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Décisions

CA Papeete, ch. A, 10 avril 2025, n° 24/00050

PAPEETE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Farehau Centre (SARL)

Défendeur :

Farehau Centre (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinez

Vice-président :

Mme Roger

Conseiller :

M. Ripoll

Avocats :

Me Eftimié-Spitz, Me Algan

Trib. civ. 1re inst. Papeete, du 10 nov.…

10 novembre 2023

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 14 mars 2013, Mme [G] [S] a donné à bail d'habitation à Mme [D] [J] et Mme [T] [A] un logement en bois comprenant quatre chambres d'une superficie de 300 m2 avec cour clôturée et jardin attenant ainsi que les meubles meublants située à [Adresse 8] pour une durée de un an renouvelable moyennant un loyer mensuel de 200 000 F CFP.

Par acte notarié du 17 juillet 2019, M [R] [I] et son épouse Mme [C] née [W] ont acquis le bien immobilier de Mme [G] [S] ;

Par acte d'huissier de justice du 23 août 2019 un congé de reprise pour habiter visant es dispositions de l'article LP 18 de la loi de Pays n° 2012-26 du 10 décembre 2012 a été délivré à Mme [D] [J] et à Mme [T] [A] par les époux [I] pour le 28 février 2020.

Par requête enregistrée le 20 octobre 2021 et acte d'huissier du 13 octobre 2021, les époux [I] ont fait assigner devant le tribunal civil de première instance de Papeete Mme [T] [A] et Mme [D] [J] avec mise en cause de Mme [G] [S].

Par jugement du 10 novembre 2023, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la sarl Farehau Centre,

- dit que le contrat de bail conclu par acte sous seing privé entre Mme [G] [S] et Mmes [D] [J] et [T] [A] en date du 14 mars 2013 se trouve soumis aux règles régissant les baux d'habitation et non au statut des baux commerciaux,

- dit régulier et valable le congé de reprise pour habiter délivré par les bailleurs aux preneurs par acte d'huissier du 23 août 2019 ayant produit ses effets à la date du 28 février 2020,

- dit que le contrat de bail liant les parties se trouve résilié à cette date,

- ordonne l'expulsion de Mmes [D] [J] et [T] [A] des lieux loués dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement,

- condamné solidairement Mme [D] [J] et Mme [T] [A] à payer aux époux [I] une indemnité d'occupation mensuelle de 200 000 F CFP à compter du 1er mars 2020

- condamné Mme [D] [J] et Mme [T] [A] à payer aux époux [I] une somme de 100 000 F CFP au titre de leurs frais irrépétibles.

Mme [J] et Mme [A] ont sollicité du Premier Président la suspension de l'exécution provisoire. Par ordonnance du 17 juillet 2024, leur demande a été rejetée.

Le 31 juillet 2024, les preneuses ont quitté les lieux.

Par requête du 8 février 2024, Mmes [J] et [A] ont interjeté appel de la décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées le 14 novembre 2024, Mmes [J] et [A] demandent à la cour d'infirmer le jugement querellé et statuant à nouveau de :

- ordonner un déplacement sur les lieux afin d'en constater la nature commerciale,

- infirmer le jugement querellé et statuant à nouveau :

- débouter les époux [I] de l'intégralité de leurs demandes,

- constater que la bail litigieux est un bail commercial,

- constater qu'en raison du principe 'fraus omnia corrompit' aucune prescription n'est opposable aux appelantes en ce qui concerne la demande de reuqualification du bail litigieux,

- requalifier le bail du 1er juin 2016 en bail commercial,

- ordonner le maintien dans les lieux des appelantes en leur qualité de locataires,

A titre subsidiaire

- constater que la bail litigieux est un bail commercial,

- constater qu'en raison du principe 'fraus omnia corrompit' aucune prescription n'est opposable aux appelantes en ce qui concerne la demande de reuqualification du bail litigieux,

- requalifier le bail en bail commercial,,

- prendre acte que les appelantes ont quitté les lieux le 31 juillet 2024,

- déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 23 août 2019,

- ordonner la réintégration dans les lieux des appelantes en leur qualité de locataires,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les époux [I] à payer à Mmes [J] et [A] ainsi qu'à la sarl Farehau Centre la somme de 500 000 F CFP chacun à titre de dommages et intérêts,

- condamner solidairement les époux [I] à payer à Mmes [J] et [A] ainsi qu'à la sarl Farehau Centre la somme de 339 000 F CFP au titre de leurs frais de procédure.

A l'appui de leurs demandes, elles soutiennent essentiellement que le logement était destiné à l'exploitation d'une unité de vie pour personnes âgées et handicapées, que la précédente propriétaire, Mme [S] en avait parfaitement conscience puisqu'elle a assisté à la visite de la DAS le 21 décembre 2012, que le 6 mai 2016 a été crée la Sarl Farehau Centre avec pour objet l'hébergement des personnes âgées et handicapées, que c'est dans ce contexte qu'un avenant au contrat de location a été signé le 1er juin 2016 pour modifier le preneur du bail, que les époux [I] ne pouvaient ignorer cet état de fait dans la mesure où la mère de M. [I] a été hébergée dans le centre.

Elles ajoutent que la loi de Pays du 10 décembre 2012 ne peut s'appliquer aux logements foyers , qu'en toute hypothèse, elles exercent dans les lieux une activité commerciale en ce qu'il s'agit d'une activité économique exercée dans un but lucratif, que le centre accueille 10 pensionnaires depuis de nombreuses années et emploie deux auxiliaires de vie en CDI.

Elles exposent qu'à la signature du bail, un avenant a été conclu donnant l'autorisation aux preneuses de créer une unité de vie au sein du logement., que le 6 mai 2016 suite à la création d ela Sarl Farehau Centre, un avenant a été signé donnant à bail le logement à ladite sarl, que l'activité de la sarl Farehau centre immatriculée au registre du commerce et des sociétés est sans conteste une activité commerciale

Elles demandent que subsidiairement la cour procède à la requalification du bail à compter du 1er juin 2016

Elles affirment qu'aucune prescription ne peut leur être opposée, la fraude corrompant tout dans la mesure où les époux [I] ne pouvaient ignorer l'exercice de leur activité du fait de leurs liens avec la vendeuse et de l'utilisation des services du centre pour leur propre mère.

Elles sollicitent, si la cour s'estime insuffisamment informée, un transport sur les lieux.

Par conclusions régulièrement notifiées le 6 décembre 2024, les intimés demandent la confirmation du jugement et y ajoutant elles sollicitent que les intimées soient condamnées à leur payer les sommes de 10 000 000 F CFP pour résistance abusive et de 300 000 F CFP au titre de leurs frais irrépétibles.

A titre subsidiaire, ils sollicitent que soit prononcée la résiliation du bail au motif des graves manquements contractuels commis par les locataires à savoir le changement et la modification des lieux loués et que les appelantes soient condamnées à leur payer une indemnité de 10 000 F CFP en raison de leurs fautes contractuelles.

A titre infiniment subsidiaire, ils demandent que Mme [S] soit tenue de garantir et de relever les époux [I] de toute condamnation mise à leur charge ,

Ils soutiennent essentiellement que le seul document contractuel signé est le contrat de bail meublé à usage d'habitation et que l'avenant au contrat du 14 mars 2013 n'a jamais été signé par la bailleresse et que le statut dee baux commerciaux ne peut être appliqué que pour les locations dans lesquelles sont exploitées des fonds de commerce par des commerçants, que Mme [J] n'est n industriel ni chef d'entreprise ni commerçante pas plus que la sarl Farehau Centre qui n'exploite aucun fonds de commerce. Ils ajoutent que le bail ne peut être requalifié en bail commercial à défaut d'inscription au registre du commerce et des sociétés du preneur.

Ils exposent que le bail traduit la commune intention des parties et que le caractère de location est déterminé par la destination que lui ont donnée d'un commun accord les parties contractantes, la simple connaissance d'une situation irrégulière ne pouvant conférer aucun droit, que l'avenant du 14 mars 2013 n'a jamais été signé par Mme [S] pas plus que l'autorisation de travaux du même jour et que l'avenant du 1er juin 2016 vise toujours la délibération du 18 mai 1962 portant réglementation des locaux à usage d'habitation et ne mentionne à aucun moment la création d'une unité de vie.

Ils affirment qu'à aucun moment Mme [S] n'a entendu signer un bail commercial et que le contrat est la loi des parties.

Ils ajoutent que le fait que la sarl Farehau Centre ait pu payer le loyer ne change pas la destination des lieux loués que celle ci ne peut se prévaloir d'une cession du bail à son profit et qu'elle est occupante sans droit ni titre.

Ils affirment que le congé a été valablement délivré

A titre infiniment subsidiaire, si la le bail était requalifié en bail commercial, ils affirment que la demande d'indemnité d'éviction qui se prescrit par deux ans est prescrite, le congé ayant été délivré le 23 août 2019

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par les parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de transport sur les lieux

Un transport sur les lieux ne peut être ordonné pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

En outre, les locataires ont déménagé depuis le 31 juillet 2024 et il n'est pas contesté qu'elles ont exercé dans les lieux pris à bail une activité d'accueil des personnes âgées et handicapées

Il n'y a donc aucune utilité pour la manifestation de la vérité à ordonner un transport sur les lieux. Cette demande doit être rejetée.

Sur la qualification du bail

Le contrat de bail conclu entre les parties a pour objet la location d'un logement rénové en bois comprenant quatre chambres d'une superficie de 300 m2 environ avec cour clôturée et jardin attenant ainsi que les meubles meublants située à [Adresse 8] pour une durée de un an renouvelable moyennant un loyer mensuel de 200 000 F CFP.

Aux termes de l'article L 145-11 du code de commerce, les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité que ce fonds appartienne soit à un commerçant soit à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés soit à un chef d'entreprise immatriculé au répertoire des métiers accomplissant des actes de commerce et en outre aux baux des locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent aux propriétaires du local de l'immeuble où est situé l'établissement principal.

En l'espèce, le contrat de bail porte sur un immeuble à usage d'habitation dans lequel l'exercice d'une activité à été autorisée. Les preneuses ne démontrent pas qu'elles n'ont pas habité les lieux donnés à bail alors que l'adresse qu'elles ont communiqué est celle des lieux donnés à bail..

Le contrat est la loi des parties et en l'occurrence, celles ci se sont bien engagées sur un bail d'habitation meublé d'un an renouvelable par tacite reconduction.

Elles ne démontrent pas avoir la qualité de commerçante et avoir avisé la bailleresse qu'elles souhaitaient changer la destination du bail pour en faire un bail commercial ni que cette dernière ait donné son accord pour cette modification.

En effet, aucun avenant légalement formé signé par la bailleresse ne modifie la destination des lieux donnés à bail qui ont toujours conservé leur dénomination de bail à usage d'habitation à telle enseigne que la durée du bail d'un an renouvelable n'a jamais été modifiée.

En conséquence, le bail est bien un bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi de Pays n°2012-26 du 10 décembre 2012 s'applique.

Sur la résiliation du bail

En application de la loi de Pays susvisée, lorsque le bail est conclu pour une durée d'un an renouvelable, le délai applicable au congé est de deux mois lorsqu'il émane du bailleur.

En l'espèce, les appelantes ne contestent pas que le congé leur a été délivré conformément à ces dispositions.

Le congé délivré le 23 août 2019 a produit ses effets le 28 février 2020. L'indemnité d'occupation doit être fixée à la somme de 200 000 F CFP.

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'expulsion, les locataires ayant quitté les lieux le 31 juillet 2024.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

L'attitude des appelantes n'a pas dégénéré en abus susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts . Cette demande doit être rejetée.

Sur l'article 407 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer aux intimés la somme de 150 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete en date du 10 novembre 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne Mmes [T] [A], [D] [J] et la sarl Farehau Centre à payer à à M. [R] [I] et à Mme [C] [W] la somme de 150 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile ;

Condamne Mmes [T] [A], [D] [J] et la sarl Farehau Centre aux dépens d'appel avec distraction d'usage au profit de Me Marie EFTIMIE-SPITZ ;

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