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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 15 avril 2025, n° 23/01909

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

HM Elec (EURL)

Défendeur :

Allianz IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Masson, Mme Jarnevic

Avocats :

Me Mas-Blanchot, Me Fribourg, Me Riviere

T. com. Bordeaux, du 14 mars 2023, n° 20…

14 mars 2023

EXPOSE DU LITIGE

1- Mme [R] [J] confié à l'EURL HM Elec la réalisation de travaux dans une maison dont elle est propriétaire à [Localité 6] (Gironde), selon trois devis :

- un devis n°1 du 26 avril 2019 pour l'implantation d'une piscine et la démolition d'une cuve pour un montant de 11'760 euros TTC

- un devis n°2 du 7 juin 2019 pour la pose d'un IPN, d'une clôture métallique et d'un parking pour un montant de 18'763,98 euros TTC

- un devis n°3 du 8 juin 2019 pour la pose d'un IPN, de clôture et de parking pour un montant de 16'850,41 euros TTC.

Les travaux ont débuté en avril 2019 et la société HM Elec EURL a émis quatre factures :

- Le 27 juin 2019 pour un montant de 18'342,01 euros TTC

- Le 7 juillet 2019 pour un montant de 11'760 euros TTC

- Le 4 septembre 2019 pour un montant de 2'145 euros TTC

- Le 5 septembre 2019 pour un montant de 1'993,75 euros TTC

Par courrier recommandé du 1er juillet 2020, l'EURL HM Elec a mis en demeure Mme [J] de lui régler les factures, mais celle-ci lui a opposé le 3 juillet 2020 l'existence de malfaçons.

Le 30 juillet 2020, le maître d'ouvrage a fait appel à un commissaire de justice pour faire constater les malfaçons affectant les travaux et, par acte du 5 août 2020, Mme [J] a assigné en référé l'EURL HM Elec devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par ordonnance du 13 octobre 2020, le juge des référés a désigné un expert qui a déposé son rapport le 9 novembre 2021.

2- Par acte du 21 décembre 2021, Mme [J] a assigné l'EURL HM Elec devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices pour la somme de 46'233,74 au visa des articles 1792 et 1231 et suivants du code civil mobilisant à titre principal la garantie décennale du constructeur et subsidiairement, la responsabilité contractuelle de droit commun de constructeur pour l'inexécution du contrat.

L'EURL HM Elec a assigné en intervention forcée son assurance la société Allianz. Les procédures ont été jointes.

Par jugement du 14 mars 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- ordonné la jonction des affaires enrôlées sous le numéro RG 2022F00278 avec celle enrôlée sous le numéro RG 2021F01449 ;

- condamné la société HM Elec EURL à payer la somme de 30'188 euros à Mme [R] [J],

- condamné Mme [R] [J] à payer la somme de 9'035,26 euros a la société HM Elec EURL,

- ordonné la compensation entre les créances de Mme [R] [J] et celles de la société HM Elec EURL,

- débouté la société HM Elec EURL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, formées à l'encontre de la société Allianz lARD SA prise en sa qualité d'assureur,

- prononcé la mise hors de cause de la société Allianz IARD SA,

- condamné la société HM Elec EURL à payer la somme de 1 000 euros à Mme [R] [J] au titre de l'article 700 du code de procedure civile,

- condamné la société HM Elec EURL à payer la somme de 1'000 euros à la société Allianz IARD SA au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [R] [J] de sa demande de remboursement de la somme de 324,09 euros au titre du constat d`huissier du 30 juillet 2020,

- condamné la société HM Elec EURL aux entiers dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

3- Par déclaration au greffe du 19 avril 2023, l'EURL HM Elec a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués et intimant Mme [R] [J] et la SA Allianz IARD.

Mme [J] a formé appel incident.

Par jugement du 9 octobre 2023, le tribunal de commerce de Libourne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société HM Elec.

Le 27 octobre 2023, Mme [J] a déclaré une créance de 45 683.59 euros entre les mains de la selarl Ekip', mandataire judiciaire désigné par le tribunal.

Par ordonnance du 14 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance.

Par conclusions du 24 janvier 2024, la SELARL Ekip' ès qualités de liquidateur de la société HM Elec est intervenue volontairement à la procédure.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

4- Par dernières écritures d'intervention volontaire notifiées par message électronique le 24 janvier 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la SELARL Ekip ès qualités de mandataire judiciaire et l'EURL HM Elec demandent à la cour de :

Vu le jugement du 14 mars 2023,

Vu la déclaration d'appel,

Vu les articles 1231 et suivants du code civil,

- Donner acte à la société SELARL Ekip' de son intervention volontaire.

- Réformer le jugement du 14 mars 2023 en ce qu'il a :

Condamné la société HM Elec à payer la somme de 30'188 euros à Mme [J] ;

Débouté la société HM Elec de ses demandes dirigées à l'encontre d'Allianz IARD;

Prononcé la mise hors de cause de la société Allianz IARD ;

Condamné la société HM Elec à verser à Mme [J] une indemnité de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société HM Elec à verser à Mme [J] une indemnité de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Confirmer pour le surplus le jugement du 14 mars 2023 ;

A titre principal,

- Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- Condamner Allianz IARD à relever l'EURL HM Elec de toute condamnation à son

encontre au profit de Mme [J],

En tout état de cause,

- Condamner Mme [J] à verser à l'EURL HM Elec la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Allianz IARD à verser à l'EURL HM Elec la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner aux dépens des deux instances.

5- Par dernières écritures notifiées par message électronique le 13 février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Allianz IARD demande à la cour de :

Vu le jugement du 14 mars 2023

Vu la déclaration d'appel du 19 avril 2023

Vu les conclusions d'appelant

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu l'article L113-1 du code des assurances,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu l'article L113-2 du code des assurances,

Vu les articles A243-1 et suivants du code des assurances,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu la police d'assurance,

Vu le rapport d'expertise judiciaire,

A titre principal,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 14 mars 2023 rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux ;

Par conséquent,

- Juger que les garanties de la Compagnie Allianz IARD ne sont pas mobilisables ;

- Débouter la société HM Elec et la SELARL Ekip es qualité de liquidateur judiciaire

de la société HM Elec de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la Compagnie Allianz IARD prise en sa qualité d'assureur ;

- Prononcer la mise hors de cause de la Compagnie Allianz IARD ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à réformer le jugement du 14 mars 2023 et jugeait que les garanties de la Compagnie Allianz IARD étaient mobilisables :

- Limiter la condamnation de la Compagnie Allianz IARD à la réparation des seuls désordres matériels ;

- Prononcer l'opposabilité des franchises contractuelles de la Compagnie Allianz IARD, à l'assuré pour la garantie obligatoire ainsi qu'à tout bénéficiaire pour les garanties facultatives, soit 10% de l'indemnité versée par garantie, avec un minimum de 800 euros et un maximum de 3'200 euros ;

En tout état de cause,

- Condamner la Société HM Elec et la SELARL Ekip es qualité de liquidateur judicaire de la société HM Elec à payer à la Compagnie Allianz IARD prise en sa qualité d'assureur la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel ;

- Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance d'appel.

6- Par dernières écritures notifiées par message électronique le 19 février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [R] [J] demande à la cour de :

Statuant en application des dispositions des articles 1792 et suivants et 1231 et suivants du code civil organisant la responsabilité du constructeur et à défaut, sa responsabilité contractuelle de droit commun,

- Réformer le jugement entrepris,

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société HM Elec la créance de Mme [J] à hauteur de la somme de 46'233,74 euros après compensation.

- Condamner la SELARL Ekip es qualités au paiement d'une somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens, mais également au coût du constat d'huissier qu'a fait établir Mme [J] le 30 juillet 2020 moyennant la somme de 324,09 euros.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur l'action en paiement de Mme [J] à l'encontre de l'EURL Elec:

7- Selon les dispositions de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

8- En l'espèce, le marché de travaux confié à l'EURL HM Elec selon devis des 26 avril 2019, 7 et 8 juin 2019, portait sur l'implantation d'une piscine, la démolition d'une cuve, la création d'ouverture dans le salon et la cuisine de la maison avec pose d'un IPN, la création d'un chaînage en béton armé côté garage, la création d'un chape béton avec ferraillage et coulage de béton, la réalisation d'une clôture avec implantation de poteaux scellés dans des trous bétonnés, la réalisation d'un parking gravillonné pour véhicules, la fourniture et la mise en oeuvre d'un cofrage pour fondations de portail.

9- Chacune de ces réalisations portait sur un ouvrage, au sens de l'article 1792 du code civil, s'agissant de travaux mettant en oeuvre des techniques du bâtiment, avec démolitions partielles, réalisation de structures de confortement ou de fondations en béton.

10- Une fois réalisés, les ouvrages n'ont donné lieu ni à réception exprès (aucune procès-verbal n'a été signé entre les parties), ni à réception tacite, en l'absence de preuve d'une volonté non équivoque de Mme [J] de recevoir les travaux réalisés, puisqu'elle n'a réglé que très partiellement chacune des factures, qu'elle a refusé de payer le solde s'élevant au total à 9035.26 euros, en reprochant à l'entrepreneur différentes malfaçons, désordres et non-finitions, par courrier de son conseil du 3 juillet 2020, en faisant dresser un constat par commissaire de justice le 30 juillet 2020, avant de saisir le juge des référés.

11- Dès lors, en l'absence de réception, la responsabilité de l'entrepreneur ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil mais uniquement sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, selon lequel 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.'

12- En l'espèce, il résulte tant des constats effectués par commissaire de justice le 30 juillet 2020 que des conclusions précises et argumentées de l'expert judiciaire que la responsabilité de l'EURL HM Elec se trouve établie, par manquement à son obligation de résultat de réaliser des ouvrages exempts de vices, en ce qui concerne:

- L'encadrement de la baie vitrée (désordres numéro un), dont le seuil est mal réalisé et qui est cassé sur au moins 40 cm au niveau de l'angle du mur, par suite d'une non-conformité aux règles de l'art dans la finition des enduits et de la réalisation du seuil, avec non-conformité aux DTU 20.1 P1.1 et 36.5 P1.1.

Contrairement à ce que soutient le mandataire liquidateur es-qualité, le délai écoulé entre la fin des travaux et le constat des désordres par commissaire de justice n'est pas de nature à créer un doute sur l'imputabilité de ce désordre à l'entreprise, au regard des conclusions précises de l'expert, sur le non-respect des DTU.

Le fait, allégué par le mandataire liquidateur, que le seuil a été ainsi réalisé en considération de la pose de la baie vitrée et en prévision de la pose d'un bardage bois par le plâtrier n'exonère en rien la société HM Elec de sa responsabilité, pour avoir réalisé un ouvrage non-conforme aux règles de l'art.

- L'appui de fenêtre sur façade nord (désordres numéro deux) composé de trois éléments en pierres qui n'ont pas été encastrés dans les tableaux, qui sont mal jointoyés, et ne dépasse pas de 3 cm le nu du mur.

Le fait, invoqué par le mandataire, et avéré, que ce poste de travail correspond à la facture de suppléments de travaux n° F-1909-00253 du 4 septembre 2019 et non au devis D-1904-00346 n'a aucune incidence sur le fait qu'il s'agit bien d'une prestation réalisée par la société HM Elec dans le cadre du marché de travaux conclu avec Mme [J], et laissée inachevée, non conforme aux règles de l'art.

- le seuil de la cave (désordre numéro 3) qui, par suite d'un défaut de conception, ne comporte pas la mise en place d'un caniveau à grille raccordée à un puits perdu ce qui entraîne une pénétration d'eau dans le bâtiment et la dégradation des objets entreposés.

Le mandataire es qualité ne justifie pas que la société ait proposé la pose d'une grille d'écoulement des eaux avec pompe de relevage, ce qui aurait été refusé par la cliente pour une question de coût.

- la cuve à vin en béton armé (désordres numéro quatre), dont seul le haut a été détruit, et qui a été rempli quasiment en totalité par des gravats lors des travaux, ce qui constitue une non-façon, alors qu'elle est mentionnée comme réalisée dans la facture F-1907-00247 du 7 juillet 2019 (avec évacuation prétendue des gravats en décharge) pour un montant de 800 euros HT.

L'attestation de M. [F], plâtrier (entreprise RBT) tend à prouver l'existence d'un accord de Mme [J] pour stopper la démolition de la cuve, pour éviter une atteinte à la structure de la maison (le mur de la cave étant lié au mur principal de la maison, décrit comme en mauvais état).

Les conclusions de l'expert judiciaire mentionnent en effet la nécessité de faire établir un diagnostic préalable par un BET spécialisé.

Néanmoins, en considération du principe de la réparation intégrale, le maître de l'ouvrage doit être replacé dans la situation où il se serait trouvé si l'ouvrage avait été livré sans vices, de sorte qu'il est fondé à solliciter des dommages et intérêts intégrant le coût des travaux préparatoires qui auraient dû être prévus dans le marché initial.

- la clôture côté nord (désordre numéro 7) mal fondée, est d'une hauteur comprise entre 1.55 m à 1.74 m, donc non conforme au devis (hauteur prévue de 2 mètres) ni aux règles de l'art en la matière, et le grillage n'est pas emboîté dans les crochets des poteaux prévus à cet effet.

Il convient d'écarter, comme dépourvues de toute pertinence, les explications du mandataire liquidateur es-qualités selon lesquelles la hauteur de la clôture 'dépend du relief du terrain qu'elle doit suivre', et faisant état du refus du maitre d'ouvrage de consolider des platines avec du béton selon travaux supplémentaires, alors que le devis prévoyait déjà des soubassements en béton, et le scellement des poteaux dans des trous bétonnés.

- la clôture côté est (désordres numéro huit), dont les panneaux grillagés ne sont pas emboîtés aux encoches prévues à cet effet, avec des dévers importants (mise en 'uvre non verticale des poteaux dont leurs fondations) et une hauteur insuffisante.

Le mandataire liquidateur es qualité ne rapporte nullement la preuve que la hauteur des clôture dans la commune d'[Localité 6] serait de 1.50 mètre. L'expert a formellement écarté cette assertion en précisant en réponse à un dire que dans la zone UB concernée, le PLU de la commune prévoyait une hauteur maximale de clôture de 2 mètres entre voisins, en limites séparatives. La hauteur prévue au devis devait donc être respectée.

- la clôture côté sud (désordre n°9) d'une hauteur insuffisante (entre 156 cm et 166 cm), avec des poteaux en béton dépourvus de chapeau avec les aciers apparents sans protection qui ont donc commencé à rouiller. Il s'agit d'une non-conformité au devis comme aux règles de l'art, qui ne fait l'objet d'aucune critique sérieuse de la part du mandataire liquidateur. Il explique (sans en justifier) que le maître d'ouvrage a souhaité faire découper les têtes des poteaux pour des raisons d'esthétique mais en toutes hypothèses, il ne justifie pas de la raison de l'absence de pose de silicone de protection

13- Le mandataire liquidateur es-qualité ne prouve pas que les désordres et non-finitions constatés de manière incontestable proviennent d'une cause étrangère au constructeur.

14- Par ailleurs, tenu de livrer un ouvrage exempt de vices, ce dernier ne pouvait prétendre se libérer de cette obligation au prétexte que les factures ne lui ont pas été réglées en totalité; c'est donc à tort qu'il invoque à son profit l'exception d'inexécution, d'autant plus que les ouvrages réalisés nécessitent d'importantes remises en état, du fait des malfaçons constatées, de sorte que sa créance au titre du solde du prix était largement inférieure à celle du maître d'ouvrage.

15- Le mandataire liquidateur es-qualité ne peut arguer davantage de l'absence de mise en demeure, dès lors que celle-ci est intervenue au terme du courrier recommandé adressé le 3 juillet 2020 par le conseil de Mme [J] qui listait l'ensemble des désordres constatés.

16- Le tribunal a procédé, à tort, à une réfaction du montant des travaux de remise en état mentionnés au rapport d'expertise, alors que l'expert judiciaire, spécialement désigné à cette fin, avait qualité et compétence pour évaluer ces travaux en ce qui concerne les postes pour lesquels il n'avait pas obtenu de devis de la part des parties, et qu'au surplus, les estimations figurant au rapport ne contiennent ni anomalie ni caractère excessif, d'autant plus qu'un délai de plus de trois années s'est écoulé depuis le dépôt du rapport.

Il convient en conséquence de retenir les évaluations suivantes:

Désordre 1 : 4.971 euros

Désordre 2 : 2.903 euros

Désordre 3 : 1500 euros

Désordre 4 : 6.765 euros

Désordres 7 et 8 : 24.970 euros

Désordre 9 : 11.660 euros

soit un total de : 52.769 euros.

17- La demande de dommages-intérêts au titre du trouble de jouissance a été rejetée à bon droit par le tribunal, car les désagréments liés aux futurs travaux de retrait de la cuve auraient pareillement été subis si la société HM Elec avait réalisé sa prestation jusqu'à son terme, et dans les règles de l'art.

Sur les demandes de la société HM Elec représentée par son mandataire liquidateur à l'encontre de la société Allianz IARD:

18- La société HM Elec, représentée par son mandataire liquidateur, sollicite la garantie de la société Allianz IARD, au titre des sommes mises à sa charge, en se fondant sur la police Allianz Solution BTP n°54318902, souscrite depuis le 1er janvier 2015.

19- Toutefois, il est constant que la garantie de l'assureur ne peut concerner que le secteur d'activité professionnelle déclarée par le constructeur.

En l'espèce, il ressort du contrat d'assurance versé au débat par la société Allianz (sa pièce 1) que la société HM Elec a déclaré en page 1 une activité professionnelle d'entrepreneur réalisateur de travaux de construction.

En pages 2 et 3 figurent les activités de construction pour lesquelles la garantie de l'assureur est accordée, à savoir:

-(code 2710) Electricité (à l'exclusion de la production d'électricité): réalisation de travaux de distribution de courant électrique, de chauffage électrique, ainsi que le raccordement et l'installation d'appareils fonctionnant à l'électricité. Cette activité comprend l'installation de ventilation mécanique contrôlée, et la pose de dispositifs de protection contre les effets de la foudre ainsi que les travaux accessoires et/ou complémentaires (tranchées, trous de passage, signés et raccords, chape de protection des installations de chauffage).

-(code 0310): voirie et réseaux divers - VRD (à l'exclusion des terrains et pistes de sports non couverts) réalisés à ceil ouvert: canalisations, fossés, trottoirs, pavage, arrosage, espaces verts. Réalisation de travaux de canalisations, de tous types de réseaux enterrés ou aériens, de systèmes d'assainissement autonome, de voirie, parc de stationnement de surface, de poteaux et clôture. Réalisation d'espaces verts y compris les travaux complémentaires de maçonnerie. Cette activité comprend les travaux accessoires et/ou complémentaire de terrassement et fouilles.

20- La société HM Elec ne peut utilement prétendre avoir ignoré que le champ de la garantie ne comportait pas toutes les activités de travaux de construction, dès lors que la clause relative aux activités garanties est rédigée de manière claire et apparente, et que la signature du représentant légal de la personne morale se trouve apposée en page 04/07 de la police, sous la mention 'Vous reconnaissez avoir reçu, avec l'étude personnalisée précédant la conclusion du contrat, un exemplaire des dispositions générales, du tableau récapitulatif des garanties et des franchises, des présentes dispositions particulières comptant sept feuillets (Souligné par la cour).

21- Le contrat n'avait pas davantage à énoncer les activités exclues, contrairement à ce que soutient le mandataire liquidateur es qualité.

22- Il convient d'écarter, comme inopérante, l'argumentation de l'assurée, selon laquelle la société Allianz aurait manqué à son obligation d'information et de conseil en omettant de lui présenter un contrat approprié à son activité déclarée alors qu'un tel manquement, à le supposer même établi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, se résoud seulement en paiement de dommages et intérêts et ne peut conduire à mettre à la charge de l'assureur une obligation de garantie pour laquelle il ne s'est pas engagé.

23- S'agissant d'une cause de non-garantie, le mandataire liquidateur ne peut invoquer utilement les dispositions de l'article L.113-8 du code des assurances, qui ne concernent que les clauses d'exclusion de garantie.

24- Il ne peut davantage soutenir, sur le fondement de l'article L. 211-1 du code de la consommation, que la clause qu'on lui oppose n'aurait pas été présentée et rédigée de façon claire et compréhensible, alors qu'il s'agit de dispositions réservées aux consommateurs, et que selon l'article préliminaire du code de la consommation, seule peut être considérée comme un consommateur une personne physique qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, ce qui n'est manifestement pas le cas de la société HM Elec, qui a souscrit le contrat d'assurance ans le cadre de son activité commerciale.

25- La société Allianz IARD est fondée à dénier sa garantie au titre de la responsabilité civile encourue par l'assurée à raison de la réalisation des travaux de maçonnerie et de menuiseries, ayant occasionné des désordres (casse de l'encadrement de la baie vitrée, malfaçons dans la pose de l'appui de la fenêtre en façade nord, inexécution de l'enlèvement de la cuve à vin).

26- Il en résulte que la garantie de l'assureur ne peut être recherchée qu'en ce qui concerne les désordres n°7, 8 et 9, relatifs aux clôtures.

27- Ainsi que le fait valoir à bon droit la société Allianz IARD, la garantie A 'Dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur chantiers avant réception' souscrite par la société HM Elec ne peut être mobilisée, dès lors que le dommage résultant d'une inexécution, d'une malfaçon ou d'une non-conformité dans la réalisation d'un ouvrage, tels que ceux affectant les clôtures, ne résulte pas d'un évènement fortuit et soudain, ainsi qu'exigé par l'article 2.1 des conditions générales.

28- La société HM Elec ne rapporte nullement la preuve que les conditions de la garantie soient réunies, pour les frais de remise en état des clôtures, sur le fondement de la garantie B (Responsabilité civile de l'entreprise) puisque selon les termes de l'article 3.4.1 des conditions générales, l'assureur ne garantit pas les dommages (ou indemnités compensant ces dommages) aux ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré.

Cette clause d'exclusion de garantie est formelle et limitée, ainsi que prévue à l'article L.113-1 du code des assurances, et ne vide pas la garantie responsabilité civile de son contenu puisqu'elle laisse dans le champs de la garantie Responsabilité civile les dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers du fait de la prestation défectueuse, et distincts du coût des réparation et frais de remise en état.

29- Enfin, à défaut de réception exprès ou tacite des travaux de clôture, la responsabilité civile décennale de l'entreprise n'est pas engagée, de sorte que la garantie C souscrite n'est pas mobilisable.

30- Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société HM Elec tendant à être garantie par la société Allianz des condamnations mises à sa charge.

Sur la compensation:

31- Il convient d'ordonner la compensation entre la créance de Mme [R] [J], au titre des travaux de remise en état, et la créance de la société HM Elec représentée par son mandataire liquidateur au titre du solde des factures.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement, et, statuant à nouveau, de fixer la créance de Mme [J], pour la somme de 52 769 - 9035.26= 43733.74 euros au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société HM Elec.

Sur les demandes accessoires:

32- Il convient d'ordonner, en équité, la fixation au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société HM Elec des créances suivantes, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile:

- 3000 euros, au profit de Mme [R] [J], en ce compris le coût du constat de commissaire de justice,

- 2000 euros au profit de la société Allianz IARD.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 14 mars 2023, mais uniquement en ce qu'il a condamné la société HM Elec EURL à payer à Mme [R] [J] la somme de 30'188 euros à Mme [R] [J],

Statuant à nouveau,

Fixe, après compensation avec le solde des factures de la société HM Elec EURL (9035.26 euros), la créance de Mme [R] [J] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société HM Elec EURL à la somme de 43733.74 euros

Confirme, pour le surplus de ses dispositions contestées, le jugement rendu le 14 mars 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux, sauf à préciser que les condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance font l'objet d'une fixation au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société HM Elec,

Y ajoutant,

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société HM Elec les créances suivantes, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel:

- 3000 euros, au profit de Mme [R] [J], en ce compris le coût du constat de commissaire de justice,

- 2000 euros au profit de la société Allianz IARD,

Rejette le surplus des demandes,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure de liquidation judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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