CA Rennes, 3e ch. com., 25 mars 2025, n° 23/07037
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Goahel (SAS), Equinoxe 29 (SAS)
Défendeur :
Kegin Invest (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Vice-président :
Mme Clement
Conseiller :
Mme Ramin
Avocats :
Me Lhermitte, Me Amoyel-Vicquelin, Me Lasvergnas, Me Degeneve
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Capic était détenue par les sociétés Goahel et Equinoxe 29, M. [M] et Mme [G] [R]. Mme [T] [C] était dirigeante des sociétés Goahel et Equinoxe 29.
Le 12 novembre 2021, la société Arkea Capital et un groupe de repreneurs ont adressé une lettre d'offre à Mme [T] [C] afin de faire procéder à l'acquisition des titres de la société Capic par voie de cession, par l'intermédiaire de la société Kegin Invest.
Le 16 décembre 2021, une lettre d'offre confirmatoire a été adressée.
Le 28 juin 2022, un protocole de cession de transfert de titres sous conditions suspensives a été formalisé entre, d'une part, les sociétés Goahel et Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] et, d'autre part, la société Kegin Invest.
Le prix de cession a été fixé à un montant de 14.330.000 euros, dont un complément de prix d'un montant de 570.000 euros payable en trois échéances à hauteur de 190.000 euros chacune le 31 juillet 2023, le 31 juillet 2024 et le 31 juillet 2025.
Le 11 juillet 2022, à la suite de la levée des conditions suspensives, un acte réitératif de cession a été signé afin de finaliser le transfert de titres.
Le même jour, une garantie d'actif et de passif a été signée par les parties. Mme [G] [C], la société Goahel et la société Equinoxe 29 ont été désignés en tant que garants. Mme [T] [C] a été désignée en tant que représentante des garants.
Le premier versement de 190.000 euros n'ayant pas été honoré, la société Equinoxe 29, la société Gohael, Mme [G] [R] et M. [X] ont assigné la société Kegin Invest en référé en paiement de cette somme à titre de provision.
Par ordonnance du 23 novembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Quimper a :
- Constaté l'existence d'une contestation sérieuse,
- Renvoyé les parties à mieux se pouvoir au fond,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés Goahel et Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] aux entiers dépens qui comprennent notamment les frais de greffe.
Mme [G] [C], M. [M], la société Goahel et la socité Equinoxe 29 ont interjeté appel le 15 décembre 2023.
Le 28 décembre 2023, la société Kegin Invest a assigné devant le tribunal de commerce de Quimper les sociétés Goahel et Equinoxe 29 et Mme [T] [C] en paiement de certaines sommes à titre d'indemnisation des préjudices subis à la suite de l'acquisition de la société Capic. Cette instance est en cours.
Les dernières conclusions de Mme [G] [C], M. [M], la société Goahel et la socité Equinoxe 29 ont été déposées le 14 novembre 2024. Les dernières conclusions de la société Kegin Invest ont été déposées le 3 août 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Les sociétés Goahel et Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] demandent à la cour de :
- Recevoir la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] en leur appel, et, les déclarant bien fondés,
- Infirmer l'ordonnance,
Statuant à nouveau :
- Condamner la société Kegin Invest à verser à la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] la somme de 38.000 euros à titre de provision,
- Condamner la société Kegin Invest à verser à la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La société Kegin Invest demande à la cour de :
- Recevoir la société Kegin Invest en ses demandes, les dire bien fondées et y faisant droit,
- Confirmer l'ordonnance,
En tout état de cause :
- Débouter la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] de toutes demandes, fins et conclusions,
- Condamner in solidum la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] au paiement de la somme de 6.000 euros à la société Kegin Invest sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner in solidum la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] aux entiers dépens d'instance.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la provision :
Les sociétés Goahel et Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] font valoir que la société Kegin Invest ne saurait opposer une contestation sérieuse.
Le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier en référé en l'absence de contestation sérieuse. L'existence d'une obligation non sérieusement contestable est la seule condition imposée :
Article 873, alinéa 2 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 23 juin 1987 :
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il [le président du tribunal de commerce] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La contestation est considérée comme sérieuse si celle-ci est susceptible de prospérer au fond. L'engagement d'une procédure sur le fond du litige peut être un élément de nature à retenir l'existence d'une contestation sérieuse mais il doit s'apprécier au regard des circonstances de l'espèce et ne peut à lui seul fonder l'existence d'une telle contestation.
En cas de contestation sérieuse, le créancier sera renvoyé à mieux se pourvoir. Dans ce cas, le créancier devra agir au fond pour obtenir condamnation.
Pour s'opposer à la demande de paiement, la société Kegin Invest se prévaut d'une exception d'inexécution de la convention et de sommes dues au titre de la garantie d'actif et de passif.
Les sociétés Goahel et Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] font valoir que le protocole d'accord et l'acte réitératif prévoieraient une indépendance entre le contrat de cession et la garantie d'actif.
Il apparait que les stipulations contractuelles auxquelles ils se référent prévoient notamment que chacune des parties renonce expressément et irrévocablement à se prévaloir des dispositions de l'article 1186 al 2 du code civil et accepte expressément que la résiliation, la résolution, la caducité ou l'inexécution d'un ou plusieurs autres contrats nécessaires à la réalisation de l'acquisition et des opérations prévues au protocole, et visés notamment dans l'acte réitératif, sera sans effet sur la validité de l'acte réitératif.
Il apparait cependant par ailleurs que le protocole stipule que la réalisation de l'acquisition interviendra sous la condition que les sociétés Goahel et Equinoxe 29 ainsi que Mme [T] [R] consentent au cessionnaire une garantie d'actif.
La garantie stipule pour sa part qu'à titre de condition déterminante et concomitante à la réalisation du transfert, le bénéficiaire a souhaité obtenir des garants les déclarations et garantie explicités ci-après.
Enfin, la garantie prévoit notamment une possibilité de réduction de prix.
Les stipulations contractuelles paraissent ainsi, d'une part, prévoir une absence d'effet du contrat de garantie d'actif sur le paiement du prix de cession et, d'autre part, insister sur le caractére déterminant de l'existence d'une garantie d'actif et en instaurant un mécanisme de réduction de prix au titre de la garantie d'actif.
Ces stipulations pourraient être contradictoires et une interprétation de la volonté des parties paraît nécessaire pour déterminer s'il y a lieu de retenir que le paiement du complément de prix est ou non indépendant d'une mise en oeuvre de la garantie d'actif. Une telle interprétation dépasse les pouvoirs du juge des référés.
La société Kegin Invest a mis en oeuvre à trois reprises la garantie d'actif et de passif :
- le 5 mai 2023 en raison d'une absence de provision dans les comptes de référence, d'un défaut de provision suffisant concernant les surstocks et d'un défaut de conformité concernant un des produits mis en vente par la société Capic,
- le 19 juin 2023 en raison de problèmes techniques liés à des appareils de la société Capic,
- le 21 novembre 2023 en raison de non-confirmités sur une des marchines fournies par la société Capic.
Ainsi, plusieurs réclamations ont été formulées au titre de la garantie pour un montant total de 1.218.443 euros. Cette somme correspondant au préjudice allégué par la société Kegin Invest est susceptible de conduire à une réduction de prix. Les sommes demandées au titre de la demande de complément de prix pourront se compenser avec les sommes dues au titre de la réduction de prix. Cette compensation éventuelle est de nature à rendre sérieuse la contestation alors, en outre, que la société Kegin a saisi le juge du fond sur ce point.
Le fait que la garantie soit elle-même garantie par une caution bancaire à hauteur de 1.000.000 d'euros pour une réclamation correspondant à un montant de 888.699 euros est un argument qui ne saurait prospérer. En effet, le montant de la mise en jeu de la garantie est d'un montant supérieur au montant du cautionnement. Cette caution ne peut être mise en oeuvre que lorsque la réclamation a été acceptée, qu'une décision de justice a été rendue ou qu'une transaction a été conclue. Aucune de ces situations n'ayant eu lieu, la caution ne peut donc être actionnée.
Il n'appartient pas non plus au juge des référés de déterminer si les manquements invoqués par la société Kegin sont ou non fondés, sont ou non graves. En tout état de cause, le montant de la garantie mis en oeuvre apparait sérieux au vu du montant du complément de prix dont il est demandé le paiement à titre de provision.
Il apparait que les demandes de paiement d'une provision se heurtent à des contestations sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher. L'ordonnance sera confirmée.
Sur les frais et dépens :
- Il y a lieu de condamner les sociétés Goahel et Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M], parties succombantes, aux dépens d'appel et les condamner à payer à la société Kegin invest la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Confirme l'ordonnance,
Y ajoutant :
- Rejette les demandes contraires ou plus amples des parties,
- Condamne la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] à payer à la société Kegin Invest la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Goahel, la société Equinoxe 29, Mme [G] [C] et M. [M] aux dépens d'appel.