Livv
Décisions

CA Rennes, 4e ch., 10 avril 2025, n° 23/07160

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Edificandi (SAS)

Défendeur :

Sols Industriels Du Poitou (SAS), Allianz IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Desalbres

Conseillers :

Mme Malardel, M. Belloir

Avocats :

Me Ranchere, Me Guillard, Me Abras, Me Salliou

TJ Rennes, du 13 févr. 2025, n° J2022000…

13 février 2025

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Dans le cadre d'une opération de construction d'un bâtiment d'activités et de stockage situé [Adresse 2] à Saint-Herblain par la SCI Nantes Ouestt, la société Edificandi, contractant général, a sous-traité le 18 novembre 2019 à la société Sols Industriels du Poitou (SIP), assurée auprès de la société Allianz Iard, le lot n°17 dallage pour un montant de 140 020,25 euros HT.

Les travaux de dallage sur le rez-de-chaussée et les trois niveaux supérieurs ont débuté le 11 mai 2020 et se sont achevés le 2 juillet 2020.

En cours de travaux à compter de juin 2020, la société Edificandi s'est plainte de l'apparition de zones de dallage faïencées et de projections de béton sur les panneaux de façades puis de l'absence de pente du dallage sur la périphérie du bâtiment.

Par courrier recommandé du 10 juillet 2020, la société Edificandi a mis en demeure la société SIP de justifier de la quantité de quartz utilisée et de transmettre une méthodologie de reprise de la pente du dallage, laquelle a répondu à ces demandes dans un mail du 15 juillet 2020.

La société SIP a adressé à la société Edificandi la facture datée du 15 juillet 2020 et réitéré sa demande de paiement suivant courrier recommandé du 3 août 2020.

Par courrier du 3 septembre 2020, la société Edificandi a notifié à la société SIP la résolution du contrat de sous-traitante en l'absence de reprise des désordres suite à sa mise en demeure du 21 août 2020.

Le 9 novembre 2020, la société SIP a mis en demeure la société Edificandi de lui régler la facture du 15 juillet 2020.

Par exploit du 16 février 2021, la société SIP a fait assigner la société Edificandi devant le tribunal de commerce de Nantes en paiement de la facture litigieuse.

Par acte du 8 septembre 2021, la société Edificandi a fait assigner en intervention forcée la société Allianz Iard, assureur de la société SIP.

Par un jugement en date du 13 novembre 2023, le tribunal de commerce de Nantes a :

- débouté la société Edificandi de sa demande de faire payer, à la société Sols Industriels du Poitou et Allianz Iard in solidum, la somme de 207 869 euros de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise qu'elle a dû réaliser,

- condamné la société Edificandi à payer à la société SIP la somme de 140 020,25 euros correspondant au lot dallage attribué à SIP, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- condamné la SIP a payer à Edificandi la somme de 18 600 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation en réparation des travaux de reprise des pentes non-conformes,

- condamné la SIP à payer à Edificandi la somme de 4 238, 71 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation en réparation des salissures occasionnées sur les bardages,

- jugé que les sommes dues par SIP à Edificandi viendront en compensation partielle ainsi la somme due par Edificandi à SIP sera de 117 181, 54 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- jugé que les garanties A et B ne sont pas mobilisables et débouté Edificandi et SIP de leurs demandes à 1'encontre d'Allianz Iard,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné Edificandi à payer à SIP la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné la société Edificandi en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à 190,03 euros toutes taxes comprises.

La société Edificandi a interjeté appel de cette décision le 20 décembre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions du 28 janvier 2025, la société Edificandi demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande de faire payer, à la Société Sol Industriels du Poitou et Allianz Iard in solidum, la somme de 207 869 euros de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise qu'elle a dû réaliser,

- l'a condamnée à payer à la société SIP la somme de 140 020,25 euros, correspondant au lot dallage attribué à SIP, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- a jugé que les sommes que la société SIP lui doit viendront en compensation partielle, ainsi la somme qu'elle doit à SIP sera de 117 181,54 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- a jugé que les garanties A et B ne sont pas mobilisables et l'a déboutée ainsi que SIP de leurs demandes à l'encontre de la société Allianz Iard,

- a débouté les parties de leurs autres demandes,

- l'a condamnée payer à SIP la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à 190,03 euros toutes taxes comprises,

Confirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

- débouter les Sociétés Sols Industriels du Poitou et Allianz de toutes leurs demandes,

- en tant que de besoin, condamner la société SIP à lui restituer la somme de 124 808,08 euros,

- condamner in solidum la Société Allianz Iard et la Société Sols Industriels du Poitou à lui payer la somme de 207 869 euros de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise qu'elle a dû réaliser,

- dire qu'il sera déduit de ce montant la somme de 140 020,25 euros correspondant au prix du marché du lot dallage,

- condamner en définitive in solidum la société Allianz Iard et la Société Sols Industriels du Poitou à lui payer la somme de 67 708,75 euros, après restitution des sommes indûment versées au titre de l'exécution provisoire de première instance, le montant restant dû par la société Sols Industriels du Poitou s'élèvera à 44 908,75 euros,

- condamner in solidum la société Allianz Iard et la Société Sols Industriels du Poitou à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, outre 3 500 euros au titre de l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Dans ses dernières écritures du 11 juin 2024, la société Allianz Iard demande à la cour de :

- débouter la société Edificandi de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre en qualité d'assureur de la société Sol Industriels du Poitou et de son appel,

- débouter la société Sol Industriels du Poitou de son appel incident,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées à son encontre estimant que les garanties du contrat souscrit n'étaient pas mobilisables,

A titre subsidiaire, juger qu'elle n'interviendrait que dans les limites de la police souscrite sous déduction des franchises contractuelles stipulées aux conditions particulières de la police opposables s'agissant de garantie facultative soit 10 % du montant du sinistre avec un minimum de 2 400 euros et un maximum de 9 600 euros,

- condamner la société Edificandi au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions du 3 janvier 2025, la société Sol Industriels du Poitou demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il :

- a débouté la société Edificandi de sa demande de condamnation à son encontre à lui payer 207 869 euros à titre de travaux de reprise du lot dallage,

- a condamné la société Edificandi à lui payer la somme de 140 020,25 euros correspondant au prix du marché de travaux selon facture impayée FA0000693 du 15 juillet 2020,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- a fixé le point de départ des intérêts de sa créance de prix de travaux au jour de l'assignation,

- l'a condamnée à payer à la société Edificandi la somme de 18 600 euros TTC en réparation des travaux de reprise des pentes non conformes et 4 238, 71 euros TTC en réparation des salissures du bardage,

- l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Edificandi à l'indemniser du trouble dans les conditions de fonctionnement qu'elle a subi du fait de l'exécution déloyale et la rupture abusive du contrat de marché de travaux,

- a jugé que la garantie d'Allianz n'était pas mobilisable,

Et statuant à nouveau :

- condamner la société Edificandi à payer la somme de 140 020,25 euros à ce titre, selon facture de travaux impayée FA0000693 du 15 juillet 2020, avec intérêts à compter du 09 novembre 2020, date de réception de la mise en demeure,

- ordonner la capitalisation des intérêts dus par année entière,

- dire que la société Edificandi a exécuté le contrat de marché de travaux de manière déloyale, à son préjudice,

- dire que la société Edificandi l'a également rompu de manière abusive,

- condamner la société Edificandi en conséquence à lui payer 20 000 euros de dommages et intérêts à titre d'indemnisation du trouble dans les conditions de fonctionnement en résultant,

En tout état de cause,

- débouter la société Edificandi de toutes demandes fins et conclusions,

Subsidiairement et si par extraordinaire la cour jugeait qu'elle avait engagé sa responsabilité,

- réduire dans une plus juste proportion les indemnités allouées, considérant la surévaluation manifeste des indemnités sollicitées,

- condamner Allianz Iard à la garantir et la relever indemne de toute condamnation mise à sa charge en exécution des garanties d'assurance souscrites par elle,

- débouter Allianz Iard de toutes demandes fins et conclusions,

- condamner la société Edificandi à lui payer 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce inclus les frais de constats d'huissiers réalisés les 13 septembre 2020 et 06 novembre 2020.

MOTIFS

À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile applicable à l'espèce, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Elle examinera ainsi dans sa motivation les « dire» figurant au dispositif des conclusions de la société SIP qui constituent des moyens, mais n'y répondra pas dans son dispositif.

I. Sur la réception

La société SIP fait plaider que la société Edificandi a réceptionné ses travaux à leur achèvement puisqu'elle a donné l'ordre de poser des cloisons en placoplâtre sur les dallages qu'elle a construits.

La société Edificandi conteste l'existence d'une réception des travaux qu'elle a critiqués en cours de chantier.

Il convient de rappeler que les travaux en sous-traitance ne sont pas soumis à la réception prévue à l'article 1792-6 du code civil, seul le maître de l'ouvrage acceptant l'ouvrage. Toutefois, comme en l'espèce à l'article 14 du sous-traité, la réception des travaux peut être prévue par des dispositions contractuelles particulières. Il n'est toutefois pas contesté qu'aucune convocation à réception n'a été délivré ni de procès-verbal de réception des travaux de la société SIP signé.

Par ailleurs, les comptes-rendus de chantier produits démontrent que la société Edificandi a critiqué les travaux de son sous-traitant avant même leur achèvement et il est constant qu'elle n'a pas réglé le montant prévu au sous-traité. Ainsi aucune des conditions de l'existence d'une réception n'est caractérisée. La circonstance que des cloisons ont été posées sur le dallage ne peut en aucun cas s'apparenter à une réception. La société SIP est donc tenue envers son donneur d'ordre, la société Edificandi, d'une obligation de résultat.

II. Sur les désordres

A. Sur le décollement et faïençage de la couche d'usure du quartz

1.Sur la matérialité et l'imputabilité du désordre

L'appelante fait valoir que le rez-de-chaussée et les trois étages sont affectés par la délamination de la couche d'usure après apparition de fissures, ce phénomène représentant 20% de la surface totale du bâtiment. Elle ajoute que ce désordre a été reconnu dès le mois de juin 2020 par l'entrepreneur et fait grief au tribunal de n'avoir pas fait droit à sa demande d'indemnisation.

La société SIP réplique que les désordres ne lui sont pas imputables, sont sans lien avec son intervention, que des contrôles ont été réalisés à chaque étape et que son lot a fait l'objet d'une surveillance particulière en raison de la fragilité et de la flexibilité anormale des bacs aciers servant de coffrage. Elle conclut que les désordres trouvent leur cause dans des fautes du donneur d'ordre ou d'événements qui présentent les caractères de la force majeure.

Ainsi qu'il a été vu, le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat. Sa responsabilité est engagée dès lors que les travaux commandés ne sont pas correctement exécutés sans qu'il ne soit besoin de prouver une faute précise à son encontre. Cette obligation emporte présomption de faute et de causalité (3e Civ., 5 juin 2012, n°11-16.104) dont le sous-traitant ne peut s'exonérer qu'en prouvant une cause étrangère ou une faute du donneur d'ordre.

Contrairement à ce que soutient la société SIP, la faute du donneur d'ordre est partiellement ou intégralement exonératrice de responsabilité, bien qu'elle ne soit pas constitutive d'une force majeure.

En l'espèce, les désordres sur le dallage ont été dénoncés par la société Edificandi notamment dans les comptes-rendus de chantier des 23 juillet et 6 août 2020.La société SIP a reconnu sans équivoque dans son courrier non daté (pièce12 Edificandi) la matérialité des désordres par ces termes 'nous sommes conscients des désordres de faïençages et décollement du quartz sur l'ensemble du chantier mis à part le rez-de-chaussée' et a proposé de faire un polissage des planchers. Les désordres concernent donc les travaux qu'elle a réalisés. Si ainsi que le sous-traitant l'allègue, son donneur aurait pu ne pas relever l'apparition d'un faïençage ponctuel, il est mal fondé à soutenir qu'il a accepté le décollement de la couche d'usure laissant apparaitre le béton et formant des trous.

Pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité, la société SIP soutient que les décollements de la couche d'usure proviennent d'une souplesse excessive de la charpente due à une conception défectueuse de l'ossature de l'ouvrage.

Il résulte du rapport du contrôleur technique Véritas le constat le 7 août 2020 de déformations des bacs collaborants avec une flèche limite dépassée entrainant une demande à l'entreprise de charpente métallique d'un renfort de plancher à mettre en place. Il n'est mentionné par aucune pièce produite par la société SIP un lien de causalité avec les désordres de la couche d'usure et la déformation des bacs aciers. Au contraire, la délamination est également constatée en rez-de-chaussée, invalidant de plus fort, la causalité alléguée par la société SIP.

Par ailleurs, ainsi que le rappelle la société Edificandi, le contrat de sous-traitance impose la réception du support, en sorte que la société SIP ne peut se prévaloir de désordres des bacs qu'elle a elle-même contribué à reprendre à 50% avec le charpentier.

S'agissant de la présence d'engins photographiés en périphérie de l'immeuble avant le séchage complet du dallage qui selon la société SIP aurait fragilisé le dallage, il n'est pas crédible que ce soit la cause des désordres constatés sur trois étages outre le rez-de-chaussée, aucune machine n'ayant été vu roulant au troisième étage où la délamination est la plus importante sans compter qu'il incombait à la société SIP de protéger l'accès au dallage le temps du séchage.

En revanche, il résulte du rapport de contrôle du test à la chaîne (pièce 19 Edificandi) à l'aide d'une chaîne de 4 mètres que la société Qualidad missionnée à cet effet par l'appelante a détecté de nombreuses zones sonnant creux qu'elle a localisées sur les plans de repérage. Elle a indiqué, sans être contestée par la société SIP qui reprend ce pourcentage à son compte, que 20% du dallage est affecté.

Elle expose que ce phénomène de délamination de la couche d'usure peut avoir plusieurs causes, mais qu'il se produit toujours sur les dallages industriels finis à l'aide d'une truelle mécanique (hélicoptère) utilisée en l'espèce et jamais sur les dallages lissés à la main. Elle mentionne notamment la mauvaise habitude d'ajouter de l'eau en surface pour réanimer un béton qui se durcit au point de rendre la finition difficile ou impossible. Elle précise d'ailleurs que le résultat final est assez caractéristique et l'échec est facile à identifier.

Elle indique également que les conditions chaudes ou au contraire froides et humides peuvent causer des difficultés en particulier pour le polisseur.

Elle conclut avoir constaté sur site que certaines zones ont été travaillées avec du rajout d'eau lors de la finition essentiellement devant les bouches d'aération, ajoutant que ces bouches n'étaient fort probablement pas abstruées lors du coulage, provoquant un courant rasant asséchant le béton en surface, que les raccords de béton montrent également la difficulté en phase de finition sur ces zones (page 36).

Il s'infère de ce qui précède que les seules causes connues de délamination de la couche d'usure sont inhérentes à la mise en 'uvre du dallage et des finitions.

La société SIP échoue ainsi à renverser la présomption de responsabilité.

S'agissant de la faute du donneur d'ordre, la société SIP soutient que la société Edificandi n'a pas respecté le temps de séchage et que gérant l'organisation des travaux, elle est responsable de la circulation d'air excessive du bâtiment industriel de très grande taille ouvert pendant le temps de séchage du béton.

Or, spécialiste du dallage industriel sur de grandes surfaces, la gestion des conditions de coulage et de séchage lui incombait. Elle est donc seule responsable des désordres du dallage sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

2. Sur la garantie d'Allianz Iard

a) sur la garantie A

La société Edificandi demande la condamnation in solidum de la société Allianz Iard avec son assurée. Elle fait valoir que l'attestation d'assurance délivrée par l'assureur ne fait pas état des limitations et exclusions de garantie et ne mentionne pas que la garantie A est limitée à des dommages résultant d'un événement soudain et fortuit, en sorte qu'elle doit sa garantie.

La société SIP soutient également que la garantie A avant réception s'applique, ce que conteste la société Allianz qui souligne que ne sont garantis que les dommages survenus de façon fortuite et soudaine, ce qui ne concerne pas les vices de construction.

L'article 2 des conditions générales relatives aux dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur chantier avant réception (garantie A) stipule que l'assureur garantit dès lors que les dommages résultent d'un événement fortuit et soudain le remboursement du coût des réparations en cas de dommages matériels :

'- à l'ouvrage objet de votre marché et non réceptionné par le maître de l'ouvrage,

-à l'ouvrage provisoire prévu à ce marché ou nécessaire à son exécution.'

La garantie s'applique également en cas de menace grave et imminente d'effondrement.

Il s'ensuit que la garantie A est une assurance de choses et non de responsabilité et porte sur le dommage affectant le bien assuré et non sur la responsabilité du constructeur quant à sa responsabilité avant réception. Par ailleurs le caractère soudain et fortuit du dommage relève des conditions de garantie et non de causes d'exclusion.

En l'espèce, les dommages ne concernent pas, ainsi que le soutient justement l'assureur, aucun événement fortuit et soudain, même s'agissant de la projection de béton qui résulte d'une insuffisance de précaution et de protection du bardage.

S'agissant de l'attestation d'assurance, il est précisé qu'a été souscrite dans le cadre des garanties en cas de dommages causés à l'ouvrage une garantie des dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur le chantier avant réception. Il est donc manifeste qu'il s'agit d'une garantie de choses.

Par ailleurs, l'imprécision de l'attestation ne peut être invoquée que par le maître d'ouvrage que n'est pas la société Edificandi, contractant général, mais la SCI Nantes Ouestt (3e Civ., 25 février 2009, n° 08-11.249). De plus, l'assureur de responsabilité civile de l'entrepreneur n'est pas légalement tenu de mentionner dans l'attestation d'assurance les exclusions contenues dans la police d'assurance, et il est fondé à opposer aux tiers les clauses d'exclusion ou de limitation de garantie opposables à l'assuré, même si elles ne sont pas reproduites sur l'attestation d'assurance délivrée à ce dernier (3e Civ., 17 octobre 2019, n°18-17.058 ; 3e Civ., 13 février 2020, n° 19-11.272). En conséquence, l'assureur n'engage pas sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Edificandi.

b) sur la garantie B

La garantie B concerne la responsabilité civile de l'entreprise. La police mentionne que sont garanties les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui, y compris les clients, par la société ou ses sous-traitants. Il est précisé que la garantie de ces dommages s'applique quelle que soit la nature de la responsabilité civile engagée et pour toutes les causes et tous les événements sous réserve des cas expressément écartés au §3.4., lequel vise les dommages (ou les indemnités compensant ces dommages) aux ouvrages que vous avez exécutés ou donnés en sous-traitante, ainsi que les dommages immatériels qui leurs sont consécutifs.

En premier lieu, les dommages matériels sont définis comme toute détérioration ou destruction d'une chose ou d'une substance, toute atteinte physique à des animaux et pour la garantie B la disparition d'une chose ou substance. Il s'ensuit que les désordres pour lesquels la responsabilité de la société SIP a été retenue ne constituent pas des dommages matériels au sens de cette définition.

En second lieu, la clause excluant les travaux de l'assuré est claire et limitée et ne prive pas le contrat d'assurance de son objet puisque sont garanties les dégradations et la disparition des biens et choses assurés.

En troisième lieu, la clause est écrite en caractère gras et dans un corps plus gros que le paragraphe des garanties et donc en termes très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré contrairement à ce que fait plaider la société SIP.

Enfin, s'agissant de l'attestation d'assurance, ainsi qu'il a été dit pour la garantie A, la société Allianz Iard est fondée à opposer aux tiers les clauses d'exclusion ou de limitation de garantie opposables à l'assuré même si elles ne figurent pas sur l'attestation. L'assureur n'engage donc pas sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Edificandi.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les garanties de la société Allianz Iard n'étaient pas mobilisables.

3. Sur l'indemnisation du préjudice

C'est à juste titre que la société SIP fait valoir qu'il n'est pas justifié de la nécessité de reprendre l'intégralité du dallage. En effet, s'il n'est pas contesté que le niveau trois est particulièrement affecté par les désordres, les autres niveaux sont beaucoup moins impactés. Les 20% de zones décollées sont donc majoritairement situées au dernier étage.

Dès lors, la société SIP ne sera condamnée à payer à la société Edificandi que la moitié de la somme réclamée soit 90 190 euros HT ainsi que les frais d'expertise de 3549 euros HT, soit un total de 93 739 euros HT.

B. Sur le bardage

La société SIP conteste que les salissures du bardage lui soient imputables. Elle considère qu'il n'est pas même démontré qu'il s'agisse de traces de béton et sollicite en conséquence la réformation du jugement qui l'a condamnée à indemniser la société Edificandi. Cette dernière demande confirmation du jugement.

Le sous-traitant est mal fondé à contester la matérialité du désordre alors que l'appelant a produit deux constats d'huissier des 4 et 11 septembre 2020 aux termes desquels, M. [C] le gérant de la SIP, a indiqué que les traces en partie basse sont dues au fait que le béton a dû être coulé après que le bardage ait été installé sur le bâtiment, engendrant des projections inévitables.

Tenue d'une obligation de résultat, les dommages causés à aux travaux réalisés dans le cadre de la construction lui sont imputables. En effet, l'absence de dommages aux avoisinants est un des résultat auquel s'oblige le sous-traitant et il n'a pas respecté son obligation de nettoyage qui figure à son contrat.

En revanche, la société SIP est bien fondée à contester le coût des travaux réparatoires qui prennent en compte le nettoyage de traces de scotch, dont il n'est pas justifié de liens avec ses travaux ainsi que le masticage des enfoncements avant peinture dont il n'est pas prouvé l'origine.

La société SIP sera ainsi condamnée à payer la somme de 3 000 euros à la société Edificandi par voie d'infirmation.

C. Sur la non-conformité des pentes aux plans

La société SIP soutient qu'il est démontré une pente moyenne de 3cms sur un mètre sur les sols en périphérie extérieure, ce qui démontre l'absence de désordre. Elle estime que la mesure du commissaire de justice saisi par la société Edificandi est approximative, qu'il faut une règle d'au moins deux mètres pour constater une pente au sol qui ne peut être mesurée précisément qu'avec un télémètre laser.

L'appelante fait valoir que la pente du rez-de-chaussée n'est pas conforme aux cotes des plans qui prévoient une pente de 3% sur 3,96m autour du bâtiment et une pente de 5cm sur deux mètres qui s'étend sur un mètre à l'intérieur du bâtiment puis sur un mètre en débord du bâtiment, que cette non-conformité a été dénoncée en cours de chantier et reconnue par l'entrepreneur qui a indiqué qu'il allait y remédier sans pourtant donner suite.

Les mesures des pentes figurant au constat d'huissier du 11 septembre 2020 sont limitées au droit des portes, sont peu compréhensibles et localisables et ne sont pas corroborées par d'autres pièces. L'accord donné par la société SIP de procéder à un ponçage au droit des portes ne vaut pas reconnaissance de l'absence de pente en périphérie de l'ensemble du bâtiment. Au contraire, la société verse aux débats un constat d'huissier (sa pièce 10) qui conclut à la position contraire du premier.

Les constats d'huissier contradictoires et l'absence de mesures claires des taux de pente ne permettent pas de retenir la matérialité du désordre. La société Edificandi est déboutée de sa demande d'indemnisation. Le jugement est infirmé.

III. Sur la résolution du contrat

Selon l'article 1224 du code civil 'la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice'.

Eu égard à l'ensemble des désordres relevés, la société SIP a commis des manquements graves qui ont justifié l'application de la clause résolutoire le 3 septembre 2020.

Selon l'article 1229 du code civil, la résolution met fin au contrat.

La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

En l'espèce, les travaux ayant trouvé une utilité, la résolution doit être qualifiée de résiliation. Compte tenu de la demande de reprise des travaux, ceux-ci doivent être réglés puisqu'en ajoutant les sommes non réglées au coût des travaux de reprise, le préjudice est réparé deux fois et viole le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Edificandi à payer à la société Sols Industriels du Poitou la somme de 140 020, 25 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation.

IV. Sur la demande de dommages et intérêts de la société Sols Industriels du Poitou

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société SIP de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros au titre de l'indemnisation notamment du trouble dans ses conditions de fonctionnement suite à la résolution du contrat et au non-paiement de son marché puisqu'au regard de ces manquements il a été vu que la résolution du contrat était légitime et qu'elle ne pouvait prétendre après compensation au règlement de sommes.

V. Sur les autres demandes

Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de restitution.

Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et des dépens sont infirmées. La société SIP sera condamnée à payer la somme de 1 000 euros à la société Allianz et 5 000 euros à la société Edificandi en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société Edificandi de sa demande de faire payer, à la société Sols Industriels du Poitou et Allianz Iard in solidum, la somme de 207 869 euros de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise qu'elle a dû réaliser,

- condamné la société Edificandi à payer à la société Sols Industriels du Poitou la somme de 140 020, 25 euros correspondant au lot dallage attribué à la société Sols Industriels du Poitou, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- jugé que les garanties A et B ne sont pas mobilisables et débouté les sociétés Edificandi et Sols Industriels du Poitou de leurs demandes à 1'encontre d'Allianz Iard,

- débouté la société Sols Industriels du Poitou de sa demande de dommages et intérêts,

L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déboute la société Edificandi de sa demande d'indemnisation au titre de l'absence de pente en bordure extérieure du bâtiment,

Condamne la société Sols Industriels du Poitou à payer à la société Edificandi la somme de 93 739 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation en réparation des désordres du dallage,

Condamne la société Sols Industriels du Poitou à payer à la société Edificandi la somme de 3 000 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation en réparation des salissures occasionnées sur les bardages,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Sols Industriels du Poitou à payer à la société Edificandi la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Sols Industriels du Poitou à payer à la société Allianz Iard la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Sols Industriels du Poitou aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site