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Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 27 mars 2025, n° 23/02015

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Fedex Express FR (SASU), Fedex Express FR Holding (SASU), Fedex Express International BV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brisset

Conseillers :

Mme Croisille-Cabrol, Mme Ribeyron

Avocats :

Me Rilov, Me Benoit-Daief, Me Danesi

Cons. prud'h. [Localité 10], formation p…

17 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [Z] a été embauché selon contrat à durée indéterminée non versé aux débats par la SAS TNT Express International, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SASU Fedex Express FR, sise à [Localité 8], à une date et à un poste inconnus.

La convention collective applicable est celle des transports routiers.

La SAS TNT Express International faisait partie du groupe TNT, de même que la SAS TNT France holding, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SASU Fedex Express FR holding, sise à [Localité 8].

Ces deux sociétés sont des filiales de la société TNT Express NV, société mère, aux droits laquelle vient aujourd'hui la société Fedex Express International BV, sise à [Localité 7] (Pays-Bas).

Dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et d'un projet de licenciement économique collectif, la SAS TNT Express International a licencié M. [Z] pour motif économique selon LRAR du 14 octobre 2014.

Le 28 septembre 2015, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse d'une action dirigée contre la SAS TNT Express International, la SAS TNT France holding et la société TNT Express NV devenue ensuite TNT Express BV.

Après radiation du 11 mai 2017, réinscription du 15 mai 2019, nouvelle radiation du 15 octobre 2020 et nouvelle réinscription du 15 septembre 2022, M. [Z] a, en dernier lieu, sollicité la condamnation in solidum des sociétés TNT Express International, TNT France holding et TNT Express BV en raison d'une situation de co-emploi à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il a également demandé la condamnation de la seule société TNT Express International au paiement de la même somme à titre de dommages et intérêts pour absence de motif économique et de la même somme pour violation de l'obligation de reclassement.

Les trois sociétés ont soulevé la péremption d'instance.

Par jugement du 9 février 2023, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- constaté la péremption de l'instance opposant M. [Z] aux sociétés Fedex Express FR (venant aux droits de TNT Express International), Fedex Express FR holding (venant aux droits de TNT France holding) et TNT Express NV,

- déclaré irrecevables les demandes de M. [Z],

- débouté les sociétés Fedex Express FR, Fedex Express FR holding et TNT Express International NV de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] aux dépens de l'instance.

Le 5 juin 2023, M. [Z] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision et intimant la SAS Fedex Express FR venant aux droits de la SAS TNT Express International, la SASU Fedex Express FR holding venant aux droits de la SAS TNT France holding et la société Fedex Express International BV venant aux droits de la société TNT Express BV anciennement TNT Express NV.

Par conclusions d'incident du 26 juin 2024, M. [Z] a demandé au magistrat chargé de la mise en état un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la Cour de cassation saisie de divers pourvois formés par d'autres salariés licenciés, à l'encontre d'arrêts rendus par la cour d'appel de Paris les 6 mars et 19 décembre 2023. Par ordonnance du 12 novembre 2024, le magistrat a rejeté la demande de sursis.

Par conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 13 décembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, M. [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

Statuant à nouveau :

- juger l'absence de péremption de l'instance,

- condamner in solidum du fait de la situation de coemploi les sociétés TNT Holding France, TNT Express N.V et TNT Express International pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à verser à l'appelant une indemnité de 106.384,95 ' soit 3 années de salaire pour une ancienneté de 14 ans 11 mois,

- condamner la société TNT Express International du fait de l'absence de motif économique réel et sérieux du licenciement à payer à l'appelant une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 106.384,95 ' soit 3 années de salaire pour une ancienneté de 14 ans 11 mois,

- condamner la TNT Express International pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement à verser au salarié une indemnité de 106.384,95 ' soit 3 années de salaire pour une ancienneté de 14 ans 11 mois,

- condamner les sociétés intimées à payer à chacun à l'appelant (sic) une indemnité de 500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal,

- condamner les sociétés intimées aux entiers dépens.

Par conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 6 janvier 2025, auxquelles il est fait expressément référence, la société Fedex Express FR, la société Fedex Express FR holding et la société Fedex Express International BV demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la péremption, déclaré irrecevables les demandes de M. [Z] et condamné M. [Z] aux entiers dépens,

- rejeter les demandes de M. [Z] visant au paiement de la somme de 106.384,95 ' de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- rejeter la demande de M. [Z] visant au paiement de la somme de 500 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Z] au paiement de 2.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des trois sociétés.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 13 janvier 2025.

MOTIFS

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

En matière prud'homale, selon l'article R. 1452-8 du code du travail abrogé par l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 dans sa version en vigueur jusqu'au 1er août 2016, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

Selon l'article 45 du même décret, l'abrogation de l'article R.1452-8 du code du travail est applicable aux instances introduites devant les conseils des prud'hommes à compter du 1er août 2016.

Pour interrompre la péremption, les parties doivent ainsi s'acquitter de l'ensemble des diligences mises à leur charge par l'ordonnance de radiation.

Le point de départ du délai de péremption de l'instance court à compter de la notification de la décision ayant expressément mis à la charge d'une partie les diligences à accomplir.

En application de l'article 381 du code de procédure civile, la radiation est notifiée par lettre simple aux parties et à leurs représentants.

En application de l'article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. A moins que la péremption de l'instance ne soit acquise, l'affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci, ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l'une des parties.

La procédure reste régie par les dispositions applicables lors de la saisine du conseil de prud'hommes.

En l'espèce, M. [Z] a saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 10] le 28 septembre 2015, de sorte que les dispositions de l'article R. 1452-8 du code du travail dans sa version antérieure au décret du 20 mai 2016 s'appliquent à l'instance à laquelle les radiations successives des 11 mai 2017 et 15 octobre 2020 n'ont pas mis fin. Il s'agit en effet de la même instance et il n'y a pas eu d'instances nouvelles auxquelles s'appliqueraient les dispositions du décret du 20 mai 2016 concernant les instances introduites devant cette juridiction à compter du 1er août 2016.

Pour soutenir la péremption de l'instance, les sociétés se fondent sur le fait que, le 15 septembre 2016, le conseil de prud'hommes a renvoyé l'affaire au 11 mai 2017 pour plaider au fond en fixant un calendrier de procédure aux parties pour communiquer leurs conclusions, pour le demandeur au 31 octobre 2016 et pour les défendeurs au 31 janvier 2017, à défaut de quoi l'affaire serait radiée. Elles soutiennent que le délai de 2 ans a commencé à courir le 31 octobre 2016, date limite de communication des conclusions par le salarié ; que le salarié n'a déposé des conclusions de réinscription que le 15 mai 2019 soit alors que le délai avait expiré au 31 octobre 2018 ; que, même pour le cas où le délai aurait commencé à courir au jour de la décision de radiation du 11 mai 2017, la réinscription du 15 mai 2019 resterait tardive ; que la nouvelle réintroduction du 15 septembre 2022 suite à nouvelle radiation du 15 octobre 2020 était également tardive.

Or, si, suite à l'audience du 15 septembre 2016, par courrier du même jour le conseil de prud'hommes a informé les parties du renvoi à l'audience du 11 mai 2017 avec fixation d'un calendrier de procédure, le salarié devant conclure pour le 31 octobre 2016, pour autant le délai de 2 ans n'a pas commencé à courir le 31 octobre 2016 car il ne s'agissait pas d'une décision de radiation impartissant des diligences aux parties, ladite radiation n'ayant été prononcée que par décision du 11 mai 2017.

Dans la décision du 11 mai 2017, la juridiction a dit que lorsque le salarié réintroduira l'instance il devra justifier auprès du greffe avoir remis aux parties adverses les pièces, moyens et notes qu'il compte produire et déposer ses conclusions au fond, et a dit qu'en l'absence de diligences du salarié pendant un délai de 2 ans à compter de la notification de la présente décision, l'instance sera périmée. Cette décision a été notifiée aux parties le 18 mai 2017. C'est donc la notification du 18 mai 2017 qui a fait partir le délai de 2 ans. Le salarié ayant déposé ses conclusions de réinscription le 15 mai 2019 l'a fait dans ce délai.

Par la suite, une nouvelle décision de radiation a été prononcée le 15 octobre 2020, la juridiction disant que lorsque le salarié réintroduira l'instance il devra justifier auprès du greffe avoir remis aux parties adverses les pièces, moyens et notes qu'il compte produire et déposer ses conclusions, et disant qu'en l'absence de diligences du salarié pendant un délai de 2 ans à compter de la notification de la présente décision, l'instance sera périmée. Cette décision a été notifiée aux parties le 27 octobre 2020. Un nouveau délai de 2 ans a donc couru à compter du 27 octobre 2020. Le salarié ayant déposé ses conclusions de réinscription le 15 septembre 2022 l'a fait dans ce délai.

Il en résulte que l'instance n'est pas périmée, le jugement étant infirmé.

Il n'y a pas lieu pour la cour, en application de l'article 568 du code de procédure civile, d'évoquer et de statuer sur les points non jugés par le conseil de prud'hommes. Il convient de renvoyer le dossier devant le conseil de prud'hommes lequel statuera sur le fond. Les dépens et frais irrépétibles seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement et, statuant à nouveau,

Dit que l'instance introduite par M. [G] [Z] devant le conseil de prud'hommes de Toulouse n'est pas périmée,

Renvoie le dossier devant le conseil de prud'hommes pour qu'il soit statué sur le fond,

Réserve les demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

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