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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 15 avril 2025, n° 22/01516

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Underground Bar (SARL)

Défendeur :

Phoenix 2 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hacquard

Conseillers :

Mme Reaidy, M. Sauvage

Avocats :

SCP Armand - Chat et Associés, SELARL Vailly Becker & Associés

TJ Albertville, du 22 juill. 2022

22 juillet 2022

Faits et procédure

Par acte du 29 avril 2004, la SCI Club [2] a donné à bail à la société Du Lac divers locaux à usage commercial d'une surface approximative de 93,50 m² situés au premier sous-sol d'un immeuble de la [Adresse 3] pour un usage tout commerce à l'exclusion des activités de discothèque (la notion de discothèque étant étendue à toute activité dont les nuisances sonores pourraient porter préjudice à la bailleresse) pour un loyer annuel de 6.872,49 euros payable trimestriellement.

Par acte du 31 mai 2016, la société Du Lac a cédé son fonds de commerce à la société Ski Bar, l'acte de cession ayant été signifié au bailleur le 19 juillet 2016.

Par acte du 29 juin 2017, la SCI Club [2] a vendu le local commercial à la société Phoenix 2. La locataire a été avisée par courrier envoyé en recommandé avec demande d'accusé réception daté du 5 juillet 2017 et distribué le 31 juillet 2017.

Par acte du 9 mars 2018, la société Ski Bar a cédé son fonds de commerce à la société Underground Bar. La cession a été signifiée à la SCI Club [2] le 5 avril 2018.

Par acte du 18 mars 2019, la société Phoenix 2 a signifié un commandement de payer visant la clause résolutoire à la société Ski Bar.

Par acte du 27 juin 2019, elle lui a notifié son congé avec refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction.

L'acte de cession du fonds de commerce au profit de la société Underground Bar a été signifié à la société Phoenix 2 le 19 août 2019.

Par acte du 30 septembre 2019, la société Underground Bar a sollicité le renouvellement du bail commercial.

Par acte du 18 octobre 2019, la société Phoenix 2 a signifié à la société Underground Bar un commandement de payer ainsi qu'une sommation d'avoir à respecter les clauses du bail et à faire cesser les nuisances sonores visant la clause résolutoire.

Par acte du 23 décembre 2019, la société Phoenix 2 lui a notifié son refus de renouvellement du bail.

Suivant exploit en date du 28 février 2020, la société Phoenix 2 a fait assigner la société Underground Bar devant le tribunal judiciaire d'Albertville, notamment aux fins de voir prononcer la résiliation du bail commercial liant les parties.

Par jugement du 22 juillet 2022, le tribunal judiciaire d'Albertville, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- Prononcé la résolution bail commercial conclu le 29 avril 2004 entre la SCI Club [2] aux droits de laquelle vient la société Phoenix 2 et la société Du Lac aux droits de laquelle vient la société Underground Bar, portant sur des locaux commerciaux situés au premier sous-sol d'un immeuble de la tue de la Poste à Tignes à compter du 1er janvier 2020 ;

- Déclaré la société Underground Bar sans droit ni titre et l'a condamné à restituer les lots, objet du contrat de bail conclu entre la SCI Club [2] et la société Du Lac le 29 avril 2004, dans un délai d'un mois suivant le signification du présent jugement ;

- Ordonné, faute de libération volontaire des lots précités de ses biens et de sa personne ainsi que de tous occupants de son chef dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement l'expulsion de la société Underground Bar, des occupants de son chef et de ses biens avec le concours de la force publique et d'un serrurier, si besoin est ;

- Dit que le sort des meubles sera réglé conformément au code des procédures civiles d'exécution ;

- Fixé l'indemnité d'occupation due par la société Underground Bar à la société Phoenix 2 à la somme de 1.033 euros par mois ;

- Débouté la société Underground Bar de ses demandes au titre de l'indemnité d'éviction ;

- Condamné la société Underground Bar à payer à la société Phoenix 2 la somme de 3.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Underground Bar au paiement des entiers dépens ;

- Débouté la société Phoenix 2 concernant la prise en charge des frais de signification d'actes extrajudiciaires antérieurs à l'assignation au titre des dépens.

Au visa principalement des motifs suivants :

si l'absence de notification régulière de la cession du bail se trouve caractérisée, la société Phoenix 2 ne justifie d'aucun préjudice de ce chef ;

il est relevé que le niveau d'isolement de l'établissement est insuffisant pour permettre une exploitation au niveau maximum que peut émettre la sonorisation et qu'un limiteur acoustique devra être installé avec des niveaux de réglage faible ;

le bail interdit, outre l'activité de discothèque, toute activité s'y apparentant dont les nuisances sonores pourraient porter préjudice à la bailleresse, dès lors, le fait que le bar soit doté d'un matériel diffusant à titre habituel de la musique amplifiée constitue une violation de la destination des locaux ;

l'existence de nuisances sonores et l'absence de respect de la destination des lieux sont des manquements aux stipulations contractuelles auxquels il n'a pas été remédié malgré plusieurs mises en garde, justifiant la résolution du bail qui sera prononcée avec effet au janvier 2020, date à laquelle en tout état de cause le bail aurait pris fin du fait du congé délivré;

aucune indemnité d'éviction n'est due à la société Underground Bar, dès lors que le bail a été résilié à ses torts exclusifs.

Par déclaration au greffe du 9 août 2022, la société Underground Bar a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières écritures du 4 novembre 20222, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Underground Bar sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- Juger qu'elle n'a commis aucun manquement suffisamment grave à ses obligations nées du bail,

En conséquence,

- Débouter la société Phoenix 2 de sa demande de résiliation judiciaire du bail ;

A titre reconventionnel,

- Juger qu'aucun motif grave et légitime au sens des dispositions du code de commerce ne peut lui être opposé,

Et en conséquence,

- Juger qu'elle est fondée à solliciter le versement d'une indemnité d'éviction en raison du congé sans offre de renouvellement délivré par la société Phoenix 2 le 23 décembre 2019,

- Condamner la société Phoenix 2 à lui verser une indemnité d'éviction,

- Désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission habituelle en la matière et notamment celle de :

- convoquer les parties et recueillir leurs explications,

- entendre tous sachants que l'Expert souhaite auditionner,

- se faire remettre l'ensemble des documents dont les parties entendent se prévaloir au cours de l'instance,

- évaluer l'indemnité d'éviction lui revenant en toutes ses composantes,

- Dire et juger qu'elle a droit au maintien dans les lieux tant que l'indemnité d'éviction lui revenant ne lui a pas été versée,

- Juger qu'elle a droit au maintien dans les lieux tant que l'indemnité d'éviction lui revenant ne lui aura pas été versée,

- Condamner la société Phoenix 2 à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Underground Bar fait notamment valoir que :

aucun accord du bailleur n'était requis pour la notification de la cession du fonds de commerce, les seules obligations de la société Ski Bar étant de se porter garante de son acquéreur, ce qui est bien le cas ;

la société Phoenix 2 était en réalité parfaitement informée de la cession et de l'identité du nouvel exploitant et en tout état de cause, la signification de la cession est intervenue avant la fin du bail ;

la société Phoenix 2 ne rapporte pas la preuve de nuisances sonores qui lui seraient imputables, alors qu'elle est en totale conformité avec la règlementation régissant les établissements diffusant de la musique ;

la société Phoenix 2 n'a jamais expliqué en quoi ces nuisances sonores, à les supposer établies, pourraient lui porter un quelconque préjudice ;

elle était parfaitement en droit d'exploiter un bar dans les locaux donnés à bail, ce qui était le cas depuis de nombreuses années, puisqu'elle s'est contentée de poursuivre l'activité acquise, sans aucune remise en cause de la part du bailleur ;

les manquements qui lui sont imputés ne présentent pas un caractère suffisamment grave, qui serait de nature à justifer la résiliation du bail à ses torts exclusifs;

Dans ses dernières écritures du 27 janvier 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Phoenix 2 demande de son côté à la cour de :

- Débouter la société Underground Bar de l'intégralité de ses demandes,

- Infirmer le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le tribunal judiciaire d'Albertville, RG n°20/00233, en ce qu'il l'a débouté concernant la prise en charge des frais de signification d'actes extrajudiciaires antérieurs à l'assignation au titre des dépens,

- Condamner la société Underground Bar aux frais engagés pour la signification des commandements de payer et autres actes extra-judiciaires,

En tout état de cause,

- Condamner la société Underground Bar à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Underground Bar aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Phoenix 2 fait notamment valoir que :

l'acte de cession du fonds de commerce lui a été signifié plus d'un an et cinq mois après, et ce retard ne lui a pas permis d'intervenir, pendant ce délai, à l'encontre du véritable preneur responsable des nuisances sonores, lui causant ainsi un préjudice d'image;

la réalité des nuisances sonores, imputables au nouvel exploitant, se trouve clairemebnt caractérisée par les pièces qu'elle verse aux débats, ainsi que par le propre rapport d'expertise acoustique de l'appelante ;

la société Underground Bar se présente comme un établissement diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, en violation intentionnelle de la destination des locaux et du contrat ;

la société Underground Bar se contente d'allégations infondées en opposant un défaut acoustique affectant l'immeuble, alors que les locaux qui lui ont été donnés à bail sont parfaitement adaptés à leur destination contractuelle.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 2 décembre 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 18 février 2025.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au contrat, 'la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances'.

Selon une jurisprudence constante, il appartient au juge qui se trouve saisi d'une demande de résolution judiciaire d'apprécier si le manquement invoqué présente un caractère suffisamment grave pour justifuer une telle mesure (voir sur ce point notamment : Cour de cassation, Civ 3ème, 15 juillet 1999, n°97-16.001).

Les dispositions de l'article L. 145-17 du code de commerce permettent en outre au bailleur de refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'une indemnité d'éviction s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant.

En l'espèce, il convient d'observer que dans le cadre de la présente instance, la société Phoenix 2 ne se prévaut nullement de la clause résolutoire stipulée au bail, ni du congé sans offre de renouvellement qu'elle a délivré à sa locataire, mais exerce une action qui tend à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail, avec un effet au 1er janvier 2020, en imputant au preneur deux manquements contractuels, qui seront successivement examinés :

- l'absence de notification de la cession du bail ;

- le non-respect de la destination des lieux.

I - Sur l'absence de notification de la cession du bail

Le contrat de bail commercial conclu le 29 avril 2004 prévoit, dans sa clause intitulée 'CESSION, SOUS-LOCATION': 'la preneuse pourra céder le droit du présent bail, à un successeur dans son commerce, mais à la charge de rester garant et répondant solidaire avec le cessionnaire et tous les occupants successifs du paiement des loyers et accessoires, et de l'exécution des clauses et conditions du présent bail. Ladite cession devra comporter pour ce cessionnaire, l'obligation solidaire du présent, et un exemplaire sur timbre, revêtu de la mention d'enregistrement, devra être remis, sans aucun frais pour elle, à la société bailleresse, dans un délai d'un mois de la cession, le tout à peine de résiliation du bail, si bon semble à la bailleresse'.

Il est constant, en l'espèce, que l'acte de cession de fonds de commerce intervenu le 9 mars 2018 entre la société Ski Bar et la société Underground Bar, n'a été signifié à la société Phoenix 2 que le 19 août 2019, soit largement après le délai d'un mois prévu par le contrat de bail, ce qui est de nature à caractériser un manquement contractuel imputable à l'appelante.

Cependant, ainsi que l'a relevé le premier juge, la société Phoenix 2 ne justifie nullement de ce que ce retard de notification de cession lui aurait causé un quelconque préjudice en retardant les mesures qu'elle devait prendre pour faire cesser les nuisances sonores causées par le nouvel exploitant des lieux. Il se déduit en effet des échanges intervenus entre les parties que des contacts ont existé dès le mois de janvier 2019 entre le gérant de la société Underground Bar et la société Priams Construction, associée de la la société Phoenix 2, et que des mesures ont pu être prises dans le local par un acousticien dès le 26 février 2019, soit très peu de temps après que la bailleresse se soit plainte pour la première fois, auprès de la société Ski Bar, le 8 janvier 2019, des nuisances sonores.

Il convient d'observer, en outre, que le retard dans la signification de l'acte de cession, imputable au preneur, peut s'expliquer par une erreur qui a été commise sur l'identité de la société bailleresse, puique l'acte de cession a été signifié le 5 avril 2018 au précédent propriétaire des lieux, la SCI Club [2], alors que le local avait été précédemment vendu le 29 juin 2017 à la société Phoenix 2, de sorte qu'aucune mauvaise foi de la part de la société Underground Bar ne se trouve ainsi caractérisée.

Force est de constater, au regard de ces circonstances, que le manquement contractuel qui est imputé de ce chef à l'appelante ne présente pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.

II - Sur le non-respect de la destination des lieux

L'article 1728 du code civil impose notamment au preneur d' 'user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail'.

Le contrat de bail liant les parties impose au preneur, aux termes de sa clause afférente à la destination des lieux, d' 'occuper les lieux loués par elle-même, paisiblement, conformément aux articles 1728 et 1729 du code civil, et pour une activité de tout commerce, à l'exclusion des activités de discothèque (la notion de discothèque étant étendue à toute activité dont les nuisances sonores pourraient porter préjudice à la bailleresse)'. Elle lui impose également de se conformer au règlement de copropriété de l'immeuble.

Le règlement de copropriété, qui a été remis à la société Underground, interdit en particulier, en son article 26, l'exercice de 'toutes activités susceptibles de causer un trouble par rapport à la destination de l'ensemble immobilier'.

En l'espèce, la société Phoenix 2 verse aux débats des courriels qui lui ont été adressés par des copropriétaires de l'immeuble, se plaignant de l'importance des nuisances sonores émanant, jusque tard dans la nuit, de l'établissement exploité par la société Underground, troublant fortement le voisinage. Ces courriels émanent de trois copropriétaires différents, et non d'un seul, comme le prétend l'appelante, et leur contenu est à la fois précis et concordant sur le niveau de la musique, trop fort, et la présence de personnes alcoolisées à l'extérieur du bar à des heures tardives.

Les plaintes qui ont ainsi été adressées à la société bailleresse s'étalent de janvier 2019 à janvier 2010, et ont donc persisté postérieurement aux premières réclamations formulées en janvier 2019 par la société Phoenix 2 auprès de sa locataire, aux mesures acoustiques prises le 26 février 2019, et à la sommation d'avoir à respecter les clauses du bail et à faire cesser les nuisances sonores visant la clause résolutoire du 18 octobre 2019.

Il se déduit en outre des pièces versées aux débats que les services de police se sont déplacés à plusieurs reprises, suite à des plaintes du voisinage, pour mettre fin aux nuisances sonores causées par l'établissement, et que la commune de [Localité 4] a également pris contact avec l'ARS pour tenter d'y remédier.

Au regard de ces éléments, la société Underground Bar ne saurait sérieusement arguer de ce que les nuisances sonores proviendraient d'autres établissements situés à proximité, alors que les plaintes émanant du voisinage la désignent précisément comme étant le fauteur des troubles subis, et que c'est bien dans son bar que la police est intervenue à plusieurs reprises.

Par ailleurs, l'existence de nuisances sonores qui lui sont imputables se trouve corroborée par le rapport d'expertise acoustique qu'elle verse elle-même aux débats, et qui relève notamment, suite à la visite effectuée le 26 février 2019, que :

- 'l'exploitant est en conformité aevc la réglementation concernant l'acoustique interne des établissements diffusant à titre habituel de la musique amplifiée';

- s'agissant des mesures vis-à-vis du voisinage contigu, l'établissement ne se trouve pas en conformité avec la réglementation en vigueur ;

- 'étant donné la présence de logements contigus et de la gêne perçue, il est indispensable de mettre en place un limiteur de pression acoustique qui agit par bande d'octave';

- l'isolation est actuellement insuffisante pour permettre une exploitation au niveau maximum que peut permettre la sonorisation.

Il convient d'observer que la société Underground Bar n'allègue ni a fortiori ne démontre s'être mise en conformité avec les préconisations de cet expert acoustique, alors qu'il n'est pas justifié du certificat d'installation par l'ingénieur acoustique, permettant de lever l'avis défavorable émis.

En tout état de cause, la circonstance, non démontrée, que l'établissement se trouverait en conformité avec les normes applicables aux établissements diffusant à titre habituel de la musique amplifiée ne saurait en aucun cas être de nature à remettre en cause la violation, par la société Underground Bar, de la clause de destination stipulée au contrat de bail, qui interdit précisément l'exercice, au sein du local, des activités de discothèque (la notion de discothèque étant étendue à toute activité dont les nuisances sonores pourraient porter préjudice à la bailleresse).

Le manquement de l'appelante à ses obligations contractuelles se déduit du reste clairement de l'examen des photographies issues de la page 'FaceBook' de son bar, qui mettent en exergue l'organisation régulière, par son établissement, de soirées festives animées par des DJ, se terminant tard dans la nuit, alors que le bar est ouvert jusqu'à deux heures du matin, ce qui, allié à la vente de boissons alcoolisées, cause nécessairement d'importantes nuisances au voisinage, et caractérise l'exercice d'une activité incompatible avec la destination des lieux et le règlement de copropriété.

La société Underground Bar ne saurait en outre se soustraire à ses responsabilités en arguant de ce que l'insuffisante isolation des lieux serait imputable à sa bailleresse, alors que le local qui lui a été donné à bail exclut précisément l'activité générant des nuisances sonores qu'elle exerce. Etant observé que l'exercice d'une activité de bar, autorisée par le bail, n'induit pas nécessairement, en elle-même, l'organisation régulière de soirées, ainsi que l'émission d'une musique bruyante tard dans la nuit.

Et à cet égard, la circonstance, invoquée par l'appelante, de ce qu'il ne serait pas justifié de l'existence de nuisances sonores dans les conditions prévues aux articles R.1334-32 et suivants du code de la santé publique, est également inopérante, ces dispositions, pénalement sanctionnées, étant étrangères à l'appréciation du manquement contractuel qui lui est imputé.

Il est important de noter également que l'appelante n'apporte aucun élément qui serait susceptible de démontrer qu'elle se serait contentée de poursuivre, dans les mêmes conditions, l'activité exercée par les précédents locataires successifs des lieux, sans réclamation de la part de sa bailleresse, alors qu'il n'est fait état par les parties d'aucun problème particulier de nuisance sonore avant son installation.

Il est manifeste, enfin, que le non-respect, par la société Underground Bar, de la clause de destination stipulée au bail, a causé un préjudice à l'intimée, puisqu'elle a été destinataire de nombreuses plaintes des habitants de l'immeuble, portant atteinte à sa réputation, et qu'elle a été contrainte d'engager de multiples démarches pour faire cesser les troubles causés au voisinage du fait de sa locataire.

La cour dispose d'éléments suffisants, au regard de ce qui vient d'être exposé, pour caractériser l'existence d'un manquement contractuel imputable à la société Underground Bar, et dont la gravité justifie que soit prononcée la résiliation du bail à ses torts exclusifs, avec une prise d'effet au 1er janvier 2020. L'appelante est ainsi devenue occupante sans droit ni titre depuis cette date et son expulsion sera ordonnée. Une indemnité d'occupation, d'un montant non contesté de 1.033 euros, sera également mise à sa charge.

Enfin, dès lors que le bail a été résilié aux torts exclusifs de la société Underground Bar, celle-ci ne pourra qu'être déboutée de sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction.

En définitive, le jugement entrepris ne pourra donc qu'être confirmé en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Phoenix 2 de prise en charge des frais de signification des actes extrajudiciaires antérieurs à son assignation, dès lors que ces actes ne constituaient nullement un préalable obligatoire à sa demande en justice tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail liant les parties.

En tant que partie perdante, la société Underground Bar sera condamnée aux entiers dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Phoenix 2 la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande qu'elle forme à ce titre sera enfin rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le tribunal judiciaire d'Albertville,

Y ajoutant,

Condamne la société Underground Bar aux entiers dépens d'appel,

Condamne la société Underground Bar à payer à la société Phoenix 2 la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel,

Rejette la demande formée à ce titre par la société Underground Bar.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

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