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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 15 avril 2025, n° 23/03311

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. O

Défendeur :

Cofidis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clerc

Conseillers :

Mme Blatry, Mme Lamoine

Avocats :

Me Santoni, Me Mihajlovic

Jur. prox. Romans-sur-Isère, du 8 juill.…

8 juillet 2023

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Dans le cadre d'une vente hors établissement par un représentant de la société Eco-Habitat ENR (Eco-Habitat), les époux [W] [M]/[O] [L] ont, suivant bon de commande du 7 août 2018, contracté avec cette société pour la fourniture et la pose de micro-ondulateurs avec modification de l'étanchéité sous toiture moyennant le prix de 19.000'.

Le même jour, la société Cofidis a consenti aux époux [L] un crédit affecté de même montant en capital.

Suivant exploits d'huissier des 21 octobre et 10 novembre 2022, les époux [L] ont poursuivi la SELARL Alliance MJ représentée par Me [R] [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eco-Habitat et la société Cofidis en nullité des contrats de vente et de crédit.

Par jugement du 8 juin 2023, la juridiction de proximité de Romans sur Isère a :

débouté les époux [L] de leur demande en nullité du contrat de vente pour dol,

prononcé la nullité du contrat de vente pour inobservation des dispositions du code de la consommation,

laissé à la charge de la liquidation judiciaire de la société Eco-Habitat l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble,

fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Eco-Habitat la somme de 19.000' au titre de la créance des époux [L] en restitution du prix de vente,

prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit,

dit que les sommes acquittées par les époux [L] au titre du remboursement anticipé du crédit resteront acquises à la société Cofidis sous déduction des intérêts perçus par cette dernière qu'elle devra rembourser aux époux [L],

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure et dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Suivant déclaration du 15 septembre 2023, M. et Mme [L] ont relevé appel de cette décision en intimant uniquement la société Cofidis.

Au dernier état de leurs écritures du 28 janvier 2025, M. et Mme [L] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que les sommes acquittées par eux resteraient acquises à la banque, sur les mesures accessoires et, déboutant la société Cofidis de toutes ses prétentions, de la condamner à :

procéder au remboursement des sommes versées par eux en exécution du contrat de prêt,

leur payer les sommes de :

19.000' au titre du capital emprunté,

32.976,34' au titre des intérêts conventionnels et frais payés par eux en exécution du contrat de crédit,

5.000' en réparation de leur préjudice moral,

4.000' d'indemnité de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Ils expliquent que :

l'organisme bancaire a commis de multiples fautes de nature à le priver de son droit au remboursement du capital emprunté,

la société Cofidis sera condamnée à lui restituer les sommes acquittées

ils subissent un préjudice moral.

Par conclusions récapitulatives du 20 janvier 2025, la société Cofidis demande à la cour de :

à titre principal, confirmer le jugement déféré,

subsidiairement,

débouter les époux [L] de leur demande en remboursement de l'intégralité du capital emprunté,

lui permettre de conserver la somme de 15.000' remboursée par anticipation,

« la condamner à payer aux époux [L] la somme de 4.000' en réparation du préjudice lié à la prétendue insolvabilité du vendeur »,

en tout état de cause, condamner solidairement les époux [L] à lui payer une indemnité de procédure de 3.000', ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle indique que :

le jugement sera confirmé uniquement en ce qu'il l'a condamnée au remboursement des intérêts,

il n'est pas démontré l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès du liquidateur,

elle n'a fait que financer l'opération,

aucun préjudice moral n'est démontré,

aucune faute de sa part n'est caractérisée de nature à la priver de son droit à la restitution du capital emprunté.

La clôture de la procédure est intervenue le 4 février 2025.

MOTIFS

Les époux [L] n'ayant pas intimé la SELARL Alliance MJ représentée par Me [R] [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eco-Habitat et celle-ci n'ayant pas interjeté appel de la décision entreprise, la nullité du contrat de vente est définitivement acquise ainsi que la mise à la charge de la liquidation judiciaire de l'enlèvement du matériel et de la remise en état de l'immeuble.

Les contrats de vente et de crédit étant interdépendants et le prêteur étant à la procédure, l'annulation du contrat principal entraîne l'annulation du contrat de prêt subséquent.

Par voie de conséquence, seules les conséquences de l'annulation du contrat de crédit restent à traiter ainsi que les demandes en dommages-intérêts.

sur les conséquences de la nullité du contrat de crédit

L'annulation d'un contrat de prêt emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté, sauf à démontrer le déblocage fautif des fonds par l'organisme financier et à rapporter la preuve de l'existence de son préjudice.

La banque, en s'abstenant de procéder aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et de l'emprunteur, ce qui aurait permis de constater la méconnaissance des dispositions du code de la consommation sur la vente hors établissement et que les contrats étaient affectés d'une cause de nullité, a commis une faute.

En outre, la banque ne peut débloquer les fonds qu'une fois l'installation intégralement réalisée et raccordée.

En l'espèce, les fonds ont été débloqués suite à une installation du 24 août 2018, soit dans un délai trop court pour que les démarches administratives et la mise en service aient pu avoir lieu.

Dès lors, la banque, en débloquant les fonds sans s'assurer que le vendeur-installateur avait rempli l'intégralité de ses obligations, a commis une autre faute de nature à la priver du remboursement du capital emprunté.

Toutefois, ces fautes de la banque ne suffissent pas à la priver de la restitution du capital emprunté, les acquéreurs devant également justifier de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, l'impossibilité de restitution du prix de vente du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Eco-Habitat prive M. et Mme [L] de la contrepartie de la restitution du bien vendu et constitue un préjudice en lien de causalité avec les fautes de la banque.

Par voie de conséquence, il convient de débouter la banque de sa demande subsidiaire en conservation du bénéfice des sommes acquittées par les époux [L].

Dès lors, il y a lieu de priver la société Cofidis de son droit au remboursement du capital emprunté et de la condamner à restituer aux époux [L] les sommes réglées en exécution du contrat de prêt.

sur la demande en dommages-intérêts de M. et Mme [L]

M. et Mme [L] allègue un préjudice moral.

En l'absence de démonstration d'un préjudice distinct de celui réparé par la privation de la banque à son droit à la restitution du capital emprunté et sa condamnation à restitution des sommes acquittées, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté cette demande en dommages-intérêts.

sur les mesures accessoires

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par la société Cofidis.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

dit que les sommes acquittées par les époux [L] au titre du remboursement anticipé du crédit resteront acquises à la société Cofidis sous déduction des intérêts perçus par cette dernière qu'elle devra rembourser aux époux [L],

dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens

Statuant à nouveau,

Prive la société Cofidis de son droit à la restitution du capital emprunté,

Condamne la société Cofidis à rembourser à M. [O] [L] et à Mme [W] [M] épouse [L] le montant des sommes acquittées au titre de l'exécution du contrat de prêt,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Cofidis à supporter les dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

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