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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 16 avril 2025, n° 21/04601

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Transaction (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Toulouse

Conseillers :

Mme Allard, Mme de Bechillon

Avocats :

Me Daval-Guedj, Me Dabot Rambourg, Me Allongue, SCP Cohen Guedj - Montero - Daval Guedj, Me Bousquet, Me Richelme-Boutiere, SELARL Mathieu Dabot & Associés, Me Romain

TJ Marseille, du 8 mars 2021, n° 18/1339…

8 mars 2021

Exposé des faits et de la procédure

Le 28 septembre 2017, Mme [U] [J] et M. [Y] [N] ont conclu avec la SARL [E] [V] Transaction un mandat de vente sans exclusivité portant sur l'appartement qu'ils avaient acheté durant leur mariage, rompu en 2013, et pour lequel ils s'étaient maintenus dans l'indivision aux termes de la liquidation de leur régime matrimonial.

Ce mandat donnait pouvoir à l'agent immobilier de mettre en vente le bien au prix de 499 000 euros, avec une commission de 20 000 euros au profit de l'agent immobilier.

Le 5 septembre 2018, la SARL [E] [V] Transaction a transmis à M. [N] et Mme [J] une offre d'achat des époux [Z] au prix figurant dans le mandat.

M. [N] et Mme [J] ont refusé de régulariser la vente.

Par acte du 27 novembre 2018, faisant suite à une mise en demeure infructueuse par lettre recommandée du 21 septembre 2018, la SARL [E] [V] Transaction a assigné Mme [J] et M. [N] devant le tribunal de grande instance de Marseille afin d'obtenir leur condamnation à lui payer une somme totale de 30 000 euros en exécution des clauses pénales stipulées au contrat de mandat.

M. [N] et Mme [J] ont soulevé la nullité du contrat de mandat.

Par jugement du 8 mars 202, le tribunal judiciaire de Marseille a :

- rejeté les demandes d'annulation du mandat de vente ;

- condamné in solidum Mme [J] et M. [N] à payer à la SARL [E] [V] Transaction la somme de 20 000 euros au titre de la clause pénale sanctionnant le refus de vendre ;

- rejeté la demande au titre de la clause pénale sanctionnant le défaut d'information ;

- condamné in solidum Mme [J] et M. [N] à payer à la SARL [E] [V] Transaction la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les demandes de M. [N] et Mme [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l''exécution provisoire ;

- condamné Mme [J] et M. [N] in solidum aux dépens.

Pour rejeter la demande d'annulation du contrat de mandat, le tribunal a considéré qu'il comportait toutes les mentions exigées à peine de nullité et que l'absence de rappel des dispositions de l'article L.131-6 devenu L 215-4 du code de la consommation n'est sanctionnée par aucune nullité.

Pour condamner Mme [J] et M. [N] à payer la clause pénale sanctionnant le refus de vendre, le tribunal, après avoir relevé que le contrat de mandat était toujours en cours au 5 septembre 2018, pour avoir été tacitement reconduit le 29 mars précédent, a considéré que le refus de vendre était injustifié dès lors que l'offre d'achat était au prix et conditions de l'offre de vente, telle que ressortant du contrat de mandat.

Il a en revanche, refusé de faire de faire application de la seconde clause pénale sanctionnant le défaut d'information par les mandants de leur accord en vue d'une licitation au motif que celle-ci n'était pas effective au 5 septembre 2018, date à laquelle l'offre d'achat des époux [Z] a été formulée.

Par acte du 29 mars 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [J] a relevé appel de cette décision, en visant tous les chefs de son dispositif, à l'exclusion du rejet de la demande de la SARL [E] [V] Transaction au titre d'un manquement à l'obligation d'information.

M. [N] a également relevé appel principal, par acte du 12 avril 2021 visant tous les chefs du dispositif du jugement, hormis en ce que la SARL [E] [V] Transaction a été déboutée de sa demande indemnitaire au titre d'un manquement à l'obligation d'information.

Les deux procédures ont été clôturées par ordonnances en date du 15 janvier 2025.

Lors de l'audience, avant l'ouverture des débats, les deux procédures ont été jointes.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 15 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Mme [J] demande à la cour de :

' infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le mandat de vente régulier et les a condamnés in solidum avec M. [N] à payer à la SARL [E] [V] Transaction la somme de 20 000 euros en application de la clause pénale sanctionnant le refus de vente ;

' annuler le contrat de mandat ;

' débouter la SARL [E] [V] Transaction de l'intégralité de ses demandes ;

' condamner SARL [E] [V] Transaction à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions d'appelant, notifiées le 5 juillet 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, M. [N] demande à la cour de :

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat de mandat et l'a condamné in solidum avec Mme [J] à payer la somme de 20 000 euros au titre de la clause pénale sanctionnant le refus de vendre ;

Statuant à nouveau,

' annuler le mandat de vente ;

' dire que les clauses pénales ne lui sont pas opposables ;

' débouter la SARL [E] [V] Transaction de ses demandes ;

' la condamner à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de son avocat.

Dans ses dernières conclusions d'intimée, notifiées le 5 août 2021, auxquelles il convient de renvoyer l'exposé des moyens, la SARL [E] [V] Transaction demande à la cour de :

' confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

' condamner solidairement Mme [J] et M. [N] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

1/ Sur la demande d'annulation du contrat de mandat

1.1 Moyens des parties

Mme [J] fait valoir que le contrat de mandat ne fixe pas la durée totale d'engagement des mandants puisque si, en son article IV intitulé « durée du mandat », il prévoit une durée de vingt-quatre mois, dont seuls les trois premiers mois sont irrévocables, une mention manuscrite a été ajoutée, aux termes de laquelle sa durée est fixée à ' 6 mois par tacite reconduction', ce qui revient à en faire un contrat à durée indéterminée, alors que la loi Hoguet, dont les dispositions sont d'ordre public, proscrit, à peine de nullité, les mandats à durée indéfinie quand bien même les mandants ont la possibilité d'y mettre un terme à tout moment et gratuitement.

M. [N] soutient que le contrat de mandat est nul en premier lieu en l'absence de plusieurs mentions obligatoires (date et numéro RSAC) dans l'exemplaire vierge qui lui a été adressé par courriel pour signature, ces renseignements ayant été ajoutés a posteriori par la SARL [E] [V] Transaction qui ne démontre pas lui avoir remis son exemplaire original en mains propres ou le lui avoir adressé immédiatement par lettre recommandée avec accusé de réception, contrairement aux prescriptions de l'article 78 du décret du 20 juillet 1972, en deuxième lieu pour être à durée indéfinie alors que si la loi Hoguet, qui définit les conditions de validité du contrat de mandat conclu avec un agent immobilier, autorise la tacite reconduction, c'est à condition qu'un nombre limité de reconductions soit prévu, au terme desquelles le contrat est résilié de plein droit et que les conditions de non reconduction figurent dans le contrat de manière lisible, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le contrat fixe une durée de validité de vingt-quatre mois, dont trois irrévocables et qu'une mention manuscrite ajoutée précise 'six mois tacite reconduction', et en troisième lieu en ce que le contrat ne précise ni les actions à réaliser par l'agent immobilier ni les modalités et la périodicité des comptes-rendus, contrairement aux dispositions d'ordre public de l'article 6 de la loi Hoguet.

La SARL [E] [V] Transaction sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que l'exemplaire original du mandat produit par l'agent immobilier a été établi en deux exemplaires, un remis aux mandants, le second conservé par le mandataire et fait valoir, d'une part que la durée du mandat, à savoir vingt-quatre mois est stipulée au contrat en son paragraphe 4, qui prévoit par ailleurs la possibilité pour les mandants de le rompre à tout moment à l'expiration de la période d'irrévocabilité, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue de ce chef, d'autre part que les dispositions de l'article L215-4 du code de la consommation ne sont pas sanctionnées par la nullité du contrat de mandat mais par la possibilité pour le mandant de mettre gratuitement un terme au contrat à tout moment à compter de la date de reconduction et enfin, que les actions à sa charge, de même que les modalités et la périodicité des comptes-rendus, ont été expressément mentionnées dans le document d'information du consommateur signé par Mme [J] et M. [N].

1.2 Réponse de la cour

A titre liminaire, il est rappelé que seul l'exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant doit à peine de nullité mentionner le numéro d'inscription au registre des mandats.

En l'espèce, l'exemplaire original produit par la SARL [E] [V] Transaction comporte un numéro de mandat, de sorte qu'aucune annulation n'est encourue de ce chef.

1.2.A Sur l'absence de remise d'un original du mandat à M. [N]

Selon l'article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, les dispositions de l'article 1375 du code civil sont applicables aux conventions conclues avec un agent immobilier et en vertu des dispositions de l'article 78 alinéa 1er du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause pénale ou comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l'opération est conçue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant.

La formalité du double prévue par l'article 78 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 est exigée pour la validité même du mandat donné à un agent immobilier lorsqu'il comporte une clause pénale.

En l'espèce, la SARL [E] [V] Transaction produit un exemplaire original du mandat signé par les parties le 28 septembre 2017 'au siège de l'agence', comportant au verso des conditions générales stipulant les clauses pénales litigieuses et qui indique qu'il a été établi en deux exemplaires 'dont un pour le propriétaire et un pour l'agence'.

M. [N] soutient que la signature du mandat n'a pas eu lieu à l'agence mais par correspondance, de sorte qu'un exemplaire original aurait dû lui être adressé par lettre recommandée après signature et qu'à défaut de remise du double en original, le mandat est nul.

Il produit une photocopie du contrat sur laquelle figure la signature de toutes les parties mais qui est dépourvue de date et lieu de signature et ne comporte pas au verso les conditions générales du contrat, dont les clauses pénales sur lesquelles l'agent immobilier fonde son action.

Cependant, cet exemplaire n'est pas produit en original.

Cette photocopie, qui ne présente aucune garantie d'intégrité, est insuffisante pour prouver contre les énonciations de l'original produit par la SARL [E] [V] Transaction, selon lequel l'acte a été signé dans les locaux de l'agence et un exemplaire original a été remis aux mandants.

Dans ces conditions, aucune nullité n'est encourue du chef de l'absence de remise d'un original du mandat à M. [N].

1.2 B Sur l'absence dans le mandat de limitation de ses effets dans le temps

En application de l'article 7 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, sont nulles les promesses et les conventions de toute nature relatives aux opérations visées à l'article premier qui ne comportent pas une limitation de leurs effets dans le temps. Lorsque le mandant n'agit pas dans le cadre de ses activités professionnelles, les modalités de non-reconduction des contrats définies aux deux premiers alinéas de l'article L. 136-1 du code de la consommation sont mentionnées de manière lisible et visible dans les conventions prévues au premier alinéa du I de l'article 6 de la présente loi.

Il résulte de ce texte que la durée du mandat doit être limitée dans le temps et comporter un terme extinctif certain.

Ce principe n'exclut pas la stipulation d'un renouvellement ou d'une tacite reconduction, sous réserve que ses effets soient limités avec précision et que le contrat rappelle la faculté de dénonciation ouverte à tout moment à chaque partie et les modalités de non reconduction.

En conséquence, le mandat de vente conclu pour une période contractuelle déterminée mais qui contient une clause de renouvellement indéfini par tacite reconduction, ne peut être considéré comme limité dans le temps, de sorte qu'il encourt l'annulation en application de l'article 6 de la loi précitée du 2 janvier 1970.

Le texte n'exige pas la reproduction in extenso dans le contrat des dispositions de l'article L 215-1 du code de la consommation, mais seulement la stipulation, en termes lisibles et visibles, d'un terme certain ainsi que des modalités de non reconduction et de dénonciation du contrat.

La nullité prévue à l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970 ne sanctionne que l'absence de limitation des effets du contrat dans le temps. Le surplus, à savoir la mention claire et lisible des modalités de non reconduction, telles que définies par l'article L215-1 du code de la consommation, est sanctionné par la possibilité pour le consommateur de mettre gratuitement un terme au contrat à tout moment à compter de la date de reconduction.

En l'espèce, Mme [J] et M. [N] ont signé avec la SARL [E] [V] Transaction le 25 septembre 2017 un contrat intitulé 'mandat de vente 3 options'. Il s'agit d'un mandat de vente sans exclusivité.

Le paragraphe IV stipule : 'ce mandat vous est consenti pour une durée de vingt quatre mois dont les trois premiers sont irrévocables (ou autre............... 3 mois maximum), à compter de ce jour. Passé cette période d'irrévocabilité, il pourra être dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin d'en aviser l'autre partie quinze jours à l'avance par lettre recommandée avec avis de réception'.

Plus haut, à côté de la clause fixant le montant des honoraires de l'agent immobilier, figure la mention manuscrite suivante : '6 mois tacite reconduction'. Cette mention manuscrite figure sur l'original du mandat produit par la SARL [E] [V] Transaction.

Il résulte de ces éléments que le contrat comporte un terme extinctif certain.

Certes, la clause de durée figurant au paragraphe IV est contredite par la mention manuscrite figurant à côté du montant des honoraires de l'agent immobilier, mais uniquement en ce qui concerne la durée d'irrévocabilité du mandat, fixée à trois mois dans la clause dactylographiée et à six mois dans la mention manuscrite.

Pour autant, il ne peut utilement être soutenu, compte tenu des énonciations figurant à l'article IV, sauf à dénaturer les clauses de l'acte, que celui-ci ne comporte aucun terme extinctif certain.

Or, seule l'absence de terme extinctif entraîne la nullité du contrat.

La confusion susceptible de résulter de la contradiction relative à la période d'irrévocabilité du mandant n'entraîne pas sa nullité, mais seulement nécessité de l'interpréter.

Il résulte de ces éléments que le contrat litigieux, s'il stipule une clause de tacite reconduction, est limité à vingt-quatre mois après sa signature, soit une fin automatiquement fixé au 28 septembre 2019, et qu'en cela, il respecte les prescriptions requises à peine de nullité par l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970, de sorte qu'aucune annulation n'est encourue de ce chef.

Par ailleurs, à l'article IV sont expressément mentionnées les conditions dans lesquelles, jusqu'à expiration automatique du contrat et passée la période d'irrévocabilité, les mandants ont la possibilité d'y mettre un terme, à savoir par lettre recommandée quinze jours à l'avance.

La contradiction entre la mention dactylographiée et la mention manuscrite quant à la durée de la période d'irrévocabilité ne suffit pas pour considérer que les mandants n'ont pas été informés des conditions dans lesquelles ils pourraient se désengager du contrat.

Par conséquent, ce contrat est conforme aux exigences de l'article 7 de la loi précitée du 2 janvier 1970 et n'encourt aucune annulation du chef de l'absence de terme extinctif.

1.2.C Sur les actions à réaliser par l'agent immobilier, les modalités et la périodicité des comptes-rendus

Selon l'article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, lorsqu'une convention conclue avec un agent immobilier comporte une clause d'exclusivité, elle précise les actions que le mandataire s'engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties.

Il en résulte que l'obligation de mentionner les actions à réaliser par l'agent immobilier, les modalités et la périodicité des comptes-rendus ne s'impose que lorsque le mandat comporte une clause d'exclusivité.

Or, en l'espèce, le mandat est un mandat simple sans exclusivité.

En tout état de cause, le document d'information pré-contractuelle, annexé à l'exemplaire original du mandat produit par la SARL [E] [V] Transaction, dont la dernière page, comportant le formulaire de rétractation, est signée par les mandants mentionne expressément en page 2 la liste des actions à réaliser par le mandataire, à savoir 'procéder à l'analyse des biens et à leur estimation, rechercher des acquéreurs par toutes actions de publicité et communiquer au moyen du fichier informatique, le descriptif du bien à toutes agences immobilières partenaires afin qu'elles le présentent aux acquéreurs intéressés, diffuser la publicité par l'insertion dans tous les fichiers internet, présenter et faire visiter le bien, réaliser toutes les actions nécessaires en vue de procéder à la recherche d'acquéreurs, effectuer une sélection des candidats acquéreurs, réunir les pièces utiles pour l'établissement d'un compromis de vente, suivi du dossier et présence chez le notaire, assurer le suivi des formalités et notamment l'obtention d'un crédit par l'acquéreur jusqu'à la date de signature de l'acte authentique'.

Par conséquent, aucune nullité n'est encourue de ce chef.

2/ Sur l'opposabilité aux mandants des clauses pénales

2.1 Moyens des parties

M. [N] fait valoir que les clauses pénales stipulées au contrat lui sont inopposables au motif qu'il n'a jamais été possession de l'original lui revenant, la SARL [E] [V] Transaction ne rapportant pas la preuve qu'elle lui a remis un exemplaire original du contrat en mains propres ou qu'elle le lui a adressé immédiatement par lettre recommandée, alors que cette formalité est exigée lorsque la remise en main propre n'est pas possible et que, selon l'article 1119 du code civil, les conditions générales d'un contrat n'ont d'effet à l'égard du co-contractant que si elles ont été portées à sa connaissance et qu'il les a acceptées.

Mme [J] soutient que l'inopposabilité des clauses pénales à M. [N] a nécessairement pour conséquence que ces clauses lui sont également inopposable.

La SARL [E] [V] Transaction fait valoir que les clauses pénales stipulées sont licites car autorisées par l'article 6 de la loi Hoguet et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'opposabilité des clauses à M. [N] dès lors qu'il a paraphé les conditions générales du mandat de vente.

2.2 Réponse de la cour

En application de l'article 78 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires seront dus par le mandant même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause, mentionnée en caractères très apparents, ne peut prévoir le paiement d'une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat pour l'opération à réaliser.

Selon l'article 1119 du code civil, les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l'emportent sur les premières.

En l'espèce, les conditions générales du contrat, figurant au verso de l'original du contrat produit par la SARL [E] [V] Transaction contiennent deux clauses pénales en cas de non respect par les mandants de leur obligation d'informer le mandataire de toute vente sans son concours et en cas de refus de vendre aux prix et conditions de l'offre de vente.

Ces conditions générales comportent les paraphes '[Y][N]' et '[U][J]', correspondant à [Y] [N] et [U] [J].

M. [N] produit une photocopie du contrat ne comportant pas au verso les conditions générales du contrat, dont les clauses pénales sur lesquelles l'agent immobilier fonde son action.

Cette photocopie ne présente aucune garantie d'intégrité, et est en conséquence insuffisante pour prouver que, contrairement aux énonciations de l'original produit par la SARL [E] [V] Transaction, les mandants n'ont pas paraphé les conditions générales figurant au verso du contrat signé par leurs soins.

Le recto du mandat de vente comporte avant la signature des parties, une clause selon laquelle les mandants reconnaissent expressément avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso.

En conséquence, les clauses pénales sont opposables aux mandants.

3/ Sur la pénalité réclamée par le mandataire

3.1 Moyens des parties

M. [N] et Mme [J] font valoir que, selon les dispositions d'ordre public de la loi Hoguet, l'agent immobilier ne peut prétendre à rémunération que lorsqu'une transaction est effectivement conclue, de sorte que la convention prévoyant une rétribution au profit de l'agent immobilier alors qu'aucune opération immobilière est formalisée est nulle ; qu'en tout état de cause, en l'espèce, ils n'ont commis aucun refus de vente fautif au sens du contrat au motif que l'offre d'achat des époux [Z] n'avait pas vocation à prospérer puisqu'à cette date, ils avaient déjà décidé d'une licitation amiable, que l'offre n'était pas ferme puisque soumise à une condition suspensive et limitée dans le temps, que les époux [Z] y ont renoncé et qu'en tout état de cause, leur refus n'est à l'origine d'aucune perte d'honoraires pour l'agent immobilier qui ne démontre pas le préjudice dont il demande réparation, ne justifiant pas de la réalisation des diligences qui lui incombaient en exécution du contrat et qu'ils n'ont pas été déloyaux en n'avisant pas la SARL [E] [V] Transaction de la licitation amiable puisque celle-ci n'était pas encore été formalisée le 5 septembre 2018.

La SARL [E] [V] Transaction qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. [N] et Mme [J] à lui payer la pénalité de 20 000 euros en cas de refus de vendre, fait valoir que les mandants se sont obligés à régulariser toute vente aux conditions du mandat ; que le contrat sanctionne le refus de vendre par une pénalité équivalente au montant des honoraires, soit 20 000 euros ; qu'en l'espèce, M. [N] et Mme [J] ont refusé, sans motif légitime, de conclure une première vente avec les époux [B], puis de régulariser la vente aux époux [Z] alors que leur offre d'achat était au prix fixé dans le contrat de mandant ; que ces refus consacrent une déloyauté, particulièrement lorsqu'ils ont refusé de donner suite à l'offre d'achat des époux [Z] puisqu'ils ne l'ont pas avisée immédiatement, contrairement à leur obligations contractuelles de l'accord qu'ils avait conclu le 31 août 2018 en vue d'une licitation amiable du bien immobilier, la laissant accomplir de vaines démarches afin de trouver un acheteur, en ce compris la visite des époux [Z], qui a eu lieu le 5 septembre 2018.

3.2 Réponse de la cour

En application de l'article 6, I, alinéa 3, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.

Il en résulte que l'agent immobilier ne peut prétendre à sa rémunération que s'il a accompli sa mission et qu'une vente est conclue.

Cependant, s'il ne peut réclamer paiement de sa rémunération lorsqu'aucune vente n'est effectivement conclue, l'agent immobilier peut prétendre à l'attribution de dommages-intérêts lorsque la transaction ne s'est pas réalisée du fait du comportement fautif du mandant ou du tiers.

Ces dommages-intérêts peuvent être fixés à l'avance par les parties dans une ou plusieurs clauses pénales, qui sont licites, sous réserve d'être expressément stipulées au contrat.

En l'espèce, les conditions générales du contrat, sur lesquelles figurent les paraphes des deux mandants contiennent au paragraphe VII des clauses pénales rédigées en gras et en majuscules dont la teneur est la suivante : 'en cas de non respect de la clause ci-dessus (information immédiate du mandataire en cas vente sans son concours), le mandant versera une indemnité compensatrice forfaitaire correspondant à la moitié des honoraires convenus' et 'en cas de vente à un acquéreur ayant eu connaissance de la vente du bien par l'intermédiaire de l'agence ou de refus de vendre à un acquéreur qui aurait été présenté par l'agence, le mandant versera une indemnité compensatrice forfaitaire égale aux honoraires prévues au présent mandat'.

Aux termes du contrat, conclu sans exclusivité au profit du mandataire, les mandants se sont engagés, selon la clause n°XI à ratifier la vente à tout acquéreur que le mandataire leur présenterait et qui accepterait le prix et les conditions du mandat pendant la durée du contrat.

Par cette même clause, ils se sont interdits de vendre sans le concours de la SARL [E] [V] Transaction, directement ou via un autre intermédiaire, à un acquéreur qu'elle leur aurait présenté, ce pendant toute la durée du mandat et pendant les deux ans suivant son expiration.

Le contrat de mandat a été conclu le 28 septembre 2017 pour une durée maximum de deux ans, soit jusqu'au 28 septembre 2019.

S'agissant de l'offre d'achat des époux [B], aucun manquement fautif ne peut être imputé à M. [N] et Mme [J] dès lors que cette offre, formulée à hauteur de 430 000 euros, n'était pas au prix fixé dans le contrat de mandat et ce, même si Mme [J] l'a acceptée puisque de son côté, M. [N], qui en avait le droit, ne l'a pas acceptée.

Mme et M. [Z] ont formulé une offre d'achat du bien le 5 septembre 2018, à la suite d'une visite du bien en présence de Mme [J] le 5 septembre 2018. Par cette offre d'achat écrite et signée de leurs mains, ils se sont engagés à acheter le bien au prix de 499 000 euros aux conditions ordinaires et de droit et sous condition suspensive d'obtention d'un prêt de 250 000 euros, remboursable sur une durée minimale de 20 ans, au taux de 2 %.

Le contrat de mandat ne contient aucune clause par laquelle les mandants exigeaient une offre d'achat sans condition suspensive d'obtention d'un prêt.

L'offre formulée par les époux [Z] était donc aux prix et charges fixés dans le contrat de mandat.

Cette offre a été formulée à une date où la période d'irrévocabilité du mandat était expirée, qu'elle soit de trois ou six mois, alors que le contrat s'était, à l'issue de celle-ci, renouvelé par tacite reconduction, le terme extinctif du contrat n'étant pas atteint.

Les consorts [N] [J] ne contestent pas qu'au jour où l'offre d'achat a été formulée, ils n'avaient, ni l'un ni l'autre, dénoncé le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception depuis au moins quinze jours.

Il importe peu qu'aucune transaction n'ait été concrétisée avec les époux [Z] par la signature d'un acte de vente puisque la SARL [E] [V] Transaction ne sollicite pas le paiement de ses honoraires, mais le paiement de l'indemnité stipulée au contrat en cas de refus de vendre des mandants.

En revanche, il appartient à cette dernière de démontrer que le refus de vendre était fautif.

Dans un courriel qu'il a adressé à Mme [F] [H] le 8 septembre 2018, M. [N] explique que n'ayant plus aucune information de sa part, il ignorait qu'elle continuait à faire visiter le bien. Il l'interroge par ailleurs sur la présence de Mme [J] lors de la visite des époux [Z] le 5 septembre 2018.

Ces circonstances sont indifférentes dès lors qu'à cette date ils n'avaient pas mis un terme au contrat, dont l'exécution se poursuivait.

Il résulte d'un échange de courriels entre M. [N] et Mme [J] les 5 et 6 juin 2018, qu'ils sont convenus de sortir de l'indivision par une licitation amiable, M. [N] rachetant la part indivise de Mme [J] au prix de 227 500 euros.

Cependant, si le mandat de vente n'étant pas exclusif, M. [N] et Mme [J] ont conservé la possibilité de vendre le bien, par eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier, à tout acheteur qui ne leur aurait pas été présenté par la SARL [E] [V] Transaction, la licitation amiable dont ils sont ainsi convenus le 6 juin 2018 ne correspond pas à une vente, mais à un partage amiable emportant renonciation à vendre.

En conséquence, il leur appartenait dès le 6 juin 2018, de mettre un terme au mandat de vente par lettre recommandée avec accusé de réception.

A défaut, l'offre de vente des époux [Z] étant au prix fixé dans le mandat, ils ont commis une faute en refusant de vendre.

La clause pénale insérée au contrat de mandat, dont la SARL [E] [V] Transaction demande l'application, a pour vocation de sanctionner le comportement fautif des mandants qui, alors que toutes les conditions de la vente sont réunies, refuse de signer l'acte, privant le mandataire de la rémunération à laquelle il a droit au titre de ses diligences.

Les pièces produites par M. [N] et Mme [J] ne mettent en évidence aucune circonstance susceptible de justifier ce refus, puisqu'ils se sont engagés à vendre au prix de 499 000 euros et qu'il leur appartenait, s'ils ne souhaitaient plus vendre, de dénoncer le contrat de mandat selon les modalités prévues au contrat.

La SARL [E] [V] Transaction est donc fondée à solliciter le bénéfice de la clause pénale.

En application de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Les dommages-intérêts ainsi stipulés s'analysent en une pénalité évaluée forfaitairement par les parties et ayant pour vocation de sanctionner le manquement par l'une d'elles à ses obligations.

Le créancier de cette indemnité n'est donc pas tenu, dès lors qu'il rapporte la preuve de la faute commise par son co-contractant, de démontrer l'étendue du préjudice qui en résulte.

En l'espèce, le refus de M. [N] et Mme [J] a fait perdre à la SARL [E] [V] la rémunération fixée par le contrat, alors qu'elle leur a présenté un acheteur qui offrait d'acheter le bien aux conditions convenues dans le mandat de vente.

Cette seule circonstance suffit à justifier l'application de la clause pénale, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail de l'argumentation de M. [N] et Mme [J] quant à la réalité des diligences accomplies par l'agent immobilier en exécution du mandat.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [N] et Mme [J], in solidum à payer à la SARL [E] [V] Transaction, une somme de 20 000 euros en exécution de la clause pénale stipulée au contrat conclu le 28 septembre 2017.

4/ Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

M. [N] et Mme [J], qui succombent, supporteront la charge des entiers dépens d'appel et ne sont pas fondés à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer à la SARL [E] [V] Transaction une indemnité de 3 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.

Par ces motifs

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [N] et Mme [U] [J], in solidum, aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute M. [Y] [N] et Mme [U] [J] de leur demande au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

Condamne M. [Y] [N] et Mme [U] [J], in solidum, à payer à la SARL [E] [V] Transaction une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.

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