CA Poitiers, 1re ch., 15 avril 2025, n° 23/01156
POITIERS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
M. Orsini, M. Maury
Avocats :
Me Gallet, SCP Gallet-Allerit-Wagner, Me Moriceau, SELARL E-Litis Société d'Avocats
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon devis daté du 20 octobre 2020 et accepté le 2 novembre 2020, Mme [L] a confié à M. [O] la réfection de la terrasse de son habitation située [Adresse 1] pour un montant de 9.486,20 ' comprenant :
- la démolition de la terrasse existante, le déblaiement des gravats, la pose d'un treillis soudé et le coulage de la dalle béton (4.761,20 ')
- la réalisation d'une moquette de pierre incluant le ponçage de la dalle si nécessaire, la pose du primaire d'accrochage et des pierres (4.725 ').
L'acompte de 30 % à la commande, soit 2.850 ' a été réglé par Mme [L] en deux versements opérés les 15 et 18 novembre 2020.
Une fois la dalle béton coulée, Mme [L] a procédé le 12 février 2021 au règlement du deuxième acompte de 30 % prévu « au milieu du chantier», soit 2.800 ', puis M. [O]. a cessé d'intervenir sur le chantier malgré les relances de sa cliente.
Reprochant à M. [O] cet abandon du chantier ainsi que des malfaçons affectant les travaux réalisés, Mme [L] a fait constater la situation par huissier de justice le 7 juin 2021, puis s'est rapprochée de deux entreprises pour obtenir des devis de réfection de l'intégralité des travaux.
La démolition de la dalle existante, la création d'une nouvelle dalle et la réalisation de la moquette de pierre ont ainsi été estimés à la somme de 11.130 ' par la S.A.R.L. WILL' S selon devis daté du 7 juillet 2021, et à celle de 11.317 ' par l'entreprise JARRAY selon devis daté du 24 juillet 2021.
Aucune issue amiable n'ayant été trouvée, par acte d'huissier de justice délivré le 4 novembre 2021 Mme [L] a fait assigner M. [O] devant le tribunal judiciaire de SAINTES pour entendre :
- condamner l'intéressé à lui payer la somme de 11.317 ' à titre de dommages et intérêts pour la reprise des travaux de la terrasse,
- prononcer la résolution du contrat en date du 20 octobre 2020 qui la liait à M. [O], par application des dispositions de l'article 1217 du Code civil,
- en conséquence de la résolution du contrat, condamner M. [O] à lui restituer la somme versée de 5.650 ' au titre du remboursement des acomptes versés,
- condamner M. [O] à lui payer la somme de 5.000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi, outre celle de 2.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision,
- à titre subsidiaire, ordonner une expertise portant sur les travaux litigieux, aux frais avancés de M. [O],
- en tout état de cause condamner ce dernier aux dépens, qui comprendront le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 7 juin 2021.
M. [O] sollicitait que le tribunal :
- déboute Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement prononce la résiliation du contrat liant les parties sans indemnité de part et d'autre,
- très subsidiairement ordonne une expertise portant sur les travaux litigieux,
- en tout état de cause condamne Mme [L] aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 31 mars 2023, le tribunal judiciaire de SAINTES a statué comme suit :
'Déboute Mme [Z] [L] de sa demande au titre des travaux de reprise,
Déboute Mme [Z] [L] de sa demande d'expertise,
Prononce la résiliation, avec effet à la date de l'assignation, du contrat conclu le 2 novembre 2020 entre Mme [Z] [L] et M. [H] [O],
Condamne M. [H] [O] à restituer à Mme [Z] [L] la somme de 888,80 ',
Déboute Mme [Z] [L] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,
Condamne M. [H] [O] aux dépens, qui ne sauraient inclure le coût du constat d'huissier établi le 7 juin 2021,
Condamne M. [H] [O] à payer à Mme [Z] [L] la somme de 1.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- M. [O] n'a que partiellement exécuté la prestation convenue. Le manquement de l'intéressé à l'exécution de son engagement est donc avéré.
- les travaux relatifs à la moquette de pierre n'ayant été ni réalisés par M. [O], ni payés par Mme [L], ils ne peuvent en aucune manière être affectés de désordres, si bien que le coût de leur « reprise » tel que chiffré par lés entreprises WILL'S ou JARRAY ne saurait être imputé à M. [O].
- le litige est circonscrit à la qualité des travaux portant sur la chape et à l'abandon du chantier.
- pour établir l'existence de désordres affectant la chape et justifiant sa démolition et sa réfection, Mme [L] se prévaut d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 7 juin 2021, constatant que ' le couvercle est scellé dans le béton, emprisonné dans la dalle, ce couvercle ne peut pas être ouvert', et Mme [L] produit toutefois une attestation de sa fille et du compagnon de cette dernière, présents dans les lieux le 25 juillet 2021, faisant état de la venue ce jour d'un ouvrier qui s'est employé à marteler la terrasse violemment.
- au surplus, les énonciations de l'huissier de justice sont totalement impropres à caractériser un défaut de conformité de la chape aux règles de l'art et la nécessité de procéder à la démolition complète de cet ouvrage, en l'absence de toute référence à une quelconque norme ou DTU, de mesure précise de la planéité de la chape, de l'appréciation de celle-ci au regard des seuils de tolérances admis, ou encore de précision sur l'épaisseur du revêtement restant à mettre en oeuvre, ces points n'entrant pas dans les compétences d'un huissier de justice.
- ce procès-verbal est donc insuffisant à rapporter la preuve technique de malfaçons affectant la chape imputables à M. [O], et les devis de réfection de cette chape établis à la demande de Mme [L] par les entreprises WILL' S et JARRAY sont inopérants en ce qu'ils ne comportent le constat d'aucun désordre.
- Mme [L] sera déboutée de sa demande au titre des travaux de reprise.
- la demande d'expertise formée subsidiairement par Mme [L] sera rejetée, une telle mesure ne pouvant avoir pour objet de suppléer la carence de l'intéressée dans l'administration de la preuve des désordres invoqués.
- M. [O] a, sans motif légitime démontré, abandonné le chantier après avoir réalisé la chape, alors qu'il s'était engagé à poncer la dalle si nécessaire puis mettre en oeuvre le primaire d'accrochage et la moquette de pierre.
Cette inexécution est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat
- lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre.
Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
A défaut de demande des parties sur ce point, la résolution prend effet à la date de l'assignation en justice
- en l'absence de désordre avéré de la chape, et d'impossibilité démontrée pour celle-ci de recevoir sans dommage le revêtement prévu, la prestation réalisée par M. [O] a trouvé son utilité, si bien qu'il n'y a pas lieu à restitution à ce titre. La résolution sera donc qualifiée de résiliation, et Mme [L] ne peut prétendre qu' à la restitution de sa prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie.
- le marché a été exécuté par M. [O] à hauteur de 4.761,20 ' selon le devis signé et il sera donc tenu de restituer à Mme [L] la somme de 888,80 ' correspondant au paiement reçu sans contrepartie.
- sur le préjudice de jouissance, aucun défaut de la dalle béton n'a été mis en évidence et Mme [L] sera déboutée de sa demande à ce titre
LA COUR
Vu l'appel en date du interjeté par Mme [Z] [L]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 07/06/2024, Mme [Z] [L] a présenté les demandes suivantes :
'Recevoir Mme [L] en son appel,
Y faisant droit,
Réformer sinon infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
Vu les articles 1217 du code civil, 1231 et suivants du code civil, 1792 et suivants du code civil,
Prononcer la résolution du contrat convenu entre Mme [L] et M. [O] aux torts exclusifs de M. [O]
Condamner M. [O] à réparer l'entier préjudice supporté par Mme [L] et par conséquent :
Condamner M. [O] à la reprise des désordres qui affectent la dalle béton qu'il a construite et à ce titre, le condamner à la somme de 16.021,50 ' T.T.C.,
Condamner M. [O] à verser à Mme [L] :
1/ la somme de 5.650 ' au titre des travaux qui sont atteints de malfaçons et au titre de l'abandon de chantier dont il s'est rendu coupable
2/ la somme de 8.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
3/ la somme de 5000 euros au titre de la résistance de M. [O] à justifier d'une garantie décennale pour le chantier de Mme [L] qui a débuté en 2021 et au titre de sa résistance abusive,
4/ La somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ;
Condamner M. [O] aux entiers dépens ce y compris le coût du constat réalisé par Me [U] et les frais des recommandés'.
A l'appui de ses prétentions, Mme [Z] [L] soutient notamment que :
- lors que les travaux étaient en cours, M. [O] a abandonné le chantier et ce malgré les relances
Ces démarches sont restées vaines, bien plus M. [O] s'est montré particulièrement violent et grossier selon attestations [S] et [X].
- Mme [L] n'a eu d'autre choix que de requérir maître [F] [U], commissaire de justice à [Localité 6].
- Mme [L] avait sollicité à plusieurs reprises M. [O] aux fins d'avoir communication de son attestation d'assurance professionnelle et notamment décennale, et il a cru pouvoir se contenter de justifier d'une assurance décennale pour l'année 2020.
- les malfaçons concernaient la hauteur de la dalle, par rapport à l'existant et notamment aux volets et aux persiennes, le défaut de planéité, le défaut d'accès à la fosse septique et aux regards.
M. [O] avait proposé la découpe des volets pour permettre la pose de la moquette de pierres.
- au regard du jugement rendu, Mme [L] a sollicité M. [J] [V] en qualité d'expert.
- M. [V] relève que le devis de M. [O] n'indique pas la date de livraison et les délais d'exécution, ni aucun renseignement sur divers points.
Il constate notamment que le ferraillage est apparent sur certaines parties de l'ouvrage avec pour conséquence que le mauvais positionnement du treillis de béton entraîne un mauvais enrobage des aciers ce qui favorise la fissuration dans le temps.
L'expert constate la fissuration sur la dalle, fissuration qui est traversante en raison du manque d'épaisseur du dallage, d'une mauvaise qualité du béton, d'un défaut de ferraillage et du manque de joints de dilatation.
Concernant les regards d'assainissement existants, l'expert constate que deux regards d'environ 20 x 20 cm ne possèdent pas de dispositif de fermeture de type classe C250 (usage piéton).
Le regard de visite de la fosse septique possède un dispositif non conforme et non compatible pour la finition de moquette en pierres.
L'expert conclut que l'ensemble des regards doit être préparé pour le revêtement final prévu au marché de travaux, ce qui n'est pas le cas.
Pour la hauteur de la dalle de béton, l'expert constate que la hauteur de l'ouvrage ne correspond pas aux attentes du maître d'ouvrage qui se retrouve dans la situation de devoir modifier la hauteur des volets.
Les volets dans un état proche du neuf sont en PVC. Ce type de volet ne se recoupe pas sans conséquence et le remplacement des volets concernés par ce défaut n'est pas envisageable aux frais du maître d'ouvrage.
Sur la planéité et la pente de la dalle béton, l'expert constate que plusieurs parties de l'ouvrage présentent du bosselage ou des creux ne permettant pas en l'état la pose du revêtement en pierres à défaut de pente ou pente inversée qui provoque une mauvaise évacuation des eaux de ruissellement et des eaux de rétention.
En conclusion, l'expert constate que le dallage béton réalisé par l'entreprise présente plusieurs non-conformités aux normes et DTU en vigueur.
Les principaux désordres sont les suivants :
Défaut lié au manque de pente ou pente inversée sur certaines parties de l'ouvrage
Défaut de planéité de certaines parties de la dalle provoquant des rétentions d'eau
Présence de fissuration liée à la mise en oeuvre, la qualité, la préparation et autres
La hauteur finie de l'ouvrage entraîne des désordres au niveau des volets et réduit la garde
Le manque de préparation nécessitant la pose de cales avec tampons pour les divers regards encastrés dans le dallage.
- certains désordres ne permettent pas de corriger les défauts sans procéder à la démolition de l'existant et l'unique solution pour rendre l'ouvrage conforme à la destination qui avait été convenue est la démolition de l'existant.
Toutes ces constations avaient été justifiées par le PV de constat de Me [U]
- l'expert chiffre le chantier de démolition et de reconstruction à la somme T.T.C. de 16.021,50 ', cette somme étant réclamée à M. [O].
- la résolution du contrat telle qu'ordonnée par le tribunal doit être confirmée, sauf à y ajouter la condamnation de M. [O] à réparer les différents préjudices supportés par Mme [L].
- M. [O] devra restituer la somme de 5650 ' versée, au titre de réparation des malfaçons et de l'abandon de chantier.
- son préjudice de jouissance sera indemnisé à hauteur de 8000 '
- il n'est pas justifié de l'assurance obligatoire pour la période considérée.
- M. [O] ne peut prétendre, sans audace, qu'il aurait été harcelé par Mme [L] pendant le chantier, harcèlement qui l'aurait conduit à abandonner le chantier.
- M. [O] affirme faussement que la dalle qu'il a aménagée pour recevoir la moquette de pierre était adaptée et que son successeur n'avait plus qu'à la poser.
- il est obligé de reconnaître qu'ensuite du constat d'huissier il a été contraint de se présenter pour reprendre les travaux avec cette précision que lorsqu'il s'est présenté le 25 juillet 2021, Mme [L] était absente et que par conséquent il s'est introduit chez Mme [L] sans autorisation et sans résultat.
- M. [O] reconnaît l'absence de ponçage, ponçage qui de toutes les façons était absolument impossible puisqu'il aurait fallu un ponçage de plus de 2cm pour que les volets puissent être ouverts et fermés.
Ayant abandonné le chantier, il est seul à l'origine du défaut de la dalle qui rend impossible la pose de la moquette de pierres qui avait été convenue entre les parties.
- les prestations de pose de la dalle et de pose de la moquette de pierre étaient 2 prestations successives, formant un tout.
- les travaux sur la dalle de béton ont été mal réalisés puisque l'entreprise OP SERVICES a dû intervenir à la tronçonneuse pour « libérer » les regards que M. [O] avait coulé dans le béton.
- sur le coût des travaux, il ne peut pas ignorer l'inflation sur les matières premières de façon générale dans le bâtiment de plus de 30 % depuis la fin du confinement.
- elle justifie du sol couvert de salpêtre sur les joints du carrelage sur deux pièces, dans le mur de la chambre avec de la moisissure
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 08/11/2023, M. [H] [O] a présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles 1217 et suivants du code civil,
DÉBOUTER Mme [Z] [L] de l'ensemble de ses demandes ;
CONFIRMER le jugement rendu le 31 mars 2023 sous le n° RG 21/01917 par le tribunal judiciaire de SAINTES en toutes ses dispositions ;
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à l'encontre de M. [O]
RÉDUIRE les demandes indemnitaires de Mme [L] à de plus justes proportions ;
En tout état de cause
CONDAMNER Mme [Z] [L] à payer à M. [H] [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Mme [Z] [L] aux entiers dépens de l'instance'.
A l'appui de ses prétentions, M. [H] [O] soutient notamment que :
- suivant devis en date du 20 octobre 2020 signé le 2 novembre 2020, Mme [L] lui a donc confié la réfection de sa terrasse en béton pour un montant de 9 486,20 euros.
- M. [O] était assuré au titre de la garantie décennale auprès de la MAAF SA.
- en cours de travaux, Mme [L] n'a cessé d'importuner M. [O] en lui adressant un nombre invraisemblable de messages, en ne se souciant guère des difficultés d'approvisionnement que connaissaient les artisans, tant et si bien que M. [O] n'a eu d'autre choix que de cesser les travaux.
- il ne reste qu'à mettre en oeuvre une « moquette de pierre », qui suppose un surfaçage de la dalle béton et l'application d'une résine sur 3 à 4 mm, sans avoir à refaire la dalle.
- Mme [L] a réglé la somme de 5 650 ', qui correspond au coût de ce qui a été effectivement réalisé avec un trop-versé de 800 ', que M. [O] a proposé de lui rembourser.
- le 25 juillet 2021, M. [O] est allé nettoyer le regard de fosse septique qui était recouvert par un débordement de laitance de béton. Ce regard n'est aujourd'hui plus obstrué en raison des travaux réalisés par M. [O]
- M. [O] ne peut que faire sien le raisonnement tenu par le tribunal et le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
- outre le constat de commissaire de justice, Mme [L] produit un rapport d'expertise unilatéral établi non contradictoirement par M. [V] le 31 juillet 2023.
- le constat d'huissier de justice était impropre à caractériser un quelconque défaut, un huissier n'étant ni expert, ni professionnel qualifié en matière de bâtiment.
- le rapport non-contradictoire établi à la requête de Mme [L] est tout aussi impropre à caractériser une quelconque malfaçon, le rapport de M. [V] n'étant pas corroboré par d'autres éléments de preuve.
- surtout, sur le fond, il ne permet pas d'imputer à M. [O] un quelconque désordre justifiant de mettre à sa charge le coût de la réfection de la terrasse, en sus de la restitution de la totalité des sommes versées par Mme [L].
- en l'absence de désordre, une simple non-conformité à un DTU non contractualisé ne saurait engager la responsabilité de l'entrepreneur. En l'espèce, le DTU 13.3 n'a jamais été contractualisé, et à supposer l'insuffisance d'épaisseur caractérisée au regard d'une norme quelconque, aucun désordre lié à cette épaisseur n'est démontré et la responsabilité de M. [O] ne saurait être engagée.
- s'agissant de la fissuration du dallage, dont « plusieurs causes, parfois cumulables, peuvent être à l'origine », M. [V] ne retient pas de manière certaine l'une ou l'autre de ces causes, de sorte que la fissuration pourrait tout aussi bien être due à la sécheresse.
- M. [V] relève l'absence de dispositif de fermeture de deux regards de type classe C250, sans expliquer quelle norme imposerait ce type de dispositif - et en oubliant que les travaux n'ont pas pu être terminés par M. [O].
- M. [V] explique ensuite que la dalle serait affectée d'un défaut de pente et de planéité mais rien ne permet de vérifier que le sens de la pente pour conformité est bien celui indiqué dans son rapport.
- il ne peut lui être reproché un défaut de ponçage de la dalle alors que les travaux n'ont pu être terminés.
- les travaux de M. [O] étaient constitués de deux phases distinctes, tel que cela ressort du devis : la pose de la dalle et la pose de la moquette de pierre.
On ne peut lui reprocher que quelques défauts alors que ses travaux n'étaient pas terminés.
- il ne saurait être mis à sa charge le coût de la démolition de son ouvrage, et le coût de la réalisation d'un autre ouvrage.
- en l'absence de désordres, la responsabilité de M. [O] ne pouvait donc être engagée.
- en présence d'un contrat d'entreprise à exécution successive, aucune résolution ne peut être prononcée, s'agissant en l'espèce de deux prestations distinctes.
- la dalle posée n'était pas affectée de désordres et il ne saurait être condamné à restituer le solde de 4 761,20 ' alors qu'il a dûment exécuté l'ouvrage prévu au titre du premier poste de son devis.
Il ne pourrait en être autrement dans la mesure où, réciproquement, du fait de l'anéantissement rétroactif du contrat, Mme [L] serait alors tenue de restituer à M. [O] les matériaux mis en oeuvre, ce qui est impossible.
Seule la résiliation du contrat était possible, ce qu'a parfaitement jugé le tribunal.
- à titre très subsidiaire, la réduction du quantum des demandes indemnitaires adverses est sollicitée.
En effet, le montant chiffré par l'expert privé de Mme [L], soit 16 021,50 ' T.T.C. est supérieur d'un tiers à celui des artisans ayant produit des devis communiqués en première instance, à hauteur de 11 130 ' T.T.C. et 11 317 ' T.T.C.
La différence provient essentiellement de l'estimation de la démolition (4 800 ' HT) contre 1 680 ' T.T.C. et 1 537 ' T.T.C. proposés par les entreprises, ce qui démontre la qualité du chiffrage établi par l'expert privé.
- le même enrichissement injustifié surviendrait si M. [O] était condamné à payer à Mme [L] le coût de la démolition de la terrasse en sus du remboursement du prix payé par elle au titre de ses travaux, ainsi que le coût de la réalisation d'un ouvrage qu'il n'a jamais réalisé.
Soit la cour le condamnerait à restituer la somme payée par Mme [L], soit 4 761,20 ', soit elle le condamnerait à payer le coût de la démolition-reconstruction de la seule dalle béton, mais pas davantage, alors que M. [O] n'a jamais réalisé de moquette de pierre et qu'elle ne l'a pas payée.
- il ne pourrait être condamné qu'à payer la somme de 1 600 ' correspondant au coût de la démolition de la dalle béton, et celle de 3 930 ' correspondant au coût moyen de la reconstruction de la dalle béton, au regard des devis produits en pièces n°7 et 8 adverses, soit un total de 5 530 '.
- Mme [L] n'établit pas le préjudice de jouissance dont elle sollicite la réparation à hauteur désormais de 8 000 '.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 29/04/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le fond du litige :
L'article 1134 ancien du code civil dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,' et 1104 du code civil 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.
L'engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.
L'article 1353 du même code dispose que 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.
L'article 1217 du code civil dispose que 'la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter'.
En l'espèce, selon devis daté du 20 octobre 2020 et accepté le 2 novembre 2020, Mme [L] a confié à M. [O] la réfection de la terrasse de son habitation située [Adresse 1] pour un montant de 9.486,20 ' comprenant :
- la démolition de la terrasse existante, le déblaiement des gravats, la pose d'un treillis soudé et le coulage de la dalle béton (4.761,20 ')
- la réalisation d'une moquette de pierre incluant le ponçage de la dalle si nécessaire, la pose du primaire d'accrochage et des pierres (4.725 ').
Il ressort de ce document qu'un seul ouvrage était prévu, sans qu'il soit fait référence à deux phases distinctes.
L'acompte de 30 % à la commande, soit 2.850 ' a été réglé par Mme [L] en deux versements opérés les 15 et 18 novembre 2020.
Une fois la dalle béton coulée, Mme [L] a procédé le 12 février 2021 au règlement du deuxième acompte de 30 % prévu « au milieu du chantier», soit 2.800 '.
Il est ensuite établi que M. [O]. a cessé d'intervenir sur le chantier malgré les relances de sa cliente, et courrier LRAR de son avocat en date du 11/05/2021, sans que M. [O] justifie par aucun élément de la légitimité de cet abandon de chantier.
À cet égard, les motifs invoqués par M. [O] pour justifier son départ du chantier, tiré d'immixtions et d'une attitude perturbatrice de sa cliente, ne constituent que des affirmations, contestées, et elles ne sont étayées d'aucun élément ni même indice.
Il en résulte que M. [O] n'a pas procédé à la réalisation de la moquette de pierre prévue au devis, étant relevé qu'il n'est pas contesté qu'une somme de 888 ' ayant été versée par Mme [L] sans contrepartie.
S'agissant de la pose de la dalle béton Mme [L] fait état de malfaçons de cet ouvrage.
Elle produit aux débats le constat établit par Maître [F] [U], commissaire de justice à [Localité 6], le 7 juin 2021, ainsi qu'un document établi à sa demande par M. [J] [V], en qualité d'expert privé.
Si le juge ne peut se déterminer exclusivement au vu d'une expertise établie non contradictoirement, dès lors que les juges du fond sont tenus de veiller au respect du caractère équitable du procès et de l'équilibre dans l'administration de la preuve, une telle expertise, si elle est régulièrement versée aux débats, peut être appréciée mais doit être corroborée par d'autres éléments probants versés aux débats.
Le constat de Maître [U] énonce que : 'Devant la maison je constate qu'une dalle a été réalisée.
Couvercle du regard de la fosse étanche : présence d'un regard avec un couvercle à deux poignées.
Suivant les indications qui me sont données, ce regard permet d'accéder à la fosse étanche.
Le couvercle est scellé dans le béton, emprisonné dans la dalle, ce couvercle ne peut pas être ouvert.
Deux autres regards existent et je constate que ces regards n'ont pas de couvercle.
Un premier regard se trouve justement à côté du couvercle scellé. Un autre regard ouvert se trouve sur le point de puisage.
Hauteur des seuils : par rapport au point le plus haut de la dalle, je constate que la hauteur du seuil de la porte-fenêtre par rapport à la dalle est de 2 cm.
Je constate que le volet battant affleure au niveau du passage.
Le deuxième seuil se trouve à une hauteur de 3 cm.
Procédant à un test avec un tuyau d'arrosage, je constate que sur la dalle qui est arrosée à partir du point le plus haut, l'eau s'écoule au pied des seuils des portes-fenêtres et au pied du muret côté rue.
Au centre, je constate que la dalle est sèche.
La dalle est légèrement plus bombée, c'est-à-dire qu'au centre il existe une hauteur par rapport au côté.
Sur la dalle, je constate que des fers à béton sont apparents, notamment à l'avant du regard.'
Si le commissaire de justice n'a pas l'expertise d'un l'homme de l'art, la précision de ses constatations, notamment en ce qui concerne le sens des pentes en direction des seuls de portes-fenêtres et le fait que les fers à bétons soient apparents.
Il ressort au surplus du document établi par M. [V] que le ferraillage de la chape est apparent sur certaines parties de l'ouvrage avec pour conséquence que le mauvais positionnement du treillis de béton entraîne un mauvais enrobage des aciers ce qui favorise la fissuration, constatée en ce qu'elle est traversante, en raison du manque d'épaisseur du dallage, d'une mauvaise qualité du béton, d'un défaut de ferraillage et du manque de joints de dilatation.
Concernant les regards d'assainissement existants, l'expert constate que deux regards d'environ 20 x 20 cm ne possèdent pas de dispositif de fermeture de type classe C250, et le regard de visite de la fosse septique possède un dispositif non conforme et non compatible pour la finition de moquette en pierres.
M. [V] relève en outre que la hauteur de l'ouvrage implique de devoir modifier la hauteur des volets, dans un état proche du neuf mais en PVC, ce type de volet ne se recoupant pas.
Il constate que plusieurs parties de l'ouvrage présentent du bosselage ou des creux ne permettant pas en l'état la pose du revêtement en pierres à défaut de pente ou pente inversée qui provoque une mauvaise évacuation des eaux de ruissellement et des eaux de rétention.
M. [V] conclut ainsi :
- défaut lié au manque de pente ou pente inversée sur certaines parties de l'ouvrage
- défaut de planéité de certaines parties de la dalle provoquant des rétentions d'eau
- présence de fissuration liée à la mise en oeuvre, la qualité, la préparation et autres
- la hauteur finie de l'ouvrage entraîne des désordres au niveau des volets et réduit la garde
- le manque de préparation nécessitant la pose de cales avec tampons pour les divers regards encastrés dans le dallage
Il ressort ainsi de ces constatations, corroborées par les observations du commissaire de justice et non utilement contredites par les éléments versés aux débats par M. [O] que l'ouvrage réalisé par celui-ci, inachevé, est affecté de désordres tels que sa destruction et sa reconstruction sont nécessaires, étant relevé que l'intervention de M; [O] le 25 juillet 2021 a seulement permis de désobstruer le regard de la fosse septique.
M. [V] a précisément chiffré le coût du chantier de démolition et de reconstruction de la chape à la somme T.T.C. de 16.021,50 ', à savoir :
Mise en protection du chantier avant démolition : 750 ' HT
Démolition de l'ensemble de l'ouvrage, soit 60 m2 : 4.800 ' HT
Evacuation des gravats ainsi que le décapage supplémentaire en décharge : 850 ' HT
Fourniture et pose de cadres et tampons selon les regards existants : 255 ' HT
Mise en oeuvre d'un béton de classe C25/30 : 7.200 ' HT
Mise en oeuvre de profils de dilatation pour diviser la dalle selon avis technique du revêtement pierre, soit 60 m2 : 110 ' HT.
Il est relevé que la S.A.R.L. WILL' S avait estimé par devis du 7 juillet 2021 les travaux nécessaires à la somme de 11.130 ', et l'entreprise JARRAY les évaluait à 11.317 ' selon devis daté du 24 juillet 2021, ces deux devis incluant la mise en oeuvre de primaires d'accrochage et la pose de la moquette de pierre, alors que ces deux postes de travaux n'ont pas été réalisés ^par M. [O] ni payés par Mme [L]
Eu égard au temps écoulé, il y a lieu de tenir compte de l'enchérissement du coût des matériaux, le montant évalué par M. [V] doit être retenu quant à la mise en oeuvre de la chappe pour 7920 ' TTC après démolition de l'ouvrage après protection et nettoyage du chantier, cela au tarif WILL'S entreprise de 1680 ' + 870 ' = 2550 ' TTC.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir qu'il résulte de l'inexécution partielle par M. [O] de ses obligations que la résiliation du contrat est encourue par application des dispositions de l'article 1229 du code civil, par confirmation sur ce point du jugement rendu, la restitution de la somme de 888 ' étant également confirmée.
Hormis cette somme, il ne peut être reproché à M. [O] une malfaçon dans la pose de la moquette de pierre qu'il n'a pas réalisée et que Mme [L] n'a pas payée.
Par contre et au titre des travaux de reprise des malfaçons contractuelles, M. [O] sera condamné au paiement de la somme de 10 470 ' T.T.C.
S'agissant du préjudice de jouissance, il est suffisamment démontré que Mme [L] subit depuis 2021 un préjudice de jouissance, faute d'achèvement de la terrasse projetée, une somme de 2000 ' lui étant accordée à ce titre indemnitaire.
Sur la résistance abusive :
En l'espèce il n'est pas démontré un abus du droit d'ester en justice, ni du droit d'appel, l'intimé n'ayant pas fait dégénérer en abus leur droit de soumettre leur prétention à examen de justice.
La demande de dommages et intérêts formée à ce titre ou au titre d'un abus de résistance à justifier d'une assurance sera en conséquence écartée.
Sur les dépens :
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront confirmés.
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel qui ne comprennent pas les frais de commissaire de justice seront fixés à la charge de M. [H] [O].
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner M. [H] [O] à payer à Mme [Z] [L] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le surplus des demandes étant écarté.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :
- Débouté Mme [Z] [L] de sa demande au titre des travaux de reprise.
- Débouté Mme [Z] [L] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,
Statuant à nouveau de ces chefs,
CONDAMNE M. [H] [O] à payer à Mme [Z] [L] la somme de 10 470 ' au titre de l'indemnisation des travaux de reprise, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
CONDAMNE M. [H] [O] à payer à Mme [Z] [L] la somme de 2000 ' au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE M. [H] [O] à payer à Mme [Z] [L] la somme de 2500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE M. [H] [O] aux dépens d'appel.