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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 20 mars 2025, n° 24/06819

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Romara (SCI)

Défendeur :

Romara (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Neto

Conseillers :

Mme Mogilka, M. Desgouis

Avocats :

Me Lopez, Me Marchio

TJ Localité 18, du 30 avr. 2024, n° 23/0…

30 avril 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 20 MARS 2025

N° 2025/151

Rôle N° RG 24/06819 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNDBY

[G] [U]

[K] [U]

C/

[N] [L]

[B] [U] divorcée [D]

[X] [D] épouse [E]

[I] [D] épouse [Z]

S.C.I. ROMARA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Nathalie LOPEZ

Me Jean-Luc MARCHIO

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du TJ de [Localité 18] en date du 30 Avril 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01796.

APPELANTS

Monsieur [G] [U],

né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 17]

demeurant [Adresse 14]

représenté par Me Nathalie LOPEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [K] [U],

né le [Date naissance 8] 1983 à [Localité 17]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Nathalie LOPEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [N] [L],

né le [Date naissance 6] 1952 à [Localité 18]

demeurant [Adresse 12]

représenté par Me Jean-Luc MARCHIO, avocat au barreau de NICE

Madame [B] [U] divorcée [D],

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 13] (ALGERIE)

demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Jean-Luc MARCHIO, avocat au barreau de NICE

Madame [X] [D] épouse [E],

née le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 17]

demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Jean-Luc MARCHIO, avocat au barreau de NICE

Madame [I] [D] épouse [Z],

née le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 17]

demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Jean-luc MARCHIO, avocat au barreau de NICE

S.C.I. ROMARA,

dont le siège social est [Adresse 12]

représentée par Me Jean-Luc MARCHIO, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Février 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente rapporteur

Mme Séverine MOGILKA, Conseillère

M. Laurent DESGOUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2025,

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

[V] [U] est décédé le [Date décès 1] 2018 en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [B] [U], et ses deux petits-fils, M. [G] [U] et M. [K] [U], venant en représentation de son fils, [M] [U].

Par jugement en date du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nice a ordonné la cessation de l'indivision successorale et l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession en désignant pour y procéder Me [F] [Y], laquelle a été remplacée par Me [C] [W], par ordonnance en date du 31 mai 2023.

10 parts sociales souscrites au sein de la société civile immobilière (SCI) Romara font partie de l'actif de la succession et appartiennent, depuis le décès de [V] [U], en indivision aux consorts [U].

Cette société, qui est gérée par M. [N] [L], gérant non associé, dispose de 100 parts sociales réparties entre Mme [B] [U] divorcée [D] à hauteur de 10 %, Mme [X] [D] épouse [E] à hauteur de 25 %, Mme [I] [D] épouse [Z] à hauteur de 25 % et les héritiers de [V] [U] à hauteur de 10 %.

Soutenant n'avoir aucune information concernant la société Romara, malgré leur qualité d'associé, MM. [U] ont, par actes de commissaire de justice en date du 29 septembre 2023, fait assigner la société Romara, M. [L], Mme [U] divorcée [D], Mme [D] épouse [E] et Mme [D] épouse [Z] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice aux fins d'obtenir la désignation d'un mandataire ad hoc de la société Romara.

Par ordonnance contradictoire en date du 30 avril 2024, ce magistrat, considérant qu'il n'appartenait pas au juge des référés de nommer un administrateur ad hoc ou provisoire d'une société, a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de désignation d'un administrateur ad hoc de la société Romara et renvoyé les parties à mieux se pourvoir dès qu'elles aviseront devant le juge du fond ;

- débouté les défendeurs de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné solidairement MM. [U] à verser aux défendeurs, pris ensemble, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné MM. [U] aux dépens.

Suivant déclaration transmise au greffe le 29 mai 2024, MM. [U] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises, sauf en ce qu'elle n'a pas fait droit à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sollicitée par la partie adverse.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 2 août 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, ils sollicitent de la cour qu'elle réforme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté leur demande de désignation d'un administrateur ad hoc et les a condamnés aux dépens et à des frais irrépétibles et, statuant à nouveau :

- d'ordonner la désignation d'un premier mandataire judiciaire qu'il plaira à la cour, chargé de représenter Mme [B] [U], d'une part, et MM. [G] et [K] [U], d'autre part, détenteurs de 10 parts sociales en indivision, au sein de la société Romara, avec une mission devant se terminer au jour de la clôture des opérations successorales ;

- d'ordonner la désignation d'une deuxième mandataire judiciaire qu'il plaira à la cour, aux lieu et place de M. [N] [J], gérant, avec une mission devant se terminer au jour de la clôture des opérations successorales, aux fins de :

' Se rendre sur les lieux sis à [Localité 16], au [Adresse 10],

' S'adjoindre tout sapiteur utile à la réalisation de ses missions et notamment un Expert-comptable,

' Se faire remettre l'ensemble de la documentation juridique et comptable de la Société ROMARA depuis le 30 novembre 2006 et plus généralement tous les documents nécessaires au bon accomplissement de ses missions,

' Convoquer les Associés aux fins d'organiser des Assemblées Générales chargées de statuer sur les comptes sociaux depuis l'exercice clos le 31 décembre 2018,

' Convoquer les Associés aux fins d'organiser des Assemblées Générales chargées de statuer sur les conventions réglementées existantes depuis le 30 novembre 2006 entre :

- la SCI ROMARA et Monsieur [N] [L] (contrat de bail),

- la SCI ROMARA et l'Associée [B] [U] (contrat de bail depuis le 1er mars 2023),

- la SCI ROMARA et l'Associée [I] [D] (contrat de bail),

' Établir un rapport reprenant l'ensemble des constructions conformément au rapport d'Expertise [A], dont la SCI ROMARA est propriétaire à CONTES (06.390), au [Adresse 11] et vérifier que l'ensemble des constructions aient obtenu les autorisations administratives nécessaires quant à leur édification, modifications ou extensions,

' Établir un rapport sur les comptes-courants des associées [B] [U], [X] [D] et [I] [D] depuis le 30 novembre 2006 et se prononcer sur la légalité de ces comptes-courants conformément à la Législation en vigueur,

' Déterminer la valeur des parts sociales,

' Vérifier que les déclarations fiscales de la SCI ROMARA, depuis 2006, ont été établies et déposées auprès de l'Administration fiscale compétente, se les faire communiquer et au besoin, les établir, les déposer enfin, déterminer le résultat fiscal revenant à chacun des associés afin que les déclarations fiscales personnelles puissent être établies,

' Vérifier que les bilans de la SCI ROMARA, depuis 2006 ont été établis, se les faire communiquer et au besoin, les établir,

' Établir un rapport sur les revenus locatifs de la SCI ROMARA depuis 2006 à ce jour, en précisant :

- l'identité de l'ensemble des locataires,

- la copie du contrat de bail et/ou d'occupation,

- recueillir les explications du Gérant quant à l'absence de contrat de bail de l'Associée [B] [U] avant le 1er mars 2023,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation de l'Associée [B] [U],

- recueillir les explications du Gérant quant à l'absence de revalorisation de son contrat de bail,

- recueillir les explications du Gérant quant à l'absence de revalorisation du contrat de bail de l'Associée [I] [D],

- recueillir les explications du Gérant quant à la diminution du loyer de son bail,

- recueillir les explications du Gérant quant à la diminution du loyer du bail de l'Associée [I] [D],

- Se faire remettre la copie des 2 chèques tirés sur la SCI ROMARA auprès de LCL, d'un montant de 1.700 euros, le 15 juillet 2021, numéro 2348965 et numéro 2348967.

' Dire qu'en cas de besoin, la mission du mandataire pourra être prolonge par Ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire rendue sur simple requête ;

- de dire que la rémunération et les frais des mandataires ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et seront supportés par les copartageants à proportion de leurs parts dans l'indivision successorale ;

- de condamner les intimés, pris ensemble, à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- de débouter les intimés de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ils fondent leur demande de désignation des deux mandataires judiciaires sur les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile.

Concernant le premier mandataire judiciaire, chargé de représenter les héritiers dans la succession de feu [V] [U], ils se réfèrent à l'article 1844 du code civil et aux statuts de la société Romara qui disposent que les copropriétaires d'une part sociale indivise sont représentées par un mandataire unique, choisi parmi les indivisaires ou en dehors d'eux et, en cas désaccord, un mandataire judiciaire sera désigné en justice à la demande de plus diligent. Ils exposent que leur qualité d'associés de la société Romara leur a toujours été niée depuis le décès de leur grand-père, de sorte qu'ils n'ont jamais été convoqués aux assemblées générales, n'ont pas accès aux documents sociaux de la société, ne décident pas de l'affectation des bénéfices réalisés par la société et ne perçoivent par les fruits des résultats excédentaires. De la même manière, ils ignorent les raisons pour lesquelles le résultat a été déficitaire en 2022 et aimeraient avoir plus de précisions sur le compte 'report à nouveau' sur lequel les bénéfices sont affectés.

En réplique à l'irrecevabilité pour demande nouvelle soulevée par les intimés sur ce point, ils affirment que cette demande n'est que le complément de celle formulée en première instance et qu'elle tend à l'exercice d'un même droit. De plus, ils considèrent que le notaire désigné dans le cadre des opérations de liquidation partage de la succession, par jugement en date du 24 mars 2022, n'a pas le pouvoir de désigner le mandataire sollicité.

Concernant le deuxième mandataire judiciaire, chargé de représenter la société Romara, ils font valoir que la jurisprudence n'exige pas, pour une SCI, de rapporter la preuve d'une impossibilité de fonctionner et/ou d'un péril imminent. Ils relèvent des dysfonctionnements résultant d'assemblées générales irrégulières, d'au moins deux constructions illicites en l'absence de permis de construire, de détournements des comptes-courants d'associés ayant pour conséquence une dévalorisation de leurs parts sociales, de l'absence de déclarations fiscales, de l'absence de bilans et de revenus occultes de la société Romara. De plus, ils indiquent que des dysfonctionnements porte atteinte à leurs droits et qu'une mésentente entre associés suffit à voir désigner un mandataire.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 3 juillet 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, les intimés sollicitent de la cour qu'elle :

- déclare irrecevable la demande nouvelle en cause d'appel de désignation d'un mandataire judiciaire pour représenter les coindivisaires, les consorts [U] ;

- à titre subsidiaire, débouter les appelants de leur demande formée de ce chef ;

- confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamne conjointement et solidairement les appelants à leur verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

- les condamne conjointement et solidairement à leur verser la somme de 5 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Concernant le premier mandataire judiciaire, chargé de représenter les héritiers dans la succession de feu [V] [U], ils exposent qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en appel comme n'ayant rien à voir avec celle présentée en première instance où il s'agissait de voir désigner un administrateur ad hoc de la société. Au surplus, ils font valoir que cette demande est mal fondée dès lors que le mandataire désigné dans le cadre des dispositions de l'article 1844 du code civil a pour unique mission de représenter les co-indivisaires en leur qualité d'associés dans le cadre des décisions collectives de la société et non de réaliser ce qui est demandé dans la mission des appelants.

Concernant le deuxième mandataire judiciaire, chargé de représenter la société, ils estiment que seul le juge commis dans le cadre des opérations de partage est habilité à juger de l'opportunité de désigner un administrateur provisoire et/ou un expert-comptable. En tout état de cause, ils estiment que la demande tendant à la désignation d'un administrateur ad hoc n'est possible que dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises au visa des articles L 611-3 et suivants du code de commerce, ce qui n'est pas le cas de la société Romara qui n'a aucune difficulté financière. En outre, ils affirment que la désignation d'un administrateur provisoire n'est possible qu'en cas de crise grave empêchant le fonctionnement normal d'une société et qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle pour prévenir l'ouverture d'une procédure collective ou la dissolution de la société. Ils soutiennent que la comptabilité de la société est régulièrement tenue par un expert-comptable et que tous les documents demandés par le notaire ont été versés, et notamment les grands livres d'état généraux et tous les relevés du compte bancaire.

Ils fondent leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dès lors que les appelants n'ont pas hésité à agir à leur encontre de manière totalement infondée et demesurée par rapport à l'enjeu de la valeur des parts sociales qu'ils détiennent (1 089 euros).

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2025.

Par soit-transmis en date du 27 février 2025, la cour a indiqué aux parties s'interroger sur l'ampleur de la dévolution, en application des dispositions des articles 542 et 562 alinéa 1, dès lors que, dans leurs dernières conclusions, les intimés sollicitent la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, à laquelle ils ont été déboutés par le premier juge, sans demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise de ce chef. Au contraire, ils demandent que l'ordonnance entreprise soit confirmée en toutes ses dispositions. S'agissant d'un point de procédure que la cour entend soulever d'office, elle leur a imparti un délai expirant le mardi 4 mars 2025 à midi afin de lui transmettre leurs éventuelles observations sur ce point précis, par une note en délibéré (articles 444 et 445 du code de procédure civile).

Par note en délibéré transmise le 28 février 2025, le conseil des appelants relève que, selon lui, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire n'a pas été dévolue à la cour aux termes des articles 542 et 562 alinéa 1 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Par application des dispositions de l'article 562 alinéa 1 du même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il en résulte que l'intimé doit former un appel incident pour que ses prétentions, formulées en première instance, soit reconsidérées en appel. Il doit donc solliciter l'infirmation des chefs de l'ordonnance entreprise qui ne lui donnent pas satisfaction en ce que ils ont rejeté ou sous-évalué certaines de ses prétentions. Il doit ensuite expressément reformuler ses prétentions initiales dans le cadre d'un 'statuant à nouveau' au même titre que l'appelant. Une seule demande de confirmation est donc incompatible avec la réformation de l'ordonnance entreprise dans le cadre d'un appel incident total ou partiel.

En l'espèce, si les intimés demandent à la cour de condamner les appelants à leur verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, il convient de relever que cette demande, qui a été tranchée par le premier juge, n'est précédée d'aucune demande d'infirmation de ce chef, l'intimée sollicitant au contraire, dans le dispositif de ses conclusions, la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

Or, dès lors que le premier juge a statué sur cette demande, la prétention des intimés devait être formulée sous forme d'appel incident et, à ce titre, précédée d'une demande d'infirmation ou de réformation des dispositions de l'ordonnance entreprise la concernant.

La prétention des intimés ne peut s'analyser comme une demande nouvelle qui aurait été formée à hauteur d'appel dès lors que le premier juge l'a tranchée en les déboutant de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Dans ces conditions, la cour n'est pas saisie d'un appel incident formé de ce chef.

Sur la recevabilité de la demande nouvelle de désignation d'un mandataire judiciaire chargé de représenter les indivisaires aux assemblées générales de la société Romara

En application des articles 564 et suivants du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions sauf celles qui tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si son fondement juridique est différent ainsi que celles qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire et celles qui sont présentées pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, les appelants ont demandé au premier juge la désignation d'un mandataire ad hoc afin de se substituer aux organes légaux de la société Romara pour réaliser un certain nombre d'actes.

Ils sollicitent à hauteur d'appel, non seulement la désignation d'un mandataire judiciaire afin de représenter la société Romara, mais également la désignation d'un mandataire judiciaire chargé de les représenter, ainsi que Mme [B] [U], lors des assemblées générales de la société Romara pour participer aux décisions collectives et voter sur les résolutions en tant que copropriétaires indivis à hauteur de 10 % des parts sociales en leur qualité d'héritiers de feu [V] [U].

Or, alors même que l'administrateur provisoire, terme qui doit être préféré à celui de mandataire judiciaire, ou le mandataire ad hoc, est nommé par décision de justice afin de substituer aux organes légaux d'une société avec une mission plus ou moins étendue, pouvant aller jusqu'au dessaisissement, total ou partiel, d'un ou plusieurs organes sociaux, afin de permettre le dénouement d'une crise interne venue troubler le cours normal de la vie sociale, le mandataire désigné en application de l'article 1844 du code civil ne l'est que pour représenter des copropriétaires indivisaires de parts sociales lors des assemblées générales de la société. Ce dernier mandataire, qui a pour mission de participer aux décisions collectives, n'a donc pas vocation à réaliser des actes relevant de la gestion et de l'administration courante de la société.

En conséquence, la demande des appelants tendant à la désignation d'un mandataire judiciaire afin de les représenter, ainsi que Mme [B] [U], en tant que copropriétaires indivis de droits sociaux au sein de la société Romara formée à hauteur d'appel sera déclarée irrecevable comme ne tendant pas aux mêmes fins que leur demande de désignation d'un administrateur provisoire afin de représenter la société Romara dans des actes relevant de sa gestion et de son administration courante.

Sur la demande de désignation d'un mandataire judiciaire chargé de représenter la SCI Romara

L'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

La désignation d'un administrateur provisoire, terme qui doit être préféré à celui de mandataire judiciaire, chargé d'un mandat général de gestion est une mesure exceptionnelle, qui suppose que soient réunies cumulativement deux conditions relatives à la gravité de la crise sociale, de nature à rendre impossible le fonctionnement normal de la société, et à l'urgence, du fait d'un péril imminent menaçant l'intérêt social.

En l'espèce, les appelants prétendent être associés de la société Romara en tant qu'héritiers de feu [V] [U], associé. Or, statuts de la société stipulent (en pages 9 et 10) que tout ayant droit doit, pour devenir associé, obtenir l'agrément de la collectivité des associés se prononçant par décision extraordinaire hors la présence de ces dévolutaires, les voix attachées aux parts de leur auteur n'étant pas retenues pour le calcul du quorum et de la majorité. Les ayants-droit doivent justifier de leurs qualités et demander leur agrément s'il y a lieu, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans un délai de trois mois à compter du décès ou de la disparation de la personnalité morale de l'associé. Les ayants-droit qui ne deviennent pas associés n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur. Cette valeur doit être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même, si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation. Cette valeur est déterminée au jour du décès ou de la disparition de la personnalité morale dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. Les frais d'expertise sont supportés moitié par la société, moitié par la succession ou par les ayants-droit évincés, selon les cas.

Faute de démontrer avoir obtenu l'agrément dans les conditions prévues dans les statuts, la qualité d'associés des appelants est contestable, de sorte qu'ils n'établissent pas leur droit de prendre part aux assemblées générales.

En tout état de cause, les intimés, qui versent aux débats des procès-verbaux de réunions des associés dressés annuellement de 2017 à 2022 aux termes desquels les comptes des exercices clos ont été approuvés ainsi que l'affectation des bénéfices au 'report à nouveau', sans distribution de dividendes, reconnaissent que les assemblées générales n'étaient pas tenues conformément aux statuts s'agissant d'une société familiale. Or, le seul fait pour le gérant de la société Romara de ne pas respecter les dispositions statutaires relatives notamment à la tenue des assemblées générales ne justifie pas de le dessaisir de ses pouvoirs au profit d'un administrateur provisoire chargé d'un mandat général de gestion de la société.

De plus, les pièces de la procédure démontrent, qu'en tant que copropriétaires indivis de parts sociales au sein de la société Romara, les intimés leur ont communiqué, avant même la procédure en référé initiée le 29 septembre 2023, les livres et documents sociaux.

C'est ainsi que le conseil des appelants a été destinataire, par courriel en date du 15 juillet 2023, d'un certain nombre de documents, et notamment :

- les comptes annuels de la société concernant les exercices 2016 à 2022 mentionnant un résultat d'exploitation variant entre 7 500 euros et 12 000 euros environ, excepté l'année 2022 où il a été déficitaire de 16 500 euros environ en raison d'une augmentation des charges d'exploitation tenant aux dépenses d'entretien, et l'existence de trois baux d'habitation, lesquels sont versés aux débats, générant environ 20 000 euros de recettes ;

- les grands livres des comptes généraux de 2014 à 2022 faisant apparaître des comptes-courants présentant un solde créditeur, à la date du 31 décembre 2022, de 223 575,37 euros pour Mme [B] [D], 64 978,04 euros pour les associés [E] et 37 121,63 pour Mme [I] [D], les intimés expliquant faire l'avance des travaux ;

- les relevés de comptes LCL de janvier 2017 à janvier 2022 aux termes desquels le compte courant de la société Romara a toujours présenté un solde créditeur d'environ 5 000 euros, les principales opérations concernant les loyers perçus et les échéances dues en remboursement du crédit immobilier qui lui a été consenti en décembre 2006.

Ils justifient également avoir procédé auprès des services de l'urbanisme de la commune à deux déclarations préalables, les 15 février et 31 juillet 2019, concernant la création d'un carport [Adresse 9] à [Localité 15] et la remise à l'identique de deux murs de soutènement et la création d'une cave à la même adresse.

Ces éléments établissent, contrairement à ce que prétendent les appelants, un fonctionnement normal de la société, outre l'absence de difficultés financières.

Plus que des difficultés financières qui seraient rencontrées par la société, de nature à compromettre son existence, ce qui ne résulte pas des éléments susvisés, les appelants se prévalent de dysfonctionnements de nature à porter atteinte à leurs droits.

Si les appelants sont créanciers de la société Romara comme étant titulaires en indivision de 10 % des parts sociales, ils ne démontrent aucunement que la manière dont est gérée la société Romara, avec notamment des comptes-courants d'associés, menace leurs droits, et ce, d'autant que l'administration provisoire n'est pas destinée à garantir les droits des créanciers sociaux, ni même à protéger les intérêts personnels d'un associé, mais à préserver l'intérêt social de la société et/ou son existence.

Dans ces conditions, faute pour les appelants d'établir la réunion des conditions requises pour la nomination d'une administrateur provisoire, tenant à une impossibilité de fonctionnement normal de la société et la mise en péril des intérêts sociaux, ainsi qu'un intérêt personnel et légitime à agir, distinct de l'intérêt social, leur demande tendant à la désignation d'un administrateur ad hoc n'est pas justifiée.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les appelants, succombant en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a condamnés aux dépens de première instance et à verser aux intimés, pris ensemble, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance non compris dans les dépens.

Ils seront également condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel.

En outre, l'équité commande de les condamner in solidum à verser aux intimés, pris ensemble, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.

En tant que parties tenues aux dépens, les appelants seront déboutés de leur demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel principal,

Déclare irrecevable la demande nouvelle formée à hauteur d'appel par M. [G] [U] et M. [K] [U] tendant à la désignation d'un mandataire judiciaire afin de les représenter, ainsi que Mme [B] [U], en tant que copropriétaires indivis de droits sociaux au sein de la société Romara ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [G] [U] et M. [K] [U] à verser à la SCI Romara, M. [N] [L], Mme [B] [U] divorcée [D], Mme [X] [D] épouse [E] et Mme [I] [D] épouse [Z], pris ensemble, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Déboute M. [G] [U] et M. [K] [U] de leur demande formée sur le même fondement ;

Condamne in solidum M. [G] [U] et M. [K] [U] aux dépens de la procédure d'appel.

La Greffière La Présidente

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