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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 11, 11 avril 2025, n° 25/01985

PARIS

Ordonnance

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Latournald

TJ Meaux, du 8 avr. 2025

8 avril 2025

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu l'ordonnance du 08 avril 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux rejetabt kes moyens d'irrégularité et d'irrecevabilité soulevés par M. [M] [L], déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant une troisième prolongation de la rétention de M. [M] [L] au centre de rétention administrative [3], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quinze jours à compter du 07 avril 2025 ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 09 avril 2025 , à 16h52 , par M. [M] [L] ;

- Après avoir entendu les observations :

- par visioconférence, de M. [M] [L], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet du Val-de-Marne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Le registre de rétention produit avec la requête du préfet du Val de Marne mentionne un placement à l'isolement de M. [M] [L] du 18 mars 2025 à 12H30 pour prendre fin au 19 mars 2025 à 08H50 et ce, en raison du trouble à l'ordre public causé par l'intéressé et outrage.

Le conseil de M. [M] [L] soutient que la procédure est irrégulière dans la mesure où l'avis au procureur de la République concernant cette mise à l'isolement n'est pas versé en procédure et que de plus la procédure ne comporte pas non plus l'avis fait au médecin du CRA de cette mise à l'isolement, permettant au juge de s'assurer du respect des droits de l'intéressé.

En outre, le conseil du retenu fait valoir que du fait de l'absence de ces éléments la requête du préfet est irrecevable dans la mesure où les pièces justificatives utiles ne sont pas versées.

La Cour après analyse des pièces de la procédure constate que le dossier comporte un document intitulé AVIS PARQUET adressé par télécopie au 01 60 09 75 40 dont l'intitulé est ''placement en chambre de mise à l'écart''. Il fait référence à la mise à l'isolement du 18/03/2025 à 12H30. La procédure comporte également un courriel adressé le 18 mars à 12H48 pourtant avis de la mise à l'écart adressé sur une boîte aux lettres fonctionnelles du ministère de la justice du tribunal judiciaire de Meaux, en l'occurrence [email protected]. En outre sont produits un avis Parquet de fin de placement en chambre de mise à l'écart du 19 mars 2025 et la preuve de l'envoide ce document avec un successful mail delivery report du 19 mars 2025 à 08H56. Si le conseil du retenu apporte des précisions quant aux destinataires des adresses mails différenciés par 1 et 2 dans le contenu du mail, en pratique rien ne démontre que le ministère public qui était le destinataire affiché de l'avis ne l'a pas reçu in fine.

Aucune des pièces de procédure ne permet d'asseoir la différenciation des destinataires du tribunal judiciaire de Meaux entre [email protected] et celle qui contiendrait éventuellement un 2 dans sa composition. En tout état de cause, le gardien de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution est le magistrat du siège de sorte qu'un avis qui lui aurait été adressé est également protecteur des droits du retenus.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation faute d'une copie du registre actualisée et régulière

Aux termes de l'article R742-1 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.

La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.'

Selon les dispositions de l'article R743-2 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.'

L'article L744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention , un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention . Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.

L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé 'logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative et de son annexe, le registre de rétention enregistrent les données à caractère personnel et informations suivantes :

I. - Concernant l'étranger faisant l'objet de la mesure de placement en rétention administrative :

1° Nom(s), prénom(s), alias éventuels ;

2° Date et lieu de naissance, nationalité ;

3° Sexe ;

4° Situation familiale, nom(s), prénom(s) et âge des enfants mineurs accompagnants;

5° Photographie d'identité ;

6° Type et validité du document d'identité éventuel ;

7° Numéro de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France correspondant au dossier de l'étranger placé en rétention ;

8° Le cas échéant, qualité de sortant de prison ;

9° Signature.

II. - Concernant la procédure administrative de placement en rétention administrative :

1° Date et heure du prononcé et de la notification de l'arrêté préfectoral de placement en rétention et, le cas échéant, des décisions de prolongation ;

2° Lieu de placement en rétention , date et heure d'admission au centre de rétention administrative, date et heure d'un transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention et motif ;

3° Préfecture en charge de l'exécution de la mesure de placement en centre de rétention administrative ;

4° Service interpellateur ou réalisant le transfert : transfert éventuel depuis un autre centre de rétention administrative ou depuis un établissement pénitentiaire ;

5° Droits de la personne liés au placement en rétention (date et heure de la notification des droits, référence du procès-verbal de notification) ;

6° Agent chargé de la mesure d'admission en centre de rétention administrative : nom, prénom, grade, numéro d'identification, signature ;

7° Conditions particulières d'accueil, secteur d'hébergement, affectation d'une chambre et d'un lit ;

8° Origine, nature et date de la mesure d'éloignement, date de sa notification, interdiction de retour ;

9° Bagages placés en consigne : numéro de registre et de consigne, détail et état des bagages, date de restitution des bagages ;

10° Biens placés au coffre : numéro de registre et de coffre, liste des objets de valeur et des objets écartés, date de dépôt et de restitution ;

11° Objets laissés à la disposition du retenu ;

12° Mouvements d'argent : numéro de registre , détail du numéraire, date et heure de dépôt et de retrait des fonds ;

13° Compte rendu des incidents au centre de rétention (date, heure, circonstances) : mise à l'écart, dates de début et de fin de la mise à l'écart et avis de cette mesure aux autorités judiciaires et administratives compétentes, nom, prénom, grade et numéro d'identification de l'agent ayant décidé la mise à l'écart, date et heures d'une demande d'examen médical et, le cas échéant, date et heure de l'examen médical et des mesures prescrites nécessitant l'intervention d'un agent du centre de rétention administrative ;

14° Hospitalisation éventuelle : date et heure d'admission, coordonnées de l'établissement hospitalier, date et heure de sortie ;

15° Existence d'une procédure " étranger malade " : date de saisine de l'agence régionale de santé (ARS), avis de l'ARS, décision préfectorale ;

16° Nom, prénom et signature de l'interprète ;

17° Nom, prénom, grade et signature du personnel du centre de rétention administrative.

III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

IV. - Concernant la fin de la rétention et l'éloignement :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de l'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de l'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire ;

2° Réservation du moyen de transport national et international : date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte ;

3° Fin de la rétention : date et motif de la fin de rétention.

Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.

Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande.

Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).

En matière de rétention, la production d'une copie actualisée du registre a pour seul but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus au retenu au cours de la mesure de rétention. Elle a pour fondement la volonté de pallier la difficulté voire l'impossibilité pour le retenu, de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. Il se déduit de ces considérations que la sanction qu'est l'irrecevabilité ne doit s'apprécier qu'à l'aune de la fonction assignée au registre.

Le moyen invoqué tend à faire sanctionner par l'irrecevabilité de la requête préfectorale le fait que le juge ne soit pas en mesure de vérifier que l'étranger a été mis en mesure d'exercer les droits lui étant ouverts en rétention en dépit de sa mise à l'isolement, les documents considérés comme manquants étant de nature à permettre le contrôle judiciaire sur ce point.

Sur ce,

Vu la circulaire N°NOR IMIM1000105 C du Ministre de l'Immigration en date du 14 juin 2010 sur l'harmonisation des pratiques dans les centres de rétention visée par l'appelant ;

Vu l'avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté du 17 décembre 2018 ;

La Cour relève que le moyen est essentiellement fondé sur les dispositions de la circulaire N°NOR IMIM1000105 C du Ministre de l'Immigration en date du 14 juin 2010. Or, il importe de rappeler qu'une circulaire, texte interne à l'administration, n'a pas de valeur juridique en droit judiciaire.

En l'espèce, le registre de rétention produit, pièce justificative utile selon les dispositions R743-2 du CESEDA, mentionne un placement à l' isolement de M. [M] [L] ayant débuté le 18 mars 2025 à 12H30 pour prendre fin le 19 mars 2025 à 08H50 et ce, en raison du trouble à l'ordre public causé par l'intéressé et outrage.

La copie du registre communiquée est donc complète et actualisée puisqu'elle fait référence à la mise à l'isolement. Sans qu'il n'y ait lieu d'y faire figurer les avis au parquet ou au médecin qui ne sont pas prévus par les textes.

Ces mentions permettent au juge d'exercer pleinement ses prérogatives et de contrôler l'éventuelle atteinte aux droits du retenu, dans la mesure où les seules atteintes invoquées par celui-ci, résultant de la procédure de mise à l'isolement, sont celle faite à sa liberté de circuler dans le centre de rétention et celle faite à son droit de communiquer, qui sont en réalité inhérentes à toute sanction disciplinaire de type mise à l'écart et apparaissent ici relativement limitées dans le temps.

Concernant les 2 autres moyens d'irrégularité, le premier numéroté I relatif au défaut d'avis à parquet et le deuxième numéroté II intitulé l'atteinte à l'exercice des droits et l'absence d'avis à médecin, il ne s'agit pas de pièces justificatives utiles à joindre à la requête. En effet, l'avis au procureur de la République dont la prescription résulte d'une circulaire sans force contraignante pour le juge et l'avis au médecin du centre du placement à l'isolement, documents invoqués à l'appui des moyens d'irrégularité, ne sont pas des pièces justificatives utiles. Aucune disposition légale ou réglementaire n'imposant leur présence dans les dossiers accompagnant la requête en prolongation de la rétention.

Les moyens seront donc rejetés.

Aussi, l'ordonnance querellée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l'ordonnance

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l'ordonnance dans la langue comprise par l'intéressé ),

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 11 avril 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

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