CA Pau, 2e ch. sect. 1, 15 avril 2025, n° 23/03012
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Freelandes (SASU)
Défendeur :
Dolce Farniente (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pellefigues
Conseillers :
Mme Baylaucq, M. Darracq
Avocats :
Me Rembliere, Me Thibaud
EXPOSE DU LITIGE :
La société par actions simplifiée La Dolce Farniente (SAS) a acquis le 7 septembre 2021 un fonds de commerce ayant pour activité la location de logements meublés, situé [Adresse 1] à [Localité 5].
Le 14 avril 2022, la SAS La Dolce Farniente et la SAS Freelandes ont signé un acte ainsi rédigé :
« Je soussigné, Mr [X] [R], président de la SAS La Dolce Farniente, propriétaire d'un fond de commerce au [Adresse 1] [Localité 5], qui sera vendu à SASU Freelandes dont son representant legal, Mr [T] devient acquereur, par la vente de celui-ci pour la somme de 70 000,00 euros.
La Dolce farniente declare recevoir ce jour la somme de 29 900,00 ' d'acompte pour réserver la vente de celui-ci. »
Parallèlement, le 1er mai 2022, la société La Dolce Farniente a consenti à M. [C] [T] à titre personnel un contrat de bail d'un studio meublé moyennant un loyer mensuel de 530 euros toutes charges comprises.
Par courrier du 5 octobre 2022, le conseil de la SASU Freelandes a indiqué à la société La Dolce Farniente qu'après vérification il apparaissait que le fonds de commerce à acquérir était nanti auprès de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique pour un montant de 36.000 euros, qu'en dépit de nombreux échanges au cours des mois précédents la vente n'était pas réalisée, que ces retards et la retenue des fonds versés lui causaient un grave préjudice. Elle l'a ainsi mise en demeure de procéder à la cession du fonds de commerce situé [Adresse 1] à [Localité 5] dans un délai de 10 jours et aux conditions convenues par leur accord écrit du 14 avril 2022, « c'est-à-dire pour un prix total de 70.000 euros et une absence de nantissement sur le fonds de commerce cédé. »
Par courrier du 7 octobre 2022, le conseil de la société La Dolce Farniente a demandé à la société Freelandes, afin de permettre la rédaction de l'acte de cession, de lui adresser tous justificatifs relatifs au financement de cette opération et à la libre disposition des fonds, et de demander à ses conseils de bien vouloir lui adresser un premier projet d'acte. Il a en outre indiqué, concernant le nantissement existant sur le fonds, qu'il serait séquestre du prix de vente, et à ce titre procéderait au règlement des sommes restant encore à devoir à l'établissement bancaire qui procèdera dans les délais légaux à la mainlevée de l'inscription. Il a enfin indiqué que cette opération serait régularisée concomitamment au règlement des arriérés de loyers restant à devoir à sa cliente et qui s'élevaient au 30 septembre 2022 à la somme de 5310 euros à parfaire le jour de la signature de l'acte.
Dans un courrier du 11 octobre 2022, le conseil de la société Freelandes a demandé au conseil de la société La Dolce Farniente de justifier de la levée du nantissement existant sur le fonds de commerce. Il a en outre indiqué que la cession du fonds de commerce et le règlement des arriérés de loyers étaient deux contrats différents concernant des personnes juridiques différentes, et qu'il n'existait donc pas de raisons juridiques de conditionner la réalisation de la cession au paiement des arriérés de loyers. Il a ajouté que sa cliente ne justifiait pas de la réalité de sa créance.
Par courrier du 21 novembre 2022, le conseil de la société Freelandes a mis en demeure la société La Dolce Farniente de procéder à la régularisation d'un compromis de cession du fonds de commerce aux conditions qu'elle énumérait, notamment l'engagement de mainlevée du nantissement de fonds de commerce par la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, le séquestre du prix de cession du fonds de commerce d'au moins 10.000 euros après le remboursement des fonds dus à la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique et la confirmation de l'absence de salarié lié au fonds de commerce cédé ('). Il a ajouté que la cession était soumise « à la condition d'obtention d'un prêt par la société Freelandes qui devra respecter les caractéristiques suivantes : montant de 20.000 euros, durée de remboursement de 84 mois et un taux de 3,20%. Ces caractéristiques correspondent à une offre de prêt formulé par la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique au mois de novembre 2022. Le prix de vente pourra être ajusté en fonctions des différentes sommes restant dues par chacune des parties. En l'absence de réponse de votre part avant le 28 novembre 2022 à 12h00, nous considérons que votre cliente la société Dolce Farniente refuse de procéder à la cession du fonds de commerce et nous attendons votre virement pour procéder à la restitution de l'avance de fonds du 14 avril 2022. »
Par courrier du 29 novembre 2022, le conseil de la société Freelandes a indiqué au conseil de la société La Dolce Farniente qu'il n'avait pas reçu de réponse à ses courriers officiels le dernier datant du 21 novembre 2022, et prenait acte du refus de la société La Dolce Farniente de procéder à la cession du fonds de commerce. Il a sollicité la restitution de l'avance de fonds d'un montant de 29.900 euros.
En dépit des échanges ultérieurs entre les parties aucun accord n'est intervenu entre elles.
Par acte du 13 décembre 2022, la SAS Freelandes a assigné la SAS La Dolce Farniente devant le tribunal de commerce de Dax aux fins de la voir condamner notamment à lui payer les sommes de 29.900 euros en restitution de l'avance de fonds effectuée par elle et de 10.000 euros en réparation des dommages causés, sous astreinte.
La société La Dolce Farniente a notamment sollicité le débouté de la société Freelandes de ses demandes, la vente du fonds de commerce litigieux au profit de la société Freelandes au prix de 70.000 euros à charge pour elle de justifier dans le mois de la décision à intervenir de la libre disposition du solde du prix de vente de 40.100 euros, à défaut, de dire la rupture fautive des engagements contractuels à l'initiative de la société Freelandes et de la voir condamner à lui payer la somme de 29.900 euros en réparation du préjudice subi dont le prix se fera par compensation sur l'indemnité d'immobilisation.
Par jugement du 10 octobre 2023, le tribunal de commerce de Dax a :
Ordonné la vente du fonds de commerce de « location de logement meublés » exploité à [Localité 5], [Adresse 1] au profit de la société Freelandes, aux charges et conditions telles que fixées dans la promesse du 14 avril 2022, moyennant le prix de 70.000 euros, à charge pour la société Freelandes de justifier dans le mois de la décision à intervenir, la libre disposition du solde du prix de vente à hauteur de 40.100 euros,
Débouté les sociétés Freelandes et Dolce Farniente de leurs demandes au titre de dommages et intérêts,
Condamné la société Freelandes à payer à la société Dolce Farniente la somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Freelandes aux entiers dépens de l'instance, les frais nécessaires à l'exécution des présentes et les frais du présent jugement liquidés à la somme de 60,22 euros TTC.
Par déclaration en date du 16 novembre 2023, la société Freelandes a relevé appel de ce jugement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024.
Vu les dernières conclusions de la société Freelandes notifiées le 14 février 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dire que les parties ne sont jamais accordées sur les conditions de la cession du fonds de commerce de la SAS La Dolce Farniente,
Le cas échéant, prononcer la nullité de cette cession,
En toutes hypothèses,
Condamner la SAS La Dolce Farniente à lui restituer la somme principale de 29.900 euros augmentée des intérêts courus au taux légal depuis le 14 avril 2022,
Condamner la SAS La Dolce Farniente à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et tous les dépens.
* Vu les conclusions de la société La Dolce Farniente notifiées le 30 avril 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Dax du 10 octobre 2023 en ce qu'il a :
Ordonné la vente du fonds de commerce de « location de logement meublés » exploité à [Localité 5], [Adresse 1] au profit de la société Freelandes, aux charges et conditions telles que fixées dans la promesse du 14 avril 2022, moyennant le prix de 70.000 euros, à charge pour la société Freelandes de justifier dans le mois de la décision à intervenir, la libre disposition du prix de vente à hauteur de 40.100,00 euros,
Condamné la société Freelandes à payer à la société Dolce Farniente la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Freelandes aux entiers dépens de l'instance, les frais nécessaires à l'exécution des présentes et les frais du présent jugement liquidés à la somme de 60,22 euros TTC,
À défaut :
Dire et juger la rupture fautive des engagements contractuels du 14 avril 2022, à l'initiative de la société Freelandes,
Condamner la société Freelandes à lui régler la somme de 29.900 euros à titre de réparation du préjudice subi, dont le paiement se fera par compensation sur l'indemnité d'immobilisation de même montant, versée lors des pourparlers par la société Freelandes,
En tout état de cause,
Condamner la société Freelandes à lui payer la somme de 3.000 euros au titre d'une procédure manifestement abusive et dilatoire,
Condamner la société Freelandes à lui payer la somme de 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Freelandes aux entiers dépens.
MOTIFS :
A titre liminaire, il convient de constater que la société Freelandes ne maintient pas dans le cadre de l'appel sa demande de dommages et intérêts. La cour n'est donc pas saisie du chef du jugement déféré l'ayant déboutée de cette demande qui a donc acquis force de chose jugée.
Sur la demande de la société Freelandes tendant à se voir restituer la somme de 29.900 euros
Sur la nullité de la cession
La société Freelandes soutient que la cession litigieuse est nulle en application des dispositions des articles L. 227-6 du code de commerce et 21 de ses statuts, et qu'elle est recevable à s'en prévaloir. Elle avance qu'il n'entre pas dans l'objet social de la société La Dolce Farniente de céder un fonds de commerce de location de logements meublés, que les statuts de cette société n'autorisent pas son président à une telle cession et qu'ils n'interdisent pas aux tiers de se prévaloir de cette limitation de pouvoirs.
La société La Dolce Farniente répond que ce moyen est inopérant ; elle fait valoir à cet égard que la cession d'un fonds de commerce est une opération exceptionnelle régit par les articles L. 141-1 et suivants du code de commerce qui n'a pas à être prévue par l'objet social d'une société sauf à ce que cela constitue une activité régulière ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
* Selon l'article 21 des statuts de la société La Dolce Farniente, qui est conforme à l'article L. 227-6 du code de commerce, « Le Président dirige la Société et la représente à l'égard des tiers. A ce titre, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la Société dans les limites de l'objet social et des pouvoirs expressément dévolus par la loi et les statuts à la collectivité des associés.
Les dispositions des présents statuts limitant les pouvoirs du Président sont inopposables aux tiers.
La société est engagée même par les actes du Président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, la seule publication des statuts ne suffisant pas à constituer cette preuve.
Le Président peut déléguer à toute personne de son choix certains de ses pouvoirs pour l'exercice de fonctions spécifiques ou l'accomplissement de certains actes. »
L'acte litigieux du 14 avril 2022 a été signé par M. [X] [R], président de la SAS La Dolce Farniente en vertu des statuts et habilité en conséquence à la représenter à l'égard des tiers.
La cession du fonds de commerce qui est un acte exceptionnel encadré par les dispositions du code de commerce n'a pas à être précisée dans l'objet social de la société La Dolce Farniente de sorte que M. [X] [R] avait le pouvoir de représenter la société dont il était le président pour signer l'acte litigieux.
Le moyen soulevé par la société Freelandes étant infondé sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte du 14 avril 2022 sera rejetée.
Sur l'existence d'une vente
En second lieu, à l'appui de sa demande de restitution de la somme de 29.900 euros, la société Freelandes soutient que l'acte du 14 avril 2022 ne constitue qu'une promesse de vente de la part de la société La Dolce Farniente, qu'elle ne s'est pour sa part pas engagée à acheter, se contentant de « réserver » le fonds. Elle ajoute qu'elle n'a par la suite jamais accepté les conditions sommaires de cette promesse de vente et encore moins la condition relative au paiement préalable des loyers dus par M. [T] que la société La Dolce Farniente a souhaité y ajouter. Elle en déduit au visa des articles 1113 et 1118 du code civil qu'en l'absence de rencontre des consentements la vente alléguée ne s'est pas formée, de sorte qu'elle ne saurait être tenue de régulariser un acte de cession et de payer le solde du prix. Elle considère que l'absence de contrat conclu entre les parties prive la somme de 29.900 euros perçue par la SAS La Dolce Farniente de cause ou de contrepartie et l'oblige à restituer cette somme.
La société répond au visa des articles 1103, 1104 et 1583 du code civil, que l'engagement pris entre les parties est une promesse de vente. Selon elle rien ne s'opposait à la conclusion de la vente qui a été empêchée par la société Freelandes qui s'est obstinée à exiger que la mainlevée du nantissement soit préalable à toute signature, ce qui n'avait jamais été prévu dans l'engagement de vente du 14 avril 2022, sans répondre à sa mise en demeure du 7 octobre 2022 de justifier de la libre disposition des fonds utiles à la régularisation de la vente. Elle considère que c'est de mauvaise foi que la société Freelandes lui reproche la rupture fautive de la promesse litigieuse.
Elle demande que la vente du fonds de commerce soit ordonnée aux charges et conditions telles que fixées dans la promesse du 14 avril 2022, et à défaut de constater la rupture fautive des engagements contractuels à l'initiative de la société Freelandes ainsi que sa condamnation au paiement de la somme de 29.900 euros en réparation du préjudice subi.
* L'article 1113 du code civil dispose en son alinéa 1er que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent la volonté de s'engager.
Selon l'article 1118 du même code l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre. Tant que l'acceptation n'est pas parvenue à l'offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l'offrant avant l'acceptation.
L'acceptation non conforme à l'offre est dépourvue d'effet, sauf à constituer une offre nouvelle.
Selon l'article 1583 du même code la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
L'article 1589 du code civil dispose en ses alinéas 1 et 3 que la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. La date de la convention, même régularisée ultérieurement, sera celle du versement du premier acompte.
En l'espèce, il résulte de l'acte du 14 avril 2022 que la société La Dolce Farniente a promis de vendre son fonds de commerce situé [Adresse 1] à [Localité 5] à la société Freelandes au prix de 70.000 euros.
La société Freelandes a accepté le jour même cette offre en y apposant sa signature et en versant un acompte sur le prix de vente de 29.900 euros. A cette date, les parties n'ont pas soumis la vente à la réalisation de conditions suspensives.
L'échange de leurs consentements à cette date, et notamment l'acceptation de la promesse de vente par la société Freelandes, est confirmé par le fait que les parties se sont rapprochées de maître [Y], notaire à [Localité 4], dès le mois d'avril 2022 aux fins de réunir des documents, par les courriers qu'elles ont échangés, notamment le courrier de la société Freelandes à la société La Dolce Farniente du 5 octobre 2022, lui rappelant que « le 14 avril 2022, nous avions convenu d'une cession de votre fonds de commerce, situé [Adresse 1] à [Localité 5], pour un prix total de 70.000 euros. A cet effet je vous ai versé, par chèque en date du 14 avril 2022, une somme de 29.900 euros à titre d'acompte pour l'acquisition de ce fonds de commerce.(') », et la mettant « en demeure de procéder à la cession du fonds de commerce » dans un délai de 10 jours.
Par conséquent les parties se sont entendues le 14 avril 2022 sur la chose et sur le prix, et ont manifesté la volonté de s'engager de sorte que cette promesse synallagmatique de vente vaut vente.
Toutefois, après avoir conclu ce contrat, tant la société La Dolce Farniente que la société Freelandes ont ajouté une condition à la conclusion de l'acte définitif de vente qui n'était pas stipulée dans la promesse de vente.
Il ressort des courriers échangés, notamment ses courriers des 5 et 11 octobre, et 21 novembre 2022, que la société Freelandes a ajouté la condition de la levée préalable du nantissement dont elle a appris l'existence après le 14 avril 2022, en dépit de la proposition du conseil de la société La Dolce Farniente de solder le montant restant dû à la banque avec le prix de vente dont il se proposait d'être le séquestre à cette fin, ce qui constituait une garantie suffisante pour l'acquéreur au regard du montant en jeu (24.163,32 euros au mois de mars 2023) ce dont elle pouvait s'assurer auprès de la banque ainsi que cela a été rappelé à son conseil par courriel du 22 juillet 2022.
La société La Dolce Farniente a quant à elle ajouté à l'accord initial une condition qui n'y était pas prévue, à savoir le règlement par M. [T] de sa dette de loyers au titre du bail conclu avec lui à titre personnel, point qui a été contesté par la société Freelandes. Cela résulte des termes du courrier de la société La Dolce Farniente du 7 octobre 2022 qui a indiqué à la société Freelandes « cette opération sera régularisée concomitamment au règlement des arriérés de loyers restant à devoir à ma cliente, et s'élevant au 30 septembre 2022 à hauteur de 5.310 euros, montant à parfaire le jour de la signature de l'acte de vente », mais également des courriels du conseil de la société La Dolce Farniente du 30 novembre 2022 indiquant « en revanche rien ne sera transmis et aucun engagement ne sera pris, tant que cette question des arriérés de loyers ne sera pas réglée » et « vous semblez oublier mon courrier recommandé dont vous avez été en copie en date du 07 octobre 2022, par lequel ma cliente consentait à régulariser les termes de la vente de son activité au profit de votre client, sous la condition notamment que les loyers restant à lui devoir de la part du vôtre, soit réglés. A ce jour, je n'ai eu aucun retour sur ce point, déterminant de tout engagement réciproque ». Il résulte des termes explicites utilisés par le conseil de la société La Dolce Farniente dans ces deux courriels du 30 novembre 2022, qu'elle a effectivement conditionné la réalisation de l'acte de vente définitif au règlement de l'arriéré de loyers dus à titre personnel par M. [T], ce qu'elle avait exigé dès le courrier du 7 octobre 2022.
Par conséquent, en ajoutant aux conditions de la promesse synallagmatique de vente conclue le 14 avril 2022, les parties n'ont pas respecté leurs engagements contractuels qu'elles ont rompu de manière fautive.
Il s'en suit que la société La Dolce Farniente qui a entendu imposer l'ajout d' une condition au contrat conclu le 14 avril 2022, participant à la rupture du contrat, est infondée à venir solliciter ensuite la vente du fonds de commerce aux conditions initiales.
Il convient en conséquence de la débouter de sa demande tendant à voir ordonner la vente du fonds de commerce litigieux.
Le contrat ayant été résilié du fait de la rupture fautive des deux cocontractants de leurs engagements contractuels, le paiement de la somme de 29.900 euros par la société Freelandes à la société La Dolce Farniente à titre d'acompte sur le prix de vente est dépourvu de cause.
La société La Dolce Farniente doit donc restituer la somme de 29.900 euros versée le 14 avril 2022 à la société Freelandes.
En exigeant la levée du nantissement préalablement à la conclusion de l'acte définitif de vente, alors qu'une solution permettant de garantir ses intérêts par le séquestre du prix de vente entre les mains du conseil de la société La Dolce Farniente aux fins de levée de ce séquestre était possible, sans qu'une telle condition ait été stipulée dans la promesse synallagmatique de vente du 14 avril 2022, la société Freelandes a causé un préjudice à la société La Dolce Farniente en immobilisant ce fonds qu'elle n'a pu vendre à un tiers, à la réalisation duquel elle a toutefois concouru en ajoutant pour sa part également une nouvelle condition.
Au regard de ce partage de responsabilité et des circonstances ci-dessus rappelées, le préjudice d'immobilisation subi par la société La Dolce Farniente en lien avec la faute commise par la société Freelandes sera évalué à la somme de 15.000 euros.
Il convient par conséquent de dire que la société Freelandes doit verser à la société La Dolce Farniente la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Il y a lieu d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties.
Par conséquent la société La Dolce Farniente sera condamnée à payer la somme de 14.900 euros à la société Freelandes avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2022, date de l'assignation, à défaut d'accusé de réception de la mise en demeure du 29 novembre 2022.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
La société La Dolce Farniente sollicite la condamnation de la société Freelandes à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle soutient que l'assignation qui lui a été délivrée est motivée par la mauvaise foi et la volonté de se désengager par tous moyens de ses obligations contractuelles.
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus que dans des circonstances particulières le rendant fautif.
En l'espèce, alors que la société Freelandes obtient partiellement gain de cause, la société La Dolce Farniente ne démontre pas en quoi l'exercice par l'appelante de son droit d'ester en justice est fautif.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société La Dolce Farniente de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Eu égard à la solution du litige il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Freelandes aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie succombant partiellement en ses demandes, il convient de partager les dépens de l'instance par moitié entre les parties.
Les demandes formulées tant par la société Freelandes que par la société La Dolce Farniente sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement rendu le 10 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a ordonné la vente du fonds de commerce de « location de logements meublés » exploité à Dax (40100) [Adresse 1] au profit de la société Freelandes, débouté totalement la société Freelandes de sa demande en paiement, condamné la société Freelandes aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Freelandes de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce de « location de logements meublés » situé [Adresse 1] à [Localité 5] conclu avec la société La Dolce Farniente ;
Déboute la société La Dolce Farniente de sa demande tendant à voir ordonner la vente de ce fonds de commerce ;
Dit la rupture fautive des engagements contractuels du 14 avril 2022 imputable tant à la société Freelandes qu'à la société La Dolce Farniente ;
Dit que la société La Dolce Farniente doit régler à la société Freelandes la somme de 29.900 euros en remboursement de l'acompte perçu ;
Dit que la société Freelandes doit régler à la société La Dolce Farniente la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
Ordonne la compensation entre les créances respectives de la société Freelandes et de la société La Dolce Farniente ;
Condamne en conséquence, par le jeu de la compensation, la société La Dolce Farniente à payer à la société Freelandes la somme de 14.900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2022 ;
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société La Dolce Farniente de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Partage les dépens de l'instance par moitié entre les parties.
Rejette les demandes formulées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.