CA Chambéry, 1re ch., 15 avril 2025, n° 22/01518
CHAMBÉRY
Autre
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Syndicat des copropriétaires, SCI Geai Bleu (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hacquard
Conseillers :
Mme Reaidy, M. Sauvage
Avocats :
SCP Louchet Capdeville, SCP Coutin, SCP Milliand Thill Pereira
Faits et procédure
M. [G] [V] et Mme [J] [M] épouse [V] ont acquis les lots n°40 et 45 d`un ensemble immobilier dénommé [Adresse 7] sis sur la commune de [Localité 6].
Par acte de donation-partage en date du l2juin 1993, les époux [V] ont fait donation à leurs 'lles, Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] de la nue-propriété. chacune pour moitié. de ces mêmes lots.
Par exploits d'huissier du 15 mars 2019, M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] ainsi que la SCI Geai bleu a'n de faire annuler les résolution n°21 et 22 adoptées lors de l`assemblée générale des copropriétaires du 26 décembre 2018.
Par jugement du 21 juin 2022, le tribunal judiciaire d'Albertville a :
- declaré recevables les demandes formées par Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] ;
- rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] tendant à ce que le "rapport" de M. [D] [X] soit écarté des débats ;
- débouté M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] de l`ensemble de leurs demandes ;
- condamné M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] in solidum à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] et à la SCI Geai bleu la somme de 2.500 euros à chacun d`eux au titre de l`article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] in solidum aux entiers dépens ;
- autorisé la SCP Coutin à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l`avance sans avoir reçu provision ;
- Dit n`y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Au visa principalement des motifs suivants :
le rapport diagnostic sur les conditions d'exécution et dysfonctionnements des descentes des eaux pluviales de M [X], membre du conseil syndical, n'est pas un rapport d'expertise et a pu être débattu contradictoirement, s'agissant d'un élément de preuve ;
aucun moyen de droit n'est soulevé à l'appui de la demande d'annulation de la résolution n°21, qui a décidé de ne pas réaliser les travaux d'étanchéité du bâtiment côté appartement n°5 et a renvoyé les consorts [V] à faire intervenir leur assurance pour obtenir une expertise permettant de déterminer l'origine des infiltrations ;
la résolution n°22 a ratifié les travaux d'installation de la VMC réalisés par la société Geai bleu qui ont simplement consisté à des percements de petite taille dans les façades affectant les parties communes, mais sans pour autant les aliéner, qu'il n'est pas certain que les constatations acoustiques réalisées par un huissier de justice concernant les mesures des nuisances sonores soient faites conformément à la réglementation ;
le texte de la résolution n°22 a bien été communiqué aux copropriétaires avec la convocation, et qu'en outre, l'article 10-3 du décret de 1967 imposant le descriptif détaillé des travaux n'était pas en vigueur à la date de l'assemblée générale litigieuse.
Par déclaration au greffe du 10 août 2022, les consorts [V] ont interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :
- débouté M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] de leur demande d'annulation de la résolution n°22 adoptée par l'assemblée générale du 26 décembre 2018 ;
- condamné M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] in solidum à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] et à la SCI Geai bleu la somme de 2 500 ' à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] in solidum aux dépens, avec autorisation pour la société Coutin de recouvrer directement contre la partie ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 8 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] sollicitent l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demandent à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par les consorts [V] à l'encontre du jugement rendu le 21 juin 2022 par le tribunal judiciaire d'Albertville,
- réformer ledit jugement et statuant à nouveau,
- prononcer l'annulation de la résolution n° 22 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 26 décembre 2018,
- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] et la SCI Geai bleu à régler indivisément à M. [G] [V] et Mme [J] [V] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application au profit de maître Julien Capdeville, avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dire et juger que les appelants seront exonérés, en leur qualité de copropriétaires, de leur quote-part dans les dépens, frais et honoraires exposés par le syndicat dans la présente procédure, au titre des charges générales d'administration, conformément à l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [V] font notamment valoir que :
l'assemblée générale ne peut prendre de décision règlementant les droits des copropriétaires sur leurs parties privatives, ni adopter de résolution comportant des conséquences préjudiciables aux droits des copropriétaires reconnus par le règlement, et qu'en l'espèce, la validation des travaux conduit à une gêne importante au niveau sonore, les empêchant de jouir de leur terrasse, alors que les nuisances affectent également d'autres lots ;
le premier juge a soulevé d'office l'inapplicabilité de l'article 10-3 au regard de sa date d'entrée en vigueur, sans leur permettre de s'expliquer sur ce point, alors que c'était l'article 10.3 qui était visé, et qu'il était bien applicable.
Par dernières écritures du 22 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société le Geai bleu demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Albertville en date du 21 juin 2022 ;
Y ajoutant,
- condamner solidairement M. [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens..
Au soutien de ses prétentions, la SCI le Geai bleu fait notamment valoir que :
la nullité des résolutions des assemblées générales peut être demandée pour violation de la règle de droit, ou des règles liées aux votes, mais non pour des questions d'opportunité ;
les travaux ont consisté à creuser des petits trous dans la façade et n'ont aucun impact sur les modalités de jouissance des autres copropriétaires, ils ont en outre été réalisés en 2015 avec un architecte, un maître d'oeuvre et des artisans locaux et ont un impact esthétique très réduit, les grilles étant quasiment invisibles sur la façade ;
le constat d'huissier de justice n'a pas mesuré les bruits litigieux pendant un minimum de 30 minutes, et n'a pas pris en compte les bruits environnants, dans la mesure où un cours d'eau voisin est audible, de sorte que celui-ci est dénué de valeur probante.
Par dernières écritures du 5 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] demande à la cour de :
Retenant que M. [G] [V], Mme [J] [V], Mme [Y] [T] ainsi que Mme [I] [V] n'ont pas interjeté appel des fins de leur demande tendant à voir annuler la résolution n° 21 votée lors de l'assemblée générale de copropriété du 26 décembre 2018,
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Albertville en date du 21 juin 2022 en ce qu'il a débouté M. [G] [V], Mme [J] [V], Mme [Y] [T] ainsi que Mme [I] [V] des fins de leur demande tendant à voir annuler la résolution n° 22 votée lors de l'assemblée générale de copropriété du 26 décembre 2018,
- Confirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné [G] [V], Mme [J] [M] épouse [V], Mme [Y] [V] épouse [T] et Mme [I] [V] à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner conjointement et solidairement M. [G] [V], Mme [J] [V], Mme [Y] [T] ainsi que Mme [I] [V] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 7] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure devant la Cour d'Appel de Chambéry et aux entiers dépens distraits au pro't de la SCP Coutin, conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 2 décembre 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 18 février 2025.
MOTIFS ET DECISION
I- Sur la régularité de la présentation de la résolution n°22
L'article 10 du décret 67-223 du 17 mars 1967, dans sa version applicable en 2018 dispose 'A tout moment, un ou plusieurs copropriétaires, ou le conseil syndical, peuvent notifier au syndic la ou les questions dont ils demandent qu'elles soient inscrites à l'ordre du jour d'une assemblée générale. Le syndic porte ces questions à l'ordre du jour de la convocation de la prochaine assemblée générale. Toutefois, si la ou les questions notifiées ne peuvent être inscrites à cette assemblée compte tenu de la date de réception de la demande par le syndic, elles le sont à l'assemblée suivante.
Le ou les copropriétaires ou le conseil syndical qui demandent l'inscription d'une question à l'ordre du jour notifient au syndic, avec leur demande, le projet de résolution lorsque cette notification est requise en application des 7° et 8° du I de l'article 11. Lorsque le projet de résolution porte sur l'application du troisième alinéa de l'article 24 et du b de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, il est accompagné d'un document précisant l'implantation et la consistance des travaux.
A l'occasion de chaque appel de fonds qu'il adresse aux copropriétaires, le syndic rappelle les dispositions de l'alinéa précédent.'
L'article 25 de la loi n°65-557 excipe que 'Ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant : a) (...)
b) L'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci; (...)'.
La convocation de l'assemblée générale litigieuse, datée du 22 novembre 2018, mentionne '22ème résolution : demande formulée par la SCI le geai bleu représentée par M. [N]', reprend ensuite l'article 10 précité, ainsi qu'une réserve 'le syndic ne peut juger de l'opportunité ou de la validité de la demande et il ne lui appartient pas de suppléer aux lacunes ou insuffisances de la demande. Par conséquent, nous portons à l'ordre du jour de la présente assemblée générale le point tel qu'il est formulé par le ou les copropriétaires ou le conseil syndical.' Le texte de la résolution a été formulé ainsi 'demande de ratification des travaux installations des sorties d'aération de l'appartement, en façade.'
La description des travaux, telle que reprise dans le procès-verbal de l'assemblée générale du correspond manifestement aux travaux effectuées, puisqu'il y a eu percement de trous arrondis, en façade de l'immeuble, et à côté du haut des baies vitrées, permettant l'évacuation de la ventilation mécanique contrôlée de l'appartement du Geai bleu. La description apparaît suffisamment précise pour permettre un vote de l'assemblée générale, étant précisé que l'installation des sorties d'aération (trous sur la façade, partie commune) est distincte de la VMC elle-même, installée à l'intérieur de l'appartement et dans les parties privatives.
II- Sur l'atteinte à la jouissance du lot n°40 des consorts [V]
L'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose 'La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile.
Le syndicat peut revêtir la forme d'un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi.
Il établit, s'il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété.
Il a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.
Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.'
L'article 26 alinéa 3 prévoit 'L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.'
Ainsi qu'il a été écrit ci-dessus, la résolution n°22 a porté sur 'l'installation des sorties d'aération de l'appartement de la SCI Geai, en façade', et n'inclut donc que le percement des trous permettant l'évacuation de l'air intérieur.
Il est soutenu que le percement le plus proche du studio des consorts [V] appelants portent atteinte à l'utilisation de leur lot, et notamment à leur jouissance privative sur la terrasse devant les baies vitrées en façade, et que l'assemblée générale ne pouvait donc voter sur cette demande qui outrepassait le principe de spécialité du syndicat des copropriétaires.
S'il est établi que les trous en façade sont situés à 26 cm de la séparation des deux parties privatives, le préjudice esthétique pour les consorts [V] est particulièrement réduit, les trous de percement visibles étant situés en haut de la façade et très discrets.
En ce qui concerne les nuisances sonores, il résulte des pièces versées aux débats :
- qu'un ruisseau émet des ondes sonores audibles de la terrasse des appelants, ainsi l'attestation de Mme [F] que 'alors que nous nous tenions sur la terrasse, j'ai entendu une soufflerie, cela de façon permanente et très distincte couvrant le bruit du ruisseau situé à proximité' ;
- si l'huissier de justice a mesuré un niveau sonore de 76,9 décibels à 5 cm de la bouche de la VMC, cette proximité n'est pas celle d'une personne se tenant sur la terrasse des consorts [V] ;
- le mesurage des niveaux de bruits selon les articles R1334-30 et suivants du code de la santé publique suppose de respecter l'arrêté du 5 décembre 2006 et notamment de déterminer l'émergence globale, soit la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause (VMC) et le niveau des bruits habituels, extérieurs (ruisseau) et intérieurs correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement normal habituel des équipements en l'absence du bruit particulier en cause (VMC).
En l'état, il n'est pas démontré que l'émergence du bruit de la VMC issu de l'appartement de la société Geai soit de nature à porter atteinte aux modalités de jouissance de la terrasse privative des consorts [V], dans la mesure où, avant réalisation des travaux litigieux, l'environnement comportait les bruits du ruisseau, et si les bruits de la VMC les couvrent, leur niveau sonore peut aussi simplement être équivalent ou supérieur de seulement quelques décibels.
Le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions.
Succombant au fond en leur appel, les consorts [V] supporteront les dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'une indemnité procédurale de 1 000 euros au bénéfice de chacune des parties intimées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne M. [G] [V], Mme [J] [V], Mme [Y] [T] ainsi que Mme [I] [V] in solidum, aux dépens de l'instance d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître Coutin,
Condamne M. [G] [V], Mme [J] [V], Mme [Y] [T] ainsi que Mme [I] [V] in solidum, à payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile à :
- la société Geai Bleu,
- au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7].
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.