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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 27 mars 2025, n° 23/00776

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. David

Vice-président :

Mme Duvallet

Conseiller :

Mme Chouvin-Galliard

Avoués :

Me Lesimple-Coutelier, Me Jaeck

Avocat :

SELARL Lesimple-Coutelier & Pires

Cons. prud'h. Blois, sect. encadrement, …

24 février 2023

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 27 MARS 2025 à

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

Me François JAECK

AD

ARRÊT du : 27 MARS 2025

MINUTE N° : - 25

N° RG 23/00776 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GYD6

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 24 Février 2023 - Section : ENCADREMENT

APPELANT :

Monsieur [D] [M]

né le 29 Avril 1953 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.A.S. [H] [S] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me François JAECK, avocat au barreau de BLOIS

Ordonnance de clôture : 11 JUILLET 2024

Audience publique du 07 Novembre 2024 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, président de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 27 mars 2025, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [M] a été engagé à compter du 22 mai 2000 par la S.A.S. [H] [S] [P] en qualité de responsable du bureau d'études et développement électronique, classification cadre, position 3A.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Le 15 février 2013, un huissier de justice a procédé, en présence de M. [M], à un constat portant sur les fichiers contenus dans l'ordinateur professionnel du salarié. Le jour même, l'employeur a mis à pied à titre conservatoire M. [D] [M], puis l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 26 février 2013.

Le 4 mars 2013, l'employeur a notifié à M. [D] [M] son licenciement pour faute lourde.

Par requête du 22 mars 2013, M. [D] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Blois aux fins de voir reconnaître que son licenciement ne reposait ni sur une faute lourde ni sur une cause réelle et sérieuse et d'obtenir diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 6 décembre 2013, le conseil de prud'hommes de Blois a prononcé un sursis à statuer.

Par ordonnance du 30 décembre 2021, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Blois a prononcé un non-lieu à suivre contre quiconque du chef de contrefaçon.

Par jugement du 24 février 2023, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Blois a :

Dit et jugé que le licenciement de M. [D] [M] reposait sur une cause réelle et sérieuse qui relevait de la faute grave ;

Débouté M. [D] [M] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamné M. [D] [M] aux entiers dépens.

Le 14 mars 2023, M. [D] [M] a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance, rendue le 11 janvier 2024, auquel il convient de se référer pour un exposé complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, le conseiller de la mise en état :

- S'est déclaré incompétent pour statuer sur la recevabilité des demandes suivantes formées par M. [D] [M] contre la SAS [H] [S] [P] en ce qu'elles se fondent sur un licenciement verbal qui serait intervenu le 1er mars 2013 :

Dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 125 000,00 euros

Indemnité de licenciement : 33 543,25 euros

Indemnité compensatrice de préavis : 30 963,00 euros

Congés payés sur préavis : 3 096,00 euros

Rappel de salaire s/ Mise à pied : 2 857,68 euros

Congés payés s/ Rappel de salaire : 285,76 euros

Article 700 du code de procédure civile : 3 500,00 euros

Remboursement contribution aide juridique : 35,00 euros

- S'est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de M. [D] [M] au titre d'un licenciement verbal ;

- A condamné la SAS [H] [S] [P] à payer à M. [D] [M] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de sa demande à ce titre ;

- A condamné la SAS [H] [S] [P] aux dépens de l'instance d'incident.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 31 octobre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] [M] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau,

Condamner la société [H] [S] [P] S.A.S. à régler à M. [D] [M], les sommes suivantes :

Dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 125 000,00 euros

Indemnité de licenciement : 33 543,25 euros

Indemnité compensatrice de préavis : 30 963,00 euros

Congés payés sur préavis : 3 096,00 euros

Rappel de salaire s/ Mise à pied : 2 857,68 euros

Congés payés s/ Rappel de salaire: 285,76 euros

Article 700 du Code de procédure civile: 3 500,00 euros

Remboursement contribution aide juridique : 35,00 euros

Ordonner que les intérêts majorés et capitalisés courent à compter de la saisine du conseil des prud'hommes conformément à l'article 1343-2 du Code civil.

Condamner l'employeur à lui remettre les bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés en application des dispositions qui précèdent dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, ou passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par document et par jour de retard, que M. [D] [M] pourra faire liquider en sa faveur en saisissant à nouveau la présente juridiction.

Condamner la société [H] [S] [P] S.A.S. aux entiers dépens qui comprendront le cas échéant les frais d'exécution forcée.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 26 juin 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S. [H] [S] [P] demande à la cour de :

In limine litis, sans préjudice de l'incident parallèlement initié devant le conseiller de la mise en état,

Déclarer et juger M. [M] irrecevable en ses prétentions et demandes tendant à voire juger et prononcer la rupture du contrat de travail de M. [M] comme étant intervenue prétendument par un licenciement verbal en date du 1er mars 2013, et en ses demandes indemnitaires présentées sur ce fondement.

Prononcer l'irrecevabilité des demandes indemnitaires de M. [M], suivantes :

Dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 125 000,00 euros

Indemnité de licenciement : 33 543,25 euros

Indemnité compensatrice de préavis : 30 963,00 euros

Congés payés sur préavis : 3 096,00 euros

Rappel de salaire s/ Mise à pied : 2 857,68 euros

Congés payés s/ Rappel de salaire : 285,76 euros

Article 700 du Code de procédure civile : 3 500,00 euros

Remboursement contribution aide juridique : 35,00 euros

en ce qu'elles se fondent sur la demande de reconnaissance d'un licenciement verbal prétendument intervenu le 1er mars 2013.

Déclarer prescrites et irrecevable toutes demandes de M. [M] tendant à soutenir que la rupture du contrat de travail de M. [M] serait intervenue le 1er mars 2013 prétendument par un licenciement verbal, ou se fondant sur la prétention d'un licenciement verbal ou de fait.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 juillet 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement verbal

Sur le principe de l'unicité d'instance et la prescription de la demande

Aux termes de l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, en matière prud'homale, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

L'article 8 du décret précité du 20 mai 2016, qui a supprimé cette règle, est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016.

Il en résulte que les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, peu important que l'appel ait été formé postérieurement à cette date (Soc., 1er juillet 2020, pourvoi n° 18-24.180, FS, P+B), .

Tel est le cas en l'espèce, M. [M] ayant saisi le conseil de prud'hommes de Blois par requête du 22 mars 2013. Il était par conséquent recevable à former, au cours de l'instance devant le conseil de prud'hommes, des prétentions additionnelles tirées d'un licenciement verbal.

C'est de manière inopérante que la S.A.S. [H] [S] [P] invoque la tardiveté de la demande, formulée trois jours avant la clôture des plaidoiries après plusieurs années de procédure. Ayant répondu aux allégations du salarié, l'employeur ne peut utilement invoquer une atteinte à la loyauté des débats dès lors que le principe de la contradiction a été respecté.

Par ailleurs, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent le même contrat de travail (Soc., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-17.895, Bull. 2015, V, n° 172 et Soc., 7 juin 2023, pourvoi n° 21-19.466).

L'interruption de la prescription par la saisine par M. [M] du conseil de prud'hommes joue à l'égard de toutes ses prétentions présentées en cours d'instance et portant sur la même relation contractuelle, en ce compris celle relative à l'existence d'un licenciement verbal.

Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur est rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la violation de la règle de l'estoppel

La règle de l'estoppel selon laquelle nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions (1ère Civ., 6 juillet 2005, pourvoi n° 01-15.912, Bull. 2005, I, n°302 et Ass. plén., 27 février 2009, pourvoi n° 07-19.841, Bull. 2009, Ass. plén, n° 1).

M. [M] s'est initialement limité, durant les premières années de la procédure, à contester les motifs du licenciement prononcé par l'employeur le 4 mars 2013 avant d'introduire une demande fondée sur l'existence d'un licenciement verbal, tout en maintenant sa contestation des motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

Toutefois, cette évolution de ses arguments ne saurait être assimilée à une modification de ses prétentions de nature à induire la société en erreur sur ses intentions (1ère Civ., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-14.534, Bull. 2014, I, n° 154).

En effet, les prétentions initiales du salarié contestant les motifs de son licenciement ont été maintenues tout au long de la procédure et il n'existe ni contradiction ni incompatibilité entre les deux thèses soutenues par le salarié.

La fin de non-recevoir tirée de la violation de l'estoppel formée par la S.A.S. [H] [S] [P] est rejetée.

Sur l'existence d'un licenciement verbal

Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Le licenciement verbal, intervenu sans énonciation écrite des motifs du licenciement, est dénué de cause réelle et sérieuse. Il appartient au salarié qui prétend avoir été licencié verbalement d'en rapporter la preuve.

M. [M] fait valoir que, dans le cadre de son dépôt de plainte du 1er mars 2013, l'employeur a expressément indiqué à un agent assermenté qu'il avait été mis à pied et qu'un courrier de licenciement pour faute lourde lui serait prochainement adressé, alors même que la lettre de licenciement est datée du 4 mars 2013.

La société [H] [S] [P] conteste l'existence d'un licenciement verbal, soutenant que les propos tenus lors du dépôt de plainte ne présentent ni le caractère certain, public et irrévocable requis pour caractériser un tel licenciement. Elle souligne également que le salarié, licencié par courrier en date du 4 mars 2013, n'a eu connaissance des termes exacts de la plainte déposée contre lui que le 7 octobre 2013. En outre, elle fait valoir que la déclaration en cause a été recueillie dans le cadre d'une procédure pénale et demeure soumise au secret de l'enquête.

Il ressort des éléments versés aux débats que si le directeur administratif et financier de la S.A.S. [H] [S] [P] a informé l'officier de police judiciaire ayant reçu la plainte de la société de son intention de procéder au licenciement du salarié, cette déclaration a été faite dans un contexte spécifique, à savoir un dépôt de plainte, et à un tiers à l'entreprise tenu à une obligation de confidentialité. Elle ne saurait dès lors être assimilée à une manifestation de volonté claire et définitive de rompre le contrat de travail, accessible au salarié ou à des tiers de manière publique.

En conséquence, l'existence d'un licenciement verbal n'est pas établie.

C'est pourquoi le moyen soulevé par M. [M] à ce titre est rejeté.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute lourde

Aux termes de L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis, la charge de la preuve pesant sur l'employeur.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde et de l'intention de nuire qui la caractérise.

La lettre de licenciement pour faute lourde du 4 mars 2013, qui fixe les limites du litige, vise plusieurs faits. La société [H] [S] [P] reproche à M. [M] les griefs suivants :

- Le détournement de technologie au profit d'une entreprise concurrente ;

- Un comportement insubordonné ainsi qu'une exécution déloyale du contrat de travail, se traduisant par la réalisation, durant le temps de travail, de projets étrangers à l'activité de l'entreprise et l'utilisation des ressources de cette dernière à des fins personnelles ;

- Une volonté caractérisée de porter atteinte aux intérêts légitimes de l'entreprise à des fins personnelles.

Il résulte du procès-verbal d'audition du 10 juillet 2013 de M. [M] et de l'extrait K Bis du 19 avril 2013 de la SARL Diaxys (pièces n° 11 et 12 de l'employeur) que M. [M] a accordé en 2008 un prêt de 60 000 euros sous forme d'apport en compte courant d'associé à la cette société, dont il est devenu gérant le 20 février 2013.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche d'abord à M. [M] d'avoir dupliqué des fichiers d'un logiciel développé par la société [H] [S] [P], destiné à faire fonctionner des transmetteurs de pression, afin de les implanter dans le capteur de température commercialisé par la société Diaxys.

À l'appui de ce grief, l'employeur produit un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice, lequel indique que le logiciel d'un projet NPH de la société [H] [S] [P] contient les mentions « Diaxys » et « DXT13 ». Il verse également aux débats le procès-verbal d'audition de M. [B], qui affirme que le programme en question est la propriété de la société [H] [S] [P].

M. [M] conteste toute concurrence entre les sociétés [H] [S] [P] et Diaxys et soutient en conséquence que son employeur ne peut lui reprocher d'avoir travaillé pour une entreprise concurrente. À ce titre, il produit :

- Le procès-verbal d'audition de M. [C], attestant que « M. [M] travaille pour la société Diaxys » et que « la société Diaxys collabore avec la société [H] [S] [P] depuis plus de cinq ans » ;

- Le procès-verbal d'audition de M. [J], ancien directeur R&D de la société [H] [S] [P], indiquant que pour lui, M. [M] était chef de projet en relation avec la société Diaxys concernant ce projet ainsi qu'une attestation de M. [J], confirmant que M. [M] faisait partie de son équipe et qu'il était informé des relations entre les sociétés [H] [S] [P] et Diaxys. Il précise que ces deux entreprises collaborent et qu'il est normal que des documents appartenant à la société Diaxys puissent se retrouver sur l'ordinateur de M. [M] et que le fondateur de la société Diaxys est un ancien ingénieur de la société [H] [S] [P], qui connaît donc ses produits et ses programmes de fonctionnement ;

- Des échanges de courriels démontrant que la société Diaxys travaillait pour la société [H] [S] [P] en tant que sous-traitant, notamment dans le développement de produits spécifiques, la fabrication de cartes électroniques et la fourniture d'écrans d'affichage ;

- La page d'une documentation [H] [S] [P] sur laquelle figure une photographie de l'afficheur Dx-Display de la société Diaxys avec les sondes de niveau [H] ;

- Un courrier permettant d'établir que la société Diaxys a mis fin à la relation de sous traitance avec la société [H] [S] [P] en 2013 ;

- Le procès-verbal d'audition de M. [C] indiquant que les sociétés entretenaient des relations commerciales.

Il n'est pas contesté par la société [H] [S] [P] que la société Diaxys intervenait pour son compte en sous-traitance sur certaines activités. Toutefois, l'employeur soutient que les deux sociétés étaient concurrentes sur d'autres secteurs. Il admet l'existence d'une collaboration commerciale sur la fourniture d'écrans d'affichage et la sous-traitance de cartes électroniques, mais affirme que la société Diaxys développait en parallèle, sous les références dxP et dxT, des capteurs de pression et de température, concurrents des produits de la société [H] [S] [P].

L'employeur verse aux débats un constat d'huissier de justice dont il ressort que les produits dxT appartiennent à la société Diaxys. Il précise que la société [H] [S] [P] n'a jamais sous-traité à la société Diaxys la réalisation de capteurs de pression ou de température et qu'elle développait elle-même les programmes de ces capteurs sous ses propres références, notamment NPH, grâce à une équipe d'ingénieurs dont faisait partie M. [M].

Toutefois, il convient de relever qu'une ordonnance de non-lieu a été rendue dans la procédure pénale diligentée à l'encontre de M. [M], faute d'éléments permettant d'établir des faits de contrefaçon.

Certes, cette décision n'a pas d'autorité de chose jugée au civil. Cependant, il convient de la prendre en considération.

Les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir avec certitude que les capteurs de pression et de température faisaient l'objet d'une collaboration entre les sociétés [H] [S] [P] et Diaxys. A cet égard, si l'employeur soutient que ces activités étaient concurrentielles, il n'apporte pas d'éléments suffisants pour exclure tout lien commercial entre les deux sociétés sur ces produits. Par ailleurs, si M. [M] ne justifie pas des raisons pour lesquelles les fichiers litigieux étaient sur son ordinateur, les éléments produits par l'employeur ne permettent pas d'établir avec certitude une contrefaçon ou un acte de concurrence déloyale. Dans ces conditions, il apparaît qu'il existe un doute sur les agissements reprochés à M. [M]. Ce doute doit profiter au salarié.

L'employeur reproche également à M. [M] d'avoir travaillé, pendant son temps de travail et en utilisant les moyens de l'entreprise, sur des projets n'ayant aucun lien avec ceux de la société [H] [S] [P].

Le salarié produit plusieurs éléments visant à démontrer l'existence de relations commerciales entre la société [H] [S] [P] et la société Diaxys, notamment des échanges de courriels entre les deux entreprises. Toutefois, l'employeur soutient que ces relations commerciales sont sans incidence sur le grief reproché dès lors que M. [M] développait un transmetteur de température, alors que le site de [Localité 5], où il était affecté, se consacrait à la production de capteurs de pression.

L'employeur verse aux débats un constat d'huissier de justice établissant que M. [M] a consacré une part significative de sa journée de travail du 6 février 2013, de 11h34 à 17h50, au développement de ce transmetteur de température pour la société Diaxys. L'huissier de justice a également constaté que, le 2 juillet 2012, M. [M] travaillait sur un programme de transmetteur de pression au profit de la société Diaxys, s'intitulant lui-même auteur et chef de projet de ce développement.

Par ailleurs, il ressort du même constat que le salarié a consacré du temps de travail à l'élaboration du catalogue des prix de la société Diaxys, notamment les 8 octobre 2012 et 12 février 2013.

Enfin, dans son procès-verbal d'audition, M. [M] reconnaît avoir constitué un dossier pour la société Diaxys en dehors de son temps de travail mais admet l'avoir ensuite emmené au bureau, tout en précisant que ce dossier n'avait aucun lien avec les activités de la société [H] [S] [P].

Il convient de relever que, si M. [M] soutient que la société [H] [S] [P] entretenait des relations commerciales avec la société Diaxys, il ne produit aucun élément établissant qu'aux dates précises où il a été constaté par l'huissier de justice qu'il travaillait sur des fichiers relatifs à la société Diaxys, ces tâches lui auraient été demandées dans le cadre de ces relations. En l'absence de preuve d'une mission confiée par la société [H] [S] [P], il ne peut être retenu que ces travaux s'inscrivaient dans le cadre de son activité professionnelle pour le compte de son employeur. Il en résulte que le grief est constitué.

Enfin, l'employeur reproche à M. [M] d'avoir manqué à son obligation de loyauté en investissant des fonds personnels dans la société Diaxys, ce qui, selon lui, révélerait une intention de nuire à la société [H] [S] [P].

Si un salarié a le droit de participer au financement d'une société concurrente, cette participation ne doit pas s'accompagner d'agissements déloyaux, ni contrevenir à l'obligation générale de loyauté qui lui incombe. Elle doit également respecter d'éventuels engagements d'exclusivité ou de non-concurrence et ne pas impliquer d'activités susceptibles de nuire aux intérêts de son employeur.

En l'espèce, bien qu'il soit établi que M. [M] ait exercé des activités pour la société Diaxys durant son temps de travail, aucun élément ne permet de démontrer que son investissement financier dans cette société ait eu pour but de porter atteinte à la société [H] [S] [P].

Par ailleurs, l'employeur reproche à M. [M] d'avoir dissimulé sa prise de fonction en qualité de gérant au sein de la société Diaxys avant son licenciement. Toutefois, à l'instar de sa participation financière, ce seul fait ne suffit pas à caractériser une intention de nuire.

Ainsi, bien que les manquements reprochés à M. [M] aient pu causer un préjudice à la société [H] [S] [P], aucun élément ne permet d'établir qu'ils ont été commis avec l'intention de nuire à son employeur. L'existence d'une faute lourde est donc écartée.

Il a été retenu que M. [M] avait réalisé, durant son temps de travail et à plusieurs reprises, des projets étrangers à l'activité de l'entreprise et au profit d'une autre entreprise ayant des activités similaires. Le comportement du salarié caractérise une violation des obligations découlant de son contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise. La faute grave est donc caractérisée.

Le motif invoqué dans la lettre de licenciement est justifié et constitue une cause légitime de licenciement. Il y a donc lieu d'écarter l'argumentation du salarié qui prétend avoir fait l'objet d'un licenciement économique déguisé et que la cause véritable de la rupture ne serait pas celle énoncée dans la lettre de licenciement.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et débouté le salarié de l'intégralité de ses prétentions (dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, rappel de salaire sur mise à pied et remise de documents de fin de contrat).

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de M. [M], partie succombante.

M. [M] est condamné à payer à la société [H] [S] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 février 2023, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Blois ;

Y ajoutant :

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la S.A.S. [H] [S] [P] ;

Condamne M. [D] [M] à payer à la S.A.S. [H] [S] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] [M] aux dépens de l'instance d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Alexandre DAVID

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