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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 13, 11 avril 2025, n° 21/03260

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Urssaf Ile de France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carbonaro

Vice-président :

M. Revelles

Conseiller :

Mme Coupet

Avocats :

Me Lecat, Me Bouthier, Me Wasselin, Me Poirier

TJ Melun, pôle social, du 19 mars 2021, …

19 mars 2021

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que, par courrier du 8 juin 2019 reçu le 3 juillet 2019, la CIPAV a mis en demeure M. [I] d'avoir à payer la somme de 6 244,08 euros, correspondant aux cotisations et majorations de retard, au titre de la période 2016 à 2018.

Par acte d'huissier en date du 24 octobre 2019, la CIPAV a fait signifier à M. [I] une contrainte d'un montant de 6 216,58 euros au titre de la même période, comprenant 5 474 euros au titre des cotisations et 742,58 euros au titre des majorations de retard.

Par requête reçue au greffe du tribunal de grande instance de Fontainebleau le 4 novembre 2019 puis renvoyée au tribunal de grande instance de Melun, M. [I] a formé opposition à la contrainte.

Par jugement du 19 mars 2021, le tribunal judiciaire de Melun a :

- Déclaré recevable l'opposition formée par M. [I] à l'encontre de la contrainte délivrée à la requête de la caisse ;

- Dit bien fondée cette opposition ;

- Annulé la contrainte signifiée le 24 octobre 2019 pour la somme de 6 216,58 euros, représentant les cotisations et majorations de retard dues au titre des années 2016 à 2018;

- Rejeté les autres demandes ;

- Condamné la CIPAV à verser à M. [I] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la CIPAV aux dépens ;

- Dit que les frais de signification demeureront à la charge de la CIPAV.

Pour statuer ainsi, le tribunal a, dans un premier temps, déclaré recevable l'opposition à contrainte, dès lors qu'elle a été formée dans le délai de 15 jours et qu'elle est motivée. Ensuite, le tribunal a considéré que le montant de la contrainte n'est pas justifié, dès lors que des pièces produites, il ressort qu'à la date du 29 mai 2019 les causes de la contrainte étaient éteintes. Le tribunal a précisé qu'en tout état de cause, les pièces produites par la CIPAV sont insuffisantes pour vérifier le montant de la créance. En revanche, le tribunal a estimé que la demande de M. [I] tendant à obtenir une régularisation de ses points de retraite est irrecevable, faute d'avoir saisi au préalable la commission de recours amiable sur cette question.

Le jugement a été notifié le 23 mars 2021 à la CIPAV, qui en a interjeté appel par déclaration électronique du 29 mars 2021.

L'affaire a été appelée à l'audience de la cour d'appel du 11 février 2025.

A cette audience, l'Urssaf Ile-de-France, venant aux droits de la CIPAV, reprend oralement ses conclusions visées par le greffe à l'audience et demande à la cour de :

- Déclarer l'opposition mal fondée ;

- Débouter M. [I] de son opposition ;

- Valider la contrainte du 23 septembre 2019, délivrée à M. [I] pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 à hauteur de 6 120,73 euros représentant les cotisations de 5 378,15 euros et les majorations de retard de 742,58 euros ;

- Dire et juger que la contrainte produira tous ses effets exécutoires ;

- Condamner M. [I] à verser à la CIPAV la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [I] au paiement des frais de recouvrement conformément aux articles R. 133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.

Au soutien de ses prétentions, la caisse expose que M. [I] est affilié à la CIPAV depuis le 1er juillet 1998 en raison de son activité libérale d'économiste de la construction conformément aux articles R. 641-1 11° du code de la sécurité sociale et 1.3 des statuts.

La caisse confirme que M. [I] a fait l'objet d'un redressement judiciaire prononcé par le tribunal de commerce de Melun le 3 décembre 2013, mais conteste avoir procédé au transfert des sommes qu'il a payées au titre des cotisations 2014 à 2018 sur les années antérieures faisant partie du plan de continuation. En effet, elle précise que les règlements de 2 438,76 euros adressés au mandataire judiciaire les 24 juillet 2015, 26 mai 2016, 16 juillet 2017 et 20 juin 2018 ont été initialement portées par erreur au crédit des cotisations des années 2015 à 2018, mais que ces règlements ont été réaffectés aux cotisations des années 2010 et 2011 comprises dans le plan, ainsi qu'il ressort du décompte adressé au 20 novembre 2018, et ce conformément à l'article L. 622-17 du code du commerce.

La caisse détaille les calculs des cotisations réclamées au titre de l'assurance vieillesse de base, au titre du régime complémentaire de retraite et au titre de l'invalidité-décès. Elle précise également l'imputation des paiements effectués.

Elle rappelle qu'il n'appartient pas à l'auteur de la contrainte d'apporter la preuve de son bien-fondé, mais au cotisant qui fait opposition de rapporter la preuve des éléments présentés au soutien de son opposition, c'est-à-dire du caractère infondé des cotisations réclamées.

En défense, M. [I], représenté par son conseil, reprend oralement les conclusions visées par le greffe à l'audience et demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'Urssaf aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [I] expose que la contrainte délivrée concerne des cotisations des années 2016 à 2018, c'est-à-dire postérieurement au plan de redressement. Il précise qu'il produit des documents comptables établis par maître [T], commissaire à l'exécution du plan, qui montrent qu'il est parfaitement à jour de ses cotisations dues depuis 2014, ainsi que des échéances du plan couvrant les années 2010 à 2013. Il reprend, dans un tableau récapitulatif, auquel sont jointes les pièces justificatives, l'ensemble des cotisations appelées et réglées.

Il indique que les décomptes produits par l'Urssaf sont injustifiés et contraires aux appels de cotisations adressées par la CIPAV, qu'il a réglés systématiquement et sans retard aux dates d'échéances demandées et qu'il a vérifiés scrupuleusement, réglant même spontanément des sommes mentionnées sur le compte numérique mais non mentionnées dans l'appel à cotisations. Le montant des règlements correspondant aux montants des appels à cotisations, l'imputation sur les sommes visées dans l'appel à cotisations est évidente. Il précise que les documents justificatifs montrent qu'il a intégralement réglé l'ensemble des sommes visées par la contrainte.

Il expose que la caisse réclame, dans les appels concernant les cotisations postérieures au plan, des sommes qui en réalité sont couvertes par le plan, comme l'appel à cotisations du 13 mars 2015 qui inclut la régularisation de l'année 2013 ou l'appel à cotisations du 15 septembre 2015 qui présente un tableau visant l'année 2013. Il précise que la caisse lui a d'ailleurs délivré des contraintes couvrant les années 2010 à 2013 et qu'il a dû intervenir pour faire cesser ces voies de recouvrement forcées irrégulières.

Il souligne que l'Urssaf ne produit que 5 des 10 appels à cotisations réclamées par ses soins pour établir le décompte et qu'elle produit également un appel de l'année 2020, non visé dans la contrainte.

A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 11 avril 2025.

SUR CE :

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en matière d'opposition à contrainte, la charge de la preuve du caractère infondé de la contrainte litigieuse pèse sur l'opposant (Cass., Civ. 2, 19 décembre 2013, nº 12-28.075).

Sur les sommes dues au titre des cotisations :

Il ressort de l'extrait Kbis produit aux débats que M. [I] est immatriculé en qualité de « bureau d'études bâtiment coordination et exécution de travaux maîtrise d''uvre » depuis le 9 avril 1998. A ce titre, et par application de l'article R. 641-1, 11° du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, il est affilié, pour les risques vieillesse de base, régime complémentaire de retraite et invalidité/décès à la CIPAV, aux droits de laquelle vient l'Urssaf.

Par jugement 2 décembre 2013, le tribunal de commerce de Melun a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 15 juillet 2014, ce même tribunal a arrêté le plan de redressement, d'une durée de 10 ans et nommé la SCP Coudray-Ancel en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Par ordonnance du 25 janvier 2016, le président du tribunal de commerce de Melun a clôturé la phase de redressement judiciaire.

L'article L. 622-7 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, prévoit :

« Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.»

L'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, prévoit :

« Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

L'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, prévoit :

« Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

« 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

« 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

« II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

« III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.»

Il résulte de la combinaison de ces articles que les créanciers ne peuvent pas réclamer les créances antérieures au jugement d'ouverture et qu'ils sont soumis, pour celles-ci, aux dispositions du plan.

Ainsi, dans le cadre de la procédure collective, la CIPAV a déclaré une créance d'un montant de 24 387,57 euros pour les années 2010 à 2013. Aux termes du plan de redressement, cette somme devait être réglée en 10 échéances annuelles de 2 438,76 euros.

La contrainte concerne les années 2016 à 2018, postérieures au plan. Ces cotisations doivent donc être payées à échéance et peuvent faire l'objet d'une procédure de recouvrement.

L'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit, en ce qui concerne le calcul des cotisations :

« Elles sont calculées, à titre provisionnel, sur la base du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d'un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.

« Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation sur la base de ce revenu. »

Ainsi, les cotisations sont calculées à titre provisionnel sur la base des revenus de l'année N-2 puis recalculées sur les revenus de l'année N-1, donnant lieu à une première régularisation à titre provisionnel. Elles sont ensuite définitivement régularisées durant l'année N+1 lors de la connaissance des revenus perçus au titre de l'année correspondante. Sont donc appelées, au titre de l'année 2016, les cotisations provisionnelles 2016 ainsi que les régularisations 2014 et 2015, qui sont des créances calculées et exigibles en 2016 et qui, à ce titre, ne relèvent pas du plan.

La contrainte querellée vise les sommes suivantes :

' Pour l'année 2016 ; 2 668,05 euros, comprenant :

- Pour le régime de base : 621 euros de cotisations en tranche 1// 316 euros en tranche 2

- Pour le régime complémentaire : 1 214 euros

- Pour l'invalidité décès : 0 euro

- Pour la régularisation 2015 : 109 euros

- Outre des majorations de retard de 115,34+49,91+242,80 euros.

' Pour l'année 2017 : 1735,51 euros comprenant :

- Pour le régime de base : 0 euro de cotisations en tranche 1// 252 euros en tranche 2

- Pour le régime complémentaire : 1 277 euros

- Pour l'invalidité décès : 0 euro

- Pour la régularisation : 0 euro

- Outre des majorations de retard de 27,70+178,81 euros.

' Pour l'année 2018 : 1 813,02 euros comprenant :

- Pour le régime de base : 0 euro de cotisations en tranche 1// (397,50-27,50) euros en tranche 2

- Pour le régime complémentaire : 1 315 euros

- Pour l'invalidité décès : 0 euro

- Pour la régularisation : 0 euro

- Outre des majorations de retard de 22,81+105,21 euros

M. [I] justifie, par ses relevés de compte, qu'il a versé à la CIPAV :

- en 2016 : 2 432 euros,

- en 2017 : 2 231 euros,

- en 2018 : 2 951,50 euros,

Ce qui, potentiellement, couvre les sommes réclamées.

Aussi, par les pièces produites, M. [I] remet en cause les éléments présentés dans la contrainte, de telle sorte qu'il convient de rentrer dans le détail des cotisations dues pour apprécier le bien-fondé de la contrainte.

ANNEE 2016 :

Au regard du décompte de l'Urssaf, qui applique les taux réglementairement en vigueur aux revenus de l'année N-1 connus au jour de l'appel à cotisation, M. [I] est redevable, au total :

- Régime de base : 1389 (tranche 1) // 316 euros (tranche 2),

- Régime complémentaire : 1214 euros,

- Invalidité décès : 76 euros,

- Régularisation 2014 d'un montant de 1 416 euros (non appelée en 2015),

- Régularisation 2015 d'un montant de 281 euros,

soit la somme de 4 692 euros.

M. [I] a effectué 2 règlements en 2016 : le premier d'un montant de 2 260 euros le 19 mai 2016, affecté à la régularisation 2014, à la cotisation invalidité-décès et à une partie (768 euros) de la tranche 1 du régime de base ; le second d'un montant de 172 euros le 21 octobre 2016, affecté à la régularisation 2015.

Restent donc dues les sommes suivantes :

- Régime de base : 1 389-768 = 621 euros (tranche 1) // 316 euros (tranche 2),

- Régime complémentaire : 1 214 euros,

- Régularisation 2015 d'un montant de 281-172 = 109 euros,

Ce qui correspond aux montants réclamés dans la contrainte au titre des cotisations 2016.

Il convient toutefois de déduire de ces sommes un montant de 95,85 euros, à la suite d'un trop versé à l'huissier en charge du plan de redressement le 15 novembre 2013, qui a été réaffecté par l'Urssaf sur la régularisation 2015. Le montant des cotisations restant dû pour l'année 2016 s'élève donc à ce jour à la somme de 2 164,15 euros.

Il convient de relever que sur l'appel à cotisations 2016 adressé à M. [I] le 15 septembre 2016, la CIPAV a indiqué, conformément au décompte ci-dessus, que le total des sommes dues en 2016 était de 4 692 euros, mais a également précisé que M. [I] avait effectué des acomptes de 4 520 euros pour le premier semestre, alors qu'il n'avait en réalité versé que la somme de 2 260 euros. C'est ainsi que M. [I] a adressé un paiement d'un montant de 172 euros, conformément au solde de l'appel à cotisations, alors même qu'il aurait dû adresser un paiement de 2 432 euros (2 260+172) pour solder l'année 2016.

ANNEE 2017 :

Au regard du décompte de l'Urssaf, qui applique les taux réglementairement en vigueur sur les revenus de l'année N-1, M. [I] est redevable, au total :

- Régime de base : 1 675 (tranche 1) // 381 euros (tranche 2),

- Régime complémentaire : 1 277 euros,

- Invalidité décès : 76 euros,

- Régularisation 2016 d'un montant de 351 euros,

soit la somme de 3 760 euros.

M. [I] a effectué 2 règlements en 2017 : le premier d'un montant de 1 529 euros le 15 avril 2017, affecté à la cotisation invalidité-décès ainsi qu'à une partie (1 389 euros) de la tranche 1 du régime de base et à une partie (64 euros) de la tranche 2 du régime de base ; le second d'un montant de 702 euros le 15 octobre 2017, affecté à la régularisation 2016 et aux tranches 1 et 2 du régime de base (respectivement 286 euros et 65 euros).

Restent donc dues les sommes suivantes :

- Régime de base : 381-64-65= 252 euros (tranche 2),

- Régime complémentaire : 1 277 euros,

Ce qui correspond aux montants réclamés dans la contrainte au titre des cotisations 2017, à savoir 1 529 euros.

Toutefois, il convient de relever que sur l'appel à cotisations 2017 adressé à M. [I] le 21 août 2017, la CIPAV a indiqué, conformément au décompte ci-dessus, que le total des sommes dues en 2017 était de 3 760 euros, mais a également précisé que M. [I] avait effectué des acomptes de 3 058 euros pour le premier semestre, alors qu'il n'avait en réalité versé que la somme de 1 529 euros. C'est ainsi que M. [I] a adressé un paiement d'un montant de 702 euros, conformément au solde de l'appel à cotisations, alors même qu'il aurait dû adresser un paiement de 2 231 euros (1 529+702) pour solder l'année 2017.

ANNEE 2018 :

Pour l'année 2018, dans son décompte, l'Urssaf applique les taux réglementairement en vigueur directement sur les revenus de l'année N, qui sont d'un montant moindre que ceux de l'année N-1, ce qui est favorable au débiteur et lui confère un avantage de 63 euros. M. [I] est redevable, au total :

- Régime de base : 2 124 (tranche 1) // 483 euros (tranche 2),

- Régime complémentaire : 1 315 euros,

- Invalidité décès : 76 euros,

- Régularisation 2017 d'un montant de 614 euros,

soit la somme de 4 612 euros.

M. [I] a effectué 2 règlements en 2018 : le premier d'un montant de 1 723,50 euros le 15 avril 2018, affecté à la régularisation 2017, à la cotisation invalidité-décès et à une partie (1 009 euros) de la tranche 1 du régime de base, étant précisé que le solde de 24,50 euros a été affecté à la cotisation invalidité décès 2019 ; le second d'un montant de 1 228 euros le 15 octobre 2019, affecté à la tranche 1 du régime de base à hauteur de 1 115 euros et à la tranche 2 du régime de base à hauteur de 113 euros

Restent donc dues les sommes suivantes :

- Régime de base : 483-113= 370 euros (tranche 2),

- Régime complémentaire : 1 315 euros,

Ce qui correspond aux montants réclamés dans la contrainte.

Toutefois, par application de la règle d'imputation des paiements de l'article D.133-4 du code de la sécurité sociale, le surplus de cotisation d'un montant de 24,50 euros n'aurait pas dû être imputé sur une cotisation à venir de l'année 2019, mais sur les cotisations dues de l'année 2018, et notamment sur la tranche 2 du régime de base. Ainsi, le montant des sommes dues au titre du régime de base ne pouvait excéder la somme de 345,50 euros. L'Urssaf ne peut donc pas réclamer, au titre des cotisations 2018, davantage que la somme de 1 660,50 euros.

De plus, sur l'appel à cotisations 2018 adressé à M. [I] le 20 juin 2018, dont les montants ont été fixés avec les revenus de l'année N-1 et non ceux de l'année N comme dans le dernier décompte de l'Urssaf, la CIPAV a précisé que M. [I] avait effectué des acomptes à hauteur de 3 447 euros pour le premier semestre, alors qu'il n'avait en réalité versé que la somme de 1 723,50 euros. C'est ainsi que M. [I] a adressé un paiement d'un montant de 1 228 euros, conformément au solde de l'appel à cotisations, alors même que ce montant était en réalité insuffisant pour solder les sommes dues.

Il convient de relever que dans le décompte d'imputation des paiements produit en pièce 11 de l'Urssaf, la différence de 63 euros entre le décompte des cotisations 2018 calculé sur l'année N plutôt que sur l'année N-1 apparaît en régularisation créditrice au 29 mai 2019.

En conséquence, il ressort de ces décomptes que pour les années 2016 à 2018, M. [I] reste redevable de la somme de 5 353,65 euros.

Le décompte de maître [T], en charge du plan de redressement ordonné par le tribunal de commerce (pièce 4 de l'intimé) permet d'établir que M. [I] a régulièrement payé les échéances fixées dans le plan. Toutefois, ce décompte ne permet pas de vérifier l'état des versements concernant les années postérieures au plan et concernées par la présente contrainte.

Par courrier du 20 novembre 2018, la CIPAV a informé M. [I] que les sommes versées à l'huissier avaient été initialement mal affectées (ce qui explique les montants erronés des acomptes dans appels à cotisations), et qu'il n'était donc pas à jour de ses cotisations pour les années 2016 à 2018. M. [I] n'a effectué aucun versement complémentaire à la suite de ce courrier.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît donc que la contrainte ne peut être validée que dans la limite de 5 353,65 euros au titre des cotisations.

Sur les majorations de retard :

L'article D. 642-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit :

« Les cotisations mentionnées à l'article L. 642-1 sont dues, sous réserve des dispositions de l'article L. 131-6-1, à compter du premier jour du trimestre civil qui suit le début d'activité et jusqu'au dernier jour du trimestre civil au cours duquel la radiation intervient.

« Les cotisations sont exigibles annuellement et d'avance.

« Les frais de versement des cotisations sont à la charge de la partie payante. »

Il résulte de ce texte que les cotisations sont portables et non quérables, de sorte que même en l'absence d'appel de cotisations, il appartient à l'assuré de se rapprocher de la caisse afin de régulariser sa situation et que les majorations de retard courent dès l'exigibilité de l'appel à cotisations, sans qu'il ne soit nécessaire de délivrer un appel à cotisation ou une mise en demeure.

Ainsi, malgré l'erreur reportée par la caisse sur les appels à cotisations envoyés à M. [I], les majorations de retard ont couru dès l'exigibilité des cotisations.

Toutefois, l'Urssaf maintient sa demande de majorations de retard à hauteur de 742,58 euros, c'est-à-dire au même montant que celui réclamé dans la contrainte, alors qu'aux termes de ses dernières conclusions, elle reconnaît que le montant des cotisations réclamées pour l'année 2016 doit être réduit, par suite de l'imputation d'un paiement datant du 15 novembre 2013, qui doit être décompté dès la date d'exigibilité au regard de sa date. Aussi, le montant des majorations de retard pour l'année 2016 est nécessairement erroné. Les éléments produits par l'Urssaf sont insuffisants pour permettre à la cour de fixer le montant des majorations réellement dues pour l'année 2016.

Pour l'année 2017, le montant des cotisations n'a pas varié, de telle sorte que les majorations de retard sont dues à hauteur de 206,51 euros.

Pour l'année 2018, le montant des cotisations est également erroné, pour absence d'imputation d'une partie du versement de M. [I]. Le montant des majorations de retard ne pourra donc pas être retenu.

Il convient donc de valider la contrainte, en ce qui concerne les majorations de retard, dans la limite de 206,51 euros.

Le jugement du 19 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Melun sera donc infirmé et il convient de valider la contrainte dans la limite de 5 353,65 euros au titre des cotisations et 206,51 euros au titre des majorations.

Sur les demandes accessoires :

M. [I], succombant à l'instance, sera tenu aux dépens et aux frais de recouvrement prévus à l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale. M. [I] sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Compte tenu de la nature de l'affaire, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 au profit de l'Urssaf.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel formé par la CIPAV, aux droits de laquelle vient l'Urssaf Ile-de-France ;

INFIRME le jugement rendu le 19 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de Melun sous le RG 19/0861, en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition à contrainte formée par M. [Z] [I] ;

STATUANT À NOUVEAU,

VALIDE, dans la limite de 5 560,16 euros - à savoir 5 353,65 euros au titre des cotisations et 206,51 euros au titre des majorations de retard - la contrainte délivrée à M. [Z] [I] par la CIPAV aux droits de laquelle vient l'Urssaf Ile-de-France, au titre des cotisations et majorations de retard pour les années 2016 à 2018, régularisations des années 2014 et 2015 comprises ;

RAPPELLE que M. [Z] [I] supportera la charge des frais de signification de la contrainte et des frais de recouvrement, conformément à l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

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