CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 31 mars 2025, n° 23/00689
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Optiroc (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rouquette-Dugaret
Conseillers :
Mme Martin, Mme Reyter Levis
Avocats :
Me Vincent-Ibarrondo, Me Hassanaly
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [B] [LH] a été engagé par la SAS Optiroc à compter du 1er mai 2007 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'ouvrier de fabrication OQ1, emploi dépendant de la convention collective nationale chimie : industries chimiques.
La SAS Optiroc est spécialisée dans la fabrication de peintures, vernis, encres et mastics.
À compter du 06 octobre 2017, le salarié a été placé en arrêt de travail au titre de l'assurance maladie. Lors de sa visite de reprise, le 08 octobre 2020, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude avec impossibilité de reclassement.
M. [B] [LH] a été convoqué, par lettre du 13 octobre 2020, à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 27 octobre suivant, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 13 novembre 2020.
Contestant son licenciement et formulant divers griefs à l'encontre de l'employeur, M. [B] [LH] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes, par requête reçue le 24 août 2021, afin de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer plusieurs sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Par jugement en date du 23 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :
- condamné la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, à verser à [B] [LH] les sommes suivantes :
- 14.903,77 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul
- 8.127,55 euros du complément de l'indemnité spéciale de licenciement
- 4.409,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice
- débouté [B] [LH] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice, de condamnation sous astreinte, et d'exécution provisoire ;
- débouté la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, à verser à [B] [LH] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- rappelé que l'ensemble des indemnités auxquelles la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, a été condamnée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- ordonné la capitalisation des intérêts qui seront dus par la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, pour une année entière à compter du présent jugement ;
- condamné la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, ainsi qu'aux dépens.
Par acte du 23 février 2023, la société Optiroc a régulièrement interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 30 janvier 2023.
Par ordonnance en date du 25 juin 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 04 novembre 2024. L'affaire a été fixée à l'audience du 03 décembre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 octobre 2023, la SAS Optiroc demande à la cour de :
- la juger recevable et bien fondée en son appel ;
- juger que M. [B] [LH] est infondé en son appel incident ;
- infirmer les dispositions du jugement de départage rendu le 23 janvier 2023 par le conseil de prud'hommes de Nîmes, en ce qu'il a :
« Condamne la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, à verser à [B] [LH] les sommes suivantes:
- 14.903,77 euros au titre [de] l'indemnité pour licenciement nul
- 8.127,55 euros du complément de l'indemnité spéciale de licenciement
- 4.409,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice
Déboute la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, de l'intégralité de ses demandes [à savoir :
- Fixer la moyenne de salaire à la somme de 2.184,26 euros bruts,
- Juger le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle,
- Juger le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié à M. [LH] fondé et justifié,
- Juger que la société Optiroc n'a commis aucun harcèlement moral à l'encontre de M. [LH], ni aucun manquement,
- Débouter M. [LH] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter M. [LH] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [LH] à régler à la société Optiroc la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [LH] aux entiers dépens de l'instance],
Condamne la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, à verser à [B] [LH] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rappelle que l'ensemble des indemnités auxquelles la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, a été condamnée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne la capitalisation des intérêts qui seront dus par la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, a été condamnée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne la capitalisation des intérêts qui seront dus par la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, pour une année entière à compter du présent jugement ;
Condamne la SAS Optiroc, RCS [Localité 5] 324 845 015, ainsi qu'aux dépens ».
- confirmer les dispositions du jugement de départage rendu le 23 janvier 2023 par le conseil de prud'hommes de Nîmes, en ce qu'il a débouté M. [B] [LH] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
Et, statuant à nouveau :
- fixer la moyenne de salaire à la somme de 2.184,26 euros bruts,
- juger le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement notifié à M. [LH] fondé et justifié,
- juger qu'elle n'a commis aucun « harcèlement moral » à l'égard de M. [LH], ni aucun manquement,
En conséquence,
- débouter M. [LH] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [LH] à régler à la société Optiroc la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [LH] aux entiers dépens de l'instance,
En tant que de besoin,
- rappeler que l'infirmation du jugement de départage emporte obligation pour M. [B] [LH] de rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement.
Au soutien de ses demandes, la SAS Optiroc fait valoir que :
- M. [B] [LH] n'avait produit au soutien de sa demande de voir reconnaître l'origine professionnelle de son inaptitude que trois documents : un certificat médical de son médecin traitant, un certificat médical initial maladie professionnelle dont la date est illisible et que le salarié ne lui a jamais communiqué, un courrier daté du 17 juillet 2020 adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie de demande de reconnaissance de maladie professionnelle,
- les nouvelles pièces produites en appel ne permettent pas plus d'établir qu'elle aurait été informée qu'une procédure aux fins de reconnaissance de maladie professionnelle était en cours à la date du licenciement,
- M. [B] [LH] ne justifie pas plus de la réalité ou de l'issue de sa demande auprès de la Caisse Primaire d'assurance maladie ,
- les accusations de harcèlement moral portées par M. [B] [LH] à l'encontre de Mme [SM] ne sont pas fondées, étant observé que M. [B] [LH] a été placé en arrêt de travail à compter du 6 octobre 2017 et que celle-ci a pris ses fonctions de responsable d'établissement le 17 avril 2017,
- il n'a jamais dénoncé ces faits avant son courrier d'octobre 2020 au motif qu'il n'avait pas ' la force jusqu'à présent' de le faire mais invoque paradoxalement de nombreuses relances orales,
- l'objectivité des attestations produites au soutien de la demande de harcèlement moral est remise en cause par le fait qu'elles émanent de collègues ayant également introduit une instance prud'homale ou de proches,
- il n'a jamais exercé les fonctions de chef d'équipe et n'en a jamais revendiqué la classification,
l'entreprise ne reconnaissant au surplus jusqu'en 2021 pour le personnel de production que les fonctions d'opérateur de production ou de chef de poste,
- les propos humiliants que M. [B] [LH] prête à Mme [SM] ne sont objectivés par aucun des témoignages qu'il produit, pas plus qu'il ne justifie des convocations par cette dernière, la seule convocation qui lui a été adressée correspondant à un échange , et non un entretien disciplinaire, suite à une erreur de dosage qu'il avait reconnue,
- les conditions de travail, telles que l'affectation sur d'autres lignes de production, ont toujours existé au sein de l'entreprise qui a dû faire face à des difficultés qui ont conduit à des opérations de recapitalisation,
- les pièces médicales produites par M. [B] [LH] ne font que reprendre les éléments qu'il a pu leur décrire, leurs auteurs n'ayant jamais fait un quelconque constat sur les conditions de travail du salarié,
- elle produit les attestations de plusieurs salariés qui contredisent les conditions de travail décrites par M. [B] [LH], ainsi que de ceux auprès de qui il aurait pu faire part de ses difficultés, coordonnateurs environnement, hygiène et sécurité,
- le contenu du procès-verbal de l'inspection du travail est d'autant plus critiquable que les éléments factuels dénoncés notamment par M. [B] [LH] et qu'il reprend sont contredits par les pièces qu'elle produit, de même que les propos tenus par M. [B] [LH] lorsqu'il est interrogé par les services de police,
- le médecin du travail n'a jamais pris l'initiative d'un audit sur les risques psycho-sociaux contrairement à ce que soutient M. [B] [LH],
- les faits invoqués par M. [B] [LH] comme caractérisant une poursuite du harcèlement moral pendant son arrêt de travail ne sont pas plus fondés et établis, celui-ci ne faisant que réinterpréter ce qui s'est réellement passé pour les besoins de son instance judiciaire,
- s'agissant du licenciement de M. [B] [LH], il n'est entaché d'aucune nullité en l'absence de faits de harcèlement moral, aucun doublement de l'indemnité de licenciement n'est dû puisque l'inaptitude le fondant n'est pas d'origine professionnelle, et l'indemnité de l'article L 1226-14 du code du travail n'ouvre pas droit à congés payés,
- enfin, M. [B] [LH] ne justifie pas des préjudices distincts dont il demande l'indemnisation, préjudice moral et manquement à l'obligation de sécurité.
En l'état de ses dernières écritures en date du 24 octobre 2024, M. [B] [LH] demande à la cour de :
- juger qu'il a été victime de harcèlement moral,
- juger que la société Optiroc a manqué à son obligation de sécurité,
- juger que le licenciement pour inaptitude est d'origine professionnelle,
- juger qu'il est atteint d'une maladie professionnelle,
- juger qu'il a été licencié pour inaptitude non professionnelle le 17 novembre 2020,
- juger que les dispositions relatives à la procédure pour inaptitude professionnelle ne lui ont pas été appliquées,
- juger comme étant nul son licenciement,
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 23 janvier 2023 en tant qu'il a condamné la SAS Optiroc, à verser à M. [B] [LH] les sommes suivantes :
- 4 409,98 euros bruts au titre de I'indemnité compensatrice de préavis,
- 1500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 23 janvier 2023, non sur son principe, mais sur son quantum, en ce qu'il a limité les condamnations de la SAS Optiroc au titre de l'indemnité pour licenciement nul et de l'indemnité spéciale de licenciement,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 23 janvier 2023, en ce qu'il a débouté M. [B] [LH] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et manquement à l'obligation de sécurité,
En conséquence,
- condamner la société Optiroc à lui verser les sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour licenciement nul : à titre principal, 44 099,80 euros nets (20 mois) ; à titre subsidiaire : 14 903,77 euros nets (6 mois),
- rappels de salaire relatifs à l'indemnité de licenciement doublée : 10 045, 15 euros nets,
- dommages et intérêts pour préjudice moral et manquement à l'obligation de sécurité : 10 000,00 euros nets,
A titre subsidiaire,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 23 janvier 2023, à savoir la condamnation de la société Optiroc à verser à M. [LH] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour licenciement nul : 14 903,77 euros nets (6 mois)
- Rappels de salaire relatifs à l'indemnité spéciale de licenciement : 8 127,55 euros nets,
- Indemnité compensatrice de préavis : 4 409,98 euros bruts
- 1500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
En tout état de cause,
- débouter la société Optiroc de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- ordonner à la société Optiroc à la délivrance des documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de 10 jours suivants la notification du jugement à intervenir,
- condamner la SAS Optiroc au paiement de la somme de 2 280 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel.
Au soutien de ses demandes, M. [B] [LH] fait valoir que :
- il a obtenu grâce à sa volonté, sa prise de responsabilité et sa disponibilité sa nomination comme chef de l'unité 61 des produits en poudre et alors que tout se passait pour le mieux dans sa relation de travail, Mme [SM] dès son arrivée va tout faire pour l'évincer,
- ses qualités professionnelles et son implication sont reconnues de tous, que ce soit par sa hiérarchie dans le cadre de ses entretiens annuels ou par ses collègues de travail qui en attestent,
- Mme [SM] n'aura de cesse de le victimiser à partir du moment où il aura émis des réserves sur sa façon de manager, de le dévaloriser et de le traiter différemment des autres salariés, n'hésitant pas à le changer de poste sans aucune formation,
- outre ses collègues qui attestent de cette dégradation de ses conditions de travail, son entourage témoigne de la dégradation de son état de santé consécutive,
- l'attitude managériale de Mme [SM] a impacté d'autres salariés, qui ont quitté pour ce motif l'entreprise,
- alors qu'il exerçait depuis 2008 les fonctions de chef d'équipe et était passé du coefficient 150 au coefficient 190, il n'a jamais obtenu le classement équivalent à celui de ses collègues exerçant les mêmes fonctions, et Mme [SM] n'a jamais voulu le reconnaître dans cette fonction qui est pourtant clairement mentionnée dans son compte rendu d'entretien annuel de 2015,
- les pièces médicales qu'il produit attestent de la dégradation de son état de santé, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle est en cours auprès de la Caisse Primaire d'assurance maladie depuis le 17 juillet 2020,
- l'inaptitude à l'origine de son licenciement est en lien avec la dégradation de ses conditions de travail et non pas comme le soutient l'employeur une pathologie antérieure, de même que cette dégradation de son état de santé est à l'origine de la dégradation de la relation avec son épouse et non pas l'inverse,
- le médecin du travail a indiqué qu'il allait en raison des multiples plaintes de salariés procéder à un audit dont la société n'a jamais présenté les conclusions,
- antérieurement à son licenciement, il a dénoncé à l'inspection du travail ses conditions de travail et le harcèlement moral qu'il subissait, laquelle ouvrira une enquête dont les résultats sont à l'origine de poursuites pénales à l'encontre de Mme [SM] et M. [S], le parquet ayant relevé appel de la décision de relaxe rendue par le tribunal correctionnel le 11 janvier 2024,
- le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est caractérisé par le fait que la SAS Optiroc n'a jamais réagi aux alertes des différents salariés concernés par le harcèlement moral exercé par Mme [SM], et au rapport de l'inspection du travail,
- ensuite de la reconnaissance de cette situation de harcèlement moral, le licenciement dont il a fait l'objet est nul et ses demandes indemnitaires subséquentes sont fondées, étant rappelé qu'il bénéficiait d'une ancienneté de 14 années à la date de son licenciement,
- tenant l'origine professionnelle de son inaptitude, il peut également prétendre aux indemnisations spécifiques qui en découlent, soit le doublement de son indemnité de licenciement,
- il justifie également d'un préjudice moral distinct de ceux déjà indemnisés dans le cadre du licenciement, les fautes commises par la société et le traumatisme qui en résulté pour lui étant à l'origine de ses quatre tentatives de suicide, et de ses séjours en hôpital psychiatrique.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS :
Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
* harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Au soutien de sa demande, M. [B] [LH] invoque le comportement managérial de Mme [SM] qui l'a pris comme cible dès qu'elle a pris ses fonctions, a refusé de le reconnaître dans ses fonctions de chef d'équipe, le convoquera à de multiples reprises, n'aura de cesse de le dévaloriser et de lui adresser des propos humiliants devant ses collègues de travail, de le changer de poste sans formation, l'ensemble de ses agissements ayant eu des répercussions importantes sur son état de santé qui n'a cessé de se dégrader, et s'étant poursuivis y compris pendant sa période d'arrêt de travail.
Il verse aux débats les éléments suivants :
- ses fiches de salaires qui mentionnent au dernier état de la relation contractuelle un coefficient de 190, lequel lui est appliqué depuis 2009,
- son entretien d'évaluation en date du 15 janvier 2014 sur lequel est indiqué au titre de la fonction ' chef d'équipe', et en conclusion ' tient son poste de manière satisfaisante', les appréciations portées faisant état au titre de ses forces ' anticipation des problèmes - assiduité - fiabilité - sens des responsabilité' et des axes d'amélioration ' rangement zone de production unité 61", le bilan de l'activité de l'année étant qualifié de satisfaisant,
- une attestation de Mme [A] [D] qui se présente comme employée de la SAS Optiroc du 2 mai 2000 au 4 décembre 2019 et indique : ' J'ai travaillé de longues années avec [B] [LH], qui avait en charge la production de l'unité des poudres et notamment du produit groupe C7. Ce produit représentait une part importante du chiffre d'affaires. [B] gérait au mieux la fabrication de cette gamme et nous avions l'occasion de communiquer tous les jours, de façon à ce que tout se passe au mieux pour les délais de départ de ces marchandises. Il gérait avec sérieux cette unité
Or, depuis l'arrivée de Mme [SM], il a été reçu plusieurs fois pour des entretiens, au cours desquels, elle le rabaissait et le menaçait de le licencier.
Pourquoi cette attitude de la part d'un cadre de l'entreprise' Son état de santé s'est dégradé ; il s'est senti diminué, et il est tombé dans une importante dépression.
J'ai moi aussi subi des mauvais mots et harcèlements par Mme [SM], et Mr [S], et j'ai fait une dénonciation de harcèlement, par une lettre du 10 septembre 2019 . (..) J'ai souhaité faire ce témoignage pour [B] car nous sommes vraiment plusieurs employé à avoir subi ce harcèlement'.
- une attestation de Mme [KD] [K] qui se présente comme employée de la SAS Optiroc du 27 mars 1995 au 6 février 2020 au poste de responsable administration des ventes et indique : ' Dans le cadre de mes fonctions, j'ai été amenée à collaborer au quotidien avec Monsieur [B] [LH] depuis son entrée dans l'entreprise en mai 2007.
Monsieur [LH] a toujours fait preuve de professionnalisme, disponibilité, réactivité, et tout cela avec bonne humeur et bienveillance
J'ai été en arrêt maladie à compter du 24 mars 2017 et j'ai moi-même dénoncé des faits de harcèlement dirigés à mon encontre par Madame [J] [SM], chef d'établissement. Je n'ai pas été la seule salariée à me plaindre de son attitude auprès de la Médecine du Travail ou de la DREETS. Des procédures prudhommales sont en cours.
C'est pendant mon arrêt de travail que Madame [SM] est devenue Responsable d'Etablissement et que le cadre de travail s'est considérablement dégradé ainsi que ses relations avec Monsieur [LH], telles qu'il me les a décrites : convocations régulières pour lui faire des reproches injustifiés, moqueries, dénigrement. Il m'a aussi souvent expliquée, parfois même en pleurant, les formes d'humiliation qu'il a subies comme, lorsque Madame [SM] lui criait dessus pendant les réunions ou qu'elle lui demandait devant toute l'assemblée, qu'il la regarde dans les yeux quand elle lui adressait la parole. Monsieur [LH] m'appelait régulièrement du fait de mon statut de Délégué du Personnel (statut qui n'a pas été renouvelé dans la mesure où l'on ne m'a pas informée des Elections du CSE pendant mon arrêt maladie)), pour me faire part de sa souffrance. Malheureusement, en arrêt maladie, je ne pouvais intervenir. La situation est devenue tellement difficile à supporter pour Monsieur [LH] que celui-ci a sombré dans une grave dépression et a tenté plusieurs fois de mettre fin à ses jours. Aujourd'hui, il alterne les séjours en institut psychiatrique. J'ai assisté, impuissante, à la descente aux enfers d'un collègue que j'avais connu enthousiaste, extrêmement joyeux et heureux de venir travailler chez OPTIROC.
Je ne peux qu'accorder du crédit à ce que Monsieur [LH] m'a rapporté pour avoir moi-même subi différentes formes de harcèlement de la part de Madame [SM], ce qui m'a conduit à une inaptitude à tous les postes de l'entreprise et à une invalidité de Catégorie 2 du fait, entre autre, d'une dépression sévère.
Au cours d'un entretien que j'ai eu moi-même avec Madame [SM], pendant mon arrêt maladie, elle m'a fait un inventaire fort peu élogieux d'un nombre de salariés qui ne rentraient pas dans le schéma qu'elle s'était fixé, salariés qui, pour un grand nombre d'ailleurs, ne font plus partie des effectifs de l'entreprise à ce jour (licenciement pour faute, inaptitude, rupture conventionnelle, non-renouvellement de contrat à la demande du salarié. Les termes employés étaient : « alcoolique, fainéant, bipolaire, incompétent' » » j'atteste sur l'honneur que Madame [SM] m'a décrit Monsieur [LH] comme étant un « tire au flanc » ; une « grande gueule » et un « élément perturbateur », alors que le connaissant très bien depuis toutes ces années de collaboration, je certifie que Monsieur [LH] a toujours fait preuve de courage, disponibilité et essayait toujours de trouver des solutions pour sortir de situations compliquées qui ne faisaient pas partie de ses fonctions (réparation de l'outil de travail par exemple). Madame [SM] m'a aussi dit, que, dans tous les cas, « il faudra que [B] rentre dans rangs ». c'est à cette occasion qu'elle m'a aussi demandé de « choisir mon camps ». Je peux comprendre aujourd'hui que ces conditions de travail aient autant affecté et fragilisé la santé de Monsieur [LH]. A ce jour Monsieur [LH] me décrit son angoisse à retourner travailler chez OPTIROC. Il a perdu toute confiance en lui et toute joie de vivre'
- une attestation de Mme [J] [O], qui se présente comme employée de la SAS Optiroc de 1999 à fin septembre 2019 au service administration des ventes et logistique, laquelle indique : ' Je travaillais donc en étroite collaboration avec les agents de production de l'usine dont [B] [LH], et ce donc pendant près de 20 ans.
Nous entretenions entre collègues d'excellentes relations. J'ajouterai que Monsieur [B] [LH] était une personne particulièrement joyeuse, il était toujours prêt et disponible aussi pour mettre les coups de collier nécessaires dans les périodes de forte activité pour répondre à la demande des clients.
Il existait une très forte solidarité entre nous tous
Nous travaillions en étroite collaboration et nous consultions régulièrement afin d'établir les plannings de production selon les commandes clients. [B] [LH] arrivait toujours d'humeur joyeuse, souvent en chantant ce qui entretenait une bonne ambiance. En parallèle, toutes les productions étaient assumées avec sérieux et responsabilités.
Après l'arrivée de la nouvelle responsable de site, [J] [SM], j'ai constaté une détérioration de son humeur. Les relations entre collègues se dégradaient petit à petit. Plus particulièrement, pour [Y] [LH], la bonne humeur et le chant ont fait place à une personne voutée, l'oeil terne et le plus choquent, à quelqu'un qui n'avait pas d'assurance et qui bégayait de plus en plus ça en disait long sur son mal être.
Après avoir été arrêté pour raisons médicales, à chaque fois que j'ai pris des nouvelles, je me retrouvais face à quelqu'un de triste et je suis toujours aussi désolée de constater que le « gai luron » a fait place à une personne repliée sans confiance'
- une attestation de M. [OZ] [H], qui indique avoir travaillé avec M. [B] [LH] jusqu'à son départ en retraite, et précise ' Monsieur [LH] a toujours montré beaucoup d'enthousiasme à venir travailler. Il était toujours volontaire et n'hésitait pas à prendre des initiatives en cas de problèmes, toujours pour faire faire des économiques ou gagner du temps à l'OPTIROC. , Il était toujours pour cela respecté par mes anciens directeurs
C'est à l'arrivée de Madame [J] [SM] en tant que chef d'établissement que les choses se sont gâtées pour lui car elle n'acceptait pas la franchise avec laquelle il lui faisait remarquer les erreurs qu'elle commettait, il n'a cessé d'être convoqué, réprimandé et menacé par cette dernière.
Il a aussi été victime de discrimination en le mettant seul à produire avec moi par exemple sur une unité qui nécessitait 3 salariés, et ce sans formation préalable, même en réunion.
C'est à l'arrivée de Madame [SM] que Monsieur [LH] a commencé à faire une dépression, très grave, et ceci la poussé à faire plusieurs tentatives de suicide. Aujourd'hui encore, je ne reconnais pas Monsieur [LH] qui était si jovial à maintenant beaucoup de mal à retrouver une vie normale'
- une attestation de Mme [V] [FC] qui se présente comme collègue de travail exerçant les fonctions de chargée de mission qualité et indique ' J'ai entendu Madame [SM] tenir les propos suivants à l'encontre des agents de fabrication à plusieurs reprises « vous êtes des enfants », « ce sont des alcooliques », « ce sont des cassos alcoolique recrutés aux comptoirs des bars ». J'ai souvenir d'une altercation avec Monsieur [LH] [B] lors d'une réunion à laquelle l'ensemble de l'usine était présent. Elle lui a ordonné de la regarder droit dans les yeux. Monsieur [LH] a quitté la salle avant la fin de la réunion pour rejoindre son poste de travail ».
- une attestation de M. [U] [P] qui se présente comme ami et indique ' connaître Mr [B] [LH] depuis 35 ans, amis de longue date, j'ai toujours connu un ami positif, joyeux, ouvert, mais à un moment il m'a fait part de ces douleurs à sont travail, causé a sa directrice et de son mam être aussi venant de ces conditions liée toujours à sa directrice, j'ai observé chez Mr [LH] un changement de sa personnalité, aigri, taciturne, négatif, manque de confiance en lui, pas du tout en rapport avec la personne, mon ami que j'ai connu avant et également des idées noir' actuellement je vois une personne avec un grand mal être, blessé et je pense des séquelles du aux conditions de travail subit'
- une attestation de sa nièce, Mme [GL] [LH] qui décrit l'état de santé dégradé de son oncle, notamment après une hospitalisation, précisant ' il me semblait très perturbé par tout ce qui se passait avec son travail',
- un certificat médical initial de maladie professionnelle daté du 9 janvier 2018 et retenant une date de première constatation de la maladie le 9 janvier 2018, les constatations détaillées étant illisibles,
- une attestation de paiement des indemnités journalières en date du 18 août 2021 pour la période du 6 octobre 2017 au 5 octobre 2020,
- plusieurs certificats médicaux datés de 2020 attestant d'une prise en charge pour état dépressif sévère, avec trois hospitalisations suite à idéations suicidaires, une en 2018, une en 2019 et une en 2020, une prescription médicale datée du 21 juillet 2020, dans le cadre d'une affection longue durée, comprenant notamment des neuroleptiques, anxiolytiques et anti-dépresseurs,
- un classement en invalidité catégorie 2 avec attribution d'une pension à compter du 6 octobre 2020,
- l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail en date du 8 octobre 2020,
- un courrier adressé le 17 juillet 2020 à la Caisse Primaire d'assurance maladie aux fins de reconnaissance de maladie professionnelle sans mention du certificat médical initial joint, rédigé hors formulaire CERFA dédié,
- un courrier adressé le 17 juillet à la DIREECTE dans lequel il dénonce des faits de harcèlement moral,
- un courrier adressé à son employeur le 16 octobre 2020 par lequel il dénonce des faits de harcèlement moral,
- le rapport de la DREETS, daté du 3 décembre 2020, suite à une enquête menée au sein de l'établissement au terme duquel l'inspecteur du travail a relevé l'infraction de harcèlement moral à l'encontre du responsable de l'établissement, étant précisé que le jugement du tribunal correctionnel a relaxé les prévenus mais que l'affaire se poursuit devant la chambre des appels correctionnels sur appel du ministère public,
- sa constitution de partie civile dans le cadre de l'instance pénale susvisée,
- la copie de son audition par les services de police le 4 janvier 2022, dans laquelle il dénonce les faits de harcèlement moral,
- une attestation de Mme [ZR] [R] qui se présente comme son ex-compagne et explique que leur relation s'est terminée car elle n'était plus en capacité de l'accompagner pendant ses problèmes de santé, les tentatives de suicide qui l'ont amenée à ne plus lui confier la garde de leur fils trouvant leur origine non pas dans la dégradation de leur relation mais dans ses problèmes au travail chez la SAS Optiroc.
Ces éléments pris dans leur ensemble établissent une présomption de harcèlement moral.
L'employeur rétorque que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La SAS Optiroc observe que M. [B] [LH] qui dénonce un comportement harcelant de Mme [SM] n'a concrètement travaillé sous sa hiérarchie que du 17 avril 2017 à son arrêt de travail le 6 octobre 2017, soit pendant 42 jours si l'on déduit de cette période les jours non travaillés et les congés, et la période jusqu'au 31 mai 2017pendant que celle-ci intervenait avec l'ancien titulaire du poste M. [ZW].
La SAS Optiroc conteste toute classification de M. [B] [LH] au poste de chef d'équipe au motif que celui-ci n'existe pas dans son organigramme mais n'apporte cependant aucune explication quant au fait que le supérieur hiérarchique de ce dernier l'a ainsi décrit dans son entretien individuel de janvier 2015.
Elle réfute les comportements et paroles attribués à Mme [SM] en contestant la sincérité des témoignages produits par M. [B] [LH], puisqu'établis pour partie par des anciens salariés en litige avec la société et sans contenus précis, et en produisant une attestation de cette dernière qui nie avoir prononcé les dits propos.
Elle remet en cause la vision idyllique des conditions de travail avant l'arrivée de Mme [SM] décrite par M. [B] [LH] en rappelant qu'elle a connu des pertes en 2015 et 2016 et a dû procéder à une opération de recapitalisation en 2016, ce qui est sans emport quant aux faits dénoncés par le salarié.
La SAS Optiroc admet une convocation de M. [B] [LH] à ' entretien une seule et unique fois à la suite de l'erreur de dosage d'un produit dans le cadre d'une inversion de poste et non-respect du planning, erreur que Monsieur [LH] n'a pas nié avoir commis. Il ne s'agissait pas d'une convocation à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire mais simplement d'un échange, en présence d'un collègue, Monsieur [HP] [UV], opérateur en poste en 2023, sur les conséquences de cette erreur de dosage entraînant un nettoyage complet de l'unité 41 et la production de déchets industriels dont le coût d'évacuation est élevé. Monsieur [LH] avait, ce jour-là, choisi délibérément de changer de poste entre fabrication et conditionnement/emballage, sans en avertir sa hiérarchie et encore moins en sollicitant son approbation. En effet, alors qu'il était affecté à l'emballage sur l'unité 41, il a interverti avec l'un de ses collègues afin d'assurer la fabrication sur cette unité 41, ce qui a été, à l'origine, de l'erreur de dosage. Bien qu'il s'agisse d'une insubordination de Monsieur [LH], la Société n'avait justement pas voulu se placer sur le terrain disciplinaire'.
Elle produit des exemples de plannings d'affectations et d'échanges de courriels pour justifier les changements de ligne de production dont se plaint M. [B] [LH] , en rappelant qu'il avait déjà connu de tels changements ponctuels avant l'arrivée de Mme [SM] et était parfaitement formé aux différents postes ; elle produit également la fiche de poste de M. [Z] qui était en charge de ces affectations.
Elle fait valoir que, de manière générale, elle favorise la polyvalence de ses salariés ne serait-ce que pour assurer la production pendant les périodes de congés des uns et des autres, et a mis en place une prime de polyvalence à compter de 2018.
La SAS Optiroc conteste tout comportement humiliant de Mme [SM] envers M. [B] [LH] lors de réunion et produit en ce sens une attestation de M. [W] qui indique : 'Monsieur [LH] « n'était pas d'accord avec Madame [SM] et était dissipé mais je ne l'ai pas vu quitté une réunion ni entendu Madame [SM] le reprendre sur son comportement et lui dire « regardez- moi dans les yeux quand je vous parle'', sans qu'il soit toutefois possible de déterminer quelle était la réunion en question.
Plus globalement, elle produit, outre les attestations de plusieurs salariés qui vantent les qualités et mérites de Mme [SM], celles dont les auteurs témoignent n'avoir jamais été témoins de faits de harcèlement moral :
- M. [T] , représentant du personnel, et référent RPS, qui indique: « Je suis salarié dans l'entreprise depuis le 3 février 2000 ['] De part mon ancienneté, mon statut de délégué du personnel depuis 01/2019 et de mon statut de représentant des risques psychosociaux depuis 2020, je connais tout le monde et je les côtoie dans l'usine mais aussi pendant les événements organisés par ma direction. Je n'ai jamais été sollicité jamais témoin, jamais entendu ou victime d'acte de harcèlemen',
- Mme [I] [N], assistante administrative et financière présente dans l'entreprise depuis octobre 2013, et rattachée au service contrôle de gestion, qui affirme « je n'ai ni subi et ni constaté d'harcèlement moral au sein de la société',
- M. [HP] [BP], cariste préparateur, salarié depuis 2001, qui indique n'avoir « jamais été témoin d'un quelconque harcèlement de la part de Mme [SM] [J] envers qui que ce soit'
- M. [C] [X], salarié depuis 2013 qui atteste que: « personnellement, je n'ai jamais subi de harcèlement de la part de la directrice ; je n'ai pas été témoin non plus d'un tel fait sur qui que ce soit '
- M. [M], salarié depuis 2005, indique ' n'avoir jamais été harcelé par ma directrice Mme [J] [SM] ni entendu quoique se soit depuis sa prise de fonctions jusqu'à ce jour ».
- M. [AY] [F], coordinateur environnement, hygiène et sécurité de 2012 à 2020, qui précise:
« je n'ai jamais été témoin de propos désagréables ou d'agissements répréhensibles de la part de [J] [SM] vis-à-vis des collaborateurs ou collaboratrices du site pouvant conduire à un sentiment de harcèlement ( ...) Compte tenu de ma fonction et de mon accessibilité, il était pourtant aisé de m'indiquer ce type de dérive qui ne correspond en rien aux valeurs auxquelles j'adhère ».
- Mme [L] [G], responsable EHS qui lui a succédé indique : ' Durant mes déplacements, j'ai pu constater que Madame [SM] avait à coeur le bien-être de l'ensemble de ses collaborateurs ( ...) J'apprécie grandement travailler avec elle, son écoute, son optimisme et ses compétences managériales permettent de faire avancer les projets. Ce sont de grandes qualités que l'on ne rencontre pas tout le temps dans le monde industriel »
La SAS Optiroc réfute les termes du procès-verbal établi par l'inspecteur du travail considérant qu'il s'est fondé sur les témoignages contestables d'anciens salariés et n'a pas tiré les conséquences des auditions des représentants du personnel qui ont contesté l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Elle considère que cette enquête ne décrit aucun fait précis concernant M. [B] [LH].
Elle fait valoir que contrairement à ce qui est affirmé dans ce procès-verbal, les départs de salariés imputés au comportement de Mme [SM] trouvent une autre explication : départ à la retraite, déménagement familial, emploi plus rémunérateur dans une autre société, fin de mission de travail intérimaire, rupture conventionnelle parfois plusieurs années avant l'arrivée de cette dernière.
Enfin, l'employeur observe que le rapport ne retrace même pas les déclarations de Mme [SM] qui a été entendue dans le cadre de cette enquête.
Elle précise qu'il n'a jamais été fait interdiction à M. [B] [LH] de se rendre dans les bureaux mais qu'à compter du recrutement de M. [Z] en qualité de chef d'atelier, une nouvelle organisation a été mise en place qui ne nécessitait plus que les opérateurs de production s'y présenter pour prendre les commandes du jour. ; et qu'au surplus celui-ci n'hésitait pas à continuer à s'y rendre fréquemment ainsi qu'en atteste M. [W] ' J'ai côtoyé [B] [LH] pendant quelques temps. A ma grande surprise je voyais tous les jours [B] traverser l'usine plusieurs fois par jour et pendant des temps longs. A plusieurs reprises, je l'ai vu revenir des bureaux. Pendant ce temps, il laissait l'intérimaire tout seul alors que nous devons être en binôme pour fonctionner correctement en toute sécurité. Je trouvais ce comportement indigne d'un opérateur de production »
Enfin, elle conteste toute forme de harcèlement envers M. [B] [LH] postérieurement à son arrêt de travail, et fait valoir sans être utilement contredite que :
- conformément à la convention collective et à la prévoyance couvrant ses salariés, M. [B] [LH] a bénéficié sur les 6 premiers mois de son arrêt de travail d'un maintien de son salaire à 100% puis à 50% pour les mois suivants, le complément à 100% étant assuré par l'organisme de prévoyance, M. [B] [LH] étant parfaitement informé des conditions de cette prise en charge pour avoir signé les conditions de la prévoyance en janvier 2013,
- les chèques cadeaux que M. [B] [LH] soutient ne pas avoir reçus pendant son arrêt de travail lui ont été adressés par courrier recommandé réceptionné par sa soeur et les démarches entreprises pour les faire annuler au motif qu'ils n'étaient pas contenus dans l'envoi ont échoué car les chèques cadeaux avaient tous été utilisés, étant précisé que seul M. [B] [LH] s'est plaint de ne pas avoir réceptionné ces chèques qui avaient été adressés par courrier à 8 autres salariés qui les ont bien reçus,
- M. [B] [LH] ne s'était jamais plaint en temps utile de ne pas avoir réceptionné son kit pour les élections professionnelles de 2018 qui lui a été adressé par correspondance, ce grief n'était apparu que dans son courrier de juillet 2020.
Si ces arguments permettent d'expliquer certains comportements décrits comme harcelant par M. [B] [LH], tels que les réorganisations ou les changements de poste, elles sont cependant insuffisantes à amoindrir les témoignages produits par le salarié et n'expliquent pas pour autant le comportement adopté par le personnel d'encadrement tel que décrit ci-dessus.
Si l'employeur souligne que M. [B] [LH] n'a pas alerté les représentants du personnel de sa situation ni le médecin du travail et n'a pas alerté l'inspection du travail que postérieurement à son arrêt de travail, ces arguments sont d'aucun emport.
Si la société appelante tend à minimiser voire nier l'impact des conditions de travail de M. [B] [LH] sur son état, il n'en demeure pas moins incontournable que les pièces médicales versées attestent d'une dégradation de l'état de santé de l'intéressé.
Par ailleurs, si la SAS Optiroc verse aux débats de nombreuses attestations de salariés qui déclarent n'avoir jamais constaté de comportement harcelant dans la société, louant les qualités d'écoute de l'employeur, les bonnes relations entretenues avec M. [S] et Mme [SM] et les conditions de travail satisfaisantes au sein de l'entreprise, ceux-ci ne sont ne sont toutefois pas susceptibles d'oblitérer la valeur des déclarations de Mme [V] [FC], Mme [A] [D], Mme [J] [O], Mme [KD] [K] ou M. [OZ] [H] retranscrites plus avant ou du contenu de l'enquête menée par la DREETS.
Il résulte de ce qui précède que si l'employeur apporte quelques explications objectives concernant une partie des agissements dénoncés, il n'en demeure pas moins que les témoignages rapportant des comportements et propos injurieux et humiliants de la part de Mme [SM] à l'égard de M. [B] [LH] ne sont pas utilement remis en cause.
En conséquence c'est à juste titre que le premier juge a conclu à l'existence d'une situation de harcèlement moral à l'encontre de M. [B] [LH]. La décision déférée sera confirmée sur ce point.
* obligation de sécurité
Selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'article L.4121-2 précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.»
Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.
M. [B] [LH] expose qu'il a alerté oralement à de multiples reprises sa direction sur les graves problématiques qu'il rencontrait et qui fragilisaient ses conditions de travail, et n'avoir eu la force de dénoncer les faits de harcèlement moral dont il était victime que par son courrier de juillet 2020. Il sollicite à ce titre et en raison de son préjudice moral, une somme globale de 10.000 euros.
Si la SAS Optiroc conteste tout manquement de sa part à son obligation de sécurité en rappelant que ' la Société est structurée, organisée, dotée de représentant du personnel (anciennement des délégués du personnel puis un CSE élu en janvier 2019 et récemment renouvelé en janvier 2023), ainsi que d'un service QSE et RH, elle est, en outre et naturellement, couverte par un Règlement intérieur et un document d'évaluation des risques. OPTIROC fait par ailleurs partie du groupe Saint-Gobain qui organise des audit interne et des audits de contrôle. '.
Par suite, et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si M. [B] [LH] avait ou non alerté sa hiérarchie de ses difficultés professionnelles, la cour ne peut que constater que la SAS Optiroc sur qui repose la charge de la preuve ne justifie d'aucune action concrète qui aurait été mise en place à destination des salariés au titre de la prévention des risques psycho-sociaux et notamment du harcèlement moral
En conséquence, M. [B] [LH] sera indemnisé du préjudice résultant de ce manquement à l'obligation de sécurité par une somme de 2.000 euros. La décision déférée sera infirmée en ce sens.
Il a en revanche été justement débouté de sa demande présentée au titre du préjudice moral par le premier juge dès lors qu'il n'est pas établi l'existence d'un préjudice distinct de ceux pour lesquels des demandes indemnitaires sont formulées dans le cadre de cette instance. La décision déférée sera confirmée sur ce point.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
M. [B] [LH] a été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier en date du 13 novembre 2020, rédigé dans les termes suivants :
'Monsieur,
Pour courrier recommandé du 12 octobre 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 27 octobre 2020.
Par courrier recommandé du 23 octobre 2020, vous nous avez fait part de ce que vous ne souhaitiez pas être présent à cet entretien.
À la suite d'une visite médicale de reprise organisée le 08 octobre 2020, le Docteur [E], médecin du travail du service de Santé au travail de [Localité 5], a constaté votre inaptitude définitive au poste de Chef d'équipe, précisant sur l'avis d'inaptitude que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Compte tenu de l'avis ainsi établi par le médecin du travail, nous ne pouvons pas procéder à votre reclassement au sein de notre Société ou dans le groupe Saint-Gobain.
Le 26 octobre 2020, les membres du CSE informés et consultés sur votre reclassement, ont rendu un avis favorable à votre licenciement.
Par conséquent, nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement en raison de l'impossibilité de reclassement à la suite de votre inaptitude définitive médicalement constatée par le Médecin du travail en date du 08 octobre 2020.
Nous vous précisons que votre licenciement prendra effet à compter de la première présentation de ce courrier. Vous n'effectuerez donc pas de préavis et ne bénéficierez pas d'une indemnité compensatrice de préavis.
Nous vous adresserons prochainement votre reçu pour solde de tout compte, incluant votre indemnité de licenciement, en double exemplaire, dont nous vous remercions de bien vouloir nous retourner un exemplaire daté et signé, votre certificat de travail, votre bulletin de salaire ainsi que l'attestation destinée à Pôle Emploi.
Nous vous adresserons également, par pli séparé, un dossier d'information relatif à la portabilité des garanties frais de santé et prévoyance.
Par ailleurs, nous vous rappelons que le dispositif du droit individuel à la formation (DIF) est abrogé depuis le 1* janvier 2015 et est remplacé par le compte personnel de formation (CPF), conformément aux articles L. 6323-1 et suivants du Code du travail.
Enfin, vous pouvez faire une demande de précision des motifs de licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé.
Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de notre considération distinguée.'
* Sur la nullité du licenciement en raison de harcèlement moral
Par application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'un harcèlement moral est nulle de plein droit.
En conséquence des faits de harcèlement moral retenus supra, le licenciement notifié à M. [B] [LH] par courrier du 13 novembre 2020 est entaché de nullité.
La décision déférée sera confirmée sur ce point.
* sur les demandes indemnitaires
- indemnité en raison de la nullité du licenciement :
Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
M. [B] [LH] sollicite en réparation de son préjudice consécutif à la nullité de son licenciement à titre principal la somme de 44 099,80 euros nets correspondant à 20 mois de salaire et à titre subsidiaire la somme de 14 903,77 euros nets correspondant à 6 mois de salaire.
Au soutien de sa demande, il fait valoir que le comportement harcelant qu'il a subi a mis fin à 14 années d'une relation contractuelle, et qu'il a commis 4 tentatives de suicide et a été interné à plusieurs reprises en raison de ces faits.
La SAS Optiroc s'oppose à cette demande en faisant valoir que l'article L 1235-3 du code du travail plafonne à 11,5 mois de salaire le montant de l'indemnité à laquelle M. [B] [LH] peut prétendre, qu'il perçoit en plus de sa pension d'invalidité une indemnité versée par l'organisme de prévoyance, soit une somme mensuelle totale de 1.739 euros.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [B] [LH] sera justement indemnisé du préjudice résultant de la nullité de son licenciement par une somme de la cour arbitre à 20.000 euros.
- indemnité compensatrice de préavis
M. [B] [LH] sollicite ensuite de la nullité de son licenciement l'octroi d'une indemnité compensatrice de préavis, lequel est fixé conventionnellement à deux mois, soit la somme de 4.409,98 euros.
La SAS Optiroc s'oppose à cette demande au motif principal de la régularité de la procédure de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle, et subsidiairement qu'elle soit calculée en retenant un salaire moyen de 2.184,26 euros bruts et non 2.204,99 euros bruts afin de tenir compte à juste titre de la proratisation de la prime de vacances proratisée comme étant une prime annuelle.
Il sera en conséquence alloué à M. [B] [LH] la somme de 4.368,52 euros. La décision déférée sera infirmée sur le quantum ainsi alloué.
- doublement de l'indemnité de licenciement
Par application des dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 [ inaptitude d'origine professionnelle ]ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Il en résulte que la règle de doublement de l'indemnité de licenciement ne vise, à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables, que l'indemnité légale et non l' indemnité conventionnelle de licenciement.
Concernant l'origine professionnelle de l'inaptitude, la jurisprudence juge de manière constante, que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du
licenciement.
L'application de ces règles n'est pas subordonnée à la reconnaissance du caractère
professionnel de l'accident ou de la maladie par un organisme de sécurité sociale. Les juges se déterminent au regard d'un faisceau d'indices, ils apprécient souverainement l'origine professionnelle de l'inaptitude et la connaissance, par l'employeur, de cette origine.
M. [B] [LH] sollicite à titre principal le doublement de son indemnité conventionnelle de licenciement et à titre subsidiaire celui de l'indemnité légale en raison de l'origine professionnelle de son inaptitude et fait valoir que l'employeur avait parfaitement connaissance de sa maladie professionnelle, son inaptitude trouvant sa cause dans cette maladie professionnelle, qu'il n'a jamais repris le travail depuis son arrêt de travail en octobre 2017, et que le fait que la reconnaissance de la maladie professionnelle soit en cours est parfaitement inopérant.
La SAS Optiroc s'oppose à cette demande en contestant l'origine professionnelle de l'inaptitude et fait valoir que M. [B] [LH] a été placé en arrêt de travail au titre de l'assurance maladie dès son arrêt en date du 6 octobre 2017 et jusqu'à l'avis d'inaptitude, et qu'elle n'a jamais eu connaissance du certificat médical initial de maladie professionnelle dont l'intimé se prévaut, ni de sa déclaration de maladie professionnelle, que ce soit par le salarié lui-même ou par une demande de la Caisse Primaire d'assurance maladie dans le cadre de l'instruction de la demande.
Elle observe à juste titre que dans son avis d'inaptitude le médecin du travail ne fait pas référence à une maladie professionnelle ou établit un lien entre l'état de santé de M. [B] [LH] et son travail, et que la pension d'invalidité allouée à M. [B] [LH] par l'organisme de sécurité sociale vise un accident ou une maladie d'origine non professionnelle.
De fait, M. [B] [LH] produit un certificat médical initial daté de janvier 2018, visant une maladie professionnelle dont la date de première constatation est la même que celle du certificat médical, sans justifier que celui-ci aurait été communiqué à l'employeur qui en revanche sur la même période a été destinataire de certificat médical de prolongation d'arrêt de travail au titre de l'assurance maladie.
La déclaration de maladie professionnelle dont se prévaut M. [B] [LH] est établie sur papier libre et non sur l'imprimé CERFA dédié. Il n'est pas justifié de la réception de la demande par la Caisse Primaire d'assurance maladie, ni de la notification d'un délai d'instruction supplémentaire, ni d'une explication quant au fait que l'instruction de la demande soit encore en cours plusieurs années après la formalisation de la demande. Il n'est pas plus justifié d'une information de l'employeur quant à l'envoi de cette demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
Le seul élément concernant une information de l'employeur quant au lien éventuel entre inaptitude et activité professionnelle est le courrier adressé par M. [B] [LH] le 16 octobre 2020, soit postérieurement à sa convocation à l'entretien préalable, dans lequel il dénonce des faits de harcèlement moral et fait le lien entre sa dépression et ceux-ci.
Par suite, il n'est pas établi qu'à la date du licenciement la SAS Optiroc ait été informée autrement que par cette seule affirmation de M. [B] [LH] contraire aux éléments médicaux en sa possession d'un lien possible entre l'inaptitude et l'activité professionnelle.
En conséquence, outre que M. [B] [LH] ne peut prétendre au doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, il sera débouté de sa demande de doublement de l'indemnité légale de licenciement.
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 23 janvier 2023 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a :
- condamné la SAS Optiroc, à verser à M. [B] [LH] une indemnisation pour licenciement nul
- débouté [B] [LH] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice, de condamnation sous astreinte, et d'exécution provisoire ;
- condamné la SAS Optiroc à verser à M. [B] [LH] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- rappelé que l'ensemble des indemnités auxquelles la SAS Optiroc a été condamnée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- ordonné la capitalisation des intérêts qui seront dus par la SAS Optiroc pour une année entière à compter du présent jugement ;
- condamné la SAS Optiroc aux dépens,
L'infirme pour le surplus,
et statuant à nouveau sur les éléments infirmés et y ajoutant,
Condamne la SAS Optiroc à verser à M. [B] [LH] les sommes de :
- 20.000 euros d'indemnité pour licenciement nul,
- 2.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 4.368,52 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par la SAS Optiroc des bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision dans le mois suivant sa notification
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS Optiroc aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.