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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 27 mars 2025, n° 23/02869

AMIENS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Société civile Mac-Mahon 6

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hauduin

Président :

M. Berthe

Conseiller :

Mme Jacqueline

Avocats :

Me Tondriaux-Gautier, Me Thissier Levy

TJ Soissons, du 19 mai 2023

19 mai 2023

DECISION :

L'indivision [W] aux droits de laquelle se trouvent actuellement les sociétés [V] et [C], était propriétaire de la totalité de l'immeuble de 6 étages situé au [Adresse 1] à [Localité 3].

Selon un acte sous seing privé en date du 28 mars 1996, l'indivision [W] a consenti un bail mixte d'habitation et professionnel pour l'exercice de la profession d'avocat expressément soumis aux dispositions de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 et portant sur un appartement d'une surface de 256,11 m2, sis au 1er étage de cet immeuble au profit de Mme [O] [Y], de M. [U] [T] [J] et de M. [E] [N], déclarant agir pour le compte d'une société d'avocats Mac Mahon 6 en cours de constitution et ce avec effet à compter du 1er avril 1996.

Le bail a été consenti pour une durée de 6 années, soit jusqu'au 31 mars 2002 moyennant un loyer mensuel principal de 3 000 euros outre 457,35 euros de provisions sur charges, payable d'avance.

Le bail stipule une clause de révision annuelle du loyer basée sur l'indice national du coût de la construction publié par l'Insee.

MM. [J] et [N] ont ensuite quitté les lieux et Mme [O] [Y], gérante de la société Mac Mahon 6, a seule habité les lieux loués et y a fixé son domicile en y exerçant sa profession d'avocate, conformément au bail.

En 1997, l'indivision [W] a restructuré son patrimoine en transmettant la propriété de tout l'immeuble, sauf le 3ème étage, aux société [C] et [V] qu'elle avait constitué et ce selon deux actes des 31 juillet et 4 novembre 1997.

Le 23 septembre 2019, un congé avec offre de vente pour un prix 2 605 000 euros a été délivré à la société Mac Mahon 6 à effet au 31 mars 2020.

La location a ainsi duré pendant plus de 24 ans, et le dernier loyer était de 3.897,82 euros par mois.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 novembre 2019, la société Mac Mahon 6 a accepté l'offre de vente en émettant des réserves expresses sur le prix, sous la condition d'obtention d'un crédit et de la fourniture par les bailleresses des justificatifs établissant l'affectation de l'appartement à l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

Suite à ce courrier, aucun échange officiel n'est intervenu entre les parties.

C'est le 22 novembre 2020, soit plus de six mois après l'expiration du délai pour acheter, que par le truchement de leur conseil, les bailleresses ont écrit à la société Mac Mahon 6 en lui indiquant qu'elle disposait d'un délai qui expirait le 30 novembre 2019 pour faire part de son intention d'exercer son droit de préemption et, qu'à défaut d'avoir notifié son intention ferme d'acheter le bien susvisé, son bail était arrivé à expiration le 31 mars 2020 de sorte que depuis le 1er avril 2020, la locataire se trouvait être occupante sans droit ni titre.

Par un acte du 4 février 2021, la société [V] et la société [C] ont fait assigner la société Mac Mahon 6, afin de voir :

Valider le congé pour vendre délivré le 23 septembre 2019 pour le 1er avril 2020,

Constater que le locataire est déchu de plein droit de tout titre d'occupation des locaux loués à la date d'effet du congé,

Prononcer par conséquent l'expulsion immédiate de la société Mac Mahon 6 des lieux qu'elle occupe, ainsi que tout occupant de son chef, avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique en cas de besoin,

Condamner la société Mac Mahon 6 au paiement d'une somme de 13 000 euros par mois hors charges, du 1er avril 2020 jusqu'à la parfaite libération des lieux, à titre d'indemnité d'occupation.

La société Mac Mahon 6 s'est opposée par voie de conclusions à cette demande en arguant de la fraude relative au congé au regard notamment de son prix manifestement excessif.

Cette instance a été radiée du rôle à l'audience du 29 avril 2022.

Par des assemblées générales en date du 10 mai 2021, les associés des société [V] et [C] ont autorisé la vente au prix de 1 900 00 euros.

Le 1er juin 2021, les société [V] et [C] ont signé une promesse de vente au profit de la société SMTP Promotion, promoteur immobilier, au prix net vendeur de 1 900 000 euros.

Les parties ont signé une transaction en date des 12 et 14 octobre 2021 aux termes de laquelle la société Mac Mahon 6 a accepté de quitter les lieux moyennant le versement d'une indemnité de 200 000 euros et la renonciation des bailleresses à réclamer les loyers et charges jusqu'au 1er octobre 2021 puis à ne plus solliciter que le payement des charges de 770 euros par mois jusqu'au départ fixé au 31 mars 2022, sous peine d'une astreinte de 600 euros par jour de retard à défaut de libérer les lieux pour le 31 mars 2022.

Selon un acte d'huissier en date du 21 octobre 2021, soit sept jours après signature de la transaction, la société Mac Mahon 6 s'est vue notifier une offre de vente au prix net vendeur de 1 900 000 euros, soit 2 020 000 euros en incluant la commission d'agence de 120 000 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 novembre 2021, la société Mac Mahon 6 a accepté cette offre sous la seule condition d'obtention d'un crédit et a sollicité des société [V] et [C] et de leur notaire, Me [X], la communication de l'ensemble des diagnostics obligatoires ainsi que la justification de l'affectation du bien au sens de l'article L631-7 du code la construction et de l'habitation, la signature de l'acte de vente devant intervenir dans le délai maximum légal de quatre mois expirant le 18 mars 2022.

Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 9 décembre 2021 à la société Mac Mahon 6, les bailleresses ont rappelé la disposition de la transaction du 14 octobre 2021 aux termes de laquelle il était prévu qu'en cas de dénonciation du protocole, la locataire serait automatiquement débitrice de l'ensemble des loyers échus depuis le 1er octobre 2021 outre les arriérés. La sanction d'astreinte prévue dans la transaction de 600 euros par jour à défaut de libérer les lieux le 31 mars 2022 était également rappelée.

Ce courrier restant sans réponse, les Bailleresses ont relancé la société Mac Mahon 6 par courrier en date du 18 janvier 2022 afin qu'elle fasse part de ses intentions.

Les bailleresses ont fait délivrer le 4 mars 2022 une sommation d'assister à la signature de l'acte de vente à la date au 18 mars 2022 en y annexant les diagnostics obligatoires effectués par la société A2L le 6 novembre 2019.

L'acte de vente au prix de 1 900 000 euros a été signé entre les parties le 18 mars 2022. À cette fin, la société Mac Mahon 6 a modifié sa forme sociale pour devenir la société civile Mac Mahon 6.

L'acte de vente stipule que la transaction des 12 et 14 octobre 2021 est nulle et non avenue, en ce que l'acquéreur locataire n'avait pas été informé de la baisse du prix de vente.

L'acte de vente stipule par ailleurs que « les parties font leur affaire personnelle de la vérification des comptes avec le gestionnaire des biens objets de ladite vente et du règlement entre elles de tout compte de loyer et prorata de loyer, remboursement de dépôt de garantie et taxe sur les bureaux et remboursement de tout compte de charges. À défaut de règlement amiable, les parties conservent tout intérêt à agir de ces chefs, déchargeant le notaire soussigné et le notaire participant de toute responsabilité à cet égard. »

L'acte de vente stipule enfin que « le vendeur déclare subroger l'acquéreur dans tous ses droits et obligations relatifs au bien ».

Le 8 avril 2022, le notaire des société [V] et [C] a adressé un courrier à la société Mac Mahon 6 aux termes duquel il sollicitait le règlement de l'arriéré locatif du fait de la caducité du protocole d'accord transactionnel, soit 47 054,30 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 28 février 2022, 2 377,19 euros au titre du loyer du mois de mars 2022 et 461 euros au titre des provisions sur charges au titre du mois de mars 2022.

Par courrier, en date du 17 juin 2022, les société [V] et [C] mettaient en demeure la société Mac Mahon de régler ces arriérés de loyers et charges.

Par un acte du 22 août 2022, la société [V] et la société [C] ont fait assigner la société Mac Mahon 6 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Soissons aux fins de voir condamner cette dernière à leur payer les sommes de :

- 49 892,49 euros, augmentée du taux d'intérêt légal à compter du 8 avril 2022, au titre des arriérés de loyers et charges,

- une pénalité de 10% sur l'arriéré, conformément à l'article 7 du bail, soit 4 990 euros et ce sous astreinte de 600 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.

Par conclusions en date du 25 novembre 2022, les sociétés [V] et la société [C] ont demandé au surplus au juge des contentieux de la protection la condamnation de la société Mac Mahon 6 d'avoir à leur payer la somme de 700 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La société [V] et la société [C] ont exposé en première instance que l'acte notarié du 18 mars 2022 stipule que le protocole d'accord transactionnel que les parties avaient conclu le 12 octobre 2021 est devenu caduc et qu'il n'a donc jamais été question d'exonérer l'acquéreur du règlement des sommes dues au titre des loyers et des charges en souffrance antérieurement à la vente de ce bien.

La société Mac Mahon 6 demandait au tribunal de :

Déclarer irrecevables les demandes des société [V] et [C],

Subsidiairement,

Les déclarer mal fondées et les débouter de leurs demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause et à titre reconventionnel :

Dire et juger inopérante, abusive, inopposable à la concluante et à défaut nulle et non avenue, la clause de l'acte de vente du 18 mars 2022 intitulée « décompte des montants se rapportant au bail » qui est frauduleuse et contraire à l'ordre public,

Prononcer la nullité de la transaction des 12 et 14 octobre 2021, dolosive et frauduleuse,

Dire et juger que les sociétés [V] et [C] ont engagé leur responsabilité civile délictuelle et subsidiairement contractuelle en commettant de mauvaise foi et intentionnellement un ensemble de faits et actes visant à tenter d'évincer frauduleusement la société Mac Mahon 6 de son droit de préemption résultant des dispositions légales d'ordre public et à en retarder sciemment la mise en oeuvre,

Condamner solidairement les sociétés [V] et [C] à lui payer en réparation de son préjudice les sommes suivantes :

- 93 758,78 euros au titre du remboursement d'une indemnité d'occupation dénuée de tout fondement,

- 6 098,00 euros, au titre de la restitution du dépôt de garantie retenu indûment,

- 40 000 euros, en réparation du préjudice matériel,

- 50 000 euros, en réparation du préjudice moral,

- 200 000 euros, afin d'assurer l'égalité des conditions de la substitution de la société Mac Mahon 6 à la société SMTP, suite à l'exercice de son droit de préemption qui doit se faire à toutes conditions égales,

- 5 000 euros de dommages et intérêts, pour procédure abusive,

- 5 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard contre chacune des sociétés [V] et [C] à compter de la signification du jugement,

Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire pour les demandes de la société Mac Mahon 6,

Ecarter l'exécution provisoire sur toutes les demandes des sociétés [V] et [C],

Condamner les sociétés [V] et [C] aux entiers dépens.

La société Mac Mahon 6 a exposé en première instance que la transaction du 14 octobre 2021 n'était qu'une manoeuvre dolosive de la part des bailleresses ayant pour seul objet de l'évincer de l'exercice de son droit légal de préemption par la dissimulation à de la baisse de prix de plus de 700 000 euros qu'elles avaient déjà consentie dès le 1er juin 2021 en signant une promesse de vente à un tiers, la société SMTP Promotion, promoteur immobilier, soit une différence de prix à la baisse de plus de 37% par rapport à l'offre initiale qui lui avait été faite.

Par jugement du 19 mai 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Soissons a :

Débouté la société [V] et la société [C] de toutes les prétentions qu'elles ont émises contre la société Mac Mahon 6,

Condamné solidairement la société [V] et la société [C] à payer à la société Mac Mahon 6 les sommes suivantes :

- 69 948,00 euros en réparation de son préjudice,

- 4 000 euros pour procédure abusive,

Débouté la société Mac Mahon 6 du surplus de ses demandes,

Débouté la société [V] et la société [C] de leur chef de demande fondé sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné in solidum la société [V] et la société [C] aux entiers dépens de l'instance et à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Mac Mahon 6 une indemnité de 4 000 euros,

Rappelé que l'exécution provisoire de son jugement est de droit.

Par déclaration du 28 juin 2023, la société [V] et la société [C] ont interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 3 avril 2024 par lesquelles la société [V] et la société [C] demandent à la cour de :

Les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Mac Mahon 6 du surplus de ses demandes ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- Les a débouté de toutes leurs prétentions ;

- Les a condamné solidairement à payer à la société Mac Mahon 6 69 948 euros en réparation de son préjudice et 4 000 euros pour procédure abusive ;

- Les a débouté de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les a condamné in solidum aux entiers dépens de l'instance, et à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 4 000 euros,

Et statuant a nouveau,

Condamner la société Mac Mahon 6 à leur payer la somme de 49 892,49 euros, augmentés du taux d'intérêt légal à compter du 8 avril 2022, au titre des arriérés de loyers et de charges, sauf à parfaire ;

Condamner la société Mac Mahon 6 à leur payer une pénalité de 10% conformément à l'article 7 du Bail, soit 4 990 euros, sauf à parfaire ;

Juger que la société Mac Mahon 6 a manqué à ses obligations de locataire en se maintenant dans les lieux loués causant un préjudice à ses bailleresses ;

Condamner, en conséquence, la société Mac Mahon 6 à leur la somme de 700 000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;

- Assortir ces condamnations d'une astreinte de 600 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

En tout état de cause,

Débouter la société Mac Mahon 6 de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral ;

Débouter la société Mac Mahon 6 de sa demande en paiement de la somme de 93 758,78 euros au titre du remboursement d'une indemnité d'occupation ;

Débouter la société Mac Mahon 6 de sa demande en paiement de la somme de 200 000 euros aux fins d'assurer l'égalité des conditions de la substitution de la société Mac Mahon 6 à la société SMTP suite à l'exercice de son droit de préemption ;

Débouter la société Mac Mahon 6 de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euros pour procédure abusive ;

Débouter la société Mac Mahon 6 de sa demande en paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour d'appel et à 5 000 euros pour la procédure devant le tribunal judiciaire outre les dépens ;

Débouter la société Mac Mahon 6 de sa demande de prononciation d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt ;

Débouter la société Mac Mahon 6 de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société Mac Mahon 6 à payer respectivement à la société [V] et à la société [C] la somme de 10 000 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elles exposent :

- que le prix offert aux termes du premier congé n'était pas excessif ni surévalué,

- qu'à réception du premier congé, la locataire n'a pas fait état d'un prix disproportionné (ni même excessif) et a au contraire indiqué souhaiter se positionner sur l'acquisition en sollicitant un crédit immobilier,

- qu'ils ont dû attendre deux ans pour vendre le bien avec une décote de 700 000 euros,

- que le protocole d'accord transactionnel était caduc ; l'acte de cession du bien immobilier stipulant que « la transaction des 12 et 14 octobre 2021 est nulle et non avenue »,

- qu'il n'a jamais été question d'exonérer l'acquéreur du règlement des sommes dues,

- que dès lors, la société Mac Mahon 6 était donc redevenue redevable de l'arriéré locatif transigé, ainsi que des sommes dues jusqu'à mars 2022,

- que l'article 7 du bail prévoit une clause pénale qui n'est pas abusive.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 4 juin 2024 par lesquelles la société civile Mac-Mahon 6 demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé son appel incident,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement du 19 mai 2023 en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des sociétés [V] et [C],

Statuant à nouveau,

Juger et déclarer irrecevables l'intégralité des demandes des sociétés [V] et [C] ;

À défaut dire que les demandes en payement de loyer et charges sont prescrites en application des dispositions des articles 7-1 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989,

Dire et juger inopérante, abusive, inopposable à la concluante, et à défaut nulle et non avenue la clause de l'acte de vente du 18 mars 2022 intitulée « décompte des montants se rapportant au bail » qui est manifestement frauduleuse, et contraire à l'ordre public,

Prononcer la nullité de la transaction des 12 et 14 octobre 2021 manifestement dolosive et frauduleuse,

Subsidiairement,

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré mal fondées l'intégralité de ces demandes et débouter les société [V] et [C] de leurs demandes fins et conclusions,

Réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné in solidum les sociétés [V] et [C] à lui payer à les sommes suivantes :

69.948 euros en réparation de son préjudice,

4 000 euros en pour procédure abusive,

débouté la Société Civile Mac Mahon 6 du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

Dire et juger que les sociétés [V] et [C] ont engagé leur responsabilité civile délictuelle au titre de l'article 1240 du code civil, et subsidiairement contractuelle sur le fondement de l'article 1231-1 du même code en commettant de mauvaise foi et intentionnellement un ensemble de faits et actes visant à tenter de l'évincer frauduleusement de son droit de préemption résultant des dispositions d'ordre public de l'article 15-II- de la loi du 6 juillet 1989 et à en retarder sciemment la mise en 'uvre,

Condamner les sociétés [V] et [C] à réparer l'entier préjudice subi du fait de ces man'uvres frauduleuses et en conséquence :

Condamner solidairement les sociétés [V] et [C] à lui payer en réparation du préjudice subi par elle les sommes suivantes :

- 50 000 euros en réparation du préjudice moral, au lieu de la somme de 20 000 euros allouée par le tribunal,

- 93 758,78 euros au titre du remboursement d'une indemnité d'occupation dénuée de tout fondement ;

- 200 000 euros afin d'assurer l'égalité des conditions de la substitution de la société civile Mac-Mahon 6 à la société SMTP suite à l'exercice de son droit de préemption qui doit se faire à toutes conditions égales,

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive au lieu de la somme de 4 000 euros allouée par le tribunal ;

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le tribunal, outre 8 000 euros au titre de la procédure d'appel,

À défaut et très subsidiairement :

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les société [V] et [C] à payer à la société Mac Mahon 6 les sommes suivantes :

- 69 948 euros en réparation de son préjudice,

- 4 000 euros en pour procédure abusive,

Prononcer une astreinte de 1000 euros par jour de retard du contre chacune des sociétés [V] et [C] à compter de la signification de l'arrêt afin d'assurer sa pleine et entière exécution par les sociétés [V] et [C],

Condamner les sociétés [V] et [C] aux entiers dépens.

Elle expose :

- que le juge des contentieux de proximité qui est saisi en l'espèce n'a aucun pouvoir pour statuer en matière de vente d'immeuble lésionnaire et que le défaut de pouvoir juridictionnel d'un juge constitue une fin de non recevoir, qui peut, dès lors, être proposée en tout état de cause,

- que les sociétés [V] et [C] ont bénéficié du concours de professionnels de l'immobilier, qui ont validé le prix de vente, qui a été accepté et librement consenti, ce qui confirme que ce prix était celui du marché,

- que les bailleresses n'ont effectué aucun travaux pendant plus de 30 ans, que la vétusté de l'appartement est dûment établie par le constat de Me [G],

- que l'appartement nécessite de très importants travaux de rénovation pour le mettre au niveau du confort moderne, que l'appartement n'est pas desservi par un ascenseur, ce qui réduit l'accessibilité et interdit tout accès aux handicapés,

- que les parties communes sont dégradées, qu'un ravalement a été voté le 6 mai 2022 pour 100 494,40 euros, que la chaudière de l'immeuble a plus de 30 ans et doit être changée,

- qu'en ce qui concerne l'arriéré locatif, les sociétés [V] et [C] avaient engagé une précédente procédure devant le juge des contentieux de protection, selon une assignation en date du 4 février 2021 afin d'obtenir à titre principal son expulsion et le payement d'une indemnité d'occupation et qu'elles ne se sont pas désistées de cette première action, que dès lors leurs demandes sont irrecevables, puisqu'elles ne peuvent engager simultanément deux actions tendant au même objet,

- que toujours en ce qui concerne l'arriéré locatif, l'acte de vente de l'immeuble en date du 18 mars 2022 stipule clairement en page 29 §2 que « le vendeur déclare subroger l'acquéreur dans tous ses droits et obligations relatifs au bien », que dès lors les sociétés [V] et [C] ne peuvent plus exercer aucune action au titre de l'occupation du bien antérieurement à la vente, que les demandes en payement de loyer et charges sont également irrecevables sur le fondement du défaut d'intérêt à agir,

- qu'elle a acquis le bien immobilier en venant se substituer à la société SMTP Promotion et qu'elle ne peut en aucun cas se voir imposer des clauses plus défavorables, que malgré cela, l'acte de vente signé le 18 mars 2021 comporte en page 9§1 une clause : « décompte des montants se rapportant au bail » dépourvue de toute efficacité en ce qu'elle n'était pas une des conditions de la vente consentie à la Société SMTP Promotion,

- que du fait du congé délivré selon acte du 18 septembre 2019, le bail a pris fin le 31 mars 2020, et qu'aucun loyer n'est plus dû depuis de cette date,

- que les créances de loyer ou charge antérieures au 22 août 2019 sont prescrites en application des dispositions de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 érigeant une prescription triennale de toute action dérivant du contrat de bail, l'assignation ayant été délivrée selon un acte en date du 22 août 2022,

- que les sociétés [V] et [C] produisent des décomptes de charges qui ont été contestés par de multiples lettres et qu'il est dûment justifié que tous les règlements effectués comportaient la nature exacte de l'imputation du payement, tous les virements mentionnant précisément l'objet du payement acquitté,

- qu'en ce qui concerne la clause pénale, l'article 4) de la loi du 6 juillet 1989 précise qu'est réputée abusive toute clause « qui autorise le propriétaire bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble », que cette disposition résulte de la loi du 24 mars 2014 dite loi Alur, que cette loi a été publiée au journal officiel le 26 mars 2014 et est donc entrée en vigueur le lendemain, soit le 27 mars 2014 alors que le dernier renouvellement de bail est intervenu le 1er avril 2014, pour une durée de 6 ans, que la loi nouvelle s'applique donc bien au contrat de bail,

- que l'offre de vente signifiée dans le congé était à un prix manifestement excessif et dissuasif, et donc entachée de fraude,

- qu'ainsi, les bailleresses ont tenté de l'évincer de l'exercice de son droit légal de préemption et ont retardé volontairement la signature de l'acte de vente pendant plus de deux ans et demi,

- que les société [V] et [C] ont refusé d'adresser aucun des documents nécessaires à la vente, dont les diagnostics obligatoires.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture a été prononcée le 2 octobre 2024 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 28 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de « constater », « juger » « dire » et « dire et juger » :

Par application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater », « dire » ou « juger » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.

Sur la recevabilité des demandes des appelantes :

Sur la demande concernant les arriérés de loyers et la clause pénale du bail :

L'intimée fait valoir qu'une instance suivant assignation du 4 février 2021 est toujours en cours et tend au même objet que la demande au titre de l'arriéré locatif formée devant la cour.

Cette prétention est formulée comme une fin de non-recevoir alors qu'il s'agit en réalité d'une exception de litispendance qui aurait dû être soulevée in limine litis.

Or tant en première instance qu'en appel et aux termes du dispositif de ses écritures, la société civile Mac-Mahon 6 s'est abstenue d'invoquer in limine litis une exception de litispendance, voir de connexité.

Dès lors, cette exception présentée comme une fin de non recevoir ne saurait être accueillie et il sera ajouté à la décision entreprise qui a omis de statuer sur ce point.

Sur la demande indemnitaire de 700 000 euros :

L'intimée fait valoir que la cour ne peut que statuer dans les limites des pouvoir du premier juge, soit, en l'occurrence, le juge des contentieux de la protection de [Localité 4] et que dès lors une demande indemnitaire de 700 000 euros excède la compétence matérielle de la juridiction.

Cette prétention est formulée comme une fin de non-recevoir alors qu'il s'agit en réalité d'une exception d'incompétence qui aurait dû être soulevée in limine litis.

Or tant en première instance qu'en appel et aux termes du dispositif de ses écritures, la société civile Mac-Mahon 6 s'est abstenue d'invoquer in limine litis une exception d'incompétence.

Dès lors, cette exception présentée comme une fin de non-recevoir ne saurait être accueillie et il sera ajouté à la décision entreprise qui a omis de statuer sur ce point.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance des appelantes :

Il résulte de l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 que toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

Les appelantes font valoir que l'autre procédure pendante en première instance concerne leur demande de fixation d'une indemnité d'occupation compte tenu du congé délivré. Elle rappelle que dans le cadre de la présente instance, il est exclusivement sollicité le règlement d'arriérés de loyers et de charges et que force est donc de constater que les demandes ne sont pas les mêmes.

Il n'est pas contesté que l'action en paiement de l'arriéré locatif a été initiée le 22 août 2022. Dès lors, les créances loyers et charges échues avant le 22 août 2019 seront déclarées prescrites et il sera ajouté à la décision entreprise qui a omis de statuer sur ce point.

Sur la fin tirée de la subrogation de la société civile Mac-Mahon 6 dans les droits des société [V] et [C] :

S'il est exact que l'acte de vente de l'immeuble en date du 18 mars 2022 stipule clairement en page 29 §2 que « le vendeur déclare subroger l'acquéreur dans tous ses droits et obligations relatifs au bien », cependant cet acte comporte également en page 9§1 une clause dérogatoire ainsi libellée : « décompte des montants se rapportant au bail » qui énonce : « les parties font leur affaire personnelle de la vérification des comptes avec le gestionnaire des biens objets de ladite vente et du règlement entre elles de tout compte de loyer et prorata de loyer, remboursement de dépôt de garantie et taxe sur les bureaux et remboursement de tout compte de charges. À défaut de règlement amiable, les parties conservent tout intérêt à agir de ces chefs, déchargeant le notaire soussigné et le notaire participant de toute responsabilité à cet égard. »

Cette dernière clause confère donc clairement aux appelantes un intérêt à agir en ce qui concerne l'apurement des comptes entre les parties.

Par ailleurs, l'intimée soutient que cette clause encoure la nullité en ce qu'elle ne figure pas à la promesse de vente conclue par les sociétés [V] et [C] au bénéfice de la société SMTP Promotion et constituerait ainsi une condition moins avantageuse contraire aux dispositions de l'article 15 II alinéa 4 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, d'ordre public.

Cependant, la clause litigieuse ne peut être considérée comme moins avantageuse dans la mesure où qu'à la différence avec la société SMTP Promotion l'intimée se trouvait être la locataire des appelantes et que le contrat se devait de considérer et régir les rapports spécifiques entre les parties en leur double qualité de venderesses et bailleresse et d'acquéreure/locataire ainsi que légitimement décharger le notaire de toute responsabilité quant au décompte locatif entre les parties.

En outre, les dispositions invoquées n'imposent nullement que le compromis stipulé au bénéfice du locataire doit comporter les mêmes termes que les conditions offertes à un autre acquéreur potentiel.

Dès lors, la fin alléguée sera écartée.

Par ailleurs et dans ces conditions, il n'y aura pas lieu de dire « inopérante, abusive, inopposable à la concluante, et à défaut nulle et non avenue la clause de l'acte de vente du 18 mars 2022 » intitulée « Décompte des montants se rapportant au bail ».

Il sera ajouté à la décision entreprise qui a omis de statuer sur ces points.

Sur la nullité de la transaction :

Il résulte de l'article 1103 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'acte de vente du 18 mars 2022 rappelle dans son préambule que le 1er juin 2021 les sociétés [V] et [C] ont signé une promesse de vente au profit de la société SMTP Promotion, promoteur immobilier, à un prix moindre que celui proposé à la locataire puis qu'un protocole transactionnel a été conclu entre les bailleresses et la locataire les 12 et 14 octobre 2021 sans que cette dernière n'ait été informée à cette date du meilleur prix proposé au bénéficiaire de la promesse du 1er juin 2021.

Dans ces conditions, les parties se sont accordées à l'acte notarié pour dire que « par voie de conséquence, la transaction susvisée des 12 et 14 octobre 2021 est nulle et non avenue ».

Dès lors, la transaction des 12 et 14 octobre 2021 conclue entre les parties est annulée par la convention notariée depuis le 18 mars 2022, de sorte que la demande de prononcé de la nullité de la transaction comme frauduleuse est à ce jour sans objet.

Il sera ajouté à la décision entreprise qui a omis de statuer sur ce point.

Sur la demande de condamnation de l'acquéreure au paiement de la somme de 700 000 euros et des venderesses à la somme de 200 000 euros :

Les bailleresses ont adressé à la locataire un congé avec offre de vente le 23 septembre 2019 à effet au 31 mars 2020.

La locataire a accepté l'offre de vente dès le 29 novembre 2019 et la vente a finalement été régularisée à la demande des bailleresses le 18 mars 2022 au prix de 1 900 000 euros, après une sommation du 4 mars 2022 délivrée à l'initiative des bailleresses à la locataire d'assister à la signature de l'acte.

Ainsi, la vente ne s'est formalisée qu'après un délai de plus de 27 mois après l'acceptation de la locataire et les appelantes ne démontrent pas en quoi ce retard serait imputable à l'intimée qui en l'espèce a au contraire parfaitement déféré à leur sommation d'assister à la signature de l'acte pourtant délivrée dans le très court délai de 14 jours avant signature de la vente.

Les venderesses allèguent que l'immeuble d'une surface de 256,11 m2 aurait pu se vendre au prix de 13 000 euros du m2, soit 3 329 430 euros.

Il n'en demeure pas moins que leur offre initiale destinée à la locataire portait sur un prix qu'elles avaient elles-même évalué à 2 605 000 euros alors qu'il n'est pas contesté que l'immeuble loué depuis 1996, n'avait pas fait l'objet de travaux et se trouvait dans un état vétuste.

En tout état de cause, le différentiel allégué entre le prix de vente et la valeur du marché allégué est inférieur au sept douzième de sorte que la vente ne peut présenter de caractère lésionnaire.

En outre, le prix de vente consenti à l'intimée correspond exactement au prix de vente net vendeur consenti préalablement par les venderesses à la société SMTP Promotion afin de rendre la vente conforme aux dispositions de l'article 15 II alinéa 4 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les appelantes échouent à démontrer un quelconque préjudice résultant du prix auquel la cession a été arrêtée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

De même, il a été rappelé que l'égalité économique des conditions et de prix entre la promesse consentie à la société SMTP Promotion a été parfaitement assurée par l'acte de vente du 18 mars 2022, de sorte que la société civile Mac-Mahon 6 n'est pas fondée à réclamer la restitution d'une partie du prix de vente consentie et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur les comptes entre les parties :

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les appelantes demandent le paiement des « loyers et charges » au titre de l'ensemble de la période d'occupation de leur locataire, soit jusqu'à l'achat par cette dernière de l'immeuble le 18 mars 2022.

Cependant, il appartient à la cour de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Dans ces conditions, la demande des appelantes s'analyse d'une part en une demande en paiement de la dette locative contractuelle jusqu'au 31 mars 2020 dans la mesure où il n'est pas contesté que le bail a pris un terme à cette date et que depuis, la demande s'analyse pour le surplus en une demande d'indemnisation à raison de l'indisponibilité des lieux causée par l'occupation de l'ex-locataire.

Pour autant cette dernière sollicite le remboursement de la somme de 93.758,78 euros, somme qu'elle a volontairement versée au syndic depuis la cessation du bail.

Après la fin du bail, le syndic a effectivement facturé une indemnité d'occupation à la société civile Mac-Mahon 6 qui l'a réglée jusqu'à la date du 1er octobre 2021, seules les charges ayant été réglées par cette dernière depuis et jusqu'à la vente.

De la date de la cessation du bail et jusqu'à la vente, il est donc incontestable que la société civile Mac-Mahon 6 a occupé sans droits ni titre l'immeuble qui était alors la propriété des sociétés [V] et [C] qui n'ont donc pu disposer de leur bien durant cette période.

Elles sont donc fondées à se voir indemniser de cette occupation par leur ex-locataire.

La somme facturée par le syndic se borne à reprendre le montant réactualisé du loyer indexé tel qu'il a été convenu initialement en mars 1996 ainsi que les charges en cohérences avec les décomptes approuvés par les assemblées générales des copropriétaires.

Dès lors, le montant de l'indemnité d'occupation s'avère particulièrement modéré compte-tenu de la situation et de la superficie du bien au regard des références de marché communiquées par les appelantes.

Enfin, force est de constater que la société civile Mac-Mahon 6 a accepté de volontairement s'acquitter du paiement de l'indemnité d'occupation réclamée jusqu'à octobre 2021 et ne saurait en réclamer le remboursement.

Elle ne justifie pas d'un préjudice distinct du préjudice moral qu'elle invoque à raison du retard pris dans la réalisation de la vente et ne peut donc solliciter, comme elle le fait, deux indemnisations en réparation du même préjudice.

La société civile Mac-Mahon 6 produit des courriers des 22 novembre 2018, 2 janvier, 28 avril et 17 juin 2019 contestant le décompte des charges 2017, 2018 et du premier trimestre 2019, étant précisé qu'en tout état de cause, les charges et les loyers facturés sur ces périodes sont prescrits.

Les paiements réalisés depuis par la société civile Mac-Mahon 6 n'ont pas concerné les périodes prescrites dans la mesure où cette dernière a toujours pris soin de préciser à quelle échéance chaque paiement était rattachable, en l'espèce les échéances dues depuis septembre 2019.

Le relevé locatif établi par le syndic fait état d'un arriéré de 11 993,76 euros en août 2019 et qui en mars 2022, s'élève à un montant de 46 284,30 euros, étant rappelé que la créance initiale de 11 993, 76 euros s'avère prescrite.

Il ressort donc du décompte locatif un arriéré de 34 290,54 euros (46 284,30 euros - 11 993,76 euros), soit une créance finale de 28 192,54 euros déduction faite du dépôt de garantie (34 290,54 euros - 6 098 euros) que la société civile Mac-Mahon 6 sera condamnée à payer aux locataires au titre du compte entre les parties et l'intimée sera déboutée de sa demande de restitution des indemnités d'occupation versées.

La décision entreprise sera infirmée sur ces points.

En revanche le prononcé d'une astreinte ne se justifie pas en l'espèce et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur l'application de la clause pénale :

Les bailleresses invoquent la clause pénale prévue à l'article 7 du bail, prévoyant une majoration de 10% des sommes leur étant dues en cas de retard de paiement.

Toutefois, il résulte de l'article 4 i) de la loi du 6 juillet 1989 telle que modifié par la loi du 24 mars 2014, qu'est réputée non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location.

Ces dispositions d'ordre public ont vocation à s'appliquer aux contrats mixtes en ce qu'ils concernent nécessairement l'habitation ainsi qu'aux contrats à exécution successive, étant rappelé que le dernier renouvellement de bail intervenu le 1er avril 2014 est postérieur à l'entrée en vigueur de la loi le 27 mars 2014.

Les appelantes seront donc déboutées de leur demande de pénalité et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur le préjudice moral de la société civile Mac-Mahon 6 :

Comme cela a été relevé plus haut, la vente ne s'est formalisée qu'après un délai de plus de 27 mois après l'acceptation de la locataire alors que dans l'attente son expulsion a été réclamée par les bailleresses tandis qu'elle avait consenti le principe de la vente à un acquéreur tiers.

Durant ce long intervalle de temps, la locataire est demeurée dans l'incertitude quant au devenir de son domicile, au siège de ses activités professionnelles et à la poursuite de son activité.

Dès lors, c'est de façon justifiée que la juridiction du premier degré a alloué à la société civile Mac-Mahon 6 la somme de 20 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive :

L'exercice d'un droit ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol. En outre l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit aux parties l'accès au juge.

En l'espèce, l'intention de nuire ou l'erreur grossière des appelantes ne sont pas démontrées, non plus que le caractère dilatoire ou abusif de la présente procédure.

En outre, leurs demandes se sont avérées partiellement fondées notamment au regard de l'arriéré locatif.

La demande la société civile Mac-Mahon 6 sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Chaque partie succombant partiellement, il conviendra de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de dire que chaque partie en supportera la moitié et la décision de première instance sera infirmée en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens.

En outre, l'équité commande de laisser à chaque partie la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme la décision querellée en ce qu'elle a :

- Condamné solidairement la société [V] et la société [C] à payer à la société Mac-Mahon 6 la somme de 20 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,

- Débouté la société [V] et la société [C] de leur demande en paiement de la somme de 700 000 euros au titre du préjudice résultant du prix de cession,

- Débouté la société Mac-Mahon 6 de sa demande en paiement de la somme de 200 000 euros au titre du préjudice résultant du prix de cession,

- Débouté la société [V] et la société [C] de leur demande de pénalité sur les sommes dues,

- Débouté la société [V] et la société [C] de leur demande d'astreinte,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare les créances de loyers et charges dues par la société Mac-Mahon 6 et échues avant le 22 août 2019 prescrites,

Rejette l'ensemble des autres fins de non recevoir présentées par la société Mac-Mahon 6,

Dit que la demande de prononcé de la nullité de la transaction des 12 et 14 octobre 2021 est sans objet,

Condamne la société Mac-Mahon 6 à payer à la société [V] et la société [C] la somme de 28 192,54 euros au titre de l'arriéré locatif et de l'occupation des lieux,

Condamne solidairement la société [V] et la société [C] à payer à la société Mac-Mahon 6 la somme de 20 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,

Rejette l'ensemble des autres demandes formées par les parties,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit que la société Mac-Mahon 6 d'une part et d'autre part les sociétés [V] et [C] en supporteront in solidum la moitié,

Laisse à chaque partie la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.

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