CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 19 mars 2025, n° 24/04735
PARIS
Ordonnance
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Zouaoui
1. Le 26 février 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS, en application des dispositions des articles L.16B et R. 16B-1 du Livre des Procédures Fiscales (ci-après " LPF "), a rendu une ordonnance d'autorisation d'opérations de visite et de saisie à l'encontre de la SAS ARMORICA HOLDINGS agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS.
2. L'ordonnance a autorisé les opérations de visite et de saisie dans les locaux et dépendances situés [Adresse 5] susceptibles d'être occupés par [J] [F] et/ou [R] [F], née [O] et/ou [N] [F] et/ou [E] [F] et/ou [Y] [F] et/ou [V] [F] et/ou la SAS EMERAUDE INVEST.
3. L'ordonnance a fait droit à la requête de la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales (ci-après " DNEF ") en date du 16 février 2024 selon laquelle les éléments recueillis par l'administration fiscale permettaient d'établir des présomptions de ce que la SAS ARMORICA HOLDINGS agissant pour elle-même et la SAS ARMOCIA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS minorent leurs résultats imposables par une majoration de charges, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en utilisant des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et qu'ainsi, ces entités sont présumées s'être soustraites et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices ou taxes sur le chiffre d'affaires, en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts (articles 54 et 209-1 pour l'impôt sur les sociétés et 286 pour la Taxe sur la Valeur Ajoutée).
4. Pour autoriser les enquêteurs de la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales à procéder à la visite des locaux et dépendances situés [Adresse 5] et à la saisie de documents et supports d'information pouvant permettre d'apporter la preuve de l'existence d'une fraude, l'ordonnance retient pour l'essentiel que :
- la société française SAS ARMORICA, a pour activité 'l'acquisition, la gestion et la cession de participations dans des sociétés commerciales ayant leur siège social en France'. Elle est présidée depuis le 23/09/2023 par [X] [W], et son siège social se situe [Adresse 6] ;
- la SAS ARMORICA détient 100% du capital de la SAS IDVERDE créée le 01/10/1986 et ayant pour activité 'les services d'aménagement paysager'. La SAS IDVERDE est présidée depuis le 23/09/2023 par [X] [W], et son siège social se situe [Adresse 6] ;
- la société française SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS a pour objet 'En France et à l'étranger : l'acquisition, la prise de participation ou d'intérêts, directes ou indirectes, dans toutes sociétés et entreprises commerciales, industrielles, financières, mobilières et immobilières, que ce soit par voie de création de sociétés nouvelles ou d'acquisition de sociétés existantes, d'apports de fusion, de scissions ou de sociétés en participation, par voie de prise en location de biens (...)' ;
- à sa création, les 1000 actions de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS ont été souscrites par la société CEH BidCo 1, une société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, dont le siège social est situé [Adresse 9], représentée par [L] [H], premier président de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS ;
- par un contrat de cession conclu le 09/02/2018, la société de droit luxembourgeois CEH BidCo 1 Sarl, agissant au nom et pour le compte de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, une société en cours de formation, a acquis la SAS ARMORICA par cession des titres par les actionnaires pour un prix total de 190 Millions € ;
- ainsi, la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS a été créée par l'intermédiaire de la société de droit luxembourgeois CEH BidCo 1, concomitamment à l'acquisition pour la totalité des titres au prix total de 190 Millions € de la SAS ARMORICA ;
- sur le site internet www.coreequityholdings.com, un article posté le 29/03/2018 indique que CORE EQUITY HOLDINGS a conclu l'acquisition d'IDVERDE, le leader européen de la création et de l'entretien d'espaces verts auprès de Chequers Capital ;
- la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS a pour associé unique à la date du 27/03/2028 la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS ;
- la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et la SAS ARMORICA HOLDINGS, immatriculées le 09/02/2018 respectivement sous les numéros SIREN 837 529 577 et 837 547 785 ont pour objet « En France et à l'étranger : l'acquisition, la prise de participation ou d'intérêts, directes ou indirectes, dans toutes sociétés et entreprises commerciales, industrielles, financières, mobilières et immobilières, que ce soit par voie de création de sociétés nouvelles ou d'acquisition de sociétés existantes, d'apports de fusion, de scissions ou de sociétés en participation, par voie de prise en location de biens (...) » ;
- à leur création, les 1000 actions de la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et de la SAS ARMORICA HOLDINGS ont été souscrites par la société CEH BidCo 1 précitée représentée par [L] [H], futur président de la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et de la SAS ARMORICA HOLDINGS ;
- la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS a pour associé unique à la date du 27/03/2018 la SAS ARMORICA HOLDINGS ;
- l'acquisition de la SAS ARMORICA par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS a été réalisée majoritairement par un recours à l'emprunt ;
- l'acquisition du groupe IDVERDE, société cible, s'est faite au moyen d'un montage de type " LBO " (Leverage Buy-Out) dont le but est d'endetter la holding d'acquisition, la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, afin d'acquérir sa cible ;
- le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS a acquis en partie la SAS ARMORICA par le biais d'une émission successive d'emprunts obligataires par des sociétés situées au Luxembourg et aux Iles Caïmans ;
- dans un premier temps, l'opération d'acquisition s'est traduite par l'émission d'un emprunt obligataire par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS. Pour financer cette opération, d'autres emprunts obligataires ont été émis par l'ensemble des sociétés détenant directement ou indirectement la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS. Le dernier emprunt émis par la société ARMORICA TOPCO SCA a été souscrit par la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED ;
- dès lors, l'opération de LBO, initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS s'est traduite par un important endettement de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS au titre des exercices clos le 31/12/2019 et le 31/12/2020 ;
- il peut être présumé que la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED est l'ultime bénéficiaire des intérêts émis au titre des emprunts obligataires au titre des exercices clos en 2019 et 2020 ;
- le groupe d'intégration fiscale de la SAS ARMORICA HOLDINGS déduit fiscalement d'importantes charges financières liées à l'émission des emprunts obligataires au titre des exercices clos en 2019 et 2020 ;
- l'opération de LBO relative à l'acquisition du groupe IDVERDE, initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS au travers de sociétés luxembourgeoises et d'une société basée aux Iles Caïmans ainsi que l'émission successive d'emprunts obligataires initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS au travers de sociétés luxembourgeoises et d'une société située aux Iles Caïmans ont pour conséquence de faire porter in fine l'endettement de l'opération sur le groupe fiscal français ARMORICA ;
- il peut être présumé que le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS par l'intermédiaire de sociétés situées au Luxembourg et aux Iles Caïmans a mis en place un montage d'ingénierie financière et juridique complexe pour l'acquisition du groupe IDVERDE permettant :
- la localisation d'importantes charges financières en France au titre des exercices clos en 2019 et 2020 ;
- une remontée de produits financiers aux Iles Caïmans supportant un très faible niveau d'imposition au titre des exercices clos en 2019 et 2020 ;
- à compter de l'exercice 2021, le financement par l'émission d'emprunts obligataires successifs émis dans le cadre de l'acquisition du groupe IDVERDE a été modifié suite à l'interposition de quatre sociétés luxembourgeoises nouvellement créées et interposées entre les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA LUX SARL ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX SARL détient toujours la SAS ARMORICA HOLDINGS, qui elle-même détient la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS ;
- la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS déduit fiscalement au titre de l'exercice clos en 2021 d'importantes charges financières liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- il peut être présumé que les produits déclarés correspondent à la rémunération des intérêts versés par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS à la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS dans le cadre de l'emprunt obligataire. Les intérêts, quant à eux, correspondent aux intérêts payés par la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS à la SAS ARMORICA HOLDINGS dans le cadre d'un autre emprunt obligataire ;
- la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS déduit fiscalement au titre de l'exercice clos en 2021 des charges financières et impose des produits financiers liés aux emprunts obligataires consentis à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la SAS ARMORICA HOLDINGS déduit fiscalement au titre de l'exercice clos en 2021 d'importantes charges financières liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la SAS ARMORICA HOLDINGS déclare au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers liés aux intérêts payés par la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS relatifs à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société ARMORICA LUX SARL déduit au titre de l'exercice clos en 2021 des charges financières versées aux sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA PLEDGECO SARL liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion dé l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société ARMORICA LUX SARL déclare au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers liés aux intérêts payés par la SAS ARMORICA HOLDINGS relatifs à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- il peut être présumé que la société de droit luxembourgeois ARMORICA PLEDGECO SARL appartient au fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- l'emprunt obligataire émis par la société ARMORICA LUX SARL et souscrit par la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA en 2020 a été transféré en juin 2021 à la société de droit luxembourgeois ARMORICA PLEDGECO SARL dans le cadre de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société ARMORICA PLEDGECO SARL déclare au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers liés aux intérêts payés par la société ARMORICA LUX SARL relatifs à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société ARMORICA PLEDGECO SARL déduit au titre de l'exercice clos en 2021 des charges financières versées à la société de droit luxembourgeois IDVERDE LUXCO SARL liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- il peut être présumé que la société de droit luxembourgeois IDVERDE LUXCO SARL appartient au fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- la société IDVERDE LUXCO SARL déclare au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers relatifs aux intérêts payés par la société ARMORICA PLEDGECO SARL liés à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société IDVERDE LUXCO SARL déduit au titre de l'exercice clos en 2021 des charges financières versées à la société de droit luxembourgeois IDVERDE GROUP SAS liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- à sa création, la société de droit luxembourgeois IDVERDE LUXCO SARL est présidée par [L] [H], associé du fonds d'investissement belge, CORE EQUITY HOLDINGS ;
- il peut être présumé que la société de droit luxembourgeois IDVERDE GROUP SAS appartient au fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- la société IDVERDE GROUP SAS impose au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers relatifs aux intérêts payés par la société IDVERDE LUXCO SARL liés à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société IDVERDE GROUP SAS déduit au titre de l'exercice clos en 2021 des charges financières versées à la société de droit luxembourgeois ARMORICA PARTICIPATIONS liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- il peut être présumé que la société de droit luxembourgeois ARMORICA PARTICIPATIONS SCA appartient au fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA PARTICIPATIONS SCA déclare au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers relatifs aux intérêts payés par la société IDVERDE GROUP SAS liés à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA PARTICIPATIONS SCA déduit au titre de l'exercice clos en 2021 des charges financières versées à la société ARMORICA LUX HOLDINGS SCA liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA impose au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers relatifs aux intérêts payés par les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX SARL et ARMORICA PARTICIPATIONS SCA liés aux emprunts obligataires consentis à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA déduit au titre de l'exercice clos au 31/12/2021 des charges financières versées à la société ARMORICA TOPCO SCA liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA TOPCO SCA impose au titre de l'exercice clos en 2021 des produits financiers relatifs aux intérêts payés par les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA TOPCO SCA déduit au titre de l'exercice clos au 31/12/2021 des charges financières versées à la société de droit caïman liées à l'emprunt obligataire consenti à l'occasion de l'acquisition du groupe IDVERDE ;
- le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS, au cours de l'exercice clos en 2021, a décidé de créer 4 nouvelles structures luxembourgeoises ayant chacune émis un emprunt obligataire ;
- l'acquisition du groupe IDVERDE par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS a été réalisée au moyen d'entités intermédiaires situées au Luxembourg et aux Iles Caïman par l'émission successive d'emprunts obligataires par l'ensemble des entités de la chaîne ;
- dans un premier temps, l'opération d'acquisition s'est traduite en mars 2018 par l'émission d'un emprunt obligataire par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS. Pour financer cette opération en 2021, d'autres emprunts obligataires ont été émis successivement par l'ensemble des sociétés détenant directement ou indirectement la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, notamment des sociétés luxembourgeoises (ARMORICA LUX SARL, ARMORICA PLEDGECO SARL, IDVERDE LUXCO SARL, IDVERDE GROUP SAS, ARMORICA PARTICIPATIONS SCA, ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA TOPCO SCA). Le dernier emprunt obligataire émis par la société ARMORICA TOPCO SCA a été souscrit par la société de droit caïman IDV INVESTMENT ;
- l'acquisition du groupe IDVERDE, initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS s'est traduite par un important endettement de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS au titre de l'exercice clos le 31/12/2021 ;
- il peut être présumé que la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED est l'ultime bénéficiaire des intérêts émis au titre des emprunts obligataires au titre de l'exercice clos en 2021 ;
- le groupe d'intégration fiscale de la SAS ARMORICA HOLDINGS déduit fiscalement d'importantes charges financières liées à l'émission des emprunts obligataires au titre des exercices clos en 2021 ;
- dès lors, il peut être présumé que le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS par l'intermédiaire de sociétés situées au Luxembourg et aux Iles Caïman a mis en place un montage d'ingénierie financière et juridique complexe pour l'acquisition du groupe IDVERDE permettant :
- la localisation d'importantes charges financières en France déduites du résultat au titre des exercices clos en 2021 ;
- une remontée de produits financiers aux Iles Caïmans supportant un très faible niveau d'imposition au titre des exercices clos en 2021.
- l'émission successive d'emprunts obligataires initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS au travers de sociétés luxembourgeoises et d'une société située aux Iles Caïmans, a pour conséquence de faire porter in fine l'endettement de l'opération sur le groupe fiscal français ;
- il peut être présumé que la SAS ARMORICA HOLDINGS agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS participent à un montage frauduleux dirigé par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- en procédant ainsi, il peut être présumé que la SAS ARMORICA HOLDINGS agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS se sont soustraites au paiement de l'impôt sur les bénéfices en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en utilisant des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, leur permettant de minorer leurs résultats en France par une majoration de leurs charges financières.
5. L'ordonnance retient ainsi qu'existent des raisons de présumer que la SAS ARMORICA HOLDINGS agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, majoreraient indûment leurs charges, minorant ainsi leur base taxable à l'impôt sur les sociétés et ainsi omettraient les écritures comptables correspondantes.
6. Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 27 février 2024 dans les locaux et dépendances visés par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris du 26 février 2024.
7. Le 11 mars 2024, la SAS ARMORICA HOLDINGS prise en la personne de son représentant légal, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS EMERAUDE INVEST, prise en la personne de son représentant légal et Monsieur [J] [F], ont interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris du 26 février 2024.
8. Par déclaration du même jour, la SAS ARMORICA HOLDINGS prise en la personne de son représentant légal, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS EMERAUDE INVEST, prise en la personne de son représentant légal et Monsieur [J] [F] ont formé un recours contre les opérations de visite et de saisie relatives aux lieux sis [Adresse 4] à [Localité 20].
9. L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 6 novembre 2024.
Sur l'appel de l'ordonnance du 26 février 2024 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris
10. Les parties appelantes, à l'audience et par des conclusions d'appel récapitulatives et responsives déposées au greffe de la cour d'appel de Paris le 4 juillet 2024, au visa des articles L.16B du livre des procédures fiscales et de l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme demandent au délégué du premier président de la cour d'appel de Paris :
- d'infirmer et d'annuler intégralement l'ordonnance rendue le 26 février 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ;
- de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
11. La DNEF, à l'audience et dans ses observations responsives reçues au greffe de la cour d'appel de Paris le 31 juillet 2024, demande au délégué du premier président de la cour d'appel de Paris de :
- confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 20] du 26 février 2024 ;
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;
- condamner l'appelant au paiement de la somme de 2 000 au titre de l'article 700 code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Sur le recours contre les opérations de visite et de saisie du 27 février 2024
12. Les parties requérantes, par des conclusions récapitulatives et responsives déposées au greffe de la cour d'appel de Paris le 3 juillet 2024, au visa des articles L. 16B du livre des procédures fiscales, 495 et 16 du code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, demandent au délégué du premier président de la cour d'appel de Paris :
- d'annuler intégralement le procès-verbal de visite et de saisie du 27 février 2024 ;
- de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
13. La DNEF, dans ses observations reçues au greffe de la cour d'appel de Paris le 31 juillet 2024, demande au délégué du premier président de la cour d'appel de Paris de :
- donner acte à l'administration de ce qu'elle accepte l'annulation de la saisie des documents communiqués en pièces adverses 1 à 15 et listés en pièce 1 ;
- rejeter toutes demandes autres, fins et conclusions ;
- condamner l'appelante au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la jonction des instances
14. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient en application de l'article 367 du code de procédure civile et eu égard au lien de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros RG n°24/04735(appel), RG n°24/04731 (recours) qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.
Sur l'appel formé contre l'ordonnance du 26 février 2024
Moyens des parties
15. A l'appui de leur demande d'annulation de l'ordonnance du 26 février 2024, les parties appelantes font valoir que la visite domiciliaire a constitué une mesure attentatoire aux droits et libertés revêtant un caractère disproportionné au visa de l'article 8 de la CESDH et a violé le champ d'application de l'article L. 16B du LPF en raison de l'absence de présomptions de fraude.
Sur le caractère disproportionné de la mesure :
16. En premier lieu, les parties appelantes soutiennent que la mesure était inutile en raison des moyens d'investigation déjà mis en 'uvre par l'administration depuis le 4 octobre 2022 à savoir une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2019, 2020 et 2021, et de nombreuses demandes d'assistance administrative internationale transmises par le service à des autorités fiscales étrangères entre 2022 et 2023 auxquelles les sociétés ont répondu de manière précise.
Elles considèrent ainsi que, si l'administration fiscale bénéficie d'un choix procédural, elle disposait néanmoins d'autres moyens à sa disposition que la visite domiciliaire dès lors que toutes les sociétés visées par l'ordonnance faisaient déjà l'objet de contrôles toujours en cours au moment de la visite et qu'aucun d'eux n'a permis d'identifier de fraude ou de dissimulation.
Elles soulignent qu'une nouvelle demande d'assistance administrative internationale a été faite auprès des autorités fiscales des Iles Caïman concernant la société CORE EQUITY HOLDINGS PARTNERS LLC le 1er mars 2024 soit immédiatement après les opérations de visite et de saisie et indépendamment de l'exploitation des saisies.
Elles ajoutent qu'en l'espèce, la visite n'est pas justifiée, ne permettant pas d'obtenir d'informations nouvelles puisqu'elle intervient alors que tous les autres moyens d'investigations disponibles ont été mis en 'uvre dans un contexte de " coopération pleine et entière tant des sociétés vérifiées que des autorités administratives ".
17. En second lieu, les parties appelantes font valoir que l'administration disposait déjà d'informations suffisantes au regard des procédures de contrôle précitées.
Elles relèvent que, si la Cour de cassation a jugé que l'administration fiscale pouvait mettre en 'uvre l'article L. 16B du LPF au cours d'une vérification fiscale, faute pour l'administration de disposer de l'intégralité des informations et documents nécessaires à l'appréciation de la situation fiscale des sociétés (Cass. Crim. n°10-10.2001 et Cass. Com. n°10-15.674), il ressort en l'espèce, tant de la coopération des sociétés visées lors des opérations de vérification de comptabilité que des 150 pièces citées dans l'ordonnance, que l'administration fiscale disposait de tous les documents et informations nécessaires.
18. Ainsi, elles considèrent que la visite domiciliaire revêt un caractère disproportionné dans la mesure où elle était inutile au regard de ces éléments et où elle a porté une atteinte disproportionnée aux garanties portées par l'article 8 de la CESDH lors de la visite du domicile privé de Monsieur [J] [F] et que l'ordonnance doit être annulée sur ce fondement.
19. Elles font en outre observer que le juge des libertés et de la détention de [Localité 21] a rejeté une requête de la DNEF du 19 février 2024 ayant pour objet de solliciter la visite du siège de l'association AMICALE LAIQUE DE DINARD, de la société civile ANATOLE ou encore de la SAS SL MEDIATION sis [Adresse 13].
Sur la violation du champ d'application de l'article L. 16B du LPF :
20. Les parties appelantes soulignent que le champ d'application de l'article L. 16B du LPF est précisément défini et limité et ainsi que le juge " peut autoriser des opérations de visite et de saisie sur ce fondement uniquement lorsque, cumulativement, (i) il existe des présomptions qu'un contribuable soit se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires soit souscrit des déclarations inexactes en vue de bénéficier de crédits d'impôt (ii) au moyen des quatre agissements qui sont explicitement précisés et définis par la loi. ".
Elles relèvent qu'au cas particulier, l'ordonnance a été rendue en retenant l'existence de présomptions selon lesquelles les sociétés visées auraient omis sciemment de passer ou de faire passer des écritures dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.
21. Les parties appelantes soutiennent en premier lieu l'absence d'omission de passer ou de faire passer des écritures comptables dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.
Elles font observer que l'ordonnance retient que la SAS ARMORICA HOLDING agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS "majoreraient indûment leurs charges, minorant ainsi leur base taxable à l'impôt sur les sociétés et ainsi omettrait les écritures comptables correspondantes " alors que si les sociétés ont majoré leurs charges, elles n'ont pu le faire qu'en passant les écritures comptables en ce sens en vertu de l'article 39-1 du CG ce que l'ordonnance relève en pages 14, 15, 16, 21 et 22.
Elles en déduisent que, si l'ordonnance confirme que les sociétés SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA HOLDINGS ont comptabilisé en compte 661 170 charges financières au cours des exercices 2019, 2020 et 2021 et auraient ainsi diminué leur base taxable déterminée par la différence entre les produits imposables et les charges déductibles, l'ordonnance en tire comme conclusion une majoration de charges, conduisant à une minoration de la base taxable et que les sociétés omettraient de passer les écritures correspondantes.
De fait, les parties appelantes observent que :
- soit les sociétés visées par l'ordonnance majorent leurs charges en comptabilisant des charges financières et elles n'omettent donc pas les écritures comptables ;
- soit les sociétés visées par l'ordonnance omettent de passer les écritures comptables et minorent leurs charges, mais dans ce cas elles ne peuvent diminuer leur base imposable.
22. Elles concluent ainsi qu'il n'existait aucun élément matériel démontrant que la SAS ARMORICA HOLDINGS agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS ont majoré leurs charges et ainsi omis de passer les écritures comptables correspondantes.
23. En outre, les parties appelantes font valoir qu'il n'existe pas d'élément intentionnel de l'omission alléguée. Elles soulignent qu'au cours des différents contrôles, aucune omission ou présomption de fraude n'a jamais été identifiée et " a fortiori, aucune intention de la part des sociétés ".
24. En second lieu, les parties appelantes concluent à l'absence de présomption de tout autre agissement prévu par l'article L. 16B du LPF.
D'une part, elles soutiennent que la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS n'ont réalisé aucun achat ni aucune vente sans facture et qu'aucun élément n'aurait pu le laisser présumer.
D'autre part, elles font valoir l'absence d'utilisation ou de délivrance de factures ou de documents ne se rapportant pas à des opérations réelles relativement au montage dirigé par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS.
25. Elles soutiennent en ce sens que :
- l'acquisition du groupe IDVERDE par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS est une opération régulière réalisée par un contrat de cession du 9 février 2018 et que ni la réalité ni le prix de cession n'ont été remis en cause par l'administration fiscale durant les opérations de contrôle en cours ;
- les droits pécuniaires, de gouvernance et patrimoniaux attachés aux actions de la société ARMORICA SAS ont été transférés à la SAS ARMOCIA INVESTISSEMENTS, devenue actionnaire unique, ce qui n'est nullement contredit dans l'ordonnance ;
- l'acquisition susvisée a été réalisée au nom et pour le compte de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS par une autre société puisque celle-ci ne disposait alors pas de la personnalité juridique ;
- les titres sont inscrits à l'actif du bilan de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS depuis l'année d'acquisition ;
- dès lors, toutes les opérations ont été justifiées par une documentation juridique régulière se rapportant à des opérations réelles et la réalité de l'opération d'acquisition du groupe IDVERDE est incontestable ;
- pour un prix d'acquisition de 190 millions d'euros, seule la partie obligataire à hauteur de 65 millions a donné lieu à déduction, pour partie, de charges financières liées à des intérêts versés à une société du même groupe ;
- cette acquisition a été réalisée via un mécanisme de Leverage Buy-Out (LBO), ce choix constituant une décision de gestion qui ne saurait être remise en cause en vertu du principe de non-immixtion dans la liberté de choix des sociétés qui leur permet de choisir librement les modalités de financement de leurs opérations ;
- il ressort de la jurisprudence rendue dans le cadre de la mise en 'uvre de l'article L. 16B du LPF que " une opération de type LBO, (') n'est pas, en elle-même constitutive d'un abus de droit " (Cass. Com. n°17-26.803 et n°17-26.807) ;
- les emprunts obligataires relevés dans l'ordonnance concernent moins de 33% du prix global d'acquisition et que dès lors, la part du financement intragroupe dans l'acquisition du groupe IDVERDE est largement minoritaire ;
- ainsi, la pluralité de souscripteurs aux différents instruments de financement de l'acquisition, dont une partie importante de tiers, et la validité de la documentation de financement confirment qu'il s'agit d'une opération réelle.
26. Enfin, les parties appelantes soutiennent l'absence de passation d'écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables contrairement à ce que retient l'ordonnance.
Elles se prévalent de la régularité de la comptabilité de la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et de la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, laquelle n'a jamais été remise en cause lors des opérations antérieures de vérification et dès lors que la DNEF retient que les sociétés auraient majoré leurs charges, elle admet la réalité de celles-ci ainsi que leur correcte retranscription.
Elles font observer que l'ordonnance relève à plusieurs reprises que les charges financières liées au versement d'intérêts ont été correctement comptabilisées en compte 661 170 et que les produits financiers liés à la perception d'intérêts ont été correctement comptabilisés en compte 7617.
En outre, elles soulignent que la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS comptabilisent des produits financiers imposables en France au titre des emprunts obligataires, qui ont effectivement pour conséquence de réduire la base imposable en France.
27. Elles concluent que, la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS ayant acquis la société SAS ARMORICA, elle a correctement comptabilisé les emprunts obligataires convertibles supérieurs à 70 millions d'euros, les autres emprunts obligataires souscrits par des tiers à hauteur de 83,4 millions d'euros (pièce n°3), les emprunts obligataires convertibles en compte 161 000 à hauteur de 65,4 millions d'euros et a régulièrement inscrit à l'actif de son bilan les titres acquis au cours de l'exercice pour une valeur d'immobilisations financières de 198 millions d'euros (pièce n°3).
Elles ajoutent que les SAS ARMOCIA HOLDINGS et SAS ARMORICA PARTICIPATIONS ont également correctement comptabilisé ces opérations, ce que relève l'ordonnance en comptabilisant les charges financières liées aux intérêts des emprunts obligataires et les produits financiers perçus au titre des emprunts obligataires.
28. Les parties appelantes considèrent qu'il ressort des différents éléments relevés dans l'ordonnance que les sociétés visées par l'ordonnance et le groupe d'intégration fiscale qu'elles composent, déduisent un montant faible de charges financières nettes attachées aux emprunts liés à l'acquisition du groupe IDVERDE ayant représenté sur la période 2019-2021 un pourcentage moyen de 2,34% du prix d'acquisition.
Ainsi, elles contestent l'affirmation de l'ordonnance selon laquelle l'emprunt s'est traduit par la déduction en France d'importantes charges financières par la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, est démentie par l'examen des faits rapportés.
Elles ajoutent que les sociétés au Luxembourg n'ont bénéficié d'aucune exonération et ont été imposées.
29. Les parties appelantes concluent en conséquence que les agissements visés dans l'ordonnance n'entrent dans aucun des cas limitativement prévus par l'article L. 16B du LPF et que cette dernière doit donc être annulée sur ce fondement.
30. La DNEF, à l'audience et dans ses écritures déposées le 31 juillet 2024, a répondu aux écritures des parties appelantes.
Sur la proportionnalité et l'utilité de la mesure,
31. La DNEF soutient que :
- aucun texte, ni la Cour de cassation n'imposent au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres modes de preuve ;
- compte tenu des présomptions de fraude mises en évidence et du montage juridique complexe mis en place, le juge des libertés et de la détention a valablement retenu que la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu'elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d'accéder à des documents de gestion quotidienne de l'entreprise ou relatifs à l'organisation interne, que le contribuable n'a pas l'obligation de remettre dans le cadre d'une procédure de contrôle classique ;
- il ne peut être reproché à l'administration d'avoir fait usage de la procédure prévue par l'article L. 16 B du LPF, au détriment d'une procédure de contrôle inopiné ou de droit de communication ;
- il est inexact de soutenir que le juge des libertés et de la détention de [Localité 21] aurait rejeté la requête de l'administration, ce dernier ayant rendu une ordonnance le 26 février 2024, qui a fait droit à sa requête mais qui n'a toutefois pas été exécutée (pièces 2 et 3) qu'elle produit au débat.
Sur la violation de l'article L. 16B du LPF :
32. La DNEF soutient que le fait que le juge des libertés et de la détention ait visé l'omission d'écritures comptables plutôt que la passation d'écritures comptables irrégulières est sans incidence sur la validité de l'autorisation de visite dès lors que les deux hypothèses sont visées par l'article L. 16 B du LPF.
La DNEF rappelle que le premier président, saisi d'un recours contre une décision autorisant une opération de visite domiciliaire, l'est dans le cadre d'un appel au titre de l'effet dévolutif et qu'il lui appartient, en tout état de cause, et même s'il estime devoir annuler l'ordonnance, de statuer à nouveau en fait et en droit sur le bien-fondé de la requête de l'administration à l'effet de déterminer si l'autorisation, quelle qu'en soit la forme prise, était légalement justifiée à la date à laquelle elle était présentée (Cass. Com. n°11-28/786; Cass. Crim. n°11-88.471 ; Cass. Com. n°12-26.169).
33. Elle ajoute que l'intentionnalité de la fraude n'a pas à être caractérisée (Cass. Com. 15 février 2023, n°21-13.288) ;
34. Elle souligne que l'article L 16 B du LPF exige de simples présomptions et ne conditionne pas la mise en 'uvre d'une procédure de visite domiciliaire à un quelconque seuil de bénéfices.
35. La DNEF estime qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention a valablement retenu la mise en place d'un montage d'ingénierie financière et juridique complexe rendant opaques la chaîne de détention capitalistique et le suivi des flux financiers en relevant :
- le montage juridique d'une chaîne de détention capitalistique complexe faisant intervenir un fonds d'investissement belge, des sociétés françaises et luxembourgeoises chapeautées par une société sise aux îles Caïman ;
- les modalités de financement du groupe IDVERDE en six étapes sous couvert de remontée en cascade de charges financières comptabilisées et déduites en France et pareillement au Luxembourg ;
- la modification, au cours de l'année 2021, du mode de financement par l'interposition de quatre sociétés luxembourgeoises nouvellement créées ;
- le transfert en cascade de l'emprunt obligataire à ces quatre nouvelles sociétés luxembourgeoises ;
- l'opacité de la chaîne de détention capitalistique et le suivi des flux financiers ;
- la déduction en France des charges financières remontées aux îles Caïman sous forme de produits financiers faiblement imposés.
36. Ainsi, selon la DNEF, c'est à juste titre que le juge des libertés et de la détention a présumé que les SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA HOLDINGS supportaient en France des charges financières déduites des résultats comptables et sujettes à caution et que, dès lors, ces sociérés majoraient les charges de l'exercice et par conséquent minoraient leurs résultats.
Sur ce, le magistrat délégué :
37. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dispose que : " I. - Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires ou souscrit des déclarations inexactes en vue de bénéficier de crédits d'impôt prévus au profit des entreprises passibles de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support.
II. - Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. (')
Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. (')
Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. "
Sur le caractère disproportionné des opérations de visite et de saisie :
38. En l'espèce, les parties appelantes, invoquant l'article 8 de la CESDH, concluent au caractère disproportionné des opérations de visite et de saisie au motif qu'elles étaient inutiles au regard des moyens d'investigation déjà mis en oeuvre et en raison des informations que l'administration fiscale avait déjà collectées et dont elle disposait.
Elles rappellent que, depuis le 4 octobre 2022, la SAS ARMORICA HOLDING, agissant pour elle-même et venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, visées par l'ordonnance, ainsi que certaines sociétés appartenant au même groupe d'intégration fiscale font l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2019, 2020 et 2021, soit les SAS ARMORICA HOLDINGS, ARMORICA INVESTISSEMENTS et IDVERDE, que de nombreuses demandes d'assistance administrative ont été transmises à des autorités fiscales étrangères qui ont répondu de façon précise et que durant les opérations de contrôle, elles se sont efforcées de répondre à toutes les questions de l'administration fiscale et fournit de nombreuses pièces justificatives.
Elles relèvent que l'administration fiscale a ainsi disposé de près de 150 pièces de documents cités à l'appui de sa requête au juge des libertés qui s'est référé avec précision aux comptes et déclarations fiscales des SAS ARMORICA HOLDINGS, ARMORICA PARTICIPATIONS et ARMORICA INVESTISSEMENTS.
39. En réplique, la DNEF conclut au caractère proportionné de la mesure et rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle 'les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, au visa des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention' (Cass. Com., 8 déc. 2009, n° 08-21.017 ; 15 juin 2010, n° 09-66.679 ; 13 juillet 2010, n° 09-16.977 ; 12 octobre 2010, n° 09-70.740) et 'les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile est proportionnée au but poursuivi » (Cass. Com., 20 novembre 2019, n° 18-15.423).
La DNEF fait valoir que, compte tenu des présomptions de fraude mises en évidence et du montage juridique complexe mis en place, le juge des libertés et de la détention a valablement retenu que la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu'elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d'accéder à des documents de gestion quotidienne de l'entreprise ou relatifs à l'organisation interne, que le contribuable n'a pas l'obligation de remettre dans le cadre d'une procédure de contrôle classique et qu'en conséquence, il ne peut être reproché à l'administration fiscale d'avoir fait usage de la procédure prévue par l'article L. 16 B du LPF, au détriment d'une procédure de contrôle inopiné ou de droit de communication.
40. Il convient de rappeler que les dispositions de l'article L. 16 B du LPF, qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile est proportionnée au but poursuivi (Cass. Com., 20 novembre 2019, n° 18-15.423).
41. Ainsi, les dispositions de l'article L 16B du LPF qui énoncent que les agents de l'administration disposent d'un droit de visite et de saisie visent à conforter les présomptions selon lesquelles un contribuable s'est soustrait frauduleusement à l'établissement ou au paiement de l'impôt. Les opérations de visite et de saisie sont encadrées par des règles de fond et procédurales et, notamment, elles sont autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui, même si rendue non contradictoirement, peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel, de même que le déroulement des opérations de visite et de saisie, la décision du premier président de la cour d'appel pouvant faire l'objet d'un pourvoi.
42. En outre, il est de jurisprudence établie qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres procédures moins intrusives (Cass. Com., 26 octobre 2010, n° 09-70.509). En outre, l'article L 16B du livre des procédures fiscales n'exige pas que les agissements présumés revêtent un caractère de gravité particulière et n'interdit pas à l'administration de solliciter sa mise en oeuvre avant, pendant ou après une vérification fiscale (Cass. Crim., 10 septembre 2003, n° 02-82.999). Ainsi, l'administration n'a pas à rendre compte de son choix de solliciter la mise en 'uvre de telles opérations, lesquelles ne présentent pas de caractère subsidiaire par rapport aux pouvoirs d'enquête ordinaires qui lui sont conférés par le livre des procédures fiscales.
43. Il convient également de rappeler qu'en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l'administration fiscale, le juge des libertés et de la détention exerce de fait un contrôle de proportionnalité, sous le contrôle du premier président de la cour d'appel. En cas de refus, il peut inviter l'administration fiscale à avoir recours à d'autres moyens d'enquête moins intrusifs (droit de communication, vérification de comptabilité...). En autorisant les opérations de visite et de saisie, le juge des libertés et de la détention a entendu accorder à l'administration ces modes d'investigations plus intrusifs en fonction du dossier présenté.
44. En l'espèce, conformément à la jurisprudence constante, le juge des libertés et de la détention s'est référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration fiscale sur les sociétés visées par la requête et a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux, visés à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, justifiant la mesure autorisée.
45. Si l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) énonce que "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance", c'est sous réserve qu' "Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,ou à la protection des droits et libertés d'autrui.".
46. En l'espèce, les parties appelantes ne caractérisent en rien la disproportion d'une mesure qui s'est déroulée dans des lieux occupés à titre de domicile par Monsieur [F] et ainsi une violation des dispositions de l'article 8 précité de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) dont monsieur [F] aurait été victime.
47. Enfin, les parties appelantes font valoir que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de SAINT-MALO a rejeté une autre requête présentée par la DNEF pour solliciter l'autorisation de visiter les locaux d'une association et d'une société à DINARD au motif qu'elle n'était pas justifiée.
48. Cependant, il convient de relever que la DNEF a produit à la présente procédure l'ordonnance du 26 février 2024 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de SAINT-MALO ayant autorisé les opérations de visite et de saisie, opérations que la DNEF n'a pas effectuées.
49. Il s'infère de ce qui précède qu'il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article 8 de la CESDH et que la mesure ordonnée conformément aux dispositions de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales précité n'a pas été disproportionnée eu égard au but poursuivi rappelé ci-dessus.
En conséquence, ce moyen d'annulation de l'ordonnance tiré de son caractère disproportionné, sera rejeté.
Sur la violation du champ d'application de l'article L. 16 B
50. Les parties appelantes concluent à l'annulation de l'ordonnance aux motifs tirés, d'une part, de l'absence des éléments matériels et de l'élément intentionnel faisant présumer l'existence d'une omission de passer ou faire passer des écritures dans des documents comptables et d'autre part de l'absence de tout autre agissement prévu par l'article L. 16B du livre des procédures fiscales.
51. S'agissant de l'absence d'éléments matériels, elles soulignent que le juge des libertés et de la détention ne pouvait retenir la présomption que 'la SAS ARMORICA HOLDINGS et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des sociétés SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, majoreraient indûment leurs charges, minorant ainsi leur base taxable à l'impôt sur les sociétés et ainsi omettraient les écritures comptables correspondantes" en concluant ainsi à un acte d'abstention (l'omission de passer des écritures) par un acte de commission (majorer des charges).
Elles reprennent les termes de l'ordonnance décrivant toutes les écritures comptables passées au titre des exercices 2019 et 2020 pour compatibiliser les charges financières en compte 661 170 pour conclure au caractère réel et régulier des écritures comptables passées et à l'absence d'omission d'écritures correspondantes de nature à majorer des charges ou à minorer leur base imposable.
52. S'agissant de l'élément intentionnel, elles font valoir que précisément, ayant régulièrement comptabilisé les charges, la SAS ARMORICA HOLDINGS et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS n'ont sciemment pas omis de passer des écritures comptables.
53. S'agissant des présomptions tirées des autres agissements visés par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, les parties appelantes concluent à l'absence d'achats ou de recours à des ventes sans factures, à l'absence d'utilisation ou délivrance de factures ou documents ne se rapportant à des opérations réelles et à l'absence de passation d'écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables.
54. Rappelant les montants de charges comptabilisées sur les exercices 2019 et 2020, elles font valoir que l'acquisition du groupe IDVERDE par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS est parfaitement régulière, que l'administration fiscale n'a pas remis en cause cette transaction et que toutes les opérations de financement étant réelles et les charges financières régulièrement comptabilisées, le recours au mécanisme de LBO est régulier et légal.
55. Elles soulignent que la SAS ARMORICA HOLDING, agissant pour elle-même et venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, sociétés visées par l'ordonnance ayant corrélativement à la déduction de charges, comptabilisé des produits financiers, elles déduisent finalement un faible montant de charges financières nettes.
56. Il convient de rappeler que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions, le juge de l'autorisation n'ayant pas à se substituer au juge de l'impôt dans l'appréciation de la réalité de la fraude alléguée ou des droits éludés mais seulement à examiner s'il existe à la date de l'autorisation des présomptions de fraude justifiant les opérations de visite et de saisie.
57. A ce stade de l'enquête fiscale, pour autoriser des opérations de visite et de saisie en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, il n'y a pas lieu, pour le juge des libertés et de la détention, de déterminer si tous les éléments constitutifs des manquements recherchés, matériels et intentionnel étaient réunis, ni de rechercher l'existence de preuves de ces agissements, mais, en l'espèce, ce juge, dans le cadre de ses attributions, ne doit caractériser que l'existence de présomptions simples des agissements prohibés et recherchés sans avoir à examiner la force probante de chaque pièce soumise par l'administration au soutien de sa requête.
58. Ces présomptions peuvent résulter d'un faisceau d'indices et peuvent justifier que soient autorisées des opérations de visite et de saisie, quand bien même ces présomptions ne pourraient être qualifiées de graves, précises et concordantes, au sens de l'article 1353 du code civil.
59. En l'espèce, s'agissant des éléments caractérisant l'existence de présomptions d'agissements frauduleux retenus par le juge des libertés et de la détention, la décision d'autorisation querellée mentionne, par une appréciation pertinente de la requête accompagnée des pièces qui lui ont été présentées et que cette juridiction fait sienne, qu'il ressortait de l'enquête que :
- la SAS ARMORICA, créée en 2008, a pour activité ' l'acquisition, la gestion et la cession de participations dans des sociétés commerciales ayant leur siège social en France'. Elle est présidée depuis le 23/09/2023 par [X] [W], et son siège social se situe [Adresse 6] ;
- la SAS ARMORICA détient 100% du capital de la SAS IDVERDE, créée le 01/10/1986 et ayant pour activité « les services d'aménagement paysager ». La SAS IDVERDE est présidée depuis le 23/09/2023 par [X] [W], et son siège social se situe [Adresse 6] ;
- la SAS ARMORICA, a fait l'objet, le 02/02/2818, d'une acquisition à hauteur de 190 millions d'euros, par l'intermédiaire de la société de droit luxembourgeois CEH BidCo 1 Sarl, agissant au nom et pour le compte de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS en cours de formation ;
- la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS immatriculée en France, a été créée le 09/02/2018 avec la souscription des 1000 actions réalisée par un associé unique, la société de droit luxembourgeois CEH BidCo [Adresse 1] [Adresse 10], représentée par [L] [H], par ailleurs associé de CORE EQUITY HOLDING ;
- la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS a pour associé unique à la date du 27/03/2028 la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS ;
- la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et la SAS ARMORICA HOLDINGS, immatriculées le 09/02/2018 respectivement sous les numéros SIREN 837 529 577 et 837 547 785 ont pour objet « En France et à l'étranger : l'acquisition, la prise de participation ou d'intérêts, directes ou indirectes, dans toutes sociétés et entreprises commerciales, industrielles, financières, mobilières et immobilières, que ce soit par voie de création de sociétés nouvelles ou d'acquisition de sociétés existantes, d'apports de fusion, de scissions ou de sociétés en participation, par voie de prise en location de biens (...) » ;
- à leur création, les 1000 actions de la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et de la SAS ARMORICA HOLDINGS ont été souscrites par la société CEH BidCo 1 précitée représentée par [L] [H], futur président de la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et de la SAS ARMORICA HOLDINGS ;
- la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS a pour associé unique à la date du 27/03/2018 la SAS ARMORICA HOLDINGS ;
- la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et la SAS ARMORICA HOLDINGS ont ainsi été créées, concomitamment à la création de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS par l'intermédiaire de la société de droit luxembourgeois CEH BidCo 1, Sarl, gérée par [L] [H], associé du fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS, le même jour que l'acquisition de la SAS ARMORICA et il peut être présumé que les sociétés SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA HOLDINGS appartiennent au fond d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- la consultation du site internet 'www.coreequityholdings.com' comporte un article posté le 29/03/2018 indiquant que CORE EQUITY HOLDINGS a conclu l'acquisition d'IDVERDE, leader européen de la création et de l'entretien d'espaces verts, auprès de Chequers Capital ;
- ainsi, la SAS ARMORICA, actionnaire de la SAS IDVERDE, a été acquise par le fonds d'investissements belge CORE EQUITY HOLDINGS, par l'intermédiaire de la société de droit luxembourgeois CEH BidCo 1 Sarl, agissant au nom et pour le compte de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS ;
- la SAS ARMORICA HOLDINGS, dont les membres du conseil de surveillance sont associés et/ou directeurs et/ou fondateurs du fonds d'investissement CORE EQUITY HOLDINGS, a pour associé unique à la date du 27/03/2018 la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA est pour partie, à hauteur de 29.999 actions, détenue par la société de droit luxembourgeois ARMORICA TOPCO SCA et pour partie, à hauteur d'une action en commandite, par la société CEH GP SARL, société de droit luxembourgeois, ayant son siège social sis [Adresse 11], Cette dernière est également la gérante de la société ARMORICA LUX HOLDINGS SCA ;
- le capital social de la société de droit luxembourgeois CEH GP SARL, immatriculée le 15/03/2818, a été souscrit en totalité par la société CORE EQUITY HOLDINGS GP LIMITED, société à responsabilité limitée régie par les lois des îles Caïmans. [L] [H], associé de CORE EQUITY HOLDINGS, en est le cogérant ;
- [U] [I], co fondateur et associé de CORE EQUITY HOLDINGS, membre du conseil de surveillance de ARMORICA LUX HOLDINGS SCA, détient une participation de plus de 75 % dans CORE EQUITY HOLDINGS GP LIMITED ;
- la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA, dont le gérant est la société CEH GP SARL, est dirigée indirectement par [L] [H], associé du fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- la société ARMORICA LUX HOLDINGS SCA est l'actionnaire unique de la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX SARL ;
- le capital social de la société de droit luxembourgeois ARMORICA TOPCO SCA, immatriculée le 16/03/2018 a été souscrit à hauteur de 30.000 actions par la société IDV INVESTMENT LIMITED, société à responsabilité limitée de droit caïman et par CEH GP SARL à hauteur d'une action ;
- la société IDV INVESTMENT LIMITED est détenue par la société CORE EQUITY HOLDINGS LP, une société en commandite exonérée des Iles Caïmans, enregistrée auprès de l'autorité monétaire des Iles Caïmans en tant que fonds privés sous le numéro 1708685. [U] [M] [I] est l'unique directeur d'IDV INVESTIMENT LIMITED ;
- ainsi, les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX SARL et ARMORICA TOPCO SCA sont détenues directement ou indirectement par la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED, dirigée par [U] [M] [I], co-fondateur et associé du fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- un pacte d'actionnaires relatif à la SAS ARMORICA HOLDINGS a été conclu le 29/03/2018 entre les sociétés ARMORICA TOPCO SCA, ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et des investisseurs minoritaires aux termes duquel les sociétés ARMORICA TOPCO SCA, ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et des investisseurs minoritaires sont actionnaires directs et indirects de la SAS ARMORICA HOLDINGS qui a indirectement acquis et détient 100% du capital social et des droits de vote de la SAS ARMORICA ;
- ce pacte a été signé par [L] [H] pour le compte des sociétés ARMORICA LUX HOLDINGS SCA, ARMORICA TOPCO SCA et CEH GP SARL ;
- ce pacte d'actionnaires indique également que la société ARMORICA LUX HOLDINGS est détenue par ARMORICA TOPCO SCA, ainsi que par des investisseurs minoritaires, composés de membres dirigeants et actuels du groupe IDVERDE ([J] [F], ancien président d'IDVERDE actuellement le poste de vice-président du conseil d'IDVERD, [P] [C], ancien directeur général finance au sein d'IDVERDE, [A] [D], président d'[18] et [Z] [S], directeur général d'IDVERDE au Royaume-Uni) ;
- ainsi, la SAS ARMORICA HOLDINGS est détenue indirectement par une société basée aux Iles Caïmans, la société IDV INVESTMENT LIMITED, dont le directeur unique est [U] [M] [I], co-fondateur et associé du fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- il peut être présumé que les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA TOPCO SCA ont été créées par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS, concomitamment à la création de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, le même mois que l'acquisition de la SAS ARMORICA ;
- il peut être présumé que les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA TOPCO SCA, ainsi que la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED appartiennent au fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- le financement de l'acquisition de la SAS IDVERDE, société cible du fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS, s'est opéré pour partie au moyen d'un montage qualifié de LBO, Leverage Buy-Out, dont l'objet, après création d'une société holding est d'endetter cette société par le biais d'un emprunt bancaire ou obligataire dans le but d'acquérir une autre société cible ;
- que, pour acquérir au prix de 190 millions €, la SAS ARMORICA, détentrice de 100 % du capital IDVERDE, société cible, ce montage a consisté, pour le fonds d'investissements CORE EQUITYHOLDINGS, en l'émission successive d'emprunts obligataires par des sociétés situées au Luxembourg et aux Iles Caïman en plusieurs étapes :
- l'associé unique de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS, a, par décision de son représentant, [L] [H] du 27/03/2018, augmenté son capital social de 44.505 916 € à 44 505 926 €, soit de 1.000€ et autorisé l'émission d'un emprunt obligataire souscrit auprès de son associé unique la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS à hauteur de 65 353 560 €. Par décision du 29/03/2018, l'associé unique, la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS, toujours représenté par [L] [H], a approuvé un autre emprunt obligataire à hauteur de 83 376 340 € souscrit auprès de divers investisseurs ;
- ainsi, la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS a eu recours à des emprunts à hauteur de 148 729 900 € sur le financement de 190 000 000 € d'acquisition de la SAS ARMORICA ;
- un emprunt obligataire d'un montant de 65 359 600 € a été émis par la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS le 27/03/2018 et souscrit par la SAS ARMORICA HOLDINGS, pour financer celui émis par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS ;
- un emprunt obligataire d'un montant de 64 927 834,50 € a été émis par la SAS ARMORICA HOLDINGS et souscrit par la SAS ARMORICA LUX HOLDINGS SCA pour financer celui émis par la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS ;
- un emprunt obligataire a été émis par la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et souscrit par ARMORICA TOPCO SCA pour financer celui émis par la SAS ARMORICA HOLDINGS;
- un emprunt obligataire a été émis par la société de droit luxembourgeois ARMORICA TOPCO SCA pour financer celui émis par la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA;
- l'emprunt obligataire émis par la SAS ARMORICA HOLDINGS et souscrit par la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA en 2018 a été transféré en octobre 2020 à la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX SARL;
- in fine, un emprunt obligataire a été souscrit par la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED;
- ainsi, dans un premier temps, en 2018, l'opération d'acquisition s'est traduite par l'émission d'un emprunt obligataire par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS. Puis, en 2021, pour financer cette opération, d'autres emprunts obligataires ont été émis par l'ensemble des sociétés détenant directement ou indirectement la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS. Le dernier emprunt émis par la société ARMORICA TOPCO SCA a été souscrit par la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED ;
- dés lors, l'opération de LBO, initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS s'est traduite par un important endettement de la SAS ARMORICA iNVESTISSEMENTS ;
- il peut être présumé que la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED est l'ultime bénéficiaire des intérêts émis au titre des emprunts obligataires au titre de l'exercice clos en 2019 et 2020 ;
- en 2021, ce financement par l'émission d'emprunts obligataires successifs émis dans le cadre de l'acquisition du groupe IDVERDE a été modifié à la suite de l'interposition de quatre sociétés luxembourgeoises nouvellement créées entre les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA LUX SARL et l'emprunt obligataire a été transféré encore une fois en cascade à ces quatre sociétés luxembourgeoises :
- sur les exercices 2019 et 2020, les sociétés SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA HOLDINGS ont supporté en France des charges financières déduites des résultats comptables résultant des intérêts payés en cascade jusqu'à la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED faiblement imposée ;
- ainsi, le groupe d'intégration fiscale de la SAS ARMORICA HOLDINGS déduit fiscalement d'importantes charges financières liées à l'émission des emprunts obligataires au titre des exercices clos en 2019 et 2020 ;
- l'opération de LBO relative à l'acquisition du groupe IDVERDE, initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS au travers de sociétés luxembourgeoises et d'une société basée aux Iles Caïmans, a pour conséquence de faire porter in fine l'endettement de l'opération sur le groupe fiscal français ARMORICA ;
- il peut être présumé que le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS par l'intermédiaire de sociétés situées au Luxembourg et aux Iles Caïmans a mis en place un montage d'ingénierie financière et juridique complexe pour l'acquisition du groupe IDVERDE permettant :
- la localisation d'importantes charges financières en France au titre des exercices clos en 2019 et 2020 ;
- une remontée de produits financiers aux Iles Caïmans supportant un très faible niveau d'imposition au titre des exercices clos en 2019 et 2020 ;
- l'émission successive d'emprunts obligataires initiée par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS au travers de sociétés luxembourgeoises et d'une société située aux Iles Caïmans, a pour conséquence de faire porter in fine l'endettement de l'opération sur le groupe fiscal français.
60. Le juge des libertés et de la détention a ainsi considéré que :
- il peut être présumé que la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, participent à un montage frauduleux dirigé par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS ;
- en procédant ainsi, il peut être présumé que la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, se sont soustraites au paiement de l'impôt sur les bénéfices en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en utilisant des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, leur permettant de minorer leurs résultats par une majoration de leurs charges financières.
61. Les sociétés appelantes, en décrivant précisément le montant des charges financières supportées par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS qui a acquis, le 27 février 2018, pour un prix de 190 millions d'euros, les titres de la SAS ARMORICA, qui détenait 100% du capital de la société IDEVERDE, soutiennent qu'ont été correctement comptabilisés au titre du passif de l'exercice 2019 :
- les emprunts obligataires convertibles à hauteur de 70 millions d'euros ;
- les autres emprunts obligataires souscrits par des tiers à hauteur de 83,4 millions d'euros.
Elles ajoutent que tant la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, qui a régulièrement inscrit les emprunts obligataires à hauteur de 65,4 millions d'euros en compte 161 000 ainsi que les titres acquis au cours de l'exercice pour une valeur d'immobilisations financières de 198 millions d'euros, que les SAS ARMORICA HOLDINGS et ARMORICA PARTICIPATIONS ont régulièrement comptabilisé les charges financières liées aux intérêts obligataires et les produits financiers perçus au titre des emprunts obligataires.
Soulignant que les charges et les produits financiers sont réciproquement d'un montant proche, elles concluent que "les sociétés françaises et le groupe d'intégration fiscale déduisent finalement un montant faible de charges financières nettes attachées aux emprunts liés à l'acquisition du groupe IDVERDE ayant représenté sur la période 2019-2021 un pourcentage de 2,34 % du prix d'acquisition" et qu'ainsi l'ordonnance retenant que l'emprunt s'est traduit en France par d'importantes charges financières est démentie.
62. Si le caractère réel des écritures comptables passées par les sociétés appelantes au titre des charges financières et de leur seuil de déductibilité au titre du groupe d'intégration fiscale n'est pas contesté par l'administration fiscale, il convient de relever que les parties appelantes demeurent totalement silencieuses dans leurs écritures sur l'intervention du fonds d'investissement belge et celle en cascade de plus de 7 sociétés luxembourgeoises et deux sociétés aux Iles Caïman dans l'endettement de trois sociétés françaises, les SAS ARMORICA HOLDINGS, ARMORICA INVESTISSEMENTS et ARMORICA PARTICIPATIONS, pour acquérir une autre société française, la SAS ARMORICA, détentrice de 100 % du capital de la société IDVERDE.
63. Si elles évoquent des sociétés luxembourgeoises, c'est pour indiquer qu'elles n'ont bénéficié d'aucune exonération fiscale sur les produits perçus dans le cadre de leur participation aux opérations de refinancement des sociétés prêteuses, ce qui n'est pas contredit par l'ordonnance.'
64. Par ailleurs, il convient de relever que les parties appelantes ne forment aucune observation sur les indices relevés par le juge des libertés et de la détention comme caractérisant un montage frauduleux consistant, par une mécanique juridique et financière complexe, de nature à rendre opaque la chaîne de détention capitalistique de la société cible, la SAS IDVERDE et les flux financiers, à organiser le financement de l'acquisition de la SAS IDVERDE par une chaine d'emprunts obligataires entre une chaîne de sociétés françaises, luxembourgeoises et des îles Caïman, générant des charges en France et au Luxembourg et des produits financiers aux Iles Caiman.
Ces constatations d'indices sont les suivantes :
- le 09 février 2018, le contrat de cession de la SAS ARMORICA, détentrice de 100 % du capital de la société IDVERDE, à la SAS ARMORICA INVESTMENTS en cours de formation et la création concomitante des sociétés SAS ARMORICA INVESTMENTS, SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA HOLDINGS ;
- le 16 mars 2018, la création des sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA TOPCO SCA ;
- le 27 mars 2018, la décision de ce que la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS représentée par [L] [H] est l'associée unique de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS. Les décisions prises lors de cette assemblée générale par l'associé unique sont notamment : l'augmentation du capital social de la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS de 44 505 926 €, pour le porter de 1 000 euros, son montant actuel, à 44 506 926 €, l'autorisation de l'émission d'un emprunt obligataire par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS d'un montant nominal de 65 353 560 € par voie d'émission de 653 535 600 obligations convertibles de 10 centimes d'euro de valeur nominale chacune, emprunt obligataire souscrit par son associé unique, la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS ;
- le 29/03/2018, la décision de l'associé unique la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS représentée par [L] [H] approuvant l'acquisition par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS de l'intégralité du capital et des droits de vote de la SAS IDVERDE par le biais de l'acquisition, directe et indirecte, de l'intégralité du capital de la SAS ARMORICA, autorisant la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS à émettre un emprunt obligataire d'un montant nominal total de 3 669 578 € par voie d'émission de 3 669 578 obligations simples A d'une valeur nominale d'un euro, et constatant l'attribution de ces 3 669 578 obligations simples A aux UK Managers en contrepartie de la cession par ces derniers à la société des actions de la SAS ARMORICA et de la SAS ARMORICA MANAGEMENT, immatriculée sous le numéro SIREN 801 268 681 dont le siège social est situé [Adresse 2], autorisant la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS à émettre un emprunt obligataire d'un montant nominal de 83 376 340 €. Cet emprunt obligataire a été souscrit par divers investisseurs (KKR, Corporate Capital Trust, Tikehau...) ;
- le 29 mars 2018, la délibération de la SAS ARMORICA HOLDINGS instituant comme associé unique la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA, avec une passation de la présidence de la SAS ARMORICA HOLDINGS de M. [H] à M. [F] et la création d'un conseil de surveillance composé de membres associés/fondateurs de CORE EQUITY HOLDINGS ;
- le 29 mars 2018, la signature du pacte d'actionnaires, relatif à la SAS ARMORICA HOLDINGS, entres les sociétés ARMORICA TOPCO SCA, ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et des investisseurs minoritaires constitués de dirigeants passés et actuels du groupe IDEVERDE ;
- une adresse commune de siège social identique soit le [Adresse 12] des sociétés luxembourgeoises CEH BidCo 1 SARL, ARMORICA LUX HOLDINGS SCA, ARMORICA TOPCO SCA, CEH GP SARL ;
- une gérance ou une cogérance ou une présidence assurée par M. [L] [H] pour les sociétés luxembourgeoises CEH BidCo 1 SARL, ARMORICA PARTICIPATIONS, ARMORICA HOLDINGS, ARMORICA TOPCO SCA, CEH GP SARL ;
- la détention du capital de la société de droit français, ARMORICA HOLDINGS par une société de droit luxembourgeois, ARMORICA LUX HOLDING SCA, elle-même détenue par deux sociétés de droit luxembourgeois, ARMORICA TOPCO SCA, et CEH GP SARL ;
- la détention du capital de la société de droit luxembourgeois, ARMORICA TOPCO SCA, d'une part, à hauteur de 30.000 actions, par la société IDV INVESTMENT LIMITED, SARL de droit caïman, dont [U] [M] [I] est le directeur et d'autre part, à hauteur d'une action, par la société de droit luxembourgeois CEH GP SARL, gérée par [L] [H], qui est également le gérant de la société ARMORICA TOPCO SCA ;
- la souscription en totalité du capital social de la société de droit luxembourgeois, CEH GP SARL, par CORE EQUITY HOLDINGS GP LIMITED, société à responsabilité limitée régie par les lois des îles Caïmans, dont des membres du fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS sont actionnaires et [L] [H] le gérant ;
- la détention en totalité du capital social de la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED par la société CORE EQUITY HOLDINGS LP, société en commandite exonérée des Iles Caïmans enregistrée auprès de l'autorité monétaire des Iles Caïmans en tant que fonds privés ;
- un siège social fixé à la même adresse, sis au [Adresse 7] pour les sociétés de droit caïman, CORE EQUITY HOLDINGS GP LIMITED et IDV INVESTMENT LIMITED. [U] [I], co-fondateur et associé du fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS, détient 75 % des parts de la société CORE EQUITY HOLDINGS GP LIMITED et est directeur de la société IDV INVESTIMENT LIMITED ;
- au 31/12/2021, la détention de 100 % du capital de la société de droit français, SAS ARMORICA HOLDINGS par la société de droit luxembourgeois ARMORICA LUX SARL, la détention de 100 % du capital de la société de droit français SAS ARMORICA PARTICIPATIONS par la SAS ARMORICA HOLDINGS, la détention de 100 % du capital de la société de droit français la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS par la SAS ARMORICA PARTICIPATIONS ;
- l'acquisition du groupe IDVERDE, par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS, réalisée au moyen d'entités intermédiaires situées au Luxembourg et aux Iles Caïman par l'émission successive d'emprunts obligataires par l'ensemble des entités de la chaîne avec, en mars 2018, l'émission d'un emprunt obligataire par la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, puis, en 2021, l'émission d'autres emprunts obligataires par l'ensemble des sociétés détenant directement ou indirectement la SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, notamment des sociétés luxembourgeoises (ARMORICA LUX SARL, ARMORICA PLEDGECO SARL, IDVERDE LUXCO SARL, IDVERDE GROUP SAS, ARMORICA PARTICIPATIONS SCA, ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA TOPCO SCA). Le dernier emprunt obligataire émis par la société ARMORICA TOPCO SCA a été souscrit par la société de droit caïman IDV INVESTMENT LIMITED.
65. Les parties appelantes ne forment ainsi aucune observation sur les indices relevés par le juge des libertés et de la détention comme caractérisant un montage frauduleux consistant, par une mécanique financière complexe, de la part du fonds d'investissement belge basé au Luxembourg, CORE EQUITY HOLDINGS, en passant par l'entremise de plus de 9 sociétés luxembourgeoises dont certaines situées à la même adresse que CORE EQUITY HOLDINGS au [Adresse 8], soit les sociétés, ARMORICA LUX HOLDINGS SCA, ARMORICA LUX SARL, ARMORICA TOPCO SCA, CEH GP SARL auxquelles sont venues s'ajouter en 2021, les sociétés ARMORICA PARTICIPATIONS SARL, IDVERDE GROUP SAS IDEERDE LUXCO SARL ARMORICA PLEDGE CO SARL, à faire porter in fine la charge de l'endettement de l'acquisition de la société cible IDVERDE, sur les sociétés françaises, SAS ARMORICA HOLDINGS, SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS et SAS ARMORICA PARTICIPATIONS avec pour bénéficiaire final des intérêts des emprunts obligataires, souscrits par lesdites sociétés et les sociétés luxembourgeoises, la société de droit caïman, IDV INVESTMENT LIMITED, elle-même détenue par la société de droit caïman CORE EQUITY HOLDINGS LP.
Ainsi, elles ne contestent pas cette chaîne capitalistique entre les sociétés françaises, le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS, les sociétés luxembourgeoises et les sociétés des îles Caïman.
66. Si les parties appelantes estiment que les flux financiers entre sociétés françaises et sociétés luxembourgeoises ne constituent pas, pour les sociétés françaises, des charges financières importantes en ce qu'elles sont pour partie compensées par des produits financiers, elles demeurent cependant silencieuses sur le fait qu'une part trés significative de ces produits financiers remontaient in fine aux Iles Caïman sous forme de produits financiers faiblement imposés.
67. En effet, le juge des libertés et de la détention a relevé sur les exercices clos 2019 et 2020 du groupe d'intégration fiscale composé des sociétés françaises SAS ARMORICA HOLDINGS (tête de groupe), ARMORICA INVESTISSEMENTS et ARMORICA PARTICIPATIONS, pour la détermination du résultat fiscal du groupe, que la SAS ARMORICA HOLDINGS a déclaré :
- au titre de l'exercice clos au 31/12/2019 : un chiffre d'affaires de l'ensemble des sociétés intégrées de 360 440 090 € , composé de réintégration de charges financières nettes de 6 474 170 € et d'un déficit après imputation des déficits reportables de 22 888 546 € ;
- au titre de l'exercice clos au 31/12/2020 : un chiffre d'affaires de l'ensemble des sociétés intégrées dé 334 859 829 € , composé de réintégration de charges financières nettes de 4 869 705 € et d'un déficit après imputation des déficits reportables de 21 125 388 € ;
- lors de la vérification de comptabilité de la SAS ARMORICA HOLDINGS, la société a remis le calcul du « rabot financier ». Les charges financières nettes s'élèvent à 25 896 679 € pour une réintégration de quote-part de 25% de 6 474 170 € au titre de l'exercice clos au 31/12/2019 ;
- au titre de l'exercice clos au 31/12/2020, les charges financières nettes s'élèvent à 19 478 823 € pour une réintégration de quote-part de 25% de 4 869 706 €. Le montant des charges financières nettes liées aux emprunts obligataires s'élève à 8 275 541 € en 2019 et 4 724 604 € en 2020 ;
- la quote-part réintégrée par la SAS ARMORICA HOLDINGS dans le résultat d'ensemble de l'intégration fiscale au titre des emprunts obligataires s'élève à 2 068 885 € en 2019 et 1181151 € en 2020 ;
- au titre de l'exercice clos au 31/12/2019 et au 31/12/2020, respectivement 6 206 656 € et 3 543 453 € de charges financières nettes ont été déduites du résultat d'ensemble et sont liées à l'émission des emprunts obligataires successifs réalisés par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS pour l'acquisition du groupe IDVERDE.
68. Au titre de l'exercice 2021, au vu de la modification du financement par l'émission d'emprunts obligataires successifs émis dans le cadre de l'acquisition du groupe IDVERDE suite à l'interposition de quatre sociétés luxembourgeoises nouvellement créées et interposées entre les sociétés de droit luxembourgeois ARMORICA LUX HOLDINGS SCA et ARMORICA LUX SARL, le juge des libertés et de la détention que :
- la SAS ARMORICA HOLDINGS a déclaré au titre de l'exercice clos au 31/12/2021, un chiffre d'affaires de l'ensemble des sociétés intégrées de 394 490 764 € ; composé de réintégration de charges financières nettes de 5 282 135 € et d'un déficit après imputation des déficits reportables de 23 084 603 € ;
- lors de la vérification de comptabilité de la SAS ARMORICA HOLDINGS, la société a remis le calcul du « rabot financier ». Au titre de l'exercice clos au 31/12/2021, les charges financières nettes s'élèvent à 21 128 538 € pour une réintégration de quote-part de 25% de 5 282 135 €. Le montant des charges financières nettes liées aux emprunts obligataires s'élève à 5 592 364 en 2021;
- la quote-part réintégrée par la SAS ARMORICA HOLDINGS dans le résultat d'ensemble de l'intégration fiscale au titre des emprunts obligataires s'élèvent à 1 398 091 € en 2021;
- au titre de l'exercice clos au 31/12/2021, 4 194 273 € de charges financières ont été déduites du résultat d'ensemble et sont liées à l'émission des emprunts obligataires successifs réalisés par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS pour l'acquisition du groupe IDVERDE.
69. En procédant par une interprétation littérale de l'article L. 16B du LPF et en s'attachant à la régularité formelle des écritures comptables passées en France pour les charges et les produits financiers, les parties appelantes demeurent silencieuses sur les motifs qui ont présidé à ce montage juridique et financier complexe et opaque de financement de l'acquisition du groupe IDVERDE, caractérisé par le juge des libertés et de la détention, en une cascade d'emprunts obligataires des sociétés françaises auprès de sociétés luxembourgeoises, puis en un transfert toujours en cascade de l'emprunt obligataire des sociétés luxembourgeoises vers 4 nouvelles sociétés luxembourgeoises, le tout se traduisant par des remontées en cascade de charges financières comptabilisées et déduites en France et au Luxembourg pour in fine se traduire en produits financiers faiblement imposés dans une société des Iles Caïman, IDV INVESTMENT LIMITED, détenue par une autre société des Iles Caïman, la société CORE EQUITY HOLDINGS LP.
70. Evoquant le recours au mécanisme de Leverage Buy-Out, les parties appelantes font valoir que 'le choix de recourir à celui constitue une décision de gestion qui ne saurait être remise en cause en vertu du principe de non -immixtion dans la liberté de choix des sociétés qui leur permet de choisir librement les modalités de financement de leurs opérations'.
71. A ce titre, elles se prévalent d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 février 2019 aux termes duquel ' une opération de type LBO (Leverage Buy-Out) dont l'objet est d'endetter la holding d'acquisition afin d'acquérir une autre société, n'est pas, en elle-même, constitutive d'un abus de droit' et soulignent que le recours aux emprunts obligataires n'a représenté que 33 % du prix total d'acquisition du groupe IDEVERDE.
72. Cependant, il convient de souligner qu'en l'espèce, la présomption d'un montage frauduleux caractérisée par le juge des libertés et de la détention résulte non pas du recours au mécanisme de LBO mais en une émission successive d'emprunts obligataires initiée par le fonds belge d'investissements CORE EQUITY HOLDINGS au travers de sociétés luxembourgeoises et d'une société immatriculée aux Iles Caïman qui a pour conséquence de faire porter in fine l'endettement de l'opération sur le groupe fiscal français, minorant ainsi la base de l'impôt taxable en France et générant des produits financiers faiblement imposés aux îles Caïman.
73. Dés lors, les parties appelantes ne sauraient sérieusement contester que ces charges financières d'intérêts payés par les trois sociétés françaises constituant un groupe d'intégration fiscale avec, comme tête de groupe la SAS ARMORICA HOLDINGS, détenue à 100 % par la société luxembourgeoise ARMORICA LUX SARL, à une cascade de sociétés luxembourgeoises ont eu pour effet de minorer leur base taxable à l'impôt en France.
74. C'est donc à bon droit que le juge des libertés et de la détention a retenu la présomption d'agissements frauduleux de la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, par leur participation à un montage frauduleux dirigé par le fonds d'investissement belge CORE EQUITY HOLDINGS en minorant leurs résultats imposables par une majoration de leurs charges en France.
75. A cet égard, il convient de souligner qu'en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et d'une jurisprudence constante, les visites domiciliaires peuvent être autorisées par le juge des libertés et de la détention lorsqu'il relève l'existence de présomptions de ce qu'un contribuable se soustrait à l'établissement et au paiement des impôts sur les sociétés, par l'effet de l'un des agissements mentionnés par l'article L. 16B du LPF, mais aussi lorsque sont constatées des présomptions d'agissements ou manquements relevant des articles 1741 ou 1743 du code général des impôts.
76. Ainsi, le juge des libertés et de la détention ayant constaté que la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS pouvaient être présumées s'être soustraites au paiement de l'impôt sur les bénéfices en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, leur permettant de minorer leurs résultats par une majoration de leurs charges financières, a appliqué à bon droit, par des motifs que la présente juridiction approuve, les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, en caractérisant des écritures destinées sciemment à majorer les charges et minorer la base taxable en France, constitutives ainsi d'une présomption d'agissement frauduleux tel que visé par les dispositions des articles 1741et 1743 du code général des impôts.
77. En conséquence, il convient de constater que l'ensemble des indices visés par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention étaient de nature à laisser présumer que la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, leur permettant de minorer leurs résultats par une majoration de leurs charges financières, se sont ainsi soustraites à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés.
78. Les moyens soulevés par les parties appelantes au titre des présomptions seront donc rejetés.
79. En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les moyens soulevés par les parties, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS en date du 26 février 2024 sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur le recours
80. Les parties requérantes, dans leurs conclusions du 3 juillet 2024, concluent à l'irrégularité des saisies au motif de la saisie de documents couverts par le secret professionnel et le secret des correspondances avocat-client et de l'ampleur de cette irrégularité sur les opérations.
Elles soutiennent que l'officier de police judiciaire intervenu n'a pas rempli son obligation prévue à l'article L. 16B du LPF de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense, en laissant la DNEF saisir des documents couverts par le secret professionnel sans que ces derniers ne prennent aucune mesure nécessaire.
Elles font état de 15 documents (pièce n°1 à 15) couverts par le secret professionnel et pour lesquels elles sollicitent l'annulation intégrale du procès-verbal de visite et de saisie.
81. La DNEF, dans ses observations du 31 juillet 2024, acquiesce à l'annulation de la saisie des documents communiqués en pièces adverses 1 à 15 et réplique que :
- sur la saisie des documents couverts par le secret, l'administration n'est pas tenue de communiquer les critères de sélection des données qu'elle saisit, ni de révéler à la personne visitée les modalités techniques de saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés et que seules sont couvertes par la protection du secret des correspondances, les correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères et qu'en l'espèce les requérantes ont produit les pièces dont ils demandent l'annulation ;
- sur la portée de l'annulation de certaines saisies, le fait qu'un document couvert par le secret professionnel de l'avocat, ou sans rapport avec les présomptions de fraude, figure au sein des saisies effectuées n'a pas pour effet d'entraîner l'annulation de l'ensemble des opérations et que seule la saisie de ladite pièce doit éventuellement être annulée ;
- l'analyse se fait document par document, l'irrégularité de la saisie d'un document n'est pas de nature à annuler toute l'opération et en tout état de cause, le fait que les agents aient pu prendre connaissance des pièces saisies ne peut entraîner l'annulation de l'ensemble des opérations de visite ;
- s'agissant de la critique tenant aux obligations de l'officier de police judiciaire, il ressort de la lecture du procès-verbal, que les occupants n'ont formulé aucune observation à ce titre et que cet argument ne pourrait entraîner l'annulation des opérations de visite dès lors que les requérants sont en mesure de faire valoir leurs droits dans le cadre du présent recours.
Sur ce, le magistrat délégué :
82. Il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence établie que la charge de la preuve du caractère insaisissable des documents saisis au titre des correspondances client/avocat couvertes par le secret incombe à la requérante, qu'elle doit identifier les documents visés par ses demandes de restitution, les produire aux débats en expliquant les raisons pour chacun d'entre eux, de leur insaisissabilité au regard du champ de l'autorisation du juge des libertés et de la détention.
83. La charge de la preuve de ce que certains documents devraient être exclus du champ des saisies incombe donc aux parties requérantes. Il leur appartient de produire aux débats, afin qu'il puisse en être jugé, les documents dont elles estiment qu'ils n'étaient pas saisissables au regard du champ de l'autorisation.
84. Ainsi, en premier lieu, il convient de rappeler que les pièces contestées doivent donc être produites aux débats, en en expliquant les raisons pour chacune, l'absence de production rendant impossible de les identifier notamment comme bénéficiant du secret professionnel de l'avocat (Com. 7/06/2011, n° 10-19.585). Cette nécessité de verser les documents contestés est rappelée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt du 2 avril 2015 (CEDH 2 avril 2015 Vinci Construction et GTM génie civil).
85. En second lieu, il convient de rappeler que la présence, parmi les pièces saisies d'éléments couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil à la période des opérations suspectes visées par l'autorisation, conduit à l'annulation de la saisie des dits documents mais n'invalide pas les opérations de visite et de saisie des autres éléments saisis utiles à la manifestation de la vérité et susceptibles d'établir ou d'infirmer les manquements recherchés et visés par l'ordonnance d'autorisation.
86. En l'espèce, les parties requérantes, tout en sollicitant l'annulation intégrale du procès-verbal de visite et de saisie effectuée au [Adresse 5], lieux occupés par [J] [F] et/ou [R] [F], née [O] et/ou [N] [F] et/ou [E] [F] et/ou [Y] [F] et/ou [V] [F] et/ou la SAS EMERAUDE INVEST, visent des pièces numérotées de 1 à 15 dans son bordereau de communication de pièces au motif qu'elles sont couvertes par le secret des correspondances avocat-client sans toutefois le motiver spécifiquement pièce par pièce.
87. Cependant, la DNEF acquiesçant à cette demande d'annulation des pièces numérotées de 1 à 15 qu'elle vise dans sa pièce n°1 et les parties requérantes ne visant aucune autre pièce, il convient de faire droit à la demande d'annulation de la saisie des pièces numérotées de 1 à 15 par les parties requérantes dans leur bordereau de pièces jointes à leurs conclusions.
Sur les dépens
88. La SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS EMERAUDE INVEST et Monsieur [J] [F], succombant en leurs prétentions, sont tenus aux dépens.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
89. Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS EMERAUDE INVEST et Monsieur [J] [F], succombant en leurs demandes, seront condamnés à payer la somme de 2.000 euros à la DNEF au titre de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG n°24/04735 , RG n°24/04731 qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien, RG n°24/04735 ;
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS en date du 26 février 2024 ;
Déclarons irrégulière et annulons la saisie des pièces numérotées par les requérantes n° 1 à 15 et listées dans leur bordereau de pièces jointes à leurs conclusions sur le recours et en pièce n°1 par la DNEF dans ses conclusions sur le recours ;
Ordonnons la restitution à la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS EMERAUDE INVEST et Monsieur [J] [F] de l'ensemble de ces pièces, sans possibilité pour le Directeur national des enquêtes fiscales d'en garder copie, ni d'en faire usage ;
Déclarons pour le surplus régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 27 février 2024 dans les locaux et dépendances sis, [Adresse 5] susceptibles d'être occupés par [J] [F] et/ou [R] [F], née [O] et/ou [N] [F] et/ou [E] [F] et/ou [Y] [F] et/ou [V] [F] et/ou la SAS EMERAUDE INVEST;
Condamnons la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS EMERAUDE INVEST et Monsieur [J] [F] à payer à la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales la somme de DEUX MILLE EUROS (2000 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejetons le surplus des demandes ;
Condamnons la SAS ARMORICA HOLDINGS, agissant pour elle-même et la SAS ARMORICA HOLDINGS venant aux droits et obligations des SAS ARMORICA PARTICIPATIONS et SAS ARMORICA INVESTISSEMENTS, la SAS EMERAUDE INVEST et Monsieur [J] [F] aux dépens.