 2021, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France a consenti à la SAS Keed Boat un prêt professionnel d'un montant de 960 000 euros remboursable en 118 mensualités de 9.184,95 euros, outre 2 mois de franchise, moyennant un taux d'intérêts contractuel de 2,5% l'an et M. [B] [T] s'est porté caution solidaire de la dette.

Au 15 mars 2023, le compte courant professionnel a présenté un solde débiteur de 253,49 euros.

Le contrat de crédit n'a plus été remboursé depuis l'échéance du mois d'août 2022.

Par courrier recommandé du 17 octobre 2022, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France a mis en demeure la SAS Keed Boat de régulariser sa situation sous peine de résiliation du contrat de crédit.

La résiliation du contrat de prêt a été prononcée par lettre recommandée du 23 novembre 2022 et la caution en a été également avisée.

Par acte d'huissier du 10 mai 2023 signifié en l'étude du commissaire de justice instrumentaire, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France a fait assigner la SAS Keed Boat en paiement de 253,49 euros au titre du solde débiteur du compte bancaire et de 933.173,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 2,5% à compter du 17 octobre 2022.

Par jugement réputé contradictoire du 29 juin 2023, le tribunal de commerce d'Evreux a :

- déclaré recevable et bien fondée la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France en ses demandes,

- condamné la SAS Keed Boat à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de deux cent cinquante-trois euros quarante-neuf centimes (253,49 euros) au titre du compte courant débiteur,

- condamné la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de neuf cent trente-trois mille cent soixante-treize euros quatre-vingt-six centimes (933.173,86 euros) au titre du prêt personnel, somme assortie des intérêts au taux contractuel de 2.5% l'an à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022,

- condamné la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile),

- condamné la SAS Keed Boat au paiement du montant des entiers dépens lesquels comprendront les frais de greffe d'un montant de 60,22 euros.

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

La société Keed Boat a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er août 2023.

Par conclusions du 31 octobre 2023, la société Keed Boat demande à la cour de :

- recevoir la société Keed Boat en son appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce d'Évreux du 29 juin 2023, dire cet appel bien fondé en ses demandes, et y faire droit ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré recevable et bien-fondée la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France en ses demandes,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la « SAS Keed Boat » à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de deux cent cinquante-trois euros quarante-neuf centimes (253,49 euros) au titre du compte-courant débiteur,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la « SAS Keed Boat » à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de neuf cent trente-trois mille cent soixante-treize euros quatre-vingt-six centimes (933.173,86 euros au titre du prêt personnel somme assortie des intérêts au taux contractuel de 2,5% l'an à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la « SAS Keed Boat » à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la « SAS Keed Boat » au paiement du montant des entiers dépens lesquels comprendront les frais de greffe d'un montant de 60,22 euros,

Et, statuant à nouveau,

- prononcer la nullité de l'assignation délivrée par la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France à la société Keed Boat le 10 mai 2023 faute pour celle-ci de s'être conformée aux prescriptions de l'article 855 du code de procédure civile,

- débouter la société Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France en toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner la société Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France à payer à la société Keed Boat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France aux entiers dépens de première instance et d'appel que la SELARL Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux-là concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 11 janvier 2024, la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France demande à la cour de :

- déclarer non fondé l'appel interjeté par la SAS Keed Boat,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris, Rectifier les erreurs matérielles affectant le jugement querellé,

En conséquence,

- déclarer recevable et bien fondée la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France en ses demandes,

- condamner la SAS Keed Boat à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de deux cent cinquante-trois euros quarante-neuf centimes (253,49 euros) au titre du compte courant débiteur,

- condamner la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de neuf cent trente-trois mille cent soixante-treize euros quatre-vingt-six centimes (933 173,86 euros) au titre du prêt personnel, somme assortie des intérêts au taux contractuel de 2,5% l'an à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022,

- condamner la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SAS Keed Boat au paiement du montant des entiers dépens de première instance lesquels comprendront les frais de greffe d'un montant de 60,22 euros,

Y rajoutant,

- condamner la SAS Keed Boat au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP RSD Avocats.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2024. L'affaire a été plaidée le 10 avril 2024 et mise en délibéré au 13 juin 2024.

Le 23 mai 2024, la cour a adressé aux parties la demande suivante :

« La Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France soutient avoir remis une somme de 960 000 euros à la SAS Keed Boat au titre d'un prêt ce que cette dernière conteste. Les divers relevés de compte versés aux débats au nom de la SAS Keed Boat ne comportent aucune indication de ce que la somme de 960 000 euros a été versée sur un compte bancaire ouvert à son nom.

Le relevé de compte au nom de la société Balinex (produit par la SAS Keed Boat) ne mentionne pas plus qu'une somme de 960 000 euros a été versée sur le compte de cette dernière.

Bien vouloir justifier de l'écriture comptable par laquelle la somme de 960 000 euros a été virée sur le compte de la SAS Keed Boat ou celle par laquelle cette somme a été virée sur le compte de la société Balinex. Dans cette dernière hypothèse, bien vouloir justifier de l'ordre de virement donnée par la SAS Keed Boat qui aurait ordonné au prêteur de verser la somme de 960 000 euros sur le compte de la société Balinex. »

Le conseil de la banque a répondu par note du 29 mai 2024 et a produit onze nouvelles pièces.

La SAS Keed Boat n'a émis aucune observation.

Par arrêt contradictoire du 13 juin 2024, la cour a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation qui a été délivrée le 10 mai 2023 soulevée par la SAS Keed Boat ;

Avant dire droit :

- ordonné la réouverture des débats et révoqué l'ordonnance de clôture du 9 avril 2024 ;

- renvoyé l'affaire à la conférence de mise en état du 10 septembre 2024.

Le Crédit Mutuel a conclu le 9 septembre 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Les demandes de la société Keed Boat ont été rappelées plus haut.

Vu ses conclusions du 31 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses prétentions et moyens.

Vu les conclusions du 9 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France qui demande à la cour de :

- déclarer non fondé l'appel interjeté par la SAS Keed Boat,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris,

- rectifier les erreurs matérielles affectant le jugement querellé,

En conséquence,

- déclarer recevable et bien fondée la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France en ses demandes,

- condamner la SAS Keed Boat à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de deux cent cinquante-trois euros quarante-neuf centimes (253,49 euros) au titre du compte courant débiteur,

- condamner la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de neuf cent trente-trois mille cent soixante-treize euros quatre-vingt-six centimes (933 173,86 euros) au titre du prêt personnel, somme assortie des intérêts au taux contractuel de 2,5% l'an à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022,

- condamner la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SAS Keed Boat au paiement du montant des entiers dépens de première instance lesquels comprendront les frais de greffe d'un montant de 60,22 euros,

Y rajoutant,

- condamner la SAS Keed Boat au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP RSD Avocats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l'assignation

Par arrêt du 13 juin 2024, la cour d'appel de Rouen a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'appelante de sorte qu'il n'y a pas lieu pour la cour de statuer à nouveau sur cette demande.

Sur le compte courant ouvert dans les livres du Crédit Mutuel

La société Keed Boat sollicite l'infirmation de la disposition du jugement qui la condamne à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de deux cent cinquante-trois euros quarante-neuf centimes (253,49 euros) au titre du compte courant débiteur.

Si elle sollicite le débouté de la banque de toutes ses demandes et donc de celle présentée au titre du compte courant débiteur, elle ne développe aucun moyen à cette fin de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le contrat de prêt du 23 septembre 2021

La SAS Keed Boat soutient que :

* il appartient à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France de démontrer que les fonds lui ont été remis ;

* les fonds n'ont jamais été remis au crédit du compte de la SAS Keed Boat mais à une société Balinex qui est la présidente de la SAS Keed Boat ;

* faute de remise de fonds, la SAS Keed Boat n'est pas débitrice de leur restitution.

Le Crédit Mutuel réplique que :

* la société Balinex a sollicité du Crédit Mutuel au mois de mars 2021 la mise en place d'un prêt professionnel pour l'achat d'un bateau ; M. [T], président de ladite a présenté un bon de commande du 4 novembre 2020 pour l'achat d'un yacht d'occasion, pour un prix net de 960 000 euros ;

* le Crédit Mutuel a accordé le 15 avril 2021 à la société Balinex, un prêt professionnel de 960 000 euros dont l'objet était le financement du bateau avec notamment pour garantie une hypothèque maritime de premier rang sur le yacht financé et dont le constituant était la société Balinex ;

* le 16 avril 2021, le prêt a été débloqué et les fonds ont été versés sur le compte courant de la société Balinex et cette dernière a, le même jour, procédé à l'achat du bateau ;

* le Crédit Mutuel a constaté, en obtenant auprès du vendeur l'acte de vente daté du 4 mai 2021 que le propriétaire du navire n'était pas Balinex mais la société Keed Boat de sorte que la garantie hypothécaire ne pouvait donc être constituée, faute pour la société Balinex d'être le propriétaire du bateau ;

* il a été consenti à la SAS Keed Boat, la mise en place le 23 septembre 2021, d'un prêt professionnel de 960 000 euros, somme débloquée le 11 octobre 2021 pour effectuer le remboursement du prêt souscrit par Balinex ; le prêt du 23 septembre était assorti de deux garanties : la caution solidaire de M. [T] et une hypothèque maritime constituée par la propriétaire du navire la société Keed Boat à hauteur de l'engagement soit 960 000 euros ;

* aucune de ces opérations n'a jamais été contestée antérieurement ;

* le représentant unique des sociétés Balinex et Keed Boat a fait preuve de la plus parfaite mauvaise foi en faisant solliciter par sa société Balinex un contrat de prêt destiné à l'acquisition d'un yacht tout en faisant acquérir par son autre société Keed Boat le yacht escompté, privant par la même le prêteur de toute garantie et sûreté ;

* M. [T] a remis l'ensemble de ses justificatifs de solvabilité et accepté d'être caution solidaire de l'engagement de la société ce qui démontre sa volonté expresse de régulariser la situation créée de son propre fait ;

* la société Keed Boat a versé pendant de nombreux mois le remboursement de l'échéance contractuelle et a donc exécuté le contrat de crédit et elle a consenti une hypothèque maritime sur le yacht, preuve de leur commune volonté ;

* les fichiers Excel versés aux débats par la société Keed Boat ne constituent qu'une simple pièce établie pour les besoins de la cause alors même que nul ne peut se préconstituer de preuve à soi-même.

Réponse de la cour

Si le prêt consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel, il appartient au prêteur qui sollicite l'exécution de l'obligation de restitution de l'emprunteur d'apporter la preuve de l'exécution préalable de son obligation de remise des fonds.

Il a été demandé à la banque le Crédit Mutuel de justifier de l'écriture comptable par laquelle la somme de 960 000 euros a été virée sur le compte de la SAS Keed Boat ou celle par laquelle cette somme a été virée sur le compte de la société Balinex. Dans cette dernière hypothèse, de justifier de l'ordre de virement donné par la SAS Keed Boat qui aurait ordonné au prêteur de verser la somme de 960 000 euros sur le compte de la société Balinex.

La banque a produit 11 nouvelles pièces parmi lesquelles des écritures comptables et elle a conclu alors que la société Keed Boat pour sa part n'a fait aucune observation dans la suite de la note en délibéré et de la production des nouvelles pièces ni conclu dans le cadre de la réouverture des débats.

Il est constant que le contrat de prêt du 23 septembre 2021 liant les parties est référencé 0059820169503 et porte sur un montant de 960 000 euros remboursable en 118 mensualités de 9.184,95 euros.

M. [T] s'est porté caution solidaire de la société Keed Boat à hauteur de la somme de 1.152.000 euros et une hypothèque maritime a été constituée par la propriétaire du navire, la société Keed Boat, à hauteur de l'engagement soit 960 000 euros. Il est précisé dans l'acte que cette hypothèque est consentie au titre du prêt signé le 23 septembre 2021 et portant le n° 0059820169503.

Il ressort du compte intitulé « passage gestion des prêts » interne à la banque que la somme de 960 000 euros a été débloquée le 11 octobre 2021. Il y est précisé la mention « déblocage prêt n° 0059820169503 ». Cette même somme est portée sur le compte libellé « Keed Boat » y étant précisé « Prêt Pro » référencé 0059820169503. Cette écriture comptable mentionne un déblocage du prêt le 11 octobre 2021. Par ailleurs, tant le compte interne à la banque que le compte libellé « Balinex » « Prêt Pro » mentionnent le remboursement anticipé le 11 octobre 2021 à la société Balinex des sommes qui lui avaient été prêtées par le Crédit Mutuel par contrat du 15 avril 2021.

Et il ressort de la pièce 1 versée aux débats par la société Keed Boat intitulée « relevé du compte Keed Boat » qu'elle a remboursé les échéances du prêt querellé soit 9.184,95 euros par mois pendant plusieurs mois.

Il s'ensuit que le Crédit Mutuel démontre par les nouvelles pièces produites consistant en des écritures comptables qui ne sont pas discutées par la société Keed Boat qu'elle a procédé au décaissement de la somme prêtée de 960.000 euros au profit de la société Keed Boat qui en a de surcroît partiellement assuré le remboursement ainsi que dit au paragraphe précédent de sorte que le moyen tiré de l'absence de remise des fonds sera écarté.

Sur la nullité du contrat de prêt

La SAS Keed Boat soutient que :

* les fonds n'ont pas été versés sur son compte ouvert dans les livres de la banque le crédit Mutuel ; deux virements ont été inscrits au crédit du compte de la société Balinex ;

* le contrat de prêt de septembre 2021 mentionne pour objet « remboursement avance en compte courant associé au bénéfice de son associé unique Balinex » ; aucune pièce ne vient attester que le bénéficiaire de la remise des fonds devrait être Balinex, ni même d'une prétendue dette de Keed Boat à l'égard de Balinex ;

* il semblerait qu'un montage ait été mis en place de façon à lui faire supporter un emprunt consenti au profit de Balinex en contrariété avec l'objet social de la société Keed Boat, ce que le Crédit Mutuel ne pouvait ignorer ; ce prêt permet le remboursement d'un flux financier en provenance de Balinex et en abondant ses comptes ; le montage est illicite ;

* le contrat aurait dû être conclu par la société Balinex et non par la société Keed Boat qui du fait de ce montage réalisé en préjudice de ses droits et en dépassement de son objet social doit restituer une somme dont elle n'a jamais reçu aucune remise.

La Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile de France réplique que :

* les statuts constitutifs de la société Keed Boat du 13 avril 2021 rappellent qu'elle a pour objet l'achat vente ou la location de bateaux à moteur à voiles ainsi que la participation à toutes entreprises dont l'activité pourrait se rattacher à l'objet social ;

* la société Balinex a pour objet l'acquisition, la détention, la gestion et la cession de participation dans des sociétés ; elle est une holding ;

* l'objet du contrat de crédit du 23 septembre 2021 prévoit le remboursement d'une avance en compte courant d'associé au bénéfice de son associé unique Balinex ; jusqu'au 4 septembre 2023, Balinex était l'associée unique de la société Keed Boat ;

* la banque n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client ; l'objet du contrat de prêt était licite et légal ;

* si la société Keed Boat prétendait qu'un montage a été mis en place, elle ne pourrait qu'en déduire que ce serait par l'ancien président de la société Keed Boat, également président de Balinex, M [T] qui ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 227-6 alinéas 1 et 2 du code de commerce : '' La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.

Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.''

En développant le moyen tiré de la nullité du contrat de prêt souscrit le 23 septembre 2021, la société Keed Boat tente en réalité d'opposer à la banque les éventuels agissements de l'ancien président de la société Keed Boat, également président de la société Balinex.

L'appelante développe pour l'essentiel une argumentation qui repose sur le fait qu'elle n'a pas perçu les fonds qui ont été versés à la société Balinex.

Or il s'évince de ce qui a été retenu au paragraphe sur le contrat de prêt du 23 septembre 2021, qu'un premier prêt a été consenti en avril 2021 à la société Balinex société holding ayant pour président, M. [T], ladite société étant l'associée unique de la société Keed Boat, afin qu'elle procède à l'acquisition d'un yacht, qu'il est apparu qu'elle n'était pas la propriétaire du navire acquis mais la société Keed Boat dont l'objet social est notamment la cession ou la location de bateaux à moteur ou à voiles de sorte que les parties sont convenues de faire supporter par cette dernière société la charge du prêt n° 0059820169503 de 960 000 euros souscrit le 23 septembre 2021 aux fins de remboursement du compte courant d'associé de la société Balinex détenu auprès de la SAS Keed Boat.

Il a été retenu que les pièces produites par la banque dans le cadre de la réouverture des débats démontrent que le Crédit Mutuel a procédé au décaissement de la somme de 960.000 euros au profit de la société Keed Boat et que le 11 octobre 2021 la société Balinex a été remboursée des sommes qui lui avaient été prêtées par le Crédit Mutuel par contrat du 15 avril 2021.

Tout associé d'une société pouvant toujours réclamer le remboursement de son compte courant d'associé et la société Balinex ayant été l'associée unique de la société Keed Boat, la banque pouvait dès lors consentir à la société Keed Boat un prêt pour lui permettre de verser à son associé unique, la société Balinex, les sommes avancées en compte courant.

Il s'ensuit que le moyen qui soutient la nullité du contrat de prêt du 23 septembre 2021 sera écarté.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la rectification de l'erreur matérielle

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile : '' les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.(...).''

La Caisse de Crédit Mutuel a assigné la société Keed Boat, immatriculée au RCS d'Evreux sous le numéro 898 229 828, mais dans son dispositif, elle a demandé à voir condamner la SAS Keep Boat.

Le tribunal de commerce d'Evreux a repris cette erreur matérielle en condamnant la société Keep Boat au lieu de la société Keed Boat.

L'appelante s'est constituée devant la présente cour en se nommant société Keed Boat ce qui est correspond à sa véritable dénomination de sorte qu'il convient de réparer l'erreur matérielle contenue dans le dispositif du jugement du tribunal de commerce du 29 juin 2023.

Sur les mesures accessoires

La société Keed Boat, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et un droit de recouvrement direct sera accordé à la SCP RSD Avocats.

Il est équitable de condamner l'appelante à payer au Crédit Mutuel la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. En revanche, la société Keed Boat sera déboutée de sa demande pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions en le rectifiant quant à l'erreur matérielle affectant la dénomination de la société appelante,

En conséquence, et reprenant le dispositif du jugement de première instance,

Condamne la SAS Keed Boat à payer à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de deux cent cinquante-trois euros quarante-neuf centimes (253,49 euros) au titre du compte courant débiteur,

Condamne la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de neuf cent trente-trois mille cent soixante-treize euros quatre-vingt-six centimes (933.173,86 euros) au titre du prêt personnel, somme assortie des intérêts au taux contractuel de 2,5% l'an à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022,

Condamne la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance,

Condamne la SAS Keed Boat au paiement du montant des entiers dépens de première instance lesquels comprendront les frais de greffe d'un montant de 60,22 euros.

Y ajoutant,

Condamne la SAS Keed Boat aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct accordé à la SCP RSD Avocats,

Condamne la SAS Keed Boat à payer à la SACCV Caisse Régionale de Crédit Mutuel d'Ile De France la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Keed Boat de sa demande présentée sur ce même fondement.

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