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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 15 avril 2025, n° 24/04508

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

L'heritage (SCI)

Défendeur :

La Vitrine De (SAS), Ekip (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Masson, Mme Jarnevic

Avocats :

Me Fonrouge, Me Remy, Me Le Borgne, Me Antoine

T. com. Angoulême, du 23 mai 2024

23 mai 2024

EXPOSE DU LITIGE

1- Par acte du 4 juin 2014, la société LJV1 a donné en location des locaux à usage commercial situés au [Adresse 4] à [Localité 6] à Mme [Y] [M] à compter du 1er mai 2014 jusqu'au 30 avril 2023. Le bail s'est poursuivi par tacite reconduction.

Par acte notarié du 26 novembre 2015, Mme [M], a cédé son droit au bail à la SAS La Vitrine de [Localité 6] en présence du bailleur.

Par acte notarié du 23 avril 2018, la SCI L'Héritage, spécialisée dans la construction et la gestion d'immeubles a acquis les locaux situés au [Adresse 4].

La SAS La Vitrine de [Localité 6] comprenait deux associés, Mme [O] [J] et M. [I] [B]. Mme [J], présidente de la société du 28 octobre 2015 au 29 avril 2021 a démissionné au profit de M. [I].

Du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2024, un contrat de sous-location commerciale a été signé entre le preneur et Mme [J].

Par jugement du 28 mars 2024, le tribunal de commerce d'Angoulême a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société La Vitrine de [Localité 6], convertie en liquidation judiciaire par jugement du 23 mai 2024 dont la SELARL Ekip' est désignée comme mandataire liquidateur.

2- Sur requête du ministère pubic, le juge commissaire au tribunal de commerce d'Angoulême a, par ordonnance réputée contradictoire du 30 septembre 2024:

- Autorisé la cession de gré à gré du droit au bail de l'immeuble sis à l'angle de la [Adresse 4] au numéro [Adresse 3], à usage de magasin avec une cave, cadastré AW[Cadastre 5], dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de SAS la Vitrine de [Localité 6] - [Adresse 4] au profit de Mme [J] [O], épouse de M. [B] [I], pour la somme de 3 500 euros.

- Dit que la bénéficiaire aura la faculté de se substituer toute personne morale dans les droits résultant à son profit de la présente ordonnance dans les limites des dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce.

- Dit que la prise de possession est fixée au jour où la présente ordonnance deviendra définitive, sous réserve que l'intégralité du prix soit versée entre les mains du liquidateur ainsi qu'une attestation d'assurance, à charge pour l'acquéreur de faire son affaire persornnelle du règlement des loyers directement entre les mains du bailleur.

- Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration au greffe du 14 octobre 2024, la SCI L'Heritage a relevé appel de l'ordonnance énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la SAS Victrine de [Localité 6] et son liquidateur judiciaire la SELARL Ekip', aux fins de voir rejeter la proposition d'achat de Mme [J] aux motifs que le bailleur n'avait pas été informé de l'offre de cession du droit au bail et n'avait pas pu consentir à la cession.

Le 31 octobre 2024, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 4 mars 2025.

Par acte de commissaire de justice du 21 novembre 2024, la société l'Héritage a vainement fait signifier l'assignation et la déclaration d'appel à la SAS La Vitrine de [Localité 6], un procès-verbal de recherches infructueuses ayant été dressé. Le 17 décembre 2024, l'appelant a vainement fait signifier ses conclusions à la SAS La Vitrine de [Localité 6].

Par acte de commissaire de justice du 31 décembre 2024, les conclusions de la SELARL Ekip' ont été vainement signifiées à la SAS La Vitrine de [Localité 6], un procès-verbal de recherches infructueuses ayant été dressé.

La SAS La Vitrine de [Localité 6] ne s'est pas constituée.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

3- Par dernières écritures notifiées par message électronique le 29 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la SCI L'Heritage demande à la cour de :

Vu l'article 1106 du code civil,

Vu l'article L 641-12 du code de commerce,

- Réformer l'ordonnance rendue par le juge-commissaire à la procédure collective de la société la Vitrine de [Localité 6] en date du 30 septembre 2024 et autorisant la cession du droit au bail pour les locaux situés à [Adresse 4] au profit de Madame [O] [J].

Ce faisant,

- Rejeter la proposition de rachat de Madame [O] [J].

- Condamner La SELARL Ekip' représentée par Me [K] [Z] ès qualité de liquidateur de la société la Vitrine de [Localité 6] à verser à la société SCI L'Heritage la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Statuer ce que de droit quant aux dépens

4- Par dernières écritures notifiées par message électronique le 23 décembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la SELARL Ekip' ès qualités de mandataire liquidateur de la société La Vitrine de [Localité 6] demande à la cour de :

Vu l'article 1106 du code civil,

Vu l'article L641-12 du code de commerce

- Statuer ce que de droit sur la demande de la SCI L'heritage tendant à voir réformer l'ordonnance rendue par le juge commissaire à la procédure collective de la société la Vitrine de [Localité 6] en date du 30 septembre 2024 et autorisant la cession du droit au bail pour les locaux situés à [Adresse 4], au profit de Madame [O] [J].

Ce faisant,

- Rejeter la proposition de rachat de Madame [O] [J].

- Débouter la SCI L'Heritage de sa demande de condamnation formée à l'encontre

de la Selarl Ekip', es qualité de liquidateur judiciaire de la société la Vitrine de [Localité 6], au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Moyens des parties:

5- Se fondant sur les dispositions des articles 1103 du code civil et L.641-12 du code de commerce, la SCI l'héritage soutient que le juge-commissaire a contrevenu aux clauses du bail commercial en autorisant la cession du droit au bail sans qu'elle ait été informée de l'offre de rachat ni interrogée sur son agrément d'un candidat preneur, de sorte qe l'ordonnance doit être infirmée.

6- La Selarl Ekip' es qualités s'en rapporte à justice sur la demande de la SCI l'héritage après avoir rappelé que celle-ci avait connaissance de l'offre de rachat du droit au bail et que l'intention des parties était de régulariser une situation de fait existant depuis plusieurs mois, la SCI ayant tacitement accepté une sous-location des locaux au profit de Mme [O] [J].

Réponse de la cour:

7- Selon les dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

8- Selon les dispositions de l'article L.641-12 du code de commerce, le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues aux contrats conclus avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent.

9- Il résulte de ces dispositions que la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisé par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d'ouverture à l'exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire.

10- En l'espèce, il est stipulé en page 6 du bail commercial du 4 juin 2014 que le preneur ne pourra céder son droit au bail ou sous-louer les lieux en dépendant en tout ou partie sans le consentement du bailleur sous peine de nullité des cessions ou sous-locations consenties au mépris de cette clause.

Il est en outre précisé que toute cession ou sous-location devra être réalisée par acte authentique auquel le bailleur sera appelé.

11- Il ne ressort d'aucune des pièces produites que le bailleur était été informé de l'offre de rachat du droit au bail par Mme [J] épouse [B], ni qu'un accord même implicite ait été donné à ce projet.

12- Dans ces conditions, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise, et, en l'absence d'accord du bailleur, de rejeter la requête aux fins de réalisation du droit au bail au profit de Mme [J].

Sur les demandes accessoires:

13- Il est équitable d'allouer à la SCI l'héritage une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort:

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 30 septembre 2024 par le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Angoulême;

Statuant à nouveau;

Rejette la proposition de rachat du droit au bail de Mme [O] [J],

Y ajoutant,

Fixe à 2000 euros, au passif de la liquidation judiciaire de la société la vitrine de [Localité 6], la créance de la SCI l'héritage sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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