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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 11 avril 2025, n° 22/20200

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Volvo Car France (SAS)

Défendeur :

JSA (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Fromantin, Me Boccon Gibod

T. com. Versailles, du 3 juin 2021

3 juin 2021

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Volvo Car France (la société Volvo) importe en France des automobiles et des pièces de rechange de la marque Volvo.

La SARL Nexus Développement (la société Nexus) exerce une activité de prestations de services informatiques. Elle a été créée le 1er août 1995 par M. [P] [G], qui était antérieurement salarié par la société Volvo.

Le 31 juillet 1995, la société Volvo a signé avec la société Nexus un contrat de prestation de services informatiques à durée déterminée, prévoyant une rémunération journalière par intervenant.

Par avenant du 7 janvier 1997, ce contrat a été conclu pour une durée indéterminée. Il a fait l'objet, ensuite, de deux avenants, signés les 2 juillet 1997 et 7 septembre 2001, portant augmentation du montant de la rémunération journalière.

Le 3 décembre 2001, les parties ont signé un nouveau contrat, en vue de mettre en place une collaboration au titre des services dits "CAS" (Common Application System), d'une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2002. Elles ont ensuite conclu plusieurs contrats afférents aux services CAS, les 10 décembre 2003, 31 décembre 2004 et 8 décembre 2005, d'une durée reconductible d'un an, suivis d'un ultime contrat de collaboration en date du 20 décembre 2006, d'une durée de six mois renouvelable par tacite reconduction par périodes de six mois, qui prévoyait que chaque partie demeurait libre de mettre fin aux relations contractuelles à chaque échéance du contrat, moyennant le respect d'un préavis de trois mois.

Les parties ont continué à collaborer durant les années suivantes, tout en convenant de certains réajustements tarifaires et aménagements de la prestation.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 7 janvier 2020, la société Volvo a informé la société Nexus de sa décision de mettre fin à la relation, en lui indiquant que celle-ci serait effective à l'issue d'un préavis de douze mois, au jour du 10 janvier 2021.

Après la survenance de la crise sanitaire, au printemps de l'année 2020, les parties ont repris leur collaboration sur les mêmes bases contractuelles. Elles ont signé un avenant, en date du 28 septembre 2020, prévoyant l'intervention du chef de projet à raison de cinq jours par semaine, au lieu de quatre jours initialement prévus, en raison du décès de l'un des salariés de la société Nexus, et sont convenues de proroger la fin de la relation contractuelle jusqu'au 10 mars 2021, afin de tenir compte de la suspension partielle du contrat pendant la période de confinement.

Par jugement en date du 3 juin 2021, le tribunal de commerce Versailles a prononcé la résolution du plan de continuation dont bénéficiait la société Nexus et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, la SELARL JSA, prise en la personne de maître [S] [U] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Suivant exploit du 21 décembre 2021, la société Nexus a fait assigner la société Volvo devant le tribunal de commerce de Paris, afin d'obtenir sa condamnation à l'indemniser du préjudice résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie.

La SELARL JSA ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nexus est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement en date du 7 novembre 2022, le tribunal a :

- Condamné la société Volvo à payer à la SELARL JSA prise en la personne de maître [S] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nexus la somme de 78.543,87 ' à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la société Volvo à payer à la SELARL JSA prise en la personne de maître [S] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nexus la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- Condamné la société Volvo aux dépens.

La société Volvo a formé appel du jugement, par déclaration du 1er décembre 2022.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 24 mai 2023, la société Nexus a interjeté un appel incident.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 17 décembre 2024, la société Volvo Car France demande à la Cour, au visa de l'article L. 442-1 du code de commerce et des articles 1102, 1210 du code civil, de :

"Infirmant le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 7 novembre 2022, et statuant à nouveau :

A titre principal

DIRE ET JUGER que le préavis de rupture accordé par Volvo Car France à Nexus Developpement est suffisant et que la rupture n'est pas brutale

DEBOUTER en conséquence la Selarl JSA ès-qualité de Mandataire liquidateur de la société Nexus Developpement en ses demandes

A titre subsidiaire

DIRE ET JUGER que la marge alléguée par Nexus Developpement sur l'activité Volvo n'est pas démontrée

DEBOUTER de surcroit la Selarl JSA ès-qualité de Mandataire liquidateur de la société Nexus Developpement en ses demandes

En tout état de cause

INSCRIRE AU PASSIF de la société Nexus Developpement une somme de 10 000 ' en application des dispositions de l'article 700 du CPC."

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 15 janvier 2025, la SELARL JSA prise en la personne de maître [S] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nexus Développement demande à la Cour, sur le fondement des articles L. 442-1 et suivants du code de commerce et 1240 du code civil, de :

"A titre principal,

CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que les relations commerciales entre les parties étaient établies, ont duré 25 ans et ont été interrompues brutalement à l'initiative de la société Volvo Car France, et en ce qu'il a condamné la société Volvo Car France à payer à la SELARL JSA prise en la personne de Maître [S] [U] ès qualité la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a fixé un préavis de 18 mois et retenu qu'un préavis de 13 mois avait déjà été exécuté,

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de la société Volvo Car France au paiement de la somme de 78.543,87 euros à titre de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNER la société Volvo Car France à verser à la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [S] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Nexus Developpement la somme de 188.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties depuis 25 années,

Subsidiairement,

CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Volvo Car France à payer à la SELARL JSA prise en la personne de Maître [S] [U] ès qualité la somme de 78.543,17 euros à titre de dommages et intérêts, 3.000 euros au titre de l'article 700 et à supporter les entiers dépens,

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Volvo Car France à verser à la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [S] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Nexus Developpement la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société Volvo Car France à supporter les entiers dépens de l'instance."

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie

Énoncé des moyens,

La société Nexus prétend que la relation commerciale était établie entre les parties depuis l'année 1995, date à laquelle elle a été créée afin de sous-traiter des prestations informatiques pour le compte de la société Volvo, en soulignant qu'elle assurait dès avant 2001 les services dits CAS, dont M. [G] avait la charge en tant qu'ancien salarié de son sous-traitant. Elle considère avoir été victime d'une rupture brutale de la relation, au sens des dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce, du fait de l'insuffisance de la durée de préavis concédée par la société Volvo. Elle fait valoir, à cet égard, qu'elle aurait dû bénéficier d'un délai de vingt-quatre mois compte tenu de l'ancienneté de la relation, équivalente à vingt-cinq années ; elle invoque, en outre, son état de dépendance économique en expliquant qu'elle réalisait avec la société Volvo 83,73 % de son chiffre d'affaires et que ses salariés entretenaient un rapport quasi hiérarchique à l'égard de son partenaire commercial, pour le compte duquel elle réalisait des prestations spécifiques. Pour justifier du calcul de son préjudice, estimé à 188.500 ', elle se prévaut d'une attestation d'expert-comptable faisant état d'un taux de marge annuelle de 62,48 %.

La société Volvo ne conteste pas le caractère établi de la relation. Elle soutient, pour autant, que le délai de douze mois de préavis, porté ensuite à quatorze mois, qu'elle a accordé à la société Nexus était suffisant, en soulignant qu'il doit être tenu compte du préavis réellement effectué. Elle réplique que les parties ont noué une nouvelle relation en 2001, dans le cadre d'un "contrat de collaboration" au titre des services dit "CAS", distincte de la relation ayant débuté en 1995, qui portait elle-même sur une prestation de services informatiques généraux, ce dont elle déduit que la relation durait seulement depuis dix-neuf ans au moment de la notification de la rupture. Elle ajoute que l'état de dépendance économique allégué par la société Nexus résulte d'un choix délibéré de sa part, alors que les contrats prévoyaient qu'elle demeurait libre de développer sa clientèle, dans un secteur offrant de nombreux débouchés, et s'engageait, de surcroît, à conserver son indépendance. Elle considère, dans ce prolongement, que la société Nexus n'était confrontée à aucune difficulté de reconversion, sans pouvoir arguer utilement de l'existence d'un marché spécialisé. Subsidiairement, elle prétend que la société Nexus ne justifie pas du taux de marge sur coût variable qu'elle allègue, propre à démontrer son préjudice.

Réponse de la Cour,

Selon l'article L. 442-1, II, du code de commerce, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable au jour de la rupture litigieuse, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

Le même texte précise que, en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Sur l'existence d'une relation commerciale établie

Une relation commerciale établie présente un caractère suivi, stable et habituel et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment, qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.

Dans le cas présent, les parties s'accordent à reconnaître, au vu de la conclusion de contrats successifs, qu'il existait entre elles une relation établie, pour le moins depuis la conclusion du "contrat de collaboration" signé le 3 décembre 2001, cependant que la société Nexus prétend que cette relation aurait débuté dès l'année 1995.

Il est constant que le contrat signé initialement le 31 juillet 1995 n'a pas été versé aux débats. L'avenant n° 3 signé le 7 septembre 2001 y fait néanmoins référence ; il précise ainsi que la société Nexus a fait valoir que la rémunération n'était plus adaptée au contenu effectif de la prestation, "compte tenu des nouvelles applications couvertes", et que les parties sont convenues d'augmenter son montant, tout en prévoyant que le domaine d'intervention du prestataire couvrirait, rétroactivement à compter du 1er mai 2001, notamment les postes "AAA, Transferts SAP vers FCE (facturations concessionnaires), Transferts paye ADP vers SAP, Traitements ACTA, Traitements des CD La Poste (Mediapost) et CVA".

Le contrat conclu le 3 décembre 2001 rappelle, quant à lui, que les parties ont décidé de mettre en place une collaboration à compter du 1er janvier 2002, au titre de prestations informatiques afférentes à des services dits "CAS". Il comprend, plus précisément, les stipulations suivantes :

"1. Contenu de la prestation

1.1. Nexus assurera auprès de VAF les services dits CAS, services dont les parties déclarent avoir une parfaite connaissance de telle sorte qu'il n'est pas nécessaire de les définir ici.

Pour toute question qui pourrait se poser quant au contenu effectif de cette prestation, les parties conviennent de faire expressément référence au contrat conclu entre elles le 31 juillet 1995, tel que modifié par avenant (sic) successifs n° 1, 2 et 3.

1.2 En sus des prestations décrites ci-dessus, Nexus assurera une prestation support 2ème niveau sur la partie CAS après-vente (')

3. Modalités de la prestation

Pour ce qui concerne les modalités de la prestation, les parties font référence aux dispositions du contrat signé entre elles le 31 juillet 1995 (et notamment l'article 6), tel que modifié par avenants successifs n° 1, 2 et 3, qui seront applicables en tous leurs termes qui ne dérogent pas aux dispositions du présent contrat (')".

Le contenu des services dits CAS n'est pas défini dans le nouveau contrat conclu en 2001, lequel renvoie à la convention signée précédemment en 1995, en cas de difficulté d'interprétation. Contrairement à ce que soutient la société Volvo, il est ainsi établi que le contrat conclu en 1995 incluait déjà des services dits CAS, encore que ceux-ci n'aient pas été visés expressément dans l'avenant n° 3, ce dont il résulte que les deux contrats avaient pour objet des prestations en partie identiques.

La Cour dira, en conséquence, que la relation commerciale entre les parties a commencé à compter du 31 juillet 1995 et qu'elle durait depuis près de vingt-cinq ans, au jour où la société Volvo a informé la société Nexus qu'elle entendait y mettre fin, par courrier du 7 janvier 2020.

Il résulte des échanges de mails, en date en date des 1er avril, 6 mai et 4 juin 2020, que la société Volvo a notifié à la société Nexus la suspension partielle de la relation commerciale à compter du 6 avril 2020, du fait de la crise sanitaire. Les salariés de la société Nexus ont alors continué à intervenir seulement à temps partiel, la reprise de leur activité à temps plein ayant été fixée à la date du 2 juin. Par courriels des 1er avril et 17 septembre 2020, la société Volvo a, de ce fait, accepté de proroger à la date du 10 mars 2021 l'échéance de la fin de la relation, ce que les parties ont ratifié aux termes de l'avenant du 28 septembre 2020. Il n'en demeure pas moins que la société Volvo n'est pas fondée à prétendre que la société Nexus aurait bénéficié d'un préavis effectif de quatorze mois, en raison de la suspension partielle de leur collaboration, dès lors que, par hypothèse, la relation n'avait pas été maintenue aux conditions antérieures.

Il y a lieu de considérer que la société Nexus a, de la sorte, bénéficié d'un préavis effectif de douze mois.

Sur le caractère brutal de la rupture au regard de la durée du préavis

Le préavis suffisant s'apprécie en tenant compte notamment de la durée de la relation commerciale, mais également des autres circonstances notamment de l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée (Com., 20 mai 2014, n° 13-16.398, publié au Bulletin).

A titre liminaire, la Cour souligne que la durée du préavis minimum qui doit être accordé au partenaire évincé s'apprécie au moment de la notification de la rupture. Le moyen tiré du placement en liquidation judiciaire de la société Nexus ne saurait ainsi être pris en considération pour apprécier la durée suffisante du préavis dont elle devait bénéficier, s'agissant d'un événement l'ayant affectée ultérieurement.

Comme il a été dit, la durée de la relation commerciale établie était, en l'espèce, de près de vingt-cinq années, au jour de la rupture. Il doit ainsi être tenu compte de l'ancienneté importante de cette relation.

Il apparaît, de surcroît, que la société Nexus réalisait avec la société Volvo l'essentiel de son chiffre d'affaires, de l'ordre de 316.889 ' HT, ce qui correspondait à une moyenne de 83,73 % sur les exercices 2013 à 2019. Ce chiffrage résulte d'une attestation d'expert-comptable, dont l'analyse est corroborée par les bilans des exercices 2017, 2018 et 2019. La valeur probante de cette attestation n'est pas utilement contestée par la société Volvo, qui ne fait état d'aucun élément précis, notamment en termes de calcul, de nature à remettre en cause l'exactitude des chiffres ainsi certifiés.

De plus, comme l'a relevé le tribunal de commerce, le marché sur lequel intervenait la société Nexus était relativement spécialisé, ce qui impliquait des compétences spécifiques de ses salariés ; à cet égard, la société Volvo explique elle-même que le contrat de 2001 portait sur la fourniture de services spécifiques aux importateurs "automobiles", en l'occurrence les services dits CAS.

Il reste que la société Nexus disposait de la faculté de diversifier ses activités, pour s'implanter sur un marché plus vaste, couvrant le secteur général des prestations informatiques, celui-ci étant à la fois ouvert et concurrentiel. Compte tenu des services spécifiques qu'elle offrait, elle pouvait, pour le moins, prétendre déployer son activité auprès d'autres importateurs automobiles.

En tant que sous-traitant, elle n'était ainsi soumise à aucune clause d'exclusivité ; comme le fait valoir la société Volvo, le premier contrat de collaboration conclu le 3 décembre 2001 stipulait, d'ailleurs, expressément que la société Nexus était libre de développer sa clientèle et que son cocontractant ne pourrait être tenu pour responsable de son "absence de développement commercial" à l'issue de leur relation ; or, bien que cette clause n'ait pas été reprise dans les contrats conclus ultérieurement, entre 2003 et 2006, ceux-ci ne lui imposaient eux-mêmes aucune obligation d'exclusivité.

Contrairement à ce qu'elle soutient, la société Nexus ne justifie pas, faute d'élément concret, qu'elle aurait été assujettie à la société Volvo, quand bien même elle avait été créée par l'un de ses anciens salariés et que certains de ses collaborateurs devaient assurer une présence certains jours de la semaine, au sein de ses locaux, étant souligné que leur planning faisait l'objet, de façon régulière, de réaménagements librement négociés entre les parties.

Il s'ensuit que la société Nexus ne se trouvait pas dans l'impossibilité de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente à la relation nouée avec la société Volvo. Dans ces conditions, son état de dépendance économique n'apparaît pas caractérisé.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la durée suffisante du préavis sera estimée à dix-huit mois, comme l'a retenu le tribunal.

En concédant un préavis d'une durée de douze mois, inférieure à ce délai, la société Volvo s'est ainsi rendue responsable d'une rupture brutale de la relation commerciale établie ouvrant droit à indemnisation.

Sur la réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture

Lorsque le préavis accordé est insuffisant, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire (Com., 9 juillet 2013 n° 12-20.468, publié au Bulletin).

Le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période (Com., 28 juin 2023, pourvoi n° 21-16.940, publié au Bulletin).

Compte tenu de la durée importante de la relation commerciale, de près de vingt-cinq années, il convient de se référer au montant du chiffre d'affaires réalisé par la société Nexus avec la société Volvo sur les trois avant-derniers exercices des années 2017, 2018 et 2019. Il ne sera pas tenu compte de l'exercice 2020, qui n'apparaît pas représentatif en raison de la suspension partielle de la relation durant la crise sanitaire.

Il résulte de l'attestation d'expert-comptable versée aux débats que la part du chiffre d'affaires de la société Nexus réalisée avec la société Volvo était de 293.564 ' pour l'année 2017, 330.904 ' pour l'année 2018 et 280.649 ' pour l'année 2019, soit une moyenne de 301.705 '.

L'expert-comptable précise que le taux de marge brute s'élevait à 60,30 % pour l'année 2017, à 63,31 % pour l'année 2018 et à 63,77 % pour l'année 2019, ce qui correspond à une moyenne de 62,46 %. La valeur probante de cette attestation n'est pas utilement contestée par la société Volvo. En tout état de cause, comme le fait valoir la société intimée, s'agissant d'une activité de services, pour calculer le taux de marge, il n'y a pas lieu de déduire des charges variables en sus des salaires, primes et charges sociales.

Le préjudice doit donc être évalué selon le calcul suivant :

(301.705 ' / 12 X 62,46 %) X 6 mois = 94.222.47 '

La société Volvo sera, en conséquence, condamnée à payer à la société Nexus la somme de 94.222.47 ' en réparation de son préjudice. Le jugement sera corrélativement infirmé en ce qu'il a limité le montant de la condamnation à hauteur de 78.543,87 ', en calculant le montant du préjudice sur la base d'une durée de préavis de cinq mois au lieu de six mois.

Sur les autres demandes

La société Volvo succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, la Cour la condamnera aux dépens, ainsi qu'à payer à la SELARL JSA ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nexus une indemnité de 5.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Volvo Car France à payer à la SELARL JSA prise en la personne de maître [S] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Nexus Développement la somme de 78 543,87 euros à titre de dommages et intérêts, et débouté la SELARL JSA ès qualités du surplus de sa demande d'indemnisation,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Volvo Car France à payer à la SELARL JSA prise en la personne de maître [S] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Nexus Développement la somme de 94 222,47 euros en réparation de son préjudice,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Volvo Car France aux dépens de l'appel,

CONDAMNE la SAS Volvo Car France à payer à la SELARL JSA prise en la personne de maître [S] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Nexus Développement la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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