CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 11 avril 2025, n° 23/14658
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Lmve 16 Notaires (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
Mme Bret, Mme Girard-Alexandre
Avocats :
Me Bernard, Me Dewaele-Alexandre, Me Kohen, Me Despres, SCP ACG & Associés, SCP Kuhn, Me Kuhn, Me Sallaberry
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 27 novembre 2020, en l'étude du notaire Me [G], Mme [B] [H] et M. [I] [U] ont fait l'acquisition, auprès de Mme [Y] [C] et de M. [F] [S], d'une maison d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 11], cadastrée section AD n°[Cadastre 4].
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 28 avril 2021, les acquéreurs ont informé les vendeurs ainsi que le notaire et l'agent immobilier de leur souhait d'annuler la vente en raison de l'existence d'une servitude d'alignement dont ils indiquaient ne pas avoir eu connaissance an moment de la conclusion de l'acte de vente.
Par acte du 8 décembre 2021, Mme [B] [H] et M. [I] [U] ont fait assigner la société d'exercice libérale à responsabilité limitée [G] et Solomon, notaire, Mme [Y] [C] et M. [F] [S] aux fins d'obtenir notamment l'annulation de la vente litigieuse.
Par jugement du 21 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Meaux a statué ainsi :
- Déboute Mme [B] [H] et M. [I] [U] de leur demande d'annulation de la vente du 27 novembre 2020,
- Déboute Mme [B] [H] et M. [I] [U] de leur demande de résolution de la vente du 27 novembre 2020,
- Déboute Mme [B] [H] et M. [I] [U] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,
- Déboute Mme [B] [H] et M. [I] [U] de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne solidairement Mme [B] [H] et M. [I] [U] aux dépens d'instance,
- Condamne solidairement Mme [B] [H] et M. [I] [U] à payer à Mme [Y] [C] et M. [F] [S] la somme de 3.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne solidairement Mme [B] [H] et M. [I] [U] à payer à la société [G] et Solomon la somme de 2.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelle que la présente décision est, de droit, exécutoire par provision.
M. [I] [U] et Mme [B] [H] ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 24 août 2024.
La procédure devant la cour a été clôturée le 23 janvier 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 20 mai 2024, intitulées 19 avril 2024, par lesquelles M. [I] [U] et Mme [B] [H], appelants, invitent la cour à :
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- Débouté Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] de leur demande d'annulation de la vente du 27 novembre 2020 ;
- Débouté Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] de leur demande de résolution de la vente du 27 novembre 2020 ;
- Débouté Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;
- Débouté Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] de leur demande fondée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné solidairement Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] aux dépens d'instance ;
- Condamné solidairement Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] à payer à Madame [Y] [C] et Monsieur [F] [S] la somme de 3.000 '
sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné solidairement Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] à payer à la société [G] ET SOLOMON la somme de 3.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, statuant à nouveau :
- A titre principal, sur le fondement du vice du consentement :
Prononcer la nullité de la vente du 27 novembre 2020
Ordonner les restitutions qui en découlent
- A titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie des vices cachés :
Prononcer la résolution de la vente du 27 novembre 2020
Ordonner les restitutions qui en découlent
- A titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de l'absence de possibilité de rétractation :
Prononcer la nullité de la vente du 27 novembre 2020
Ordonner les restitutions qui en découlent
- Et quel que soit le fondement retenu par la Cour :
Débouter la SELARL [G] SOLOMON & Associés, Monsieur [S] et Madame [C] de toutes leurs demandes au titre des conséquences de l'anéantissement de la vente,
Condamner in solidum la SELARL [G] SOLOMON & Associés, Monsieur [S] et Madame [C], au titre des préjudice subis, ainsi que ceux subsistant malgré l'annulation ou les restitutions réciproques, au paiement, au profit de Monsieur [U] et Madame [H], de :
' La somme de 4 273,43 ' au titre des émoluments
' La somme de 25 898,12 ' au titre des frais de mutation
' La somme de 1 380,00 ' au titre des frais inhérents au prêt immobilier (frais de dossier et de tenue de compte)
' La somme de 1 000,00 ' au titre du préjudice moral
' La somme de 326,80 ' en remboursement des frais d'huissier
' La somme de 5.755,50 ' au titre de la perte de chance de faire fructifier les sommes affectées au financement du bien, à parfaire à la date de la décision à intervenir
' La somme de 3 011,00 ' au titre des frais relatifs à la maison, à parfaire à la date de la décision à intervenir
' La somme de 47.196,00 ' au titre de la perte de loyers, à parfaire à hauteur de 1 311,00 ' par mois jusqu'à la date de la décision à intervenir
' Des intérêts et cotisations d'assurance du prêt immobilier échus à la date de la décision à intervenir (suivant échéancier)
' Des indemnités de remboursement anticipé du prêt immobilier dus à la date de la décision à intervenir (suivant contrat de prêt).
- Si les appelants sont condamnés au titre de l'indemnité de jouissance sur le fondement de l'article 1352-3 du code civil :
Limiter ladite indemnité en ce qu'elle ne peut courir qu'à compter du 7 mars 2022,
Condamner la SELARL [G] SOLOMON & Associés au paiement d'une somme
équivalent à l'indemnité de jouissance due par eux à titre de dommages-intérêts,
Condamner la SELARL [G] SOLOMON & Associés, Monsieur [S] et Madame [C] au paiement de 10.000,00 ' au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la SELARL [G] SOLOMON & Associés, Monsieur [S] et Madame [C] aux entiers dépens ;
Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 23 octobre 2024, par lesquelles M. [F] [S] et Mme [Y] [C] épouse [S], intimés, invitent la cour à :
Vu les dispositions des articles 1132, 1133, 1137, 1112-1, 1641, 1178, 1240 et 1352 et suivants du Code Civil,
Vu l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation,
A titre principal :
- DEBOUTER Monsieur [I] [U] et Madame [B] [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de MEAUX du 21 juillet 2023 en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire :
- ORDONNER la restitution du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 11] par Monsieur [I] [U] et Madame [B] [H], dans le même état dans lequel celui-ci se trouvait au moment de la vente, et réciproquement, ordonner la restitution du prix de la vente Monsieur [F] [S] et Madame [Y] [C],
- CONDAMNER Monsieur [I] [U] et Madame [B] [H] au paiement d'une indemnité de jouissance de 2.500 Euros par mois à compter de la vente du 27 novembre 2020 jusqu'à la date de la restitution du bien immobilier,
- CONDAMNER la SELARL [G] SOLOMON & Associés, aujourd'hui dénommée LMVE 16 NOTAIRES, à relever et garantir Monsieur [F] [S] et Madame [Y] [C] de toutes les condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,
En tout état de cause :
- CONDAMNER tout succombant à payer Monsieur [F] [S] et Madame [Y] [C] la somme de 6.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens ;
Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 8 avril 2024, par lesquelles la Selarl LMVE 16 notaires, venant aux droits de la Selarl [G] et Solomon, intimée, invite la cour à :
Vu les dispositions de l'article 1240 du Code Civil,
DIRE ET JUGER l'appel interjeté par Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'EVRY le 21 juillet 2023 tant irrecevable que mal fondé.
Les en DEBOUTER.
CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] de toutes leurs demandes à l'encontre de la SARL [G] et SOLOMON, aujourd'hui dénommée LMVE 16 NOTAIRES.
CONDAMNER Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] à payer à la SELARL [G] &SALOMON & ASSOCIES aujourd'hui dénommée LMVE 16 NOTAIRES une somme de 4.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.
DEBOUTER en tout état de cause les époux [S] de toutes leurs demandes à
l'encontre de la SARL [G] et SOLOMON, aujourd'hui dénommée LMVE 16 NOTAIRES.
CONDAMNER Madame [B] [H] et Monsieur [I] [U] en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP KUHN conformément aux dispositions de l'article 699 du
CPC ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
M. [U] et Mme [H] sollicitent à titre principal de prononcer la nullité de la vente sur le fondement des vices du consentement, le dol et l'erreur, et à titre subsidiaire de prononcer la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ; ils agissent à l'encontre du notaire, sur le fondement du manquement à son devoir de conseil ;
Sur la demande de nullité de la vente sur le fondement du dol
M. [U] et Mme [H] sollicitent à titre principal de prononcer la nullité de la vente sur le fondement du dol ; ils estiment que l'information sur l'existence d'une servitude d'alignement a été tardive en ce qu'elle ne leur a été donnée que le jour de la signature de l'acte authentique de vente, alors que les vendeurs et leur notaire en avaient connaissance depuis quatre mois ; cette information était incomplète au regard des documents qui leur ont été remis par la mairie postérieurement à la vente, et concernant la clause de l'acte authentique relative aux informations données par le notaire, ils précisent que lors du rendez-vous, le notaire et les vendeurs leur ont indiqué que l'alignement impliquait uniquement l'interdiction de reconstruire sur la limite de propriété en cas de destruction totale du bien alors qu'ils ont découvert qu'il interdisait tous travaux confortatifs ; cette information a un caractère substantiel connu de Mme [C] exerçant la profession d'architecte et était une condition essentielle tacitement convenue pour les acquéreurs en ce qu'ils « pouvaient légitimement espérer entretenir le bien qu'ils ont acquis alors qu'aucun travail confortatif ne peut être entrepris sur un bâtiment frappé d'alignement » ; en appel, ils ajoutent dans la partie de leurs conclusions relative aux rappels des textes les dispositions du dernier alinéa de l'article 1112-1 du code civil, aux termes duquel le manquement au devoir précontractuel d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 11130 et suivants ;
M. [S] et Mme [C] opposent qu'il n'y a pas de dol puisque la servitude d'alignement figure dans l'acte de vente et que le notaire, qui est celui des acquéreurs, a pris le temps de l'expliquer auxdits acquéreurs ; ils ajoutent que les acquéreurs ne démontrent pas que la connaissance de la servitude d'alignement était déterminante de leur consentement car celle-ci n'empêche pas la réalisation de travaux d'entretien de la façade et il n'y a pas d'élément justifiant que des travaux confortatifs seraient nécessaires ; ils précisent que Mme [C] ne saurait être considérée comme vendeur professionnel du fait de sa profession d'architecte et que M. [U] exerçant la profession de gestionnaire de copropriété n'est pas complètement profane ;
Aux termes de l'article 1130 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné » ;
Aux termes de l'article 1137 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2018, 'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation' ;
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants » ;
En l'espèce, l'action sur le fondement du dol suppose que les acquéreurs démontrent qu'au moment de la signature de l'acte authentique, ils ne disposaient pas de l'information selon laquelle le bien immobilier objet de la vente était grevé d'une servitude d'alignement, que les vendeurs qui en avaient connaissance ne les en ont pas sciemment informé et que si les acquéreurs avaient connu cette information ils n'auraient pas contracté ou du moins pas aux conditions où cette vente a eu lieu ;
Sur la servitude d'alignement et ses conséquences
L'acte authentique de vente du 27 novembre 2020 mentionne :
- en page 14 « le terrain est grevé des servitudes d'utilité publique suivantes :
(..) Alignement numéro 126',
- en page 15 un paragraphe intitulé 'servitude d'alignement' selon lequel 'Il résulte d'un certificat délivré par l'autorité compétente le 27 juillet 2020, annexé, que l'immeuble est grevé de la servitude d'utilité publique alignement n°126 » ;
Les annexes à l'acte authentique de vente du 27 novembre 2020 relatives à l'alignement (pièce 1 notaire) sont :
- la demande de certificat d'urbanisme signée par le notaire le 2 juillet 2020 et reçue par la mairie le 6 juillet 2020,
- le certificat d'urbanisme signé par le maire le 27 juillet 2020 précisant, concernant la parcelle cadastrée AD [Cadastre 4], dans son article 2 que le terrain est grevé d'une servitude d'utilité publique d'alignement n°126,
- le certificat signé par le maire le 27 juillet 2020 précisant que l'immeuble cadastré AD n°[Cadastre 4] est grevé de la servitude d'utilité publique d'alignement n°126,
- un extrait du plan cadastral au 16 août 2020, situant la parcelle litigieuse n°[Cadastre 4], dont la maison longe une partie de la limite séparative de la rue,
- un plan de la parcelle AD [Cadastre 4], sur lequel le côté de la parcelle donnant sur la rue est bordé d'une fine bande jaune numérotée « 126 », la partie de cette bande jaune située au nord de la maison est hachurée avec la mention « projet d'alignement » ; les parcelles voisines au nord de la parcelle AD [Cadastre 4] sont aussi numérotées et bordées d'une fine bande jaune en partie hachurée ; les parcelles de l'autre côté de la rue ne sont pas numérotées et ne sont pas bordées d'une bande jaune ;
Selon ces éléments, la parcelle AD [Cadastre 4] fait l'objet d'une servitude d'utilité publique d'alignement, qui aux termes de l'article L112-1 du code de la voirie routière, est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines ; les limites de la partie à acquérir par la Commune dans le cadre de cette servitude d'alignement sont clairement délimitées en jaune, la partie hachurée mentionnant en sus « projet alignement », et portent sur la façade du bien acquis donnant sur la rue ;
Les appelants produisent en pièce 4 un plan non titré et non daté, qu'ils indiquent être le plan d'alignement remis par la mairie postérieurement à l'acte de vente du 27 novembre 2020 ; ce plan est une vue d'ensemble de la rue et la partie de ce plan relative à la parcelle AD [Cadastre 4] correspond au plan ci-dessus décrit annexé à l'acte authentique de vente ; cette vue d'ensemble comporte une légende qui ne figure pas sur le plan annexé à l'acte authentique aux termes de laquelle les parties colorées en jaune sont « partie à acquérir par la commune » ;
Il convient de considérer que l'information relative à la mention « partie à acquérir par la commune » ressort des éléments annexés à l'acte de vente authentique, selon l'analyse ci-avant ;
Concernant les conséquences d'une décision d'alignement, aux termes des articles L112-5 et L112-6 du code de la voirie, les travaux interdits par une décision d'alignement visent les travaux suivants :
- « Aucune construction nouvelle ne peut, à quelque hauteur que ce soit, empiéter sur l'alignement, sous réserve des règles particulières relatives aux saillies »,
- « Aucun travail confortatif ne peut être entrepris sur un bâtiment frappé d'alignement, sauf s'il s'agit d'un immeuble classé parmi les monuments historiques » ;
Sur le caractère déterminant pour les acquéreurs de la connaissance de la servitude d'alignement et de ses conséquences
Selon l'acte de vente, l'immeuble litigieux a été construit antérieurement au 16 mars 1946 et datait donc de plus de 74 ans à la date de la vente ; sa façade est en bord de route ; l'immeuble n'étant pas classé parmi les monuments historiques, l'alignement rend impossible la réalisation de travaux confortatifs en application des articles précités ;
Il ressort de ces éléments qu'en l'absence de travaux confortatifs, la façade a vocation à se dégrader au cours des années, en lien avec l'usure des matériaux, les intempéries, la proximité de la route, ce qui ne permettra plus de maintenir la protection de l'intérieur de l'immeuble notamment face aux intempéries et que les simples travaux d'entretien permis dans le cadre de la décision d'alignement, tel le ravalement sans isolation selon l'attestation de la mairie du 3 mai 2021 (pièce 12 appelants), ne permettront pas d'y remédier ;
Aussi il convient de considérer que la décision d'alignement et ses conséquences, incluant l'impossibilité de réaliser un quelconque travail confortatif sur la façade de l'immeuble étaient des informations dont l'importance était déterminante pour le consentement des acquéreurs ;
Sur la connaissance par les vendeurs de la servitude d'alignement et de ses conséquences
Il est justifié que les vendeurs avaient connaissance de la décision d'alignement avant la date de la signature de l'acte authentique ; en effet, s'il n'y a pas d'élément au dossier justifiant à compter de quelle date les vendeurs ont été informés de l'existence de la servitude, il peut être considéré que le certificat d'urbanisme signé par la commune de [Localité 11] le 27 juillet 2020, accompagné d'un extrait du plan cadastral édité le 16 août 2020 (pièce 7 appelants), a été transmis au notaire et par son biais aux vendeurs au plus tôt le 16 août 2020, soit à une date postérieure à la promesse de vente du 1er juillet 2020 et antérieure à l'acte authentique de vente du 27 novembre 2020 (pièce 7 appelants) :
Mme [C], venderesse, exerçant la profession d'architecte, il convient de considérer qu'elle avait connaissance des conséquences de la servitude d'alignement, dont l'interdiction d'effectuer des travaux confortatifs de la façade de l'immeuble, et qu'étant informée que la maison était construite depuis plus de 74 ans, elle avait connaissance du caractère déterminant de l'information de la servitude d'alignement et des conséquences de cette servitude pour les acquéreurs ;
Sur l'information donnée le jour de l'acte authentique de vente
Il ressort de l'analyse ci-avant qu'au moment de la signature de l'acte authentique de vente, les acquéreurs ont été informés de la servitude d'alignement ;
En effet, si les acquéreurs n'ont eu connaissance que postérieurement à la vente du plan qu'ils indiquent être le plan d'alignement remis par la mairie postérieurement à l'acte de vente du 27 novembre 2020 (pièce 4), il ressort de l'analyse ci-avant que l'information relative, à la mention « partie à acquérir par la commune » figurant sur ce plan, ressort des éléments annexés à l'acte de vente authentique ;
Il est justifié que les acquéreurs ont été, au moment de la signature de l'acte authentique, informés des conséquences de cette servitude d'alignement, puisque l'acte authentique de vente du 27 novembre 2020 stipule expressément en page 14, sous la mention de la servitude d'alignement, que « l'acquéreur reconnaît que le notaire lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets de ces charges et prescriptions » ;
Les acquéreurs ne produisent aucune pièce justifiant leur allégation selon laquelle lors du rendez-vous de signature de l'acte authentique, le notaire et les vendeurs leur auraient indiqué que l'alignement impliquait uniquement l'interdiction de reconstruire sur la limite de propriété en cas de destruction totale du bien et n'auraient pas mentionné l'interdiction de tous travaux confortatifs ;
Il convient donc de considérer qu'il est justifié qu'ils ont été informés, par le notaire, de l'interdiction d'effectuer des travaux confortatifs de la façade de l'immeuble ;
Le fait que les vendeurs n'aient pas communiqué ces informations aux acquéreurs avant le 27 novembre 2020 alors qu'ils en avaient connaissance depuis le 16 août 2020 ne constitue pas en l'espèce un manquement à l'obligation précontractuelle d'information susceptible d'entraîner l'annulation du contrat ; il ne constitue pas une réticence dolosive puisqu'il est justifié que l'information a été donnée le jour de la signature de l'acte et que le consentement des acquéreurs n'a donc pas été obtenu par un manque d'information ou des man'uvres ;
Il n'est donc pas justifié d'un dol ;
Sur la demande de nullité de la vente sur le fondement de l'erreur
Les appelants estiment que l'erreur est caractérisée car ils se sont faits une fausse représentation de la réalité, dès lors qu'ils ont été privés de la possibilité de se renseigner avant la signature, que les éléments transmis lors de la vente étaient insuffisants en raison du plan tronqué et des informations écrites succinctes, et qu'ils étaient convaincus de la possibilité d'entretenir le bien lors de la conclusion de la vente ;
Aux termes de l'article 1132 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, « L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant » ;
En l'espèce, il ressort de l'analyse ci-avant, que les acquéreurs ont été informés le jour de la signature de l'acte authentique de la servitude d'alignement et de ses conséquences incluant l'interdiction d'effectuer des travaux confortatifs de la façade de l'immeuble ;
Il n'est donc pas justifié d'une erreur sur les qualités essentielles du bien vendu ;
Sur la demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés
Les appelants estiment que le vice qui leur a été caché est l'ampleur et les conséquences de l'alignement ;
Aux termes de l'article 1641 du code civil, 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus' ;
Aux termes de l'article 1642 du code civil, 'Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même' ;
Aux termes de l'article 1643 du code civil, « Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie » ;
En l'espèce, les appelants ne démontrent pas l'existence d'un vice caché puisqu'il ressort de l'analyse ci-avant que lors de la signature de l'acte authentique de vente le 27 novembre 2020, ils ont été informés de la servitude d'alignement et de ses conséquences incluant l'interdiction d'effectuer des travaux confortatifs de la façade de l'immeuble ;
Il n'est donc pas justifié de l'existence d'un vice caché ;
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [H] et M. [I] [U] de leur demande de résolution de la vente du 27 novembre 2020,
Sur la demande de nullité de la vente sur le fondement de l'absence de possibilité de rétractation
Les appelants sollicitent de prononcer la nullité de la vente sur le fondement de l'absence de possibilité de rétractation au motif, sur le fondement de l'article L271-1 du code la construction que la modification substantielle, relative à l'existence d'une servitude d'alignement, intervenue entre la promesse de vente et l'acte authentique, justifiait la notification d'un projet d'acte ;
Les vendeurs opposent l'absence de modification substantielle et la réalisation de la purge du droit de rétractation avec la notification de la promesse du 1er juillet 2020, qui n'a fait l'objet d'aucune réserve de la part des acquéreurs dans l'acte authentique du 27 novembre 2020 ; ils ajoutent que les appelants ne sont pas fondés à demander la nullité de la vente sur le fondement de l'article L271-1 ;
Aux termes de l'article L271-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur depuis le 25 novembre 2018, « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.
Cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.
Lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.
Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s'appliquent qu'à ce contrat ou à cette promesse.
Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n'est pas précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, l'acquéreur non professionnel dispose d'un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d'acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l'acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours.
Les actes mentionnés au présent article indiquent, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d'exercice du droit de rétractation ou de réflexion.
Tout manquement à l'obligation d'information mentionnée à l'avant-dernier alinéa est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation » ;
La sanction du défaut de notification d'un avenant modifiant de manière substantielle le contrat n'est ni la nullité ni l'inopposabilité de cet avenant ; dans ce cas, le délai de rétractation ouvert par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas commencé à courir (3ème chambre civile, 30 septembre 2021, pourvoi n°20-17846) ;
En l'espèce, il ressort de l'analyse ci-avant qu'entre la promesse de vente du 1er juillet 2020 et la signature de l'acte authentique de vente du 27 novembre 2020 est intervenue une modification substantielle, relative à la décision d'alignement empêchant tout travaux confortatifs, et que cette modification substantielle figure dans l'acte authentique de vente sans qu'il n'ait été notifié au préalable un avenant à la promesse relatif à cette modification substantielle ;
Toutefois la sanction du défaut de notification d'un avenant à une promesse de vente n'est pas la nullité de la vente ;
Ainsi le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [H] et M. [I] [U] de leur demande d'annulation de la vente du 27 novembre 2020 ;
Sur l'action à l'encontre du notaire
Les appelants, dans le cadre de leur motivation sur le dol, reprochent au notaire d'avoir agi en connivence avec les vendeurs et d'avoir commis un manquement dolosif à son devoir de conseil puis concluent sur le devoir de conseil en général, fondé sur l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; ils reprochent au notaire de ne pas les avoir informés de la servitude d'alignement avant la date de la signature de l'acte authentique ; ils estiment qu'il a connu son existence au plus tard le 27 juillet 2020, date du certificat d'urbanisme, qu'il avait connaissance de la portée de la servitude étant professionnel de l'immobilier et qu'il ne les en a pas informés, même lors de l'envoi des projets d'acte le 16 novembre et le 24 novembre ; concernant l'information donnée le jour de l'acte authentique, ils estiment que le notaire ne démontre pas avoir donné des éclaircissements explicites portant sur la nature et les conséquences de la servitude d'alignement ;
Le notaire conclut que la demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol concerne les vendeurs ; il oppose aux appelants son absence de faute en ce qu'il justifie par la clause en page 14 de l'acte authentique avoir donné une information complète de la servitude litigieuse ;
Aux termes de l'article 1240 du code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ;
Le notaire répond de la faute commise dans l'exercice de sa mission d'officier public sur le fondement de sa responsabilité délictuelle issue de l'article 1240 du Code Civil, la mise en 'uvre de sa responsabilité obéissant à un même régime, supposant la triple existence d'une faute de l'officier public, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice ;
Ce régime diffère du droit commun en ce qu'il met à la charge du notaire la preuve de ce qu'il a valablement accompli sa mission et qu'il a satisfait à son obligation de conseil (1ère chambre civile, 2 octobre 2007, pourvoi n°06-17.281) ;
En l'espèce, l'acte authentique de vente du 27 novembre 2020 stipule expressément en page 14, sous la mention de la servitude d'alignement, que « l'acquéreur reconnaît que le notaire lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets de ces charges et prescriptions » ;
Il en ressort que le notaire démontre qu'il ne s'est pas contenté d'informer les acquéreurs de l'existence d'une servitude d'alignement mais qu'il leur a expliqué la portée, l'étendue et les effets de cette servitude d'alignement ;
L'un des effets de la servitude d'alignement étant l'interdiction d'effectuer des travaux confortatifs de la façade de l'immeuble, et la clause étant précise en ce qu'elle mentionne expressément « les éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets » de la servitude d'alignement, il convient de considérer que le notaire a informé les acquéreurs qu'une des conséquences de cette servitude était l'interdiction d'effectuer des travaux confortatifs de la façade de l'immeuble ;
Les acquéreurs ne produisent aucune pièce justifiant leur allégation selon laquelle lors du rendez-vous de signature de l'acte authentique, le notaire et les vendeurs leur auraient indiqué que l'alignement impliquait uniquement l'interdiction de reconstruire sur la limite de propriété en cas de destruction totale du bien et n'auraient pas mentionné l'interdiction de tous travaux confortatifs ;
Selon la comparaison des projets d'acte adressés par le notaire aux acquéreurs par mails du 16 novembre 2020 et du 24 novembre 2020 (pièces 5 et 6) et de l'acte authentique du 27 novembre 2020, ce dernier comporte en sus les mentions soulignées suivantes :
« Certificat d'urbanisme d'information
Un certificat d'urbanisme d'information dont l'original est annexé a été délivré le 27 juillet 2020 ' Le contenu de ce certificat dont le détail a été intégralement porté à la connaissance de l'acquéreur est le suivant : ' les servitudes d'utilité publique '
Les observations
Aux termes dudit certificat, il a notamment été indiqué ce qui suit littéralement rapporté;:
« Le terrain est grevé des servitudes d'utilité publique suivantes :
'
- Alignement numéro 126 »
Annexe 5 : Copie du certificat d'urbanisme
L'acquéreur ' reconnaît que le notaire lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets de ces charges et prescriptions '
Servitude d'alignement
Il résulte d'un certificat délivré par l'autorité compétente le 27 juillet 2020 annexé, que l'immeuble « est grevé de la servitude d'utilité publique alignement n°126 »
Annexe 5 : copie du certificat de la Mairie » ;
Il en ressort que, par l'envoi des projets d'acte, le notaire a informé les acquéreurs le 16 novembre 2020 d'un certificat d'urbanisme délivré le 27 juillet 2020 comportant des servitudes d'utilité publique ;
Si ces projets ne mentionnent pas le détail de ces servitudes, notamment la servitude d'alignement, il convient de considérer qu'aucune faute du notaire n'est constituée en ce que celui-ci démontre avoir le jour de la signature de l'acte authentique donné aux acquéreurs toutes les informations sur la portée, l'étendue et les effets de cette servitude d'alignement ;
La responsabilité délictuelle du notaire n'est donc pas engagée à l'égard des acquéreurs ;
Et le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [H] et M. [I] [U] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les appelants, partie perdante, doivent être condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [S] et Mme [C] la somme supplémentaire unique de 4.000 ' et à la Selarl LMVE 16 notaires venant aux droits de la Selarl [G] et Solomon, la somme supplémentaire de 3.000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par les appelants ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [U] et Mme [B] [H] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. [F] [S] et Mme [Y] [C] épouse [S] la somme supplémentaire unique de 4.000 ' et à la Selarl LMVE 16 notaires venant aux droits de la Selarl [G] et Solomon la somme supplémentaire de 3.000 ', par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Rejette la demande des appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;