CA Bordeaux, 4e ch. com., 14 avril 2025, n° 24/01325
BORDEAUX
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Myzee Technology (SAS)
Défendeur :
Keolis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Masson, Mme Jarnevic
Avocats :
Me Fonrouge, Me Reynaud, Me Joly, Me Brunot, Me Raffy, Me Colin
EXPOSE DU LITIGE :
1. La société par actions simplifiée Myzee Technology est spécialisée dans la création de solutions et d'applications mobiles appliquées aux transports en commun. Elle a ainsi développé une solution comprenant un système informatique de gestion des clients usagers des transports en commun, ainsi que les contrats associés de gestion des interfaces avec les systèmes tiers tels que la plate-forme de paiement et le système billettique.
La société anonyme Keolis [Localité 4] Métropole, filiale du groupe Keolis, a pour activité le transport public de voyageurs à [Localité 4]. Elle bénéficie d'un contrat de délégation exclusive de service public conclu le 19 novembre 2014 avec [Localité 4] Métropole, établissement public de coopération intercommunale qui regroupe 28 communes de la communauté urbaine de [Localité 4] et qui a notamment pour compétence l'organisation de la mobilité, qu'il s'agisse des infrastructures ou du plan de transports en commun au sein des 28 communes.
Par contrat du 1er août 2022, à effet au 1er janvier 2023, la société anonyme Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités (ci-après KB2M) , également filiale du groupe Keolis, a reçu délégation exclusive du service public de transports en commun par l'EPCI [Localité 4] Métropole.
Un contrat de services SaaS (Software-as-a-Service) a été conclu le 7 février 2019 pour une durée de deux années entre Keolis [Localité 4] Métropole (KBM) et la société Myzee Technology (Myzee).
Trois avenants ont été successivement conclus afin de modifier la date d'échéance du contrat ; le dernier, en date du 27 octobre 2022, a prolongé le contrat de services SaaS jusqu'au 30 juin 2023 et a transféré à la société KB2M le contrat initialement conclu entre les sociétés Myzee et KBM.
En septembre 2022,la société KBM (pour le compte de KB2M, futur délégataire) a lancé un appel d'offres afin de sélectionner le prestataire de ce système pour le futur contrat de délégation de service public 2023-2030.
La société Myzee a répondu à l'appel d'offres. Toutefois, sa proposition n'a pas été retenue, ce dont elle a été informée le 23 novembre 2022, la société Keolis l'invitant alors à lui transférer les données clients en excipant de l'article 12.6 du contrat 'garantie de réversibilité'.
La société Myzee a déposé le 26 mai 2023 un brevet portant sur son procédé de validation à distance de titres de transports, notamment sur téléphones mobiles.
Elle en a informé les sociétés Keolis afin de prévenir l'usage contrefaisant de ce brevet. Une transaction est intervenue le 29 juin 2023, qui permettait notamment la prolongation du contrat jusqu'au 30 juin 2024, sous certaines conditions selon la société Keolis, ce qui est discuté par la société Myzee.
Un différend est apparu entre les parties sur la migration des données clients et le principe de la fin du contrat au 31 décembre 2023 ou de son maintien jusqu'au 30 juin 2024.
2. Une procédure en référé d'heure à heure a alors été engagée par les sociétés KBM et KB2M devant le tribunal de commerce de Bordeaux, autorisées à cet effet par ordonnance présidentielle du 17 janvier 2024.
L'EPCI [Localité 4] Métropole est intervenu volontairement à l'instance.
Par ordonnance du 27 février 2024, rectifiée par une deuxième ordonnance du 19 mars suivant, le juge des référés a statué ainsi qu'il suit :
- recevons [Localité 4] Métropole en son intervention volontaire à l'instance ;
- déboutons la société Myzee Technology de sa demande de contestation relative à la 'note en réponse' débattue contradictoirement à l'audience ;
- déboutons la société Myzee Technology de sa demande de caducité de l'ordonnance du 17 janvier 2024 ;
- déboutons la société Myzee Technology de son exception de compétence territoriale ;
- déboutons la société Myzee Technology de son exception de compétence matérielle ;
- déboutons la société Myzee Technology de sa demande d'irrecevabilité pour défaut de droit d'agir ;
- déboutons la société Myzee Technology de sa demande d'irrecevabilité de [Localité 4] Métropole en son intervention volontaire ;
- Disons qu'en procédant à la rétention des données dont elle avait la gestion, la Société Myzee Technology a créé un trouble illicite manifeste ;
- condamnons la société Myzee Technology à restituer aux sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités un fichier de données comprenant les champs suivants :
- adresse e-mail du compte usager,
- date d'achat,
- titre acheté (nom du produit),
- nombre de voyages restants ;
- ordonnons cette restitution sous astreinte de 2.000 euros (deux mille euros) par jour, passé 8 jours après signification de la présente ordonnance, pendant un délai d'un mois au-delà duquel il sera à nouveau statué ;
- nous réservons la possibilité de liquider l'astreinte et d'en prononcer une nouvelle en cas de non-respect de l'injonction de faire ;
- renvoyons la société Myzee Technology à mieux se pourvoir sur sa demande incidente ;
- condamnons la société Myzee Technology à payer aux sociétés Keolis [Localité 4] Mobilités et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités une somme de 2000 euros (deux mille euros) chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboutons [Localité 4] Métropole de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnons la société Myzee Technology aux dépens.
La société Myzee a relevé appel de ces deux décisions par deux déclarations au greffe des 18 et 20 mars 2024. Les deux appels ont fait l'objet d'une jonction sous la référence RG n°24-1325.
La société Myzee a bénéficié, par jugement du 19 juillet 2024 du tribunal de commerce de Brive-La-Gaillarde, de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ; la société BTSG2 a été nommée en qualité de mandataire judiciaire.
L'appelante a assigné la société BTSG2 en intervention forcée le 8 novembre 2024.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 janvier 2025.
***
3. Par dernières conclusions communiquées le 8 janvier 2025, la société Myzee Technology demande à la cour de :
Vu l'ordonnance sur requête en date du 17 janvier 2024 autorisant les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités à assigner en référé d'heure à heure la société Myzee Technology avant le 22 janvier 2024 à 17H00 ;
Vu l'article 90 du code de procédure civile ;
Vu les articles 4, 14, 15, 16, 132, 455, 458 et 873 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Vu les articles L. 1115 -10 à L. 1115-12 du code des transports ;
Vu l'article 1103 du code civil ;
Vu le jugement d'ouverture de la sauvegarde de la S.A.S. Myzee Technology , prononcé le 19 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brive ;
Vu les dispositions des articles L.622-21 et L.622-22 du code de commerce ;
- rendre commun et opposable l'arrêt à intervenir à la S.C.P. BTSG², prise en la personne de Maître [H], ès qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la société Myzee Technology S.A.S..
1. Sur les prétentions des sociétés Keolis [Localité 4] Métropole, Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités, et de [Localité 4] Métropole
Il est demandé à la cour d'appel de BORDEAUX, statuant en référé, de bien vouloir annuler, et en tout cas infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée en référé le 27 février 2024 par le Président du tribunal de commerce de BORDEAUX :
A titre principal, faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par Myzee Technology tant en première instance qu'en cause d'appel ;
- renvoyer les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole, Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités, et l'E.P.C.I. [Localité 4] Métropole à mieux se pourvoir ;
Le cas échéant, renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Paris, conformément à l'article 90 du code de procédure civile.
Sur les autres irrégularités de la procédure, dire que le premier juge a méconnu les dispositions des articles 14, 15, 16 et 132 du code de procédure civile, en rejetant les demandes de Myzee Technology tendant à :
- faire écarter des débats une « note en réponse aux dernières écritures de Myzee Technology » non contradictoirement communiquée mais insérée à leur dossier de plaidoirie par les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités ;
- faire enjoindre à [Localité 4] Métropole, à la société Keolis [Localité 4] Métropole et à Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités de communiquer l'intégralité du contrat de concession de service de transport public urbain de voyageurs et de mobilités durables conclu le 01 août 2022 (annexes comprises) ;
- obtenir le renvoi à une audience ultérieure, en fixant à chaque partie un délai pour conclure et communiquer avant la date des plaidoiries.
En conséquence, prononcer la nullité de la décision dont appel, et en tout cas l'infirmer, en présence de violations du principe du contradictoire par les sociétés Keolis, par [Localité 4] Métropole, et par le premier juge ;
Le cas échéant, prononcer la caducité de l'ordonnance sur requête du Président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 17 janvier 2024, autorisant les sociétés Keolis Bordeaux Métropole et Keolis Bordeaux Métropole Mobilités à assigner en référé d'heure à heure la société Myzee Technology ;
En conséquence, prononcer la nullité de l'assignation, n'y ayant lieu à statuer sur les prétentions des sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités, et de l'E.P.C.I. [Localité 4] Métropole.
Subsidiairement, réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité de l'action des sociétés Keolis [Localité 4] Métropole, Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités, et de [Localité 4] Métropole envers la société Myzee Technology ;
- retenu à l'encontre de Myzee Technology l'existence d'un trouble manifestement illicite ;
- ordonné à Myzee Technology de restituer aux sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités un fichier de données comprenant les champs suivants :
'adresse e-mail du compte usager ;
'date d'achat ;
'titre acheté (nom du produit) ;
'nombre de voyages restants.
- assorti cette obligation d'une astreinte de 2 000 euros par jour, passé 8 jours après la signification de ladite ordonnance, pendant un délai d'un mois au-delà duquel il sera à nouveau statué ;
- réservé au Président du tribunal de commerce de Bordeaux la possibilité de liquider l'astreinte et d'en prononcer une nouvelle en cas de non-respect de l'injonction de faire ;
- condamné la société Myzee Technology à payer aux sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités une somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Myzee Technology aux entiers dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel :
- dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités et de l'E.P.C.I. [Localité 4] Métropole ;
- débouter les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole, Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités et l'E.P.C.I. [Localité 4] Métropole de toutes prétentions plus amples ou contraires ;
- condamner à titre de provision et in solidum les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la société Myzee Technology une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner à titre de provision [Localité 4] Métropole à payer à la société Myzee Technology une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum Bordeaux Métropole, les sociétés Keolis Bordeaux Métropole et Keolis Bordeaux Métropole Mobilités aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Seurin, Avocat au Barreau de Bordeaux, et de la S.E.L.A.R.L. KPDB Inter Barreaux agissant par Maître Fonrouge, Avocat à la cour d'appel de Bordeaux, en ce qui les concerne respectivement, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonner la capitalisation des intérêts légaux courus par année entière sur toute condamnation mise à la charge de [Localité 4] Métropole, des sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités.
2. Sur les demandes incidentes de la société Myzee Technology
Vu les articles 455, 872 et 873 du code de procédure civile ;
Vu les articles L. 1115-10 à L. 1115-12 du code des transports ;
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Vu la décision rendue le 15 octobre 2024 par l'Autorité de Régulation des Transports à l'encontre de la société Keolis [Localité 4] Métropole ;
Il est demandé à la cour d'appel de Bordeaux, statuant en référé, de bien vouloir annuler, et en tout cas infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée en référé le 27 février 2024 par le Président du tribunal de commerce de Bordeaux :
En ce qu'elle a rejeté les demandes incidentes de la société Myzee Technology ;
Statuant à nouveau :
- prononcer la compétence matérielle et territoriale de la juridiction des référés commerciaux du ressort de la cour d'appel de Bordeaux, relativement à sa demande en délivrance d'un contrat conforme à la loi d'orientation des mobilités ;
- ordonner à la société Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités, de remettre avant le 15 avril 2025 à la société Myzee Technology un contrat de fournisseur de service numérique multimodal conforme à celui conclu en 2019, prévoyant notamment une rémunération du service de la société Myzee Technology d'au minimum 4,5 % H.T. du montant H.T. des transactions opérées dans le périmètre du réseau TBM, via l'application WITICK, et ce pour le reste de la durée de la délégation de service public de transports actuellement consentie par [Localité 4] Métropole (soit jusqu'au 31 décembre 2030) ;
- assortir cette obligation légale de la société Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités d'une astreinte provisoire de 4 000 euros par jour de retard, passé la date du 15 avril 2025, et ce pour une durée de quatre mois (jusqu'au 15 août 2025) ;
- réserver à la cour le soin de liquider ladite astreinte ;
- condamner à titre de provision les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités à verser chacune 15 000 euros à la société Myzee Technology ;
- statuer ce que de droit sur l'amende civile dont les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités peuvent être jugées redevables au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- débouter l'E.P.C.I. [Localité 4] Métropole, les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités de toutes prétentions plus amples ou contraires.
***
4. Par dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2025, et signifiées le 15 janvier 2025 à la société BTSG² en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Myzee, les sociétés KBM et KB2M demandent à la cour de :
Vu les articles 42, 47, 48, 75, 700, 872 et 873 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,
Vu l'ordonnance de référé du 27 février 2024
Vu l'ordonnance rectificative du 19 mars 2024
Vu l'ordonnance de caducité du 26 juin 2024
Sur la recevabilité de l'action des concluantes
- juger recevables les demandes et l'action des sociétés KBM et KB2M en dépit de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la société Myzee
À titre liminaire
- juger irrecevables les conclusions déposées par la société Myzee le 7 juin 2024 concernant l'ordonnance rectificative du 20 mars 2024 au regard de la caducité prononcée le 26 juin 2024 et de la tardiveté desdites conclusions au regard des dispositions de l'article 905-2 du CPC
- débouter la société Myzee de sa demande d'annulation de l'ordonnance du 27 février 2024 pour non-respect du contradictoire
En conséquence,
- confirmer les décisions entreprises en toutes leurs dispositions
In limine litis, sur la nullité de l'assignation
- rejeter l'exception de nullité soulevée
- rejeter la caducité de la requête en découlant
En conséquence,
- juger valable l'assignation délivrée le 22 janvier 2024 et la requête autorisant à assigner d'heure à heure du 19 janvier 2024.
In limine litis, sur la compétence
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée
En conséquence,
- se déclarer compétent
Sur la recevabilité de l'action
- déclarer les sociétés Keolis [Localité 4] Métropole et Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités recevables et bien fondées en leurs demandes ;
Sur le trouble manifestement illicite
- juger que le refus de communication des données clients conformément aux termes du contrat constitue un trouble manifestement illicite à la société Myzee ;
- rejeter les demandes, moyens et prétentions de Myzee
En conséquence,
- ordonner à la société Myzee la communication de l'export des données suivantes arrêtées au 1er janvier 2024 :
o Adresse email du compte
o Date d'achat
o Titre acheté (nom du produit)
o Nombre de voyages restants
dans le respect des dispositions contractuelles, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ;
En tout état de cause,
- condamner la société Myzee à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fixer cette somme au passif de la société Myzee ;
Sur les demandes reconventionnelles de Myzee
- juger la société Myzee irrecevable en ses demandes d'établissement sous astreinte d'un contrat : la demande ayant déjà été tranchée par l'ART, cette demande ne relevant pas des pouvoirs du juge judiciaire et en tout état cause se heurtant à de nombreuses contestations sérieuses.
Statuant à nouveau
- débouter la société Myzee de sa demande au titre d'une prétendue procédure abusive
- condamner la société Myzee à verser aux sociétés KBM et KB2M la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et fixer cette somme au passif de la société Myzee ;
- condamner la société Myzee aux entiers dépens.
***
5. Par dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2025, et signifiées le 20 janvier 2025 à la société BTSG² en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Myzee, [Localité 4] Métropole demande à la cour de :
- déclarer [Localité 4] Métropole recevable et bien fondée en l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions et y faire droit et en conséquence,
- Juger irrecevables,
- les conclusions de Myzee Technology sur l'ordonnance de référé rectificative d'erreurs matérielles notifiées le 7 juin 2024 ;
- les exceptions d'incompétence matérielle et territoriale de la société Myzee Technology ;
- la demande nouvelle au titre de la procédure abusive formulée pour la première fois en cause d'appel ;
- la fin de non-recevoir des demandes financières des sociétés Keolis et de [Localité 4] Métropole ;
- débouter la société Myzee Technology de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 27 février 2024 par le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux et rectifiée par l'ordonnance rectificative du 19 mars 2024, en toutes ses dispositions ;
- fixer le montant de la créance de [Localité 4] Métropole à l'encontre de la société Myzee Technology à la somme de 7 000 euros, telle que déclarée auprès de la société civile professionnelle B.T.S.G² le 14 octobre 2024, correspondant à la demande de condamnation de [Localité 4] Métropole au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire que le jugement à venir sera porté sur l'état des créances par le greffier du tribunal
de commerce de Brive ;
- condamner la société Myzee Technology aux dépens.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante du 7 juin 2024
6. Les sociétés KBM et KB2M (ci-après sociétés Keolis) soutiennent que les conclusions de la société Myzee notifiées par RPVA le 7 juin 2024 tendant à l'infirmation de l'ordonnance rectificative rendue le 11 mars 2024 par le tribunal de commerce de Bordeaux sont irrecevables, sa déclaration d'appel du 20 mars 2024 étant caduque.
7. [Localité 4] Métropole soutient également que les conclusions signifiées le 7 juin 2024 comportant pour la première fois des prétentions contre l'ordonnance du 19 mars 2024, sont irrecevables par application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.
8. La société Myzee ne répond pas.
Sur ce,
9. Par ordonnance du 26 juin 2024, le président de chambre a constaté la caducité de la déclaration d'appel de la société Myzee Technology du 20 mars 2024 en ce que celle-ci n'avait pas, dans ses conclusions communiquées le 11 avril 2024, formulé de prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation de la décision rectificative frappée d'appel et que les conclusions tendant à l'infirmation de l'ordonnance rectificative, notifiées le 7 juin 2024, étaient intervenues hors délai dans le cadre d'une instance fixée à bref délai.
10. Il en résulte que les conclusions notifiées le 7 juin 2024 par la société Myzee, portant sur la critique de l'ordonnance du 19 mars 2024, sont irrecevables.
Sur la comptence territoriale
11. La société Myzee soutient que le tribunal de commerce de Bordeaux est territorialement incompétent en application des clauses attributives de compétence juridictionnelle stipulées dans le contrat initial puis les avenants successifs et que ces documents sont indivisibles.
L'appelante affirme que le conflit de compétence d'attribution entre les pièces contractuelles constitue une difficulté sérieuse, que le tribunal de commerce n'avait donc pas le pouvoir de statuer en référé.
Elle indique également que le tribunal de commerce a dénaturé les clauses contractuelles, l'avenant n°1 attribuant aux juridictions de Paris tout différend relatif à la remise des données en fin de contrats.
12. Les sociétés Keolis affirment que l'appelante propose quatre options de compétence territoriale, de sorte que sa demande est irrecevable en application de l'article 75 du code de procédure civile.
Elles ajoutent que les clauses dont la société Myzee se prévaut sont applicables exclusivement aux avenants, que les avenants n'ont pas eu pour objet de modifier la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat initial et que leurs demandes sont fondées sur les dispositions du contrat initial.
Les intimées contestent l'existence d'une difficulté sérieuse et soutiennent que deux clauses attributives de juridiction inconciliables s'annulent ; qu'il en résulte que la juridiction territorialement compétente est alors régie par les articles 42 et 46 du code de procédure civile, ce qui désigne en l'espèce la juridiction de [Localité 4].
Elles font valoir que la présente instance est sans lien avec le brevet déposé par l'appelante, de sorte que la clause attributive de compétence prévue dans la transaction du 29 juin 2023 est inapplicable ; que, enfin, le Président du tribunal judiciaire de Paris s'est, par ordonnance du 1er juillet 2024, déclaré incompétent territorialement.
13. Bordeaux Métropole soutient que les demandes d'incompétence matérielle et territoriale de l'appelant sont irrecevables, la société Myzee ne pouvant se dispenser de désigner la juridiction qu'elle estime compétente pour connaître du litige et opérer une désignation à titre principal et à titre subsidiaire, ne permettant pas de connaître la seule juridiction qu'elle estime compétente, en application de l'article 75 du code de procédure civile.
L'EPCI affirme que cette demande est en outre mal fondée, la demande des sociétés Keolis ne portant pas sur l'interprétation ou l'exécution des avenants mais sur la mise en 'uvre de la clause de réversibilité prévue par le contrat de service SaaS de 2019 ainsi que sur son annexe 5, non modifiés par avenants, que ce contrat prévoit à son article 27 la compétence des juridictions bordelaises, qu'en outre les clauses attributives de compétence des avenants sont expressément limitées aux difficultés d'interprétation ou d'exécution de ces avenants et non du contrat principal, qu'aucune clause de la transaction du 29 juin 2023 ne prévoit de novation ni ne remet en question les droits et obligations des parties concernant la réversibilité des données prévues au contrat SaaS et donc la clause attributive de compétence correspondante.
Enfin, l'intimé fait valoir que l'objet du litige portant uniquement sur le contrat de service SaaS, et non sur ses différents avenants et la transaction valant licence, le juge des référés n'a été confronté à aucune difficulté sérieuse résultant de la présence de clauses contractuelles contradictoires.
Sur ce,
14. L'article 75 du code de procédure civile dispose :
« S'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.»
Le premier alinéa de l'article 42 du code de procédure civile indique :
« La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.»
En vertu du premier alinéa de l'article 46 du même code, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service.
L'article 27 du contrat de service SaaS conclu le 7 février 2019 stipule :
« Le présent Contrat est régi par le droit français. (...)
En cas de différend relatif à la validité, l'interprétation, l'exécution ou l'inexécution, l'interruption ou la résiliation du Contrat, les Parties conviennent de se rapprocher et de tenter de trouver une solution amiable à leur litige dans un délai de trente (30) jours calendaires à compter d'une notification adressée par une Partie à l'autre Partie.
En cas d'échec dans la recherche d'une solution amiable à l'issue de cette période, tout
différend relatif à l'interprétation, la validité, et ou l'exécution du Contrat sera soumis aux
tribunaux compétents de [Localité 4], y compris en cas de pluralité de défendeurs ou appel en garantie, pour les procédures tendant obtenir des mesures d'urgence ou conservatoires, en référé ou sur requête.»
Les avenants n°1, 2 et 3 précisent, in fine et dans les mêmes termes :
« Toutes les autres clauses du Contrat demeurent applicables tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions contenues dans le présent Avenant, lesquelles prévalent en cas de conflit de dispositions.
Le présent Avenant est régi par le droit français.
Toute difficulté liée à son interprétation ou à son exécution sera soumise aux Tribunaux de Paris, auquel les Parties accordent compétence exclusive, nonobstant la pluralité de défendeurs ou appel en garantie.»
15. Il doit être relevé que la stipulation finale des avenants, formulée au singulier, n'envisage donc la compétence des tribunaux de Paris que pour un litige relatif à l'interprétation ou l'exécution du seul avenant au pied duquel a été portée cette clause d'attribution.
De plus, la demande présentée par les société Keolis devant le juge des référés concerne directement et expressément la migration des données des clients du réseau bordelais de transports en commun. Or le principe de cette migration a été organisé dans le contrat du 7 février 2019, contrat-socle des relations entre les parties, qui a prévu la compétence territoriale des juridictions de [Localité 4], au demeurant conformément à l'article 46 du code de procédure civile cité supra, la prestation étant exécutée à [Localité 4] et dans sa région immédiate.
16. Il convient en conséquence de déclarer les juridictions bordelaises compétentes territorialement.
Sur la compétence matérielle
17. La société Myzee soutient que le tribunal administratif de Paris est compétent dès lors que les sociétés KBM et KB2M agissent en leur qualité de délégataires d'un service public conféré par l'établissement public Bordeaux Métropole, que l'appelante désigne comme une Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM).
La société Myzee fait valoir que cette délégation est un contrat administratif, dont elle indique que les intimés ont par ailleurs refusé de le communiquer à la présente procédure, ce qui constitue une difficulté sérieuse.
18. Les sociétés Keolis discutent cette exception d'incompétence matérielle et soulignent agir en qualité de sociétés commerciales privées, cocontractantes de la société Myzee, également société de droit privé, de sorte que le contrat ne relève pas des juridictions administratives.
Les intimées ajoutent que la production du contrat de délégation de service public est inutile dès lors que l'appelante n'y est pas partie, et serait en outre contraire au secret des affaires.
19. [Localité 4] Métropole soutient qu'en raison de l'absence d'autonomie de l'intervention accessoire par rapport à la demande principale, le fait qu'une partie intervienne à titre accessoire dans une instance n'a aucun effet sur la compétence d'attribution de la juridiction saisie ; que, en l'espèce, l'objet du litige est la restitution de données conformément aux stipulations prévues par le contrat SaaS ; que [Localité 4] Métropole ne formant aucune demande propre et intervenant uniquement au soutien des prétentions des sociétés Keolis, son intervention accessoire suit l'action principale, et ne remet pas en question la compétence des juridictions judiciaires.
L'EPCI ajoute que s'il se réfère au contrat de délégation de service public pour justifier de son intérêt à intervenir à titre accessoire au soutien des prétention des sociétés Keolis, il ne fonde aucune prétention sur ce contrat, auquel l'appelante n'est pas partie.
Sur ce,
20. L'article L721-3 du code de commerce, dans sa rédaction ici applicable, dispose :
« Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes (...)»
21. Il est constant que les sociétés Keolis ont fondé leur action sur l'exécution du contrat SaaS en date du 7 février 2019 conclu entre une société par actions simplifiée et une société anonyme et portant sur la vente d'une prestation intellectuelle.
Le fait que la solution développée par la société Myzee a été utilisée par la société KBM dans le cadre de l'exécution d'une délégation de service public est donc indifférent.
22. Les éléments contractuels énoncés ci-dessus commandent la compétence de la juridiction commerciale, conformément aux dispositions de l'article L721-3 du code de commerce.
Sur l'irrecevabilité de l'action comme contractuellement prématurée
23. La société Myzee soutient que l'action des sociétés Keolis est contractuelle dès lors que les demanderesses visent l'annexe 5 du contrat initial dans leur assignation ; qu'elles l'ont assignée alors que l'exercice de l'option était encore possible et que le contrat prévoit le respect d'un délai préalablement à l'introduction de tout procès ainsi qu'un délai pour la réversibilité des données, délais qui n'ont donc pas été respectés.
Sur l'exercice de l'option, l'appelante expose que la transaction du 29 juin 2023 a ouvert aux parties un droit à proroger la fourniture du service informatique jusqu'au 30 juin 2024 ; que la durée de validité de l'option n'est pas encadrée, de sorte qu'elle était possible jusqu'au 30 juin 2024 ; que les sociétés Keolis ont unilatéralement ajouté de limiter au 18 décembre l'exercice de cette option, ce en violation de l'article 1103 du code civil ; que, puisque le contrat n'était pas à son terme au jour où le tribunal de commerce a statué, la question de la réversibilité des données ne pouvait être utilement débattue.
La société Myzee ajoute que, de plus, l'article 27 du contrat prévoit une tentative de règlement amiable à tout litige dans un délai de trente jours à compter de la notification adressée par l'une des parties à l'autre ; que les sociétés Keolis ont signifié le 12 janvier 2024 un courrier d'avocat daté du 4 janvier précédent évoquant un litige sur la réversibilité des données ; qu'elles ont saisi le tribunal dès le 22 janvier suivant, de sorte que leur action est donc irrecevable.
Enfin , sur le délai de réversibilité des données, l'appelante conclut que le délai de trois mois prévu à l'article 5 de l'annexe 2 du contrat n'a pas été respecté entre la date supposée de fin de contrat, du 31 décembre 2023, et la date de l'assignation, 22 janvier 2024 ; que les intimées ne l'ont mise en demeure que par courrier signifié le 12 janvier 2024.
24. Les sociétés KBM et KB2M font observer que la société Myzee est silencieuse depuis le mois de décembre 2023 ; que le contrat d'une durée initiale de deux ans ayant pris fin en raison du défaut d'exercice de l'option de prolongation, l'obligation de restitution prévue à l'article 12.6 du contrat et à l'annexe 5 s'applique ; que l'argumentation adverse est fantaisiste car elle permettrait d'invoquer de manière unilatérale à quelque moment que ce soit la poursuite du contrat pour ne pas mettre en 'uvre la réversibilité (à titre rétroactif) et ne pas communiquer les données, ce qui relèverait d'un acte potestatif.
Sur la prématurité de l'action, les sociétés Keolis affirment avoir respecté le délai de 30 jours en demandant expressément la communication des données par ses courriers des 29 novembre et 21 décembre 2023 ; qu'en tout état de cause, au jour de l'audience, 6 février 2024, le délai était expiré.
Sur le délai d'exécution, elles répliquent que les articles 5.3 et 12.6 du contrat et 5.3 de l'avenant n°1 sont sans équivoque et que les données devaient être communiquées au plus tard dans un délai de 30 jours ; que l'appelante ne peut se prévaloir de l'annexe 2, qui n'est pas le contrat mais la proposition commerciale de la société Myzee du 9 octobre 2018.
25. [Localité 4] Métropole conteste la prématurité de l'action, soutenant que les sociétés Keolis ont sollicité la mise en 'uvre du plan de réversibilité dès le 23 novembre 2022, demande réitérée le 29 novembre 2023 et le 21 décembre 2023 ; que le délai de trente jours a été respecté entre la première demande et l'assignation. Elle soutient que si le délai de trente jours a débuté le jour de la mise en demeure, ce délai a expiré le 13 février 2024, soit avant que le juge des référés ne statue.
Sur ce,
a.] Sur la date du terme du contrat
26. Le contrat du 7 février 2019 stipule, à l'article 5.1, qu'il prend effet à compter de sa date de signature et engage les parties, sauf résiliation anticipée sous certaines conditions contractuellement définies, pour une durée initiale de deux années ; qu'il est renouvelable par tacite reconduction par périodes d'un an, la durée totale des éventuelles reconductions ne pouvant aller au-delà du 31 décembre 2022.
Les avenants des 4 novembre 2020 et 4 janvier 2021 ont entériné la reconduction du contrat pour une période de deux mois chacun puis l'avenant du 27 octobre 2022 a organisé la prolongation du contrat pour une durée de 6 mois après la date butoir du 31 décembre 2022, soit jusqu'au 30 juin 2023.
La transaction du 29 juin 2023, conclue donc la veille de la nouvelle date butoir, stipule l'article 2.2.1. suivant :
« KB2M s'engage à prolonger le contrat de service SaaS à l'issue de la période supplémentaire convenue par l'avenant n°3 pour une période supplémentaire de six mois jusqu'au 31 décembre 2023, étant précisé que cette prolongation sera renouvelable une fois pour une durée supplémentaire de six mois jusqu'au 30 juin 2024 sur demande de Myzee et acceptation de KB2M.»
27. L'appelante, qui ne discute pas le fait qu'elle n'avait pas exercé d'option lorsque le premier juge a statué, ne peut sérieusement soutenir que cette option était toujours possible, jusqu'au 30 juin 2024 ; en effet, l'article 2.2.1. de la transaction, cité ci-dessus, énonce clairement que le contrat n'est prolongé que jusqu'au 31 décembre 2023 et qu'une éventuelle prolongation est conditionnée à une demande en ce sens de la société Myzee.
La société Myzee ne peut davantage soutenir que son courrier du 14 mai 2024 relatif à la remise en service de son application 'Witick' caractérisait la prolongation du contrat.
En effet, cette remise en service a été proposée en raison des difficultés de transfert des données et il était précisé que la fonction 'achat de nouveaux titres de transport' serait neutralisée.
28. Puisque la demande expresse de prolongation, contractuellement prévue, n'a pas été présentée, il doit être retenu que le terme du contrat SaaS est le 31 décembre 2023.
b.] Sur le délai de résolution amiable du différend
29. L'article 126 du code de procédure civile dispose :
« Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.»
30. L'article 27 du contrat SaaS stipule :
« (...) En cas de différend relatif à la validité, l'interprétation, l'exécution ou l'inexécution, l'interruption ou la résiliation du contrat, les parties conviennent de se rapprocher et de tenter de trouver une solution amiable à leur litige dans un délai de trente jours calendaires à compter d'une notification adressée par une partie à l'autre partie.
En cas d'échec dans la recherche d'une solution amiable à l'issue de cette période, tout différend relatif à l'interprétation, la validité et/ou l'exécution du contrat sera soumis aux tribunaux compétents de [Localité 4], y compris en cas de pluralité de défendeurs ou appel en garantie, pour les procédures tendant à obtenir des mesures d'urgence ou conservatoires, en référé ou sur requête.»
31. Les sociétés Keolis ont, par courrier en date du 4 janvier 2024, adressé par courriel au représentant légal de la société Myzee et par voie d'huissier à l'adresse du siège social de l'appelante tel que déclaré au registre du commerce de Brive-La-Gaillarde, rappelé à la société Myzee qu'elles l'avaient invitée à préciser si elle entendait poursuivre le contrat SaaS au-delà du 31 décembre 2023 et, dans le cas contraire, à transférer les données clients, ce à deux reprises les 29 novembre et 21 décembre 2023.
32. Le courrier du 4 janvier 2024 est une mise en demeure de remettre ces données dans un délai de 24 heures sous peine de saisine des juridictions compétentes, ce qui est de nature à lui conférer la qualité de 'notification adressée par une partie à l'autre partie' au sens de l'article 27 cité supra, puisqu'il met expressément en évidence l'apparition d'un litige relatif au transfert des données.
Ce courrier a été signifié le 11 janvier 2024, qui est donc la date de début des trente jours calendaires ménagés pour l'émergence d'une solution amiable à cette question de transfert des données, de sorte que le délai de discussion amiable n'était pas expiré au moment de la délivrance de l'assignation le 22 janvier 2024.
33. Toutefois, cette cause d'irrecevabilité avait disparu le 27 février 2024, date à laquelle le premier juge a statué, plus de trente jours après la signification du courrier de mise en demeure et sans que soit survenue une solution amiable entre les parties.
c.] Sur le délai de transmission des données
34. L'article 5.3 du contrat SaaS stipule :
« En cas de cessation du contrat pour quelque cause que ce soit, le prestataire, sans pouvoir exciper d'aucun droit de rétention, restituera au client dans un délai maximum de 30 jours calendaires à compter de la date de cessation effective du contrat, l'ensemble des éléments en sa possession appartenant au client et notamment les données lui appartenant.»
Cette stipulation n'a fait l'objet d'aucune modification lors de la conclusion des avenants postérieurs et la transaction du 29 juin 2023 ne concerne pas le principe et le délai de transfert des données.
35. Puisqu'il a été retenu supra que le contrat était arrivé à son terme le 31 décembre 2023, la société Myzee disposait d'un délai courant jusqu'au 31 janvier 2024 pour restituer les données clients à la société KB2M, désormais délégataire du service public de transports en commun.
36. Ce délai n'était certes pas expiré au moment de la délivrance, le 22 janvier 2024, de l'assignation en référé. Toutefois, cette cause d'irrecevabilité avait disparu le 27 février 2024, date à laquelle le premier juge a statué.
Sur la validité de l'assignation
37. La société Myzee soutient la caducité de l'assignation et de l'ordonnance sur requête en ce que l'assignation ne comporte pas d'horaire alors qu'elle devait être délivrée avant le 22 janvier 2024 à 17 heures ; que, de plus, l'avis de passage mentionne 18 heures et n'a pas pu être déposé dans une boîte aux lettres au nom de la société Myzee car il n'en existe pas.
38. Les sociétés Keolis répliquent que l'heure de délivrance de l'assignation apparaît clairement sur le second original de l'assignation et de l'avis de passage ; que, de plus, seule l'absence de mention du dépôt d'un avis de passage et de l'envoi de la lettre simple sur l'original de l'acte peut entraîner la nullité de la signification.
39. Bordeaux Métropole affirme que la signification de l'assignation a été réalisée conformément aux articles 648, 654, 690, 656 et 657 du code de procédure civile et que les contestations portant sur la véracité des diligences effectuées par l'acte d'huissier de justice doivent faire l'objet d'une procédure de faux.
L'intimé fait valoir qu'il n'y a aucun doute sur l'heure de passage de l'huissier tant sur l'assignation que sur l'avis de passage.
Sur ce,
40. Aucun texte ne vient sanctionner de caducité une assignation à jour fixe devant le tribunal de commerce qui aurait été délivrée au défendeur au-delà du délai prévu à l'ordonnance sur requête autorisant cette assignation.
Surabondamment, il sera relevé que, par ordonnance du 17 janvier 2024, la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux a autorisé les sociétés Keolis à faire assigner la société Myzee avant le lundi 22 janvier 2024 à 17 heures pour une audience au 30 janvier suivant à 9 heures.
Cette assignation a été délivrée le 22 janvier 2024 à 15 h 40.
Elle comporte en annexe la requête présentée à la présidente du tribunal de commerce et les pièces produites au soutien de la requête, ainsi que l'ordonnance présidentielle du 17 janvier précédent.
Le commissaire de justice détaille les modalités de délivrance de cette assignation par dépôt d'un avis de passage le même jour à la même heure ainsi que le dépôt d'une copie de l'assignation à l'étude. Il précise qu'il a procédé à des vérifications au registre du commerce, a relevé la mention du nom du représentant légal de la société sur la boîte aux lettres à l'adresse indiquée, adresse confirmée par la mère de celui-ci dont le numéro de téléphone mobile est indiqué.
L'adresse mentionnée par le commissaire de justice correspond à l'adresse déclarée par la société Myzee pour son immatriculation au registre du commerce de Brive-La-Gaillarde.
La société Myzee produit à son dossier un avis de passage laissé par le commissaire de justice à l'adresse du siège social de l'appelante, qui mentionne la date du 22 janvier 2024 et l'horaire de 15 h 40, compatible donc avec l'horaire mentionné dans l'assignation elle-même. Il faut cependant relever que la mention manuscrite de l'horaire a fait l'objet d'une correction en ce qui concerne le chiffre 5 sur/ou sous lequel figure le chiffre 8. Il s'agit d'une photocopie, ce qui ne permet pas à la cour de déterminer quel chiffre a été inscrit en premier.
41. Faute d'éléments probants contraires aux énonciations de l'assignation, il sera retenu que l'assignation en référé a été délivrée conformément aux exigences énoncées dans l'ordonnance du 17 janvier 2024.
Sur le respect du principe du contradictoire
42. Au visa de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 14, 15, 16 et 132 du code de procédure civile, la société Myzee tend à la nullité de l'ordonnance entreprise en raison de la violation concertée des droits de la défense en amont de la première audience puis au cours de l'audience des plaidoiries.
L'appelante explique que [Localité 4] Métropole est intervenu à la procédure en violation de la confidentialité de la relation contractuelle entre les sociétés Myzee, KBM et KB2M ; que les conclusions de l'EPCI faisaient état d'arguments différents de ceux des sociétés Keolis, ce qui l'a contrainte à répliquer dans un trop bref délai de 48 heures ; que ses adversaires se sont ensuite opposés à tout renvoi malgré l'absence annoncée du conseil de la société Myzee à l'audience du 30 janvier 2024.
La société Myzee indique que, que lors de l'audience sur renvoi le 6 février suivant, [Localité 4] Métropole a déposé de nouvelles écritures et produit de nouvelles pièces à la barre ; qu'elle a alors réclamé un renvoi avec fixation d'un calendrier de procédure, ce qui lui a été refusé ; que les sociétés Keolis ont repris la parole après sa plaidoirie, alors qu'elle était défenderesse et ont indiqué avoir inséré à leur dossier une « note en réponse aux dernières écritures de Myzee Technology » ; que cette note n'a jamais été communiquée et, pourtant, n'a pas été écartée des débats en dépit de sa demande en ce sens.
43. Les sociétés KBM et KB2M rappellent que la procédure était un référé d'heure à heure ; que l'intervention de [Localité 4] Métropole n'était qu'accessoire ; que la société Myzee a obtenu un renvoi à huitaine lors de l'audience du 30 janvier 2024.
Elles soutiennent que la note était une réponse aux écritures de la société Myzee communiquées la veille de l'audience, en soirée ; que les arguments contenus dans cette note ont été débattus à l'audience et que la société Myzee a pu y répondre, conformément au principe du contradictoire et au caractère oral de la procédure.
44. Bordeaux Métropole affirme que le principe du contradictoire a été parfaitement respecté sous le contrôle du président du tribunal ; que la connaissance de la transaction par [Localité 4] Métropole est légitime et nécessaire à son exécution ; que la clause de confidentialité n'a pas été violée conformément à l'alinéa 3 de cette clause ; que son intervention, étant accessoire, ne modifie ni l'objet ni les enjeux du litige.
Sur ce,
45. L'article 15 du code de procédure civile dispose :
« Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.»
L'article 16 du même code prescrit au juge, en toutes circonstances, de faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et de ne retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
L'article 132 du code de procédure civile impose à la partie qui fait état d'une pièce de la communiquer à toute autre partie à l'instance, la communication des pièces devant être spontanée.
46. Il n'est pas discuté par les sociétés Keolis qu'elles ont ajouté à leur dossier, tel que déposé au soutien de leurs conclusions orales devant le juge des référé, une note en réponse aux écritures que la société Myzee avait communiquées la veille.
Il n'est pas non plus discuté que le conseil de la société Myzee n'a pas pu prendre connaissance de cette note à l'audience, ce qui l'a conduit à adresser à ses confères, le lendemain de l'audience, un courrier par lequel il demande communication de cette note.
Il n'apparaît pas que les sociétés Keolis auraient répondu à ce courrier.
47. Le juge des référés, dans son ordonnance du 27 février 2024, a mentionné à titre liminaire et en réponse à la protestation de la société Myzee relative à la production de la note litigieuse, que, comme il l'avait indiqué en audience, il estimait que cette note ne constituait pas un complément de conclusions ni une pièce additionnelle mais simplement une note au soutien des observations orales qui avaient été développées lors de l'audience par les sociétés Keolis et débattues dans le respect du contradictoire. Le juge des référés a, en conséquence, écarté la contestation de la société Myzee à ce titre.
Toutefois, il n'est pas mentionné que l'appelante a pu prendre connaissance de cette note au cours de l'audience et aucun élément postérieur ne vient démontrer qu'elle a, par la suite, été portée à sa connaissance. Il n'a donc pas été loisible à la société Myzee de s'assurer que cet écrit était conforme aux observations orales des demanderesses. Même si l'ordonnance dont appel ne s'y réfère pas dans sa motivation, le fait qu'un document écrit n'a pas été régulièrement communiqué à une autre partie contrevient au principe du contradictoire.
48. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de la société Myzee de ce chef et de prononcer la nullité de l'ordonnance du 27 février 2024.
Les parties ont conclu sur les autres demandes ; la cour, saisie du litige en qualité de juge des référés par l'effet dévolutif de l'appel, statuera donc sur les autres exceptions opposées par la société Myzee et la demande principale des sociétés Keolis.
Sur la recevabilité des demandes des sociétés Keolis
49. La société Myzee rappelle qu'elle bénéficie d'une procédure de sauvegarde en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Brive en date du 19 juillet 2024.
Elle fait valoir que, en conséquence, toute demande en paiement formée à son encontre est irrecevable par l'effet des dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce et que la cour ne peut que juger qu'il n'y a pas lieu à référé, étant incompétente pour fixer une créance à son passif.
50. Les sociétés Keolis répliquent que l'instance relative à l'ordonnance dont appel ne tend pas au paiement d'une somme d'argent mais à une obligation de faire assortie d'une astreinte, de sorte qu'elle n'est pas concernée par la règle de l'arrêt des poursuites.
51. Bordeaux Métropole indique faire siens les développements des sociétés Keolis et ajoute qu'elle ne demande pas d'admettre des créances au passif de la société Myzee mais de fixer le montant de sa créance correspondant à son article 700 du code de procédure civile, demande pour laquelle le juge des référés est compétent puisqu'elle ne tend qu'à régler les frais de l'instance auxquels est tenu l'appelant.
Sur ce,
52. L'article L.622-21 du code de commerce dispose :
« I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. (...)»
En vertu de l'article L.622-22 du même code, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
53. Il est constant en droit que, par application de ces textes, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, au sens du second de ces textes.
Il est également constant que la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le premier texte susvisé ne porte que sur les actions tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'elle n'est donc pas applicable aux actions tendant à une obligation de faire.
54. En l'espèce, la demande présentée en référé par les sociétés Kolis a pour objet de contraindre la société Myzee à restituer à la société KB2M les données des clients usagers des transports en commun, ce qui s'analyse en une obligation de faire.
55. L'action des sociétés Keolis contre la société Myzee, bénéficiaire d'une procédure de sauvegarde, est donc recevable.
Sur la fin de non-recevoir pour défaut du droit d'agir des sociétés KBM et KB2M
56. La société Myzee soutient, en application des articles 32 et 2044 du code civil, que l'action des sociétés Keolis est irrecevable, dès lors que la réversibilité contractuelle des données est en lien avec le remplacement de l'application Witick par celle de TBM qui a fait l'objet d'une transaction mettant fin au différend au présent et pour l'avenir ; que cette transaction a également reconduit le contrat SaaS et forme un tout avec les autres contrats conclus auparavant.
57. Les sociétés Keolis répliquent qu'il n'y a aucun lien entre la transaction et la demande de communication des données en raison de l'échéance du contrat au 31 décembre 2023 résultant du contrat du 7 février 2019 ; que l'objet de la transaction est le règlement du différend relatif à la propriété intellectuelle de l'outil informatique Witick ; que la question de la réversibilité qui y est évoquée n'est qu'une conséquence du report du terme du contrat et ne peut par principe avoir été réglée ; que la présente instance ne concerne pas des droits de propriété intellectuelle, mais la seule exécution d'obligations contractuelles.
58. Bordeaux Métropole indique que la demande de restitution des données récoltées dans le cadre du contrat SaaS n'entre pas dans le cadre du « différend » visé par la transaction qui avait pour objet la validité d'une demande de brevet déposée par la société Myzee. Elle fait valoir que s'il devait être considéré que les modalités d'exécution du contrat SaaS entrent dans le périmètre de la transaction, celle-ci serait exécutée de mauvaise foi par la société Myzee prétendant échapper aux droits et obligations qui lui incombent du fait de la transaction, et n'aurait pas d'effet extinctif du litige de ce seul chef en application des articles 31 et 2052 du code de procédure civile.
Sur ce,
59. L'article 2044 du code civil définit la transaction comme un contrat, obligatoirement établi par écrit, par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
L'article 2048 du code civil dispose :
« Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.»
L'article 2049 du même code précise que les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris.
Enfin, en vertu de l'article 2052 du code civil, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.
60. La transaction conclue le 29 juin 2023 entre les sociétés KBM, KB2M et Myzee a pour objet de mettre fin 'de manière définitive et irrévocable' au différend ainsi défini au préambule du document : « tous griefs, litiges, droits, droits d'action, recours, plaintes, poursuites, procédures, réclamations, contestations ou demandes, présents ou futurs, résultant directement ou indirectement :
- de la demande de proposition dénommée 'R.F.P. (Request For Proposal) Demande de proposition [M-Tickets]' de septembre 2022, ainsi que de tous documents et/ou échanges en lien avec cette demande de proposition, et plus généralement du système billettique de titres de transport dématérialisés sur mobile fourni directement ou indirectement par KBM et/ou KB2M ;
- de toute éventuelle divulgation du contenu du brevet FR 3 121 770 antérieurement à la date de mise à la disposition du public de la demande de brevet correspondante.»
La question de la réversibilité des données n'y est pas mentionnée comme étant une composante du différend détaillé ci-dessus.
61. En conséquence, les sociétés Keolis sont recevables à agir contre la société Myzee au titre de la garantie de réversibilité des données.
Sur la fin de non-recevoir pour défaut du droit d'agir de l'EPCI [Localité 4] Métropole
62. Au visa de l'article 330 du code de procédure civile, la société Myzee soutient que l'intervention volontaire de [Localité 4] Métropole est irrecevable dès lors qu'elle est faite à titre accessoire ; qu'une intervention volontaire à titre accessoire à une instance occupant d'autres parties n'a strictement rien à voir avec une action en justice à titre principal ; que [Localité 4] Métropole ne démontre pas remplir les conditions légales prévues aux articles L5211-9, L5211-2, L2122-21 et L2122-22 du code général des collectivités territoriales qui lui sont propres pour agir en ne produisant pas le procès-verbal régulier de délibération du conseil métropolitain dûment transmis au représentant de l'État pour autoriser son président à intervenir à titre accessoire à une instance quelconque ; que les délégations de pouvoirs produites par [Localité 4] Métropole ne confèrent pas à son président le pouvoir d'intervenir volontairement à titre accessoire à l'action d'un tiers.
63. L'EPCI [Localité 4] Métropole répond qu'il a communiqué les procès-verbaux de délibération du Conseil de Métropole habilitant son président à décider d'ester en justice et représenter [Localité 4] Métropole devant toute juridiction tant en défense qu'en action ; que celui-ci bénéficie donc d'une délégation générale pour ester en justice ou représenter en justice la collectivité, précisant que l'intervention principale ou accessoire constitue une demande en justice.
L'EPCI affirme avoir intérêt à intervenir au soutien des prétentions des sociétés Keolis en raison de l'atteinte à l'image institutionnelle de [Localité 4] Métropole et du service public, du fait de la rétention abusive pendant plus de six mois des données par l'appelante ; que ces données sont nécessaires au fonctionnement du service public et qu'elles constituent des biens de retour appartenant à [Localité 4] Métropole au sens de l'article L3132-4 du code de la commande publique.
64. Les sociétés KBM et KB2M font observer que [Localité 4] Métropole a produit un extrait des délibérations validant la recevabilité de son intervention accessoire, outre le fait que l'intérêt de son intervention ne saurait faire débat.
Sur ce,
65. L'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales dispose :
« Le président est l'organe exécutif de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) Il représente en justice l'établissement public de coopération intercommunale. (...)»
Selon l'article L. 5211-2 du même code :
« A l'exception de celles des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 2122-4, les dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au maire et aux adjoints sont applicables au président et aux membres du bureau des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre.»
L'article L. 2122-21 de ce code énonce :
« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (...) 8° De représenter la commune soit en demandant, soit en défendant (...).»
Enfin, l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales autorise le maire, par délégation du conseil municipal, à intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, ce en tout ou partie, et pour la durée de son mandat.
Par ailleurs, l'article 325 du code de procédure civile dispose :
« L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.»
66. Il est constant en droit que le président d'un établissement public de coopération intercommunale n'a qualité pour engager une action en justice au nom de la collectivité, qu'à condition de bénéficier soit d'une délégation générale pour ester en justice ou représenter en justice la collectivité, soit aux mêmes fins, d'une habilitation pour une instance donnée.
En l'espèce, l'EPCI [Localité 4] Métropole produit à son dossier les délibérations n°2020-142 et n°2024-118 par laquelle a été accordée à ses présidents successifs, au cours de la période considérée pour le présent litige, une délégation générale pour ester ou représenter en justice [Localité 4] Métropole « devant toute juridiction tant en défense qu'en action ». Il en résulte que le président du conseil de [Localité 4] Metropole a reçu délégation pour agir en justice, l'intervention volontaire, même accessoire, étant regardée comme une action en justice par application combinée des articles 30, 31 et 63 et suivants du code de procédure civile.
Par ailleurs, en vertu des articles L.5217-2 du code général des collectivités territoriales et L.1231-1 du code des transports, la métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, la compétence en matière d'organisation de la mobilité au sens des articles L. 1231-1, L. 1231-8 et L. 1231-14 à L. 1231-16 du code des transport ; elle est l'autorité organisatrice de la mobilité dans son ressort territorial, ce qui fonde son intérêt à agir dans le présent procès.
67. L'intervention volontaire de l'EPCI [Localité 4] Metropole sera donc déclarée recevable.
Sur la demande principale des sociétés Keolis
68. Les sociétés Keolis tendent au transfert des données et droits des clients, prévu par le contrat SaaS à l'arrivée de son terme.
Elles exposent que le contrat a pris fin le 31 décembre 2023 à défaut d'exercice de l'option de renouvellement par la société Myzee ; que celle-ci n'a pas répondu à leur courrier sur les modalités du transfert des données, ni déféré à la demande pourtant claire et sans équivoque, ce en violation de ses engagements contractuels.
Les sociétés Keolis soutiennent que, en application des articles 872 et 873 du code de procédure civile, il relève de la compétence du juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, d'ordonner toute mesure conservatoire destinée à faire cesser un trouble manifestement illicite ou à prévenir un dommage imminent ; qu'il est incontestable que la société Myzee a refusé de restituer les données sans aucune justification pendant près de six mois, les contraignant à saisir le premier président d'une demande de radiation de l'appel de la société Myzee et à solliciter la liquidation de l'astreinte ; que le trouble était caractérisé par la prise en otage des usagers qui n'ont pas pu être remboursés des tickets dématérialisés non encore utilisés au 31 décembre 2023.
69. [Localité 4] Métropole affirme que le refus de la société Myzee de mettre en 'uvre le plan de réversibilité des données, alors que le contrat avait pris fin du fait de l'absence d'option de prorogation du contrat, constitue une violation de ses engagements contractuels ; que la rétention des données constituait un trouble manifestement illicite et créait un dommage imminent pour les sociétés Keolis qui étaient dans l'impossibilité de réaliser leur mission de service public, concédée en vertu d'un contrat de délégation de service public.
70. La société Myzee conteste tout trouble manifestement illicite en rappelant que les sociétés Keolis n'ont pas respecté les deux délais de 30 jours prévus d'une part pour une résolution amiable du différend, d'autre part pour la restitution des données clients.
Sur ce,
71. L'article 872 du code de procédure civile dispose :
« Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.»
L'article 873 du même ajoute :
« Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.»
72. L'article 5.3 du contrat SaaS stipule :
« En cas de cessation du contrat pour quelque cause que ce soit, le prestataire, sans pouvoir exciper d'aucun droit de rétention, restituera au client dans un délai maximum de 30 jours calendaires à compter de la date de cessation effective du contrat, l'ensemble des éléments en sa possession appartenant au client et notamment les données lui appartenant.»
L'article 1 de ce contrat définit les termes utilisés dans le contrat et notamment celui de 'données' :
« s'entend des données auxquelles le prestataire a accès au cours de l'exécution du contrat, appartenant au client ou obtenues par le biais de ce dernier. S'entend également des données appartenant client, traitées par la Solution pendant la durée du contrat. Les données peuvent prendre différentes formes (fichiers de texte, images, vidéos, données personnelles telles que visées à l'article 'données personnelles ci-dessous etc.) »
Le mot Solution y est ainsi défini :
« s'entend de l'application mobile permettant aux usagers de transports en commun d'acheter et de valider un titre de transport par l'utilisation d'un téléphone portable dans lequel figure cette application logicielle d'une part, ainsi que le système informatique de gestion des clients enrôlés sous ladite application, dont l'application SAV, ainsi que les contrats associés et de gestion des interfaces avec les systèmes tiers tels que la plate-forme de paiement et le système billettique fourni par Thalès. »
L'article 18 du contrat, intitulé 'données personnelles, stipule le préambule suivant au paragraphe 18.1. :
« Dans le cadre de la vente, la validation et le contrôle de titre de transport dématérialisé, le prestataire, spécialisé dans les solutions de mobile ticketing, est notamment en charge de la gestion des comptes des usagers du réseau TBM, de leurs achats de titres dématérialisés et de leurs validations. Dans ce cadre, le prestataire assure l'intégration de la solution de paiement du client pour la vente de titre dématérialisé.»
Enfin l'article 12.6 du contrat stipule la garantie de réversibilité suivante :
« En cas de cessation de la relation contractuelle, quelle qu'en soit la cause, le prestataire s'engage à restituer, gratuitement et sans délai, au client une copie de l'intégralité des données sous un format ouvert, standard, lisible sans difficulté (fichier plat), ce sans pouvoir exciper d'aucun droit de rétention, ainsi que plus généralement à mettre en 'uvre le plan de réversibilité décrit en annexe.»
À cet égard, l'annexe 5 du contrat prévoit que la réversibilité doit se dérouler selon les étapes suivantes :
« 1. le prestataire extrait les données suivantes de ses bases de données :
- e-mails des comptes usagers
- achats par compte usager : date d'achat, titres achetés, nombre de voyages restants
- validations par compte usager : nombre de validations, titres validés, localisation des validations des dernières 48 heures (ligne, arrêt et numéro de véhicule) ;
2. le prestataire transmet les données via un protocole de transfert de fichiers sécurisé choisi par le client ;
3. le client accuse bonne réception des données par procès-verbal ;
4. le prestataire efface les achats et validations liés aux usagers de ses bases de données.
Le prestataire s'engage à appliquer le plan de réversibilité sous tente jours à compter de la demande du client.»
73. Le principe de la restitution des données au terme du contrat n'est pas discuté par la société Myzee. Les données clients restituables y sont clairement définies ainsi que la procédure de leur restitution.
74. Au jour de l'audience de renvoi, soit le 6 février 2024, il est constant que la société Myzee n'avait pas exécuté sa garantie de réversibilité alors que le délai qui lui était imparti pour ce faire, indépendant du délai prévu pour une résolution amiable du litige, était expiré depuis le 31 janvier précédent.
De plus, les utilisateurs de l'application Witick, usagers des transports en commun sur le territoire de [Localité 4] Metropole, n'avaient plus accès à leurs titres dématérialisés en raison du fait que la société Myzee avait coupé l'accès à cette application le 31 décembre 2023. Une telle difficulté concernant l'utilisation d'un service public revêt la qualification de trouble manifestement illicite et justifiait la mesure de remise en état consistant à enjoindre à la société prestataire de transférer les données définies par les sociétés Keolis conformément à l'annexe 5 du contrat.
75. Les sociétés Keolis étaient donc fondées à réclamer une telle restitution en référé, ce sous astreinte.
76. Compte tenu de l'évolution du litige, il sera donné acte aux parties de ce que cette restitution a été faite le 6 juin 2024, ainsiqu'il résulte des constatations de Maître [G], commissaire de justice. Le prononcé d'une nouvelle astreinte est donc sans objet.
Sur la demande de statut légal de fournisseur de S.N.M.
77. La société Myzee demande que soit ordonné à la société KB2M de lui remettre un contrat de délivrance de produits tarifaires similaire à celui consenti en 2019 et reconduit jusqu'en 2023 comprenant la rémunération habituelle de son service, sous astreinte provisoire de 4 000 euros par jour de retard passé la date du 15 avril 2025 pour une durée de quatre mois.
L'appelante soutient qu'en application des articles L.1115-10 et L.1115-11 du code des transports et de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, les sociétés Keolis ont l'obligation légale non sérieusement contestable de lui remettre un contrat conforme puisque l'Autorité de Régulation des Transports (ci-après ART) a rendu une décision définitive le 15 octobre 2024 reconnaissant que sa demande tendant à la négociation et à la conclusion d'un contrat de service numérique multimodal était fondée et enjoignant à la société KB2M d'y procéder.
La société Myzee fait valoir que cette demande incidente présente des liens suffisants avec la demande principale.
78. Les sociétés Keolis répliquent que cette demande est irrecevable pour défaut de lien suffisant avec la demande initiale, en application de l'article 64 du code de procédure civile ; qu'en outre, elle se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision de l'ART du 15 octobre 2024 ; que cette demande n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, conformément à l'article L1263-5 du code des transports.
Les intimées font également valoir que cette demande est infondée en raison de l'existence de contestations sérieuses puisque la société Myzee n'a jamais justifié respecter les critères posés par loi, outre le fait que le contrat de service numérique multimodal ne prévoit pas de rémunération obligatoire.
79. [Localité 4] Métropole sollicite le rejet de la société Myzee, considérant, au visa de l'article 484 du code de procédure civile, que le juge des référés n'a pas la compétence d'imposer aux sociétés Keolis de fournir à l'appelant un contrat de fournisseur de service numérique multimodal, qu'en outre l'ART a fait droit à la demande de la société Myzee tendant à l'obtention d'un contrat de fournisseur de service multimodal.
Sur ce,
80. L'article 484 du code de procédure civile dispose :
« L'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires ».
81. A cet égard, il est constant en droit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'enjoindre à une partie d'entrer en négociation avec une autre partie aux fins de conclusion d'un contrat.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive
82. La société Myzee tend au paiement d'une provision à valoir sur des dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant du caractère abusif de la présente procédure engagée par les sociétés Keolis.
Elle explique que les sociétés Keolis ont saisi en référé le premier président de la cour d'appel de Bordeaux en radiation du rôle alors qu'elle avait exécuté la décision de première instance ; qu'elles ont fait liquider l'astreinte ordonnée ; qu'elle a dû saisir la juridiction des référés visée au contrat pour obtenir le paiement de sa rémunération ; que l'action des sociétés Keolis est exercée au mépris des conditions de recevabilité prévues par la loi.
83. Les sociétés Keolis contestent la demande, soulignant qu'une demande au titre d'une procédure abusive ne peut concerner que la procédure en cours alors que la procédure d'appel a été initiée par la société Myzee ; elles précisent que les autres procédures ont été justifiées par la résistance de l'appelante.
84. Bordeaux Métropole renvoie à son tableau de la chronologie des différentes procédures et en tire la conséquence que cette demande est mal fondée puisque les instances dont se plaint aujourd'hui l'appelante sont le fruit de sa propre résistance abusive.
Sur ce,
85. Il a été jugé supra que les sociétés Keolis étaient fondées à réclamer que la société Myzee soit contrainte, de surcroît par une astreinte, à restituer les données litigieuses, ce conformément à ses obligations contractuelles très clairement et précisément énoncées dans la convention du 7 février 2019. L'abus de procédure n'est donc pas démontré. Cette demande sera rejetée.
86. La société Myzee sera tenue aux dépens de première instance et d'appel et supportera la somme de 2.000 euros au profit de chacun des intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces frais irrépétibles et les dépens de la présente instance, nés pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, seront employés en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde de l'appelante.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 7 juin 2024 par la société Myzee Technology.
Prononce la nullité de l'ordonnance prononcée le 27 février 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux.
Rejette les exceptions et les fins de non recevoir soutenues par la société Myzee Technology.
Dit que le défaut d'exécution, à la date du 6 février 2024, de la garantie de réversibilité des données prévue à l'article 12.6 du contrat SaaS constituait un trouble manifestement illicite,
Dit que la société Keolis [Localité 4] Metropole et la société Keolis [Localité 4] Métropole Mobilités étaient fondées à réclamer en référé, sous astreinte, la restitution des données suivantes :
- adresse e-mail du compte usager ;
- date d'achat ;
- titre acheté (nom du produit) ;
- nombre de voyages restants.
Vu l'évolution du litige,
Donne acte aux parties de ce que cette restitution a été faite le 6 juin 2024.
Déboute la société Myzee Technology de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre du contrat de fournisseur de service multimodal.
Fixe la créance de la société Keolis [Localité 4] Metropole à la procédure de sauvegarde de la société Myzee Technology au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 2.000 euros.
Fixe la créance de la société Keolis [Localité 4] Metropole Mobilités à la procédure de sauvegarde de la société Myzee Technology au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 2.000 euros.
Fixe la créance de l'Etablissement public de coopération intercommunale [Localité 4] Metropole à la procédure de sauvegarde de la société Myzee Technology au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 2.000 euros.
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.