CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 27 mars 2025, n° 21/19534
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Pradeyrol Developpement (SC)
Défendeur :
Viducia (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien
Avocats :
Me Guerre, Me Montfort, Me Brouard, Me Hug de Larauze
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 27 MARS 2025
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/19534 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUPS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2021 - Tribunal de commerce de Paris, 6ème chambre - RG n° 20/45884
APPELANTE
S.C. PRADEYROL DEVELOPPEMENT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de [Localité 7] sous le numéro 499 588 994
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence Guerre de la SELARL Pellerin - De Maria - Guerre, avocat au barreau de Paris, toque : L0018
Assistée de Me Cédric Montfort, substitué par Me Julien Brouard tous deux de Cayse Avocat, avocats au barreau de Lyon
INTIMÉE
S.A.S. VIDUCIA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de [Localité 4] sous le numéro 522 179 845
[Adresse 6]
[Localité 1] FRANCE
Représentée et assistée de Me Vincent Hug De Larauze, avocat au barreau de Paris, toque : A0133
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
Mme Christine Soudry, conseillère
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marilyn Ranoux-Julien dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Pradeyrol Developpement (la société Pradeyrol) est une société holding, détenant principalement des participations dans des sociétés d'exploitation d'établissements médicaux.
La société Viducia exerce une activité de conseil pour les affaires et la gestion, se matérialisant par des études économiques et financières.
La société Pradeyrol était propriétaire, via sa filiale la société Les Acacias, de la clinique Les Acacias, spécialisée dans le traitement des maladies respiratoires, située à [Localité 5].
Par acte sous seing privé du 6 mai 2013, la société Pradeyrol a conclu avec la société Viducia un « mandat exclusif de conseil », destiné à « l'assister dans la négociation et le montage de l'ensemble des opérations devant aboutir à une cession immédiate ou différée de tout ou partie des titres ou des actifs » de la société Les Acacias.
Le mandat exclusif d'une durée initiale de 6 mois, était renouvelable par tacite reconduction par période de 6 mois, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties.
La société Pradeyrol versait à la société Viducia des honoraires à hauteur de 36 000 euros TTC correspondant aux frais d'étude payables après préparation du mémorandum d'information et des comptes retraités et prévisionnels à l'attention des acquéreurs potentiels.
La société Korian a émis une lettre d'intention le 8 mai 2015, sans que son projet d'acquisition n'aboutisse.
Le 29 mars 2018, la société Pradeyrol a dénoncé le mandat conclu avec la société Viducia.
Le 12 septembre 2019, les sociétés Pradeyrol et Korian ont conclu la vente de la clinique Les Acacias.
La société Viducia a revendiqué la mise en 'uvre de son droit de suite, et par courrier du 12 mars 2020, elle a mis en demeure la société Pradeyrol de :
- lui régler sa facture n°03/01 en date du 10 mars 2020 d'un montant de 90.000 euros HT (108.000 euros T.T.C.) correspondant à la part forfaitaire de la commission de succès due en application du mandat au titre de la cession de la société à Korian du 12 septembre 2019 ;
- lui transmettre les éléments permettant d'établir le montant de la transaction et de calculer la part variable de la commission de succès exigible.
Ses demandes n'ayant pas abouties, la société Viducia a assigné la société Pradeyrol devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris, a, au bénéfice de l'exécution provisoire :
Débouté la société Pradeyrol de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné la société Pradeyrol à payer à la société Viducia la somme de 108.000 euros TTC en règlement de la facture n°03/01 du 10 mars 2020 correspondant à la part forfaitaire de la commission de succès qui lui était due au titre de la cession de la société Les Acacias conclue le 12 septembre 2019, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020 ;
Condamné la société Pradeyrol à payer à la société Viducia la somme de 271.218 euros TTC correspondant à la part variable de la commission de succès qui lui était due au titre de la cession de la société Les Acacias conclue le 12 septembre 2019 ;
Condamné la société Pradeyrol à payer à la société Viducia la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par déclaration du 10 novembre 2021, la société Pradeyrol a interjeté appel de ce jugement.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 septembre 2022, la société Pradeyrol demande, au visa des articles 1984 et suivants du code civil, de l'article 1 de la loi du 2 janvier 1970, dite Hoguet, des articles L. 211-1, L. 321-1, L. 531-10 et suivants du code monétaire et financier, de :
Infirmer le jugement du 7 octobre 2021 en ce qu'il :
« Déboute la société Pradeyrol de l'ensemble de ses demandes »,
« Condamne la société Pradeyrol à payer à la société Viducia la somme de 108.000 euros TTC en règlement de la facture n° 03/01 du 10 mars 2020 correspondant à la part forfaitaire de la commission de succès qui lui est due au titre de la cession de la société Les Acacias conclue le 12 septembre 2019, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020 »,
« Condamne la société Pradeyrol à payer à la société Viducia une somme complémentaire de 271.218 euros TTC, correspondant à la part variable de la commission de succès qui lui est due au titre de la cession de la société Les Acacias conclue le 12 septembre 2019 »,
« Condamne la société Pradeyrol à verser à la société Viducia la somme 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile »,
« Condamne la société Pradeyrol aux entiers dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 ' dont 12,12 ' de TVA »,
« Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ».
En conséquence,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Juger recevables et bien fondés les appels, moyens, demandes et conclusions de la société Pradeyrol ;
Juger que le mandat de 2013 qui portait sur la cession des titres de la société Acacias était soumis aux dispositions impératives de la loi Hoguet, le patrimoine de la société incluant des immeubles, alors que la société Viducia ne dispose d'aucune carte ni autorisation d'intermédiation et que le mandat ne comportait notamment aucune faculté de rétractation ;
Juger nul et de nul effet le mandat du 6 mai 2013 ;
Débouter en conséquence la société Viducia de toutes demandes de paiement au titre du contrat de mandat du 6 mai 2013 ;
A titre subsidiaire,
Juger que s'agissant d'une convention de mandat, la cour doit apprécier, nonobstant toute clause contraire, la réalité des diligences et prestations accomplies par la société Viducia pour la société Pradeyrol, afin d'apprécier les honoraires auxquels le mandataire pourrait éventuellement prétendre ;
Juger que le versement d'honoraires complémentaires de résultat à la société Viducia constituerait un avantage manifestement disproportionné à la valeur et l'utilité des prestations réalisées par cette dernière ;
Juger que la société Viducia ne justifie pas d'une utilité ni de prestations conséquentes qui justifieraient les demandes en paiements présentées en première instance à hauteur de 379 128 euros TTC et qu'en conséquence, les honoraires déjà versés de 36 000 euros TTC par la société Pradeyrol couvraient largement les diligences et services rendus ;
Débouter en conséquence la société Viducia de toutes demandes de paiement au titre du contrat de mandat du 6 mai 2013 ;
A titre infiniment subsidiaire,
Limiter les sommes dues par la société Pradeyrol à la société Viducia au titre du mandat du 6 mai 2013 à 126 133 euros HT ;
En tout état de cause,
Débouter la société Viducia de toutes ses demandes, fins appels et conclusions ;
Condamner la société Viducia aux entiers dépens ainsi qu'au versement à la société Pradeyrol d'une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 novembre 2024, la société Viducia demande, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
- condamner la société Pradeyrol à payer à la société Viducia une somme complémentaire de 30 000 euros au titre de la procédure en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Pradeyrol aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Vincent Hug de Larauze.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions exposées au dispositif et que les « juger » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droits à la partie qui les requiert hors les cas prévus par la loi ; en conséquence la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens évoqués.
Sur la nullité du mandat
La société Pradeyrol soutient que :
' Le mandat litigieux est un mandat d'intermédiation. Il reposait à titre principal dans la présentation de candidats acquéreurs, les prestations de conseil n'étant qu'accessoires. Au cas particulier, la cession projetée concerne des titres d'une société propriétaire d'immeubles, le mandat est donc soumis à la loi Hoguet du 2 janvier 1970. La société Viducia ne justifie pas de la « carte Hoguet », et les clauses contenues dans le contrat entrainent la nullité du mandat (exclusivité, rémunération de succès due même en cas d'absence d'intervention effective pour la transaction sans mention de la faculté de rétractation).
' L'activité de « conseil en investissement » qui porte sur des « instruments financiers », en ce compris les « actions de sociétés » est une activité réglementée. Le mandat litigieux relevait du monopole des Prestataires de Services d'Investissement et ne pouvait être valablement conclu par la société Viducia.
La société Viducia réplique que :
' Le mandat exclusif de conseil conclu le 6 mai 2013 n'entre pas dans le champ d'application de la loi Hoguet : le caractère habituel n'est pas établi et la cession des parts sociales de la société Les Acacias, société anonyme, ne constitue pas « la vente de parts sociales non négociables » visée à l'article 1.5° de la loi Hoguet.
'la mission de conseil et d'assistance exercée par Viducia aux termes du mandat en vue de la cession des titres de la société Acacias ne requiert pas d'agrément au regard des dispositions du code monétaire et financier : l'AMF et l'ACPR ont précisé dans leur position commune du 14 mars 2018 que les personnes qui « assistent, conseillent et accompagnent les personnes physiques ou les personnes morales et leurs dirigeants et/ou leurs actionnaires ou associés dans le cadre d'un projet de cession/transmission/acquisition d'entreprise », délivrent une prestation qui relève « du service connexe visé au 3 de l'article L.321-2 du code monétaire et Financier, libre d'exercice ».
***
Aux termes du mandat du 6 mai 2013, la mission de la société Viducia recouvrait les tâches suivantes :
« a) Viducia identifiera et sélectionnera, en collaboration avec le mandant et avec son accord, les acquéreurs potentiels.
b) Viducia établira un mémorandum d'information de la société qui présentera son historique, sa structure, son activité, ses moyens humains et matériels, ses éléments financiers et retraités, ainsi que ses comptes prévisionnels 2013. Le mandant et/ou les responsables opérationnels de la société devront approuver et confirmer l'exactitude des informations contenues dans le mémorandum d'information.
c) Viducia approchera confidentiellement les acquéreurs sélectionnés après accord du mandant et transmettra un mémorandum d'information à ceux qui auront manifesté un intérêt, après signature d'un engagement de confidentialité de leur part.
d) Viducia fournira aux acquéreurs potentiels les informations nécessaires leur permettant de prendre position. Une data room pourra être organisée par Viducia en accord avec le mandant.
e) Viducia recueillera les offres de rachat et assistera le mandant lors des différentes phases de négociation jusqu'à la réalisation de la transaction ».
Sur l'application de la loi Hoguet au litige
L'article 1er de la loi Hoguet dispose que « les dispositions de la présente loi s'applique aux personnes physiques et morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui, relatives à :
1° l'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou la sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé, d'immeubles bâtis ou non bâtis ;
2° l'achat, la vente ou la location gérance de fonds de commerce ;
5° l'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;
6° la gestions immobilière ».
En l'espèce, l'objet du mandat de la société Viducia porte sur la cession des « titres ou des actifs » de la société Les Acacias, parmi lesquels sont présents des immeubles, puisque celle-ci est propriétaire des murs de la clinique. L'ensemble des prestations du mandat du 6 mai 2013 caractérise par ailleurs une activité d'entremise, qui consiste à mettre en relation les parties et à les accompagner dans les négociations pour l'achat et la vente de biens.
Cependant, d'une part, la vente des actions d'une société n'est pas assimilable à la vente des immeubles figurant dans son actif. Or, aux termes de l'acte de fixation du prix du 29 janvier 2020, la cession intervenue entre les sociétés Pradeyrol et Korian le 12 septembre 2019 a exclusivement porté sur « les 6 301 actions formant le capital social de la société Les Acacias ».
D'autre part, l'article 1er, 5°, de la loi Hoguet vise la cession de « parts sociales non négociables » et non les actions d'une société par action simplifiée, forme juridique de la société Les Acacias.
Il en résulte que la mission confiée à la société Viducia ne porte pas à titre principal sur la cession d'immeubles mais sur des titres qui, par essence, ont un caractère mobilier, de sorte qu'il ne peut être considéré que la loi Hoguet du 2 janvier 1970 soit applicable au mandat.
En conséquence, la demande de la société Pradeyrol de nullité du mandat fondée sur le non-respect des dispositions de la loi Hoguet sera rejetée.
Sur l'absence d'agrément de la société Viducia au regard du code monétaire et financier
Selon l'article L. 321-1 du code monétaire et financier, alors applicable, « les services d'investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 et comprennent les services et activités suivants :
1. La réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;
2. L'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;
3. La négociation pour compte propre ;
4. La gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;
5. Le conseil en investissement ;
6-1. La prise ferme ;
6-2. Le placement garanti ;
7. Le placement non garanti ;
8. L'exploitation d'un système multilatéral de négociation au sens de l'article L. 424-1.
Un décret précise la définition de ces services.
Selon l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, alors applicable, « les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers. Les titres financiers sont :
1. Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
2. Les titres de créance, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ;
3. Les parts ou actions d'organismes de placement collectif.
Les contrats financiers, également dénommés "instruments financiers à terme", sont les contrats à terme qui figurent sur une liste fixée par décret. »
Les articles L. 531-10 et L. 531-11 du code monétaire et financier, dans leur version applicable au litige, disposent que « sous réserve des dispositions de L. 531-2, il est interdit à toute personne autre qu'un prestataire de service d'investissement de fournir à des tiers des services d'investissement, à titre de profession habituelle » et « il est interdit à toute entreprise autre qu'une entreprise d'investissement d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d'une façon générale, des expressions faisant croire qu'elle est agréée en tant qu'entreprise d'investissement, ou de créer une confusion en cette matière ».
Selon l'article L. 321-1 du code monétaire et financier, alors applicable, les services d'investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 et comprennent les services et activités suivants (') 5° « le conseil en investissement ».
Selon l'article L. 531-1 du code monétaire et financier, alors applicable, « la prestation de services connexes au sens de l'article L. 321-2 est libre, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur applicables à chacun de ces services. Elle ne permet pas, à elle seule, de prétendre à la qualité d'entreprise d'investissement. »
Selon l'article L.321-2 du code monétaire et financier, alors applicable, les services connexes aux services d'investissement comprennent (') 3° « la fourniture de conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle et de questions connexes ainsi que la fourniture de conseil et de service en matière de fusion et de rachat d'entreprise ».
Selon la communication « position DOC-2018-03 - ACPR-AMF » du 14 mars 2018 sur la distinction entre le conseil en investissement et le conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle, de fusions et de rachat d'entreprises ; les personnes qui « assistent, conseillent et accompagnent les personnes physiques ou les personnes morales et leurs dirigeants et/ou leurs actionnaires ou associes dans le cadre d'un projet de cession/transmission/acquisition d'entreprise », délivrent une prestation qui relève « du service connexe vise au 3 de l'article L. 321-2 du code monétaire et financier, libre d'exercice » et « ne requiert pas d'agrément, conformément à l'article L. 531 1 du code monétaire et financier. »
La communication préconise une analyse du contrat in concreto, tenant compte de l'objectif poursuivi par le client : « si l'objectif est de nature entrepreneuriale et industrielle ' tel est le cas lorsque le client cherche à financer son développement, sa croissance externe ou de nouvelles synergies industrielles, ou à pénétrer de nouveaux marchés dans le cadre d'un projet défini ou à organiser la cession ou l'acquisition d'une branche d'activité, alors le conseil fourni est celui visé au 3 de l'article L. 321-2 du code monétaire et financier (') lorsque ces clients demandent des conseils dans ce contexte, il est considéré qu'il s'agit de conseils en haut de bilan.
Si l'objectif est de nature patrimoniale ' tel est le cas lorsque le client cherche la constitution d'une épargne, la recherche d'un rendement financier régulier, ou à se couvrir contre un risque ' alors le conseil fourni est un conseil en investissement au sens du 5 de l'article L. 321-1 du même code. »
Selon cette communication, les prestations entrant dans le champ de l'article 3, c'est-à-dire non soumises à l'agrément (tels les conseils en haut de bilan), doivent répondre aux quatre critères suivants :
- les diligences se rapportent sur les fondamentaux de l'entreprise, l'analyse du secteur, les éventuelles évolutions et récentes opérations en vue de préciser le projet entrepreneurial du client ;
- les diligences à réaliser portent sur l'accompagnement du client dans la recherche des contreparties (sociétés cibles, branches d'activité, personnes physiques), de nouveaux associés ou actionnaires ou d'apporteurs de fonds susceptibles d'être intéressés par l'entreprise ;
- le conseiller assiste le client sur un projet dont les conditions et termes seront définis au terme d'un processus itératif de négociation avec les contreparties sélectionnées jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé sur la chose et le prix (nature et caractéristiques financières des instruments financiers, pactes sur la gouvernance, clause de garanties, conditions suspensives) ; les conventions conclues in fine sont des contrats de gré à gré ;
- l'intuitu personae y est fort, à la fois entre le client et son conseiller, mais aussi entre le client et les contreparties qui ont vocation à rencontrer, échanger, et collaborer le cas échéant.
En l'espèce, le mandat stipule en préambule que la société Viducia a pour mission d'assister la société Pradeyol « dans la négociation et le montage de l'ensemble des opérations devant aboutir à la cession immédiate ou différée de tout ou partie des titres de la société ». Il s'agissait donc de céder la société Les Acacias au meilleur prix, alors que la décision de céder avait déjà été prise, aucun conseil n'étant fourni sur l'opportunité ou non de céder. L'examen de ce premier critère tend donc à considérer qu'il s'agit d'une mission de conseil en haut de bilan.
S'agissant des diligences à réaliser pour y répondre, c'est-à-dire de la mission de recherche proprement dite : le mandat stipule que « Viducia établira un mémorandum d'information de la société qui présentera son historique, sa structure, son activité, ses moyens humains et matériels, ses éléments financiers et retraités, ainsi que ses comptes prévisionnels 2013 », avant d'approcher confidentiellement les acquéreurs sélectionnés après accord du mandant. Cette prestation s'apparente également à une mission de conseil en haut de bilan.
S'agissant de l'existence d'une négociation multi ou bilatérale pour la fixation des termes et conditions de l'opération de cession de la société, le mandat stipule : « Viducia fournira aux acquéreurs potentiels les informations nécessaires leur permettant de prendre position. Une data room pourra être organisée par Viducia en accord avec le mandant. Viducia recueillera les offres de rachat et assistera le mandant lors des différentes phases de négociation jusqu'à la réalisation de la transaction ». Il s'agit donc bien de permettre l'ouverture d'une négociation afin de trouver un accord global sur les modalités de la cession. L'examen de ce critère tend à considérer qu'il s'agit d'une mission de conseil en haut de bilan.
Enfin s'agissant de l'intuitu personae, celui-ci est présent puisque le mandat stipule à plusieurs reprises que les diligences de Viducia sont accomplies « en collaboration » et « en accord avec le mandant » et « le choix définitif de réaliser l'opération restera bien entendu de la seule responsabilité du mandant ». L'examen de ce dernier critère permet de considérer qu'il s'agit d'une mission de conseil en haut de bilan.
L'analyse du mandat au regard de l'ensemble de ces éléments établit qu'il s'agit en l'espèce d'une prestation de conseil en haut de bilan, non soumise à agrément.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de nullité du mandat de la société Pradeyrol pour défaut d'agrément au titre des professions réglementées du code monétaire et financier.
Sur le droit de suite, son assiette et sa modération par le juge
La société Pradeyrol soutient que :
'La clause de droit de suite, qui prévoit une rémunération quelles que soient les diligences effectivement accomplies par la société Viducia, n'empêche pas la cour d'exercer son pouvoir conféré par la jurisprudence de révision des honoraires. La société Viducia ne démontre pas avoir accompli des diligences correspondant à ses demandes financières élevées alors qu'elle ne dispose pas du statut d'un intermédiaire agréé, qualifié et réellement diligent.
'La société Viducia est étrangère à la cession des titres de la société Les Acacias intervenue en 2019. Elle n'a 'uvré que jusqu'en novembre 2015, et auparavant, les démarches qu'elle a pu conduire pour le compte de la société Pradeyrol en direction de la société Korian, sans actualiser le mémorandum ni anticiper la question essentielle de la réglementation sismique et parasismique n'ont pas permis de sceller une transaction.
' Doivent être exclues du calcul des honoraires de la société Viducia les dettes fiscales, le remboursement de l'avance faite par la société Pradeyrol en remboursement d'une dette de la société Acacias.
La société Viducia réplique que :
' Le point de départ de la période d'application du droit de suite (36 mois) est le 29 mars 2018, date à laquelle la société Pradeyrol a dénoncé le mandat.
' La société Pradeyrol n'a jamais formulé de grief quant à la qualité de sa prestation avant la présente procédure.
' La société Viducia a approché la société Korian dans le cadre de l'exécution du mandat et son implication a été importante dans le processus de discussions mené entre les sociétés Korian et Pradeyrol. Elle a effectué parallèlement des diligences auprès d'autres acquéreurs potentiels jusqu'au début de l'année 2018.
'Les dettes financières doivent être ajoutées au prix de cession des actions payé en numéraire par Korian pour déterminer le montant de la transaction servant de base au calcul de la commission de succès.
L'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En l'espèce, le mandat confié à Viducia pour une durée initiale de 6 mois était renouvelable « par tacite reconduction (pour une même durée), sauf dénonciation par le mandant ou par Viducia ».
L'article III du mandat stipule que : « si dans les 36 (trente-six) mois suivant le terme de ce mandat ou de son renouvellement, le mandant entend conclure un accord de cession de tout ou partie de la société avec un des acquéreurs potentiels approchés par Viducia, le mandant aura alors la possibilité soit de recourir aux services de Viducia dans le cadre du présent mandat, soit de poursuivre les négociations sans s'adjoindre les services de Viducia. Dans les deux hypothèses et en cas de succès de cette négociation, le mandant s'engage à rémunérer Viducia en lui réglant les honoraires de succès ».
En l'espèce, le mandat a été dénoncé par la société Pradeyrol par courrier du 29 mars 2018, et celle-ci a cédé les parts sociales de la société Les Acacias le 12 septembre 2019, soit 18 mois après le terme du mandat. Le droit de suite de la société Viducia est donc acquis et ce, nonobstant le fait que l'acte de cession entre les sociétés Pradeyrol et Korian ait été conclu sans l'assistance de la société Viducia.
L'article IV du mandat prévoit au titre de la rémunération de la société Viducia :
- Des honoraires fixes de 30 000 euros HT correspondant aux frais d'étude payables après préparation du mémorandum d'information et des comptes retraités et prévisionnels à l'attention des acquéreurs potentiels.
- Une commission de succès payable dans les 7 jours de la date de la transaction dont le montant est déterminé comme suit :
'une somme forfaitaire minimale de 90 000 euros HT quel que soit le montant de la transaction
'10% HT du montant de la transaction sur la tranche de 13 000 000 euros à 14 000 000 euros,
'20% HT du montant de la transaction sur la tranche supérieure à 14 000 000 euros.
'La commission de succès ne pouvant être inférieure à 90 000 euros HT.
Les termes « montant de la transaction » sont contractuellement définis comme étant le total de :
- « toute somme versée ou à verser à l'acquéreur au titre de la transaction, que ce montant soit ou non retenu sous séquestre, que son paiement soit ou non différé, ou qu'il soit ou non fonction des résultats futurs, qu'il soit payé en « cash » ou en titre » ;
- « toutes les dettes financières nettes reprises par l'acquéreur dans le cadre de la transaction ».
Il est justifié qu'au titre de la valeur des actions, la société Korian a versé à la société Pradeyrol la somme de 13 361 338 euros. Le mandat stipule que doivent par ailleurs être ajoutées au « montant de la transaction » les « dettes financières » de la société Les Acacias, et ce, sans aucune exclusion.
La dette fiscale de la société Les Acacias (dette fiscale CICE 2018 du 18 septembre 2019) et le remboursement d'une dette avancée par l'associée unique (remboursement de son compte-courant d'associé le 18 septembre 2019) seront donc incluses dans l'assiette de la commission.
Il en résulte que le « montant de la transaction » est égal à : 13 361 338 euros (prix des actions) + 1 200 000 euros (remboursement de son compte-courant d'associé) + 68 738 euros (remboursement dette fiscale) soit la somme totale de 14 630 076 euros.
En application du barème de calcul stipulé à l'article IV du mandat, la part variable de la commission de succès due à la société Viducia s'établit à la somme de 226 015 euros HT soit 271 218 euros TTC, montant qui s'ajoute à la part forfaitaire à hauteur de 90 000 euros HT soit 108 000 euros TTC.
La société Viducia verse aux débats de nombreux échanges de courriels avec les sociétés Pradeyrol et Korian qui démontrent qu'elle a accompli des diligences requises contractuellement notamment la mise en 'uvre d'une data-room et la communication régulière d'éléments d'information dans les négociations engagées. La société Pradeyrol n'a jamais exprimé de reproches à ce titre avant l'instance.
Il n'est ainsi pas démontré que la société Viducia ait failli à ses obligations, ni que le montant de la commission qu'elle réclame au titre du droit de suite soit manifestement disproportionné.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Pradeyrol à payer à la société Viducia la somme de 108 000 euros TTC en règlement de la facture n°03/01 du 10 mars 2020, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020, date de la lettre de mise en demeure, ainsi qu'une somme complémentaire de 271 218 euros TTC correspondant à la part variable de la commission de succès due au titre de la cession de la société Les Acacias.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
La société Pradeyrol, partie qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me de Larauze, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande que la société Pradeyrol soit condamnée à payer à la société Viducia la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. La demande de la société Pradeyrol au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 octobre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Rejette la demande de la société Pradeyrol Developpement en nullité du mandat du 6 mai 2013 ;
Rejette la demande de la société Pradeyrol Developpement formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Pradeyrol Developpement à payer à la société Viducia la somme complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne la société Pradeyrol Développement aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés par Me de Larauze, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE