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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 15 avril 2025, n° 23/00012

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Mme L

Défendeur :

Athena (SELARL), Confort Solution Energie (SAS), BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clerc

Conseillers :

Mme Blatry, Mme Lamoine

Avocats :

Me Hays, Me Boulloud, Me Delcroix

JCP [Localité 9], du 2 nov. 2022, n° 21/…

2 novembre 2022

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Dans le cadre d'une vente hors établissement par un représentant de la société Confort Solution Energie (CSE), M. [U] [Z] a, suivant bon de commande du 31 octobre 2017, contracté avec cette société pour la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque, d'une pompe à chaleur et d'un ballon thermodynamique moyennant le prix de 32.080'.

Le même jour, la société Cetelem aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance a consenti à M. [Z] un crédit affecté de même montant en capital.

Suivant exploits d'huissier du 18 février 2021, M. [Z] et son épouse, Mme [L] [M], ont poursuivi les sociétés CSE et BNP Paribas Personal Finance en nullité des contrats de vente et de crédit.

Par jugement du 2 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Vienne a :

débouté les époux [Z] de leur demande en nullité du contrat de vente et en résolution,

déclaré Mme [Z] irrecevable à agir contre la société BNP Paribas Personal Finance,

débouté M. [Z] de sa demande en nullité du contrat de prêt et en résolution,

débouté les époux [Z] de leurs demandes à l'encontre de la société CSE,

débouté les époux [Z] de leurs demandes à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance en restitution de sommes et en paiement de dommages-intérêts,

condamné solidairement les époux [Z] à payer à la société CSE et à la société BNP Paribas Personal Finance, chacune, la somme de 1.000', outre aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 22 décembre 2022, M. et Mme [Z] ont relevé appel de cette décision.

Par jugement du 6 décembre 2023, la société CSE a été placée en liquidation judiciaire avec désignation de la SELARL Athéna en qualité de liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 2 juillet 2024, M. [Z] a été invité à mettre en cause la SELARL Athena ès qualités.

Suivant acte du 25 septembre 2024, M. et Mme [Z] ont appelé à la procédure la SELARL Athena ès qualités.

Par conclusions récapitulatives du 10 février 2025, M. et Mme [Z] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

à titre principal :

prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit, à défaut, prononcer leur résolution,

condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur rembourser la somme de 23.637,13' au titre des mensualités acquittées par eux,

les dispenser du remboursement du prêt,

ordonner, passé un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, à la SELARL Athena ès qualités, après avoir convenu d'un rendez vous avec eux de venir, à ses frais, procéder à l'enlèvement du matériel vendu et de remettre le toit dans son état initial et, ce dans un délai de 60 jours calendaires à compter de la signification de la décision à intervenir et à charge d'en rapporter la preuve,

dire qu'à défaut d'intervention de la part de la SELARL Athena passé le 61eme jour, celle-ci sera réputée avoir abandonné l'entière propriété du matériel vendu qui leur serait alors transférée et dire qu'ils seront libres d'en disposer,

condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 5.000' au titre de l'acquisition des stères de bois,

débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital emprunté,

condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 5.000' de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de conseil,

subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts à compter du présent arrêt,

à titre infiniment subsidiaire, en cas de rejet de leur demandes, leur ordonner de reprendre le remboursement du crédit conformément aux stipulations contractuelles dans le délai d'un mois courant à compter de la signification de l'arrêt,

en tout état de cause, condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer une indemnité de procédure de 5.000', ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec distraction.

Ils expliquent que :

le contrat de vente illisible, insuffisamment précis, est contraire aux dispositions du code de la consommation,

certaines caractéristiques essentielles sont omises,

il n'y a eu aucune confirmation du contrat de vente en l'absence de connaissance des vices,

le contrat est également nul pour dol,

ils ont été séduits par les simulations et le discours trompeur du commercial,

le contrat de crédit doit subséquemment être annulé,

l'organisme bancaire a commis de multiples fautes de nature à le priver de son droit au remboursement du capital emprunté,

ils subissent un préjudice financier et un préjudice moral, outre les nombreuses tracasseries endurées.

Par conclusions récapitulatives du 19 février 2025, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de confirmer le jugement déféré sur le rejet des demandes des époux [Z], d'infirmer sur le rejet de sa demande en dommages-intérêts et de :

à titre principal :

débouter les époux [Z] de l'ensemble de leurs prétentions,

les condamner à poursuivre l'exécution du contrat de prêt,

subsidiairement si les contrats de vente et de crédit étaient annulés,

condamner solidairement les époux [Z] au remboursement du capital emprunté outre intérêts au taux légal à compter du déblocage des fonds, soit le 13 décembre 2017, avec capitalisation de ceux-ci, déduction faite des échéances réglées,

condamner la société CSE à garantir les époux [Z] du remboursement du prêt et de toutes condamnations pouvant résulter de l'annulation ou de la résolution du contrat de vente,

en tout état de cause, condamner solidairement les époux [Z] à lui payer une indemnité de procédure de 5.000', ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle indique que :

le bon de commande, qui contient les mentions suffisantes, est parfaitement valide,

le dol ne se présume pas et n'est pas démontré,

aucune rentabilité n'a été contractualisée,

aucune faute de sa part n'est caractérisée de nature à la priver de son droit à la restitution du capital emprunté.

La SELARL Athéna ès qualités, citée le 25 septembre 2024 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La décision sera réputée contradictoire.

La clôture de la procédure est intervenue le 25 février 2025.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera observé que seul M. [Z] a signé le contrat de vente et le contrat de crédit affecté.

Ainsi, seul M. [Z] est recevable à agir et Mme [Z] a été, à bon droit, déclarée irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance.

En outre, il sera relevé que la société BNP Paribas Personal Finance qui demande l'infirmation du jugement déféré sur le rejet de sa demande en dommage-intérêts ne forme aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses écritures, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune prétention de la banque à cet égard.

sur l'annulation des contrats de vente et de crédit

Il n'est pas contesté que M. [Z] a été démarché pour la conclusion du contrat principal de fourniture et pose et du contrat de crédit subséquent.

Ainsi, les dispositions du code de la consommation sur la vente hors établissement sont applicables.

L'article L.111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 1er juillet 2016 énumère les mentions que les contrats conclus doivent comporter à peine de nullité conformément à l'article L.242-1 de ce code en vigueur à partir de la même date.

L'article L.221-5 du même code instauré par la même ordonnance prévoit une information pré-contractuelle.

Enfin, l'article L .221-18 prévoit un droit de rétractation de 14 jours dont le délai court à compter de la date de conclusion du contrat.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le contrat principal conclu avec la société CSE ne respecte pas les dispositions de l'article L .111-1 en ce qu'il n'est indiqué ni la marque de la pompe à chaleur ni celle du ballon thermodynamique mais uniquement celle des panneaux solaires.

La date d'exécution du contrat n'est pas suffisamment précise en indiquant dans les 3 mois après la pré-visite du technicien laquelle interviendra dans les 2 mois suivant la signature du bon de commande.

En outre, le contrat de vente, au regard du défaut de communication des coordonnées de l'assureur de la société CSE, ne respecte pas les dispositions de l'article L. 111-2 mettant à la charge du professionnel l'obligation de communiquer au consommateur de façon lisible et compréhensible les informations complémentaires à son activité de prestataire de service, notamment l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui.

Ainsi, la nullité du bon de commande est également encourue de ce chef.

La violation du formalisme prescrit par les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché et est sanctionnée par une nullité relative, à laquelle celui-ci peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier.

La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit être caractérisée par la connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.

En l'espèce, il n'est nullement démontré que M. [Z], consommateur profane, ait eu conscience, lors de la signature des contrats et de l'attestation d'installation, des irrégularités les entachant.

A cet égard, la reprise des dispositions légales dans une police illisible de surcroît non corroborée par des explications complémentaires ne satisfont pas à l'obligation d'information due à M. [Z].

En conséquence, c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler le contrat principal conclu avec la société CSE pour violation des dispositions susvisées du code de la consommation.

Les contrats de vente et de crédit étant interdépendants et le prêteur étant à la procédure, l'annulation du contrat principal entraîne l'annulation du contrat de prêt subséquent.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ces points et la nullité des contrats de vente et de crédit sera prononcée.

sur les conséquences de la nullité des contrats de vente et de crédit

sur l'enlèvement du matériel

L'annulation du contrat de vente emporte la remise en état des parties dans la situation antérieure à la convention.

La société CSE étant mise en liquidation judiciaire, il convient de mettre à la charge de la SELARL Athena ès qualités l'enlèvement du matériel acquis et la remise en état des lieux dans un délai de 60 jours et de dire qu'à défaut d'exécution des travaux dans ce délai, le matériel demeurera la propriété de M. [Z].

La décision entreprise sera également infirmée sur ce point.

dans les rapports entre M. [Z] et la société BNP Paribas Personal Finance

L'annulation d'un contrat de prêt emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté, sauf à démontrer le déblocage fautif des fonds par l'organisme financier et à rapporter la preuve de l'existence de son préjudice.

La banque, en s'abstenant de procéder aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et de l'emprunteur, ce qui aurait permis de constater la méconnaissance des dispositions du code de la consommation sur la vente hors établissement et que les contrats étaient affectés d'une cause de nullité, a commis une faute.

En outre, la banque ne peut débloquer les fonds qu'une fois l'installation intégralement réalisée et raccordée.

En l'espèce, les fonds ont été débloqués le 13 décembre 2017 suite à une installation du 30 novembre 2017, soit dans un délai trop court pour que les démarches administratives et la mise en service aient pu avoir lieu.

Dès lors, la banque, en débloquant les fonds sans s'assurer que le vendeur-installateur avait rempli l'intégralité de ses obligations, a commis une autre faute de nature à la priver du remboursement du capital emprunté.

Toutefois, ces fautes de la banque ne suffisent pas à la priver de la restitution du capital emprunté, l'acquéreur devant également justifier de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, l'impossibilité de restitution du prix de vente du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la société CSE prive M. [Z] de la contrepartie de la restitution du bien vendu et constitue un préjudice en lien de causalité avec les fautes de la banque.

Par voie de conséquence, il convient de débouter la banque de sa demande subsidiaire en condamnation des époux [Z] au remboursement du capital emprunté étant rappelé au surplus que Mme [Z] n'a pas signé le contrat de crédit.

En outre, la banque sera condamnée à restituer à M. [Z] les sommes par lui acquittées en exécution du contrat de prêt.

Enfin, la demande de la banque de condamner la société CSE à garantir les époux [Z] du remboursement du prêt et de toutes condamnations pouvant résulter de l'annulation ou de la résolution du contrat de vente ne saurait prospérer au regard de la liquidation judiciaire du vendeur interdisant toutes condamnation à paiement à son encontre.

sur les demandes en dommages-intérêts de M. et Mme [Z]

Au soutien de leurs demandes en dommages-intérêts, M. et Mme [Z] allèguent un préjudice économique au regard du dysfonctionnement de la pompe à chaleur ce qui les aurait contraint à mettre en place un chauffage d'appoint et à acquérir du bois pour se chauffer.

Le dysfonctionnement de la pompe à chaleur ne relevant pas d'une faute imputable à la société BNP Paribas Personal Finance, les époux [Z] ne peuvent solliciter la condamnation de l'organisme financier à ce titre.

Il convient donc de confirmer le rejet de cette demande.

Les époux [Z] reprochent également à la société BNP Paribas Personal Finance un manquement à son devoir de conseil.

Etant rappelé que seul M. [Z] est recevable à formuler cette prétention, en l'absence de démonstration d'un préjudice distinct de celui réparé par la privation de la banque à son droit à la restitution du capital emprunté et sa condamnation à la restitution des fonds perçus en exécution du contrat, il convient également de rejeter cette demande en dommages-intérêts.

Par voie de conséquence, le jugement déféré sera confirmé uniquement sur l'irrecevabilité de Mme [Z] dans ces demandes à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et sur le rejet des demandes en dommages-intérêts des appelants.

sur les mesures accessoires

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par la société BNP Paribas Personal Finance avec distraction.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement déféré sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [L] [M] épouse [Z] à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et sur le rejet des demandes en dommages-intérêts de M. [U] [Z] et Mme [L] [M] épouse [Z] à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 31 octobre 2017 entre la société Confort Solution Energie et M. [U] [Z],

Prononce la nullité subséquente du contrat de crédit conclu le 31 octobre 2017 entre la société Cetelem et M. [U] [Z],

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital emprunté,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. [U] [Z] le montant des sommes acquittées au titre de l'exécution du contrat de prêt,

Met à la charge de la SELARL Athena en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Confort Solution Energie l'enlèvement du matériel objet de la vente et la remise en état des lieux,

Dit qu'à l'issue d'un délai de 60 jours suivant la signification de l'arrêt, en l'absence d'enlèvement du matériel et de remise en état des lieux, celui-ci restera la propriété de M. [U] [Z],

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de toutes demandes en condamnation à l'encontre de la SAS Confort Solution Energie mise en liquidation judiciaire,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à supporter les entiers dépens de la procédure avec distraction pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

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