CA Rennes, ch. etrangers hsc, 15 avril 2025, n° 25/00262
RENNES
Ordonnance
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Metivier
Conseiller :
M. Metivier
Par arrêté de monsieur le Préfet de [Localité 3] du 27 août 2023, notifié à monsieur [J] [B] le 27 août 2023, une obligation de quitter le territoire français a été prononcé à l'encontre de ce dernier.
Par arrêté de monsieur le Préfet de [Localité 3] du 09 avril 2025 notifié à monsieur [J] [B] le 09 avril 2025 son placement en rétention administrative a été prononcée.
Par requête introduite par monsieur [J] [B] à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative celui-ci a contesté cet arrêté.
Par requête motivée du représentant de monsieur le Préfet de [Localité 3] du 12 avril 2025, reçue le 12 avril 2025 à 10h40 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, monsieur le préfet a sollicité la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé en application des dispositions des articles L. 741- 1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA).
Par ordonnance du 13 avril 2025, le magistrat du siège dudit tribunal judiciaire, chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté, a fait droit à la requête de monsieur le préfet et a ordonné la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé pour une période de 26 jours à compter du 12 avril 2025 à 24h00, rejetant préalablement les exceptions de nullité et le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative.
Monsieur [J] [B] a interjeté appel de la décision le 14 avril 2025 à 12h07 au greffe de la Cour d'appel de Rennes et sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Le Parquet Général a requis par écrit porté au dossier préalablement à l'audience, la confirmation de l'ordonnance dont appel.
A l'audience du 15 avril 2025 M. [J] [B] a comparu assisté de son avocat lequel a développé les moyens soulevés dans la déclaration d'appel. M. [J] [B] qui a été aussi assisté d'un interprète ayant préalablement prêté serment, a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'intéressé est actuellement en rétention dans les locaux non pénitentiaires depuis le 09 avril 2025 à 09h43 et pour une durée de 4 jours.
Monsieur [J] [B] a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français délivrée par monsieur le préfet du [Localité 4] le 30 septembre 2021, puis d'une autre le 27 août 2023 avec assignation à résidence dont M. [J] [B] n'a pas respecté les termes et obligations.
Condamné en comparution immédiate par le tribunal correctionnel du Mans le 10 septembre 2024 à la peine de 12 mois d'emprisonnement et interdiction définitive du territoire français pour trafic de stupéfiants, il a été libéré le 9 avril 2025 et placé en rétention administrative par arrêté du préfet de [Localité 3] du même jour.
A la suite des diligences de la Préfecture, les autorités consulaires algériennes ont reconnu que monsieur [J] [B] était de nationalité algérienne.
Une demande laissez-passer consulaire, accompagnée d'un plan de vol leur a été adressée le 7 avril 2025.
Sur l'absence de perspective raisonnable d'éloignement
Il résulte de l'article 15 1 de la Directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 dite Directive retour, applicable en droit français, que "à moins que d'autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement".
L'article 15 §4 de cette même directive dispose que "lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe I ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté".
Il ressort de l'arrêt rendu par la CJCE le 30 novembre 2009 que l'article 15 §4 précité doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l'éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes 5 et 6 correspond à une perspective raisonnable d'éloignement et que cette dernière n'existe pas lorsqu' il paraît peu probable que l'intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais.
Or, l'article L. 741-3 du CESEDA dispose qu'un "étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ".
En l'espèce qu'il ressort des éléments de la procédure, que M. [J] [B] a été placé en rétention administrative le 9 avril 2024, alors que le préfet de [Localité 3], à qui les autorités consulaires algériennes avaient indiqué que l'intéressé était ressortissant algérien, venait d'adresser deux jours auparavant une demande de laissez- passer et était dans l'attente d'un nouveau plan de vol, la date du précédent étant expirée (vol prévu le 9 avril 2025).
Il en résulte que l'autorité préfectorale est dans l'attente d'une réponse des autorités algériennes, laquelle peut intervenir à tout moment.
Si le conseil de M. [B] [J] fait valoir l'absence de perspectives d'éloignement en considération de ce que les autorités algériennes n'accorderaient à l'endroit de la France plus aucun laissez-passer consulaire pour des retours forcés, il convient cependant de rappeler que les frontières vers l'Algérie ne sont pas fermées et que les Etats ont l'obligation d'accepter le retour de leurs ressortissants et doivent mettre en 'uvre les moyens nécessaires pour leur rapatriement.
La réponse du consulat algérien reconnaissant M. [J] [B] comme un de ses nationaux démontre une collaboration des autorités algériennes.
Par ailleurs, la situation diplomatique actuelle entre la France et l'Algérie peut évoluer et il ne peut être affirmé que le refus évoqué des autorités algériennes de délivrer des documents de voyage, va perdurer au-delà des délais de prolongations éventuelles de la rétention.
Il ne peut donc être soutenu à ce jour qu'il n'existera avec certitude, dans les semaines à venir, aucune possibilité de mise à exécution de la mesure d'éloignement de M. [J] [B].
S'agissant en l'espèce, d'une première prolongation de la mesure de rétention administrative, les perspectives d'éloignement restent raisonnables, compte tenu des démarches accomplies par l'autorité administrative auprès des autorités consulaires,
Le rejet du moyen sera dès lors confirmé.
Sur l'erreur d'appréciation de l'opportunité de la mesure
Le Conseil de l'intéressé soutient que la mesure de rétention ne s'imposait pas au regard de la possibilité pour son client d'être assigné à résidence en raison d'un hébergement.
Aux termes de l'article L741-1 du CESEDA issus de la loi N02024-42 du 26 janvier 2024 "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision ».
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 6123 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
Aux termes de l'article Article L.731-1, modifié par Loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 - art. 72, l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre Etat, en application de l'article L. 615-1 ;
40 L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L.741-1 ou L.741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
Ainsi, le placement en rétention administrative, aux termes de la loi, ne peut être ordonné que si une mesure d'assignation à résidence n'apparaît pas suffisante au vu des garanties dont dispose un étranger en situation irrégulière sur le territoire national.
En l'espèce, M. [J] [B] est dans l'incapacité de présenter des documents d'identité, a déjà été assigné à résidence par arrêté du préfet du [Localité 4] du 27 août 2023, chez Mme [D], avec obligation de pointage les lundis, mercredis et vendredis au commissariat [Localité 2], avec obligation de se maintenir dans les locaux de 13h à 16h et obligation de solliciter un laissez-passer pour se rendre hors du périmètre de son domicile. Cet arrêté a été notifié à l'intéressé le jour même.
Or, il résulte du procès-verbal établi le 9 octobre 2023 par le commissariat [Localité 2], que monsieur [J] [B] ne s'est jamais présenté au commissariat de police et n'a pas fait connaître de raisons pour justifier sa carence.
Monsieur le préfet de [Localité 3] relève encore que M. [J] [B] est connu sous plusieurs identités et qu'il a clairement manifesté sa volonté de rester illégalement sur le territoire français en mettant en échec les précédentes mesures d'éloignement.
Au regard des éléments du dossier, il apparaît que les motifs ayant déterminé monsieur le Préfet de [Localité 3] résultent d'une exacte appréciation de la situation, monsieur [J] [B] ne démontrant pas disposer des garanties de représentation suffisante.
Le rejet du moyen sera dès lors confirmé.
Sur les dépens
Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
Nous, Eric METIVIER, conseiller, délégué par monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Rennes, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 13 avril 2025 concernant monsieur [J] [B],
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,
Fait à Rennes, le 15 Avril 2025 à 16h00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [J] [B], à son avocat et au préfet