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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 19 mars 2025, n° 22/15938

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pelagie (SCI), Arvers (SCI)

Défendeur :

Agence Azur (SASU), Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Polynésie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseillers :

Mme Robin-Karrer, M. Patriarche

Avocats :

Me Paternot, Me Joly, Me Boisrame, Me Laurie, Me Sabatie, Me Platon

TJ Toulon, du 27 juin 2022, n° 18/05417

27 juin 2022

EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE

Suivant exploits délivrés le 12 novembre 2018, MM. [B] [E] et [H] [J], Mmes [I] [L] et [Y] [A], ainsi que les sociétés civiles immobilières ARVERS et PELAGIE, agissant en qualités de copropriétaires au sein de l'ensemble immobilier dénommé LA POLYNÉSIE, situé sur la presqu'île de Giens, commune de Hyères (département du Var), ont assigné le syndicat des copropriétaires dudit immeuble et son syndic la société AGENCE AZUR, exerçant sous l'enseigne Victoria - Cabinet Ponel, à comparaître devant le tribunal de grande instance de Toulon, devenu le tribunal judiciaire, aux fins d'entendre :

- prononcer à titre principal l'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 2 août 2018 dans son ensemble,

- prononcer à titre subsidiaire la nullité des résolutions n° 9, 10 et 11 relatives aux modalités de concession d'une servitude de passage au profit d'un tiers,

- condamner en tout état de cause le syndic à rembourser au syndicat les frais de tenue de ladite assemblée, ainsi qu'à verser à chacun d'entre eux une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le syndicat des copropriétaires a conclu au débouté de l'ensemble de ces prétentions, tandis que la société AGENCE AZUR a conclu principalement à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir, et subsidiairement à leur rejet.

Aux termes d'un jugement prononcé le 27 juin 2022, le tribunal a :

- donné acte à Madame [Y] [A] de son désistement,

- rejeté la demande d'annulation de l'assemblée générale du 2 août 2018 dans son ensemble,

- rejeté la demande d'annulation des résolutions n° 8, 9, 10 et 11,

- déclaré recevables mais mal-fondées les demandes dirigées contre le syndic,

- condamné les demandeurs aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité à chacun des défendeurs en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [B] [E], Madame [I] [L] et les sociétés ARVERS et PELAGIE ont interjeté appel de cette décision par déclaration conjointe enregistrée le 1er décembre 2022 au greffe de la cour.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées le 25 août 2023, ils font valoir :

- que le procès-verbal de l'assemblée est nul pour ne pas avoir été signé par le scrutateur (à savoir M. [B] [E] lui-même) en raison des inexactitudes qui l'affectent,

- que le texte de la résolution n° 8, dont l'objet était de rétablir une ancienne servitude de passage éteinte par le non-usage, aurait dû être adopté à la majorité requise par l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, alors qu'il n'a fait l'objet d'aucun vote,

- que seules les modalités de cette servitude ont été soumises au vote des copropriétaires et adoptées à la majorité simple de l'article 24 par une manoeuvre destinée à tromper l'assemblée (résolutions n° 9, 10, et 11),

- que celle-ci n'a pas disposé des informations lui permettant de se prononcer en pleine connaissance de cause,

- que le résultat des votes n'a pas été proclamé au cours de la séance,

- et que ces décisions n'ont pas été prises dans l'intérêt commun, mais dans celui du seul propriétaire du fonds dominant, qui se trouve être le président du conseil syndical.

Ils considèrent d'autre part que le syndic a engagé sa responsabilité, tant dans la présentation des projets de résolutions que dans la conduite de l'assemblée.

Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- à titre principal, d'annuler les résolutions n° 8, 9, 10 et 11 et par voie de conséquence l'assemblée générale du 2 août 2018 (sic),

- à titre subsidiaire, d'annuler les résolutions n° 9, 10 et 11,

- en tout état de cause, de condamner la société AGENCE AZUR à rembourser au syndicat des copropriétaires les frais de tenue de ladite assemblée, ainsi qu'à verser à chacun d'entre eux une somme de 2.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- et de mettre les entiers dépens à la charge des intimés, outre le paiement d'une indemnité de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées le 30 mai 2023, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LA POLYNÉSIE soutient pour sa part :

- que l'absence de signature du procès-verbal d'assemblée par le seul scrutateur ne suffit pas à le rendre nul,

- que les résultats des votes ont bien été proclamés en séance, et que leur exactitude n'est pas remise en cause par les appelants,

- que la servitude de passage contestée, instituée par un acte notarié du 28 janvier 1901, ne s'est jamais éteinte par le non-usage mais qu'il s'agissait uniquement de régulariser une modification de son assiette et de préciser les conditions de son exercice,

- et que les décisions votées par l'assemblée générale sont conformes à l'intérêt collectif en ce qu'elles préviennent une action contentieuse de la part du propriétaire du fonds dominant en revendication d'une servitude fondée sur l'état d'enclave.

Il demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner les appelants à lui verser 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.

Suivant conclusions notifiées le 26 mai 2023, la société AGENCE AZUR forme appel incident et oppose une fin de non-recevoir des demandes formées à son encontre pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir, au motif que les appelants ne justifient d'aucun préjudice personnel en lien avec les fautes qu'ils lui reprochent.

Subsidiairement, elle conteste avoir commis une quelconque faute dans la préparation ou la tenue de l'assemblée générale et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ces demandes au fond.

Elle réclame accessoirement paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 décembre 2024.

DISCUSSION

Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale dans son ensemble :

En vertu de l'article 17 du décret du 17 mars 1967, dans sa rédaction applicable au litige, il est établi un procès-verbal des décisions de chaque assemblée qui doit être signé, à la fin de la séance, par le président, le secrétaire et le ou les scrutateurs. Il comporte, sous l'intitulé de chaque question inscrite à l'ordre du jour, le résultat du vote. Il précise les noms des copropriétaires qui se sont opposés à la décision et leur nombre de voix, ainsi que ceux des copropriétaires qui se sont abstenus.

Il est admis en jurisprudence que le seul défaut des signatures de certains membres du bureau n'entraîne pas ipso facto la nullité des décisions prises par l'assemblée, mais ouvre droit à contester la force probante du procès-verbal.

En l'espèce, M. [B] [E], qui avait été désigné en qualité de scrutateur, a refusé de signer le procès-verbal, considérant que celui-ci n'était pas fidèle au déroulement de l'assemblée aux motifs qu'il n'aurait pas été procédé à un nouveau tour de scrutin à la majorité simple sur les résolutions n° 9, 10 et 11 et que le résultat des votes n'aurait pas été proclamé en séance.

Toutefois, le premier juge a justement considéré que la seule attestation de M. [K] [W], sur un total de 73 copropriétaires présents ou représentés lors de l'assemblée, ne suffisait pas à confirmer ces affirmations. En outre, ce témoignage est contredit par ceux de Mme [C] [U] et de M. [T] [S].

D'autre part, le syndicat des copropriétaires fait justement observer que les appelants ne contestent pas le décompte des voix figurant au procès-verbal.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'assemblée dans son ensemble.

Sur la demande d'annulation des résolutions n° 8, 9, 10 et 11 :

Il résulte de la combinaison des articles 25 d) et 26 a) de la loi du 10 juillet 1965 que les actes de disposition portant sur les biens du syndicat, et notamment la constitution de droits réels tels que des servitudes grevant les parties communes de l'immeuble, doivent être votés à la majorité de ses membres représentant au moins les deux tiers des voix, tandis que les conditions de ces actes peuvent être adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires, voire à la majorité des voix exprimées par les copropriétaires présents ou représentés en application de l'article 25-1, lorsque ceux-ci résultent d'obligations légales ou réglementaires.

En l'espèce, il apparaît que la servitude conventionnelle de passage instituée par acte notarié du 28 janvier 1901 au profit du propriétaire des parcelles cadastrées HS [Cadastre 6] et [Cadastre 7] ne pouvait plus être exercée par suite de la modification des lieux du fait de l'aménagement des voies de circulation privées au sein de l'ensemble immobilier LA POLYNÉSIE. En effet, aux termes d'un arrêt rendu le 9 février 2016 dans le cadre d'un litige concernant la vente de ces parcelles, et auquel était partie le syndicat des copropriétaires, la cour de céans a jugé que le seul chemin d'accès aux parcelles cédées ne recouvrait pas l'assiette de la servitude, laquelle était devenue partiellement impraticable.

Dès lors, la 'résolution' n° 8, qui n'a pas fait l'objet d'un vote, ne pouvait tenir pour acquis le principe de l'existence de la servitude, et c'est par un détournement de procédure que les copropriétaires ont été invités à autoriser le rétablissement d'une servitude de passage sur une assiette différente à la majorité prévue à l'article 25, puis à celle de l'article 24, alors qu'il convenait de se prononcer à la majorité renforcée de l'article 26.

Il convient en conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par les appelants, d'annuler les résolutions n° 9, 10 et 11 votées par l'assemblée, ensemble les résolutions n° 9a, 10a et 11a qui se rapportent au second tour de scrutin.

En revanche la 'résolution' n° 8, qui n'a pas fait l'objet d'un vote, ne constitue pas une décision susceptible d'annulation.

Sur les demandes formées contre le syndic :

En droit, il est constant que le syndic peut être tenu, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, de réparer le préjudice personnel subi par un ou plusieurs copropriétaires en raison d'une faute commise dans l'exécution de son mandat.

En l'espèce, les appelants, qui reprochent à la société AGENCE AZUR d'avoir fait voter les résolutions susvisées dans des conditions irrégulières, ne justifient pas cependant d'un préjudice personnel distinct de celui occasionné à la collectivité des copropriétaires, de sorte que leurs demandes doivent être déclarées irrecevables pour défaut d'intérêt à agir en application de l'article 122 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'assemblée générale du 2 août 2018 dans son ensemble,

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Annule les résolutions n° 9, 10 et 11 votées par ladite assemblée, ensemble les résolutions n° 9a, 10a et 11a,

Déclare irrecevable la demande d'annulation de la résolution n° 8,

Déclare irrecevables les demandes formées contre la société AGENCE AZUR,

Condamne le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser aux appelants, pris solidairement, une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande formée au même titre par la société AGENCE AZUR.

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