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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-7, 16 avril 2025, n° 25/02422

VERSAILLES

Ordonnance

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme de Larminat

CA Versailles n° 25/02422

15 avril 2025

Vu les dispositions des articles L. 742-1 et suivants et R. 743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'extrait individualisé du registre prévu par l'article L. 744-2 du CESEDA émargé par l'intéressé ;

Vu l'obligation de quitter le territoire français notifiée par le préfet de Seine-Saint-Denis le 1er août 2024 à M. [Y] [F], né le 9 juin 1995 à [Localité 4], de nationalité tunisienne ;

Vu la décision du 9 avril 2025 portant placement de l'intéressé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 4 jours, notifiée le 9 avril 2025 à 17h41 ;

Vu la requête de l'autorité administrative reçue au greffe le 12 avril 2025 à 16h24 tendant à la prolongation de la rétention de M. [Y] [F] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 26 jours ;

Le 14 avril 2025 à 15h00, M. [Y] [F] a relevé appel de l'ordonnance prononcée à distance avec l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle par le juge du tribunal judiciaire de Versailles le 14 avril 2025 à 11h40, qui lui a été notifiée le même jour à 13h45, et qui a déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable et ordonné la prolongation de la rétention de M. [Y] [F] pour une durée de vingt-six jours à compter du 12 avril 2025.

Le premier juge a retenu que M. [Y] [F] ne remplissait pas les conditions d'une assignation à résidence et que son état de santé n'était pas incompatible avec la mesure.

M. [Y] [F] sollicite, aux termes de sa déclaration d'appel, l'annulation de l'ordonnance, subsidiairement, sa réformation et la fin de la rétention.

A cette fin, il soulève :

S'agissant de la décision de placement en rétention,

- l'insuffisance de motivation de la décision de placement en rétention administrative, en ce que ses problèmes psychiatriques majeurs n'ont pas été pris en compte,

- l'absence de nécessité de son placement en rétention, dès lors que l'exécution de la mesure d'éloignement s'avère impossible dans le délai légal, faute de reconnaissance par les autorités consulaires de son pays,

- l'incompatibilité de son état de santé avec la rétention,

S'agissant de la prolongation de la rétention,

- la nécessité pour le juge de s'assurer de l'information immédiate du procureur de la République,

- l'absence de notification de ses droits en local de rétention administrative (LRA) l'ayant empêché d'exercer ses droits,

- l'absence d'information des procureurs de la République de son transfert du LRA de [Localité 3] au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 5],

- l'absence de diligences effectuées par l'administration.

Les parties ont été convoquées en vue de l'audience, qui s'est tenue le mardi 15 avril 2025 à 14h.

A l'audience, le conseil de M. [Y] [F] a soutenu les moyens développés dans la déclaration d'appel, à l'exception des moyens relatifs à l'information du procureur, la notification et l'exercice des droits en LRA, le transfert jusqu'au CRA et les diligences de l'administration, auxquels elle indique renoncer.

Me Chenailler a fait valoir que l'état de santé de M. [Y] [F] était incompatible avec son placement en rétention, a fortiori avec la prolongation de ce placement. Elle soutient que l'arrêté de placement n'est correctement pas motivé sur ce point et qu'il existe une erreur manifeste d'appréciation puisqu'un psychiatre a retenu que l'intéressé était délirant et atteint d'un trouble psychique ne permettant pas la poursuite de sa garde à vue le 3 avril 2025, que M. [Y] [F] n'a pas vu de psychiatre depuis son placement en rétention, qu'il a besoin d'être soigné, qu'il est dangereux de le laisser au CRA.

Elle demande à titre subsidiaire en cas de maintien en rétention que M. [Y] [F] soit vu par un psychiatre.

Le conseil de la préfecture s'est opposé aux moyens soulevés et a demandé la confirmation de la décision entreprise.

Me Ill a fait valoir que, contrairement à ce qu'a soutenu le conseil du retenu, la décision était parfaitement motivée, rappelant que la situation de vulnérabilité s'apprécie au moment où la décision est prise, qu'à cette date, M. [Y] [F] ne présentait aucun signe, qu'il a bénéficié d'un nouveau suivi médical avec un traitement.

Elle a rappelé que M. [Y] [F] n'avait pas présenté de passeport ne cours de validité et qu'il n'avait pas d'adresse stable puisque l'adresse qu'il communique est celle de sa mère qui a été contrainte d'appeler la police compte tenu de la dangerosité de son fils.

M. [Y] [F], qui était assisté d'un interprète en langue arabe et qui a eu la parole en dernier, a indiqué qu'il prenait son traitement en une seule fois par jour alors qu'il le prenait en quatre fois auparavant, qu'il tremblait un peu mais surtout qu'il dormait mal.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article R. 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d'appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

L'article R. 743-11 du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.

En l'espèce, l'appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.

Sur le placement en rétention

M. [Y] [F] remet en cause l'arrêté du 9 avril 2025 le plaçant en rétention, invoquant une insuffisance de motivation et une erreur manifeste d'appréciation, soulignant que ses problèmes de santé n'ont pas été pris ne considération. Il demande en conséquence la levée de la rétention.

L'article L. 731-1 du CESEDA dispose quant à lui que : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article. "

Quant à l'article L. 741-1 du même code, il énonce que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision, que le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

Pour dire que M. [Y] [F] ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2, qu'il n'est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire français eu égard à l'absence de moyen de transport disponible sans délai et conclure qu'il y a donc nécessité de le placer dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire le temps strictement nécessaire à son départ, l'arrêté préfectoral du 9 avril 2025 vise les motifs suivants :

. le comportement de M. [Y] [F] constitue un risque non négligeable de fuite, qu'ne effet l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée le 1er août 2024 par le préfet de la Seine-Saint-Denis ;

. M. [Y] [F] a été interpellé pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, qu'il est connu au fichier automatisé des empreintes digitales pour des faits de vol à la roulotte, vol dans un local d'habitation ou lieu d'entrepôt, vol par escalade dans un local d'habitation ou lieu d'entrepôt vol simple, violence sur ascendant suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours, menaces ou chantage dans un autre but, recel de bien provenant d'un vol, recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement, recels, qu'il constitue ainsi par son comportement une menace à l'ordre public ;

. M. [Y] [F] est dépourvu de document d'identité ou de voyage, n'a pas justifié d'une adresse fixe et stable alors qu'il en avait la possibilité pendant le temps de la garde à vue ;

. M. [Y] [F] vit en France en situation irrégulière depuis le 8 novembre 2017 et a déclaré lors de l'audition par les services de police vouloir rester en France ;

. M. [Y] [F] ne peut se prévaloir d'un état de vulnérabilité ou de tout handicap de nature à faire obstacle à une mesure de placement en rétention, qu'en effet, au cours de l'audition par les services de police, l'intéressé a indiqué être suivi d'un point de vue médical, il n'en justifie pas et n'a en tout état de cause pas sollicité, alors qu'il en avait la possibilité, même en étant en situation irrégulière, la délivrance d'un titre de séjour pour état de santé, que si l'intéressé présente une situation qui pourrait se révéler être un état de vulnérabilité ou un handicap, un service médical est présent au centre de rétention pouvant, le cas échéant, lui porter assistance, de même l'office français de l'immigration et de l'intégration peut être ainsi par l'administration afin qu'un avis soit donné sur l'état de santé ou de vulnérabilité de l'intéressé et la compatibilité de celui-ci avec la mesure de rétention administrative.

Pour remettre en cause la réelle prise en compte de son état de santé dans l'appréciation de sa situation, M. [Y] [F] fait valoir qu'il a été examiné par un psychiatre dans le cadre d'une première garde à vue le 3 avril 2025, lequel a conclut à l'impossibilité de la poursuite de la garde à vue et à la nécessité d'une hospitalisation sous contrainte en psychiatrie, compte tenu de son état délirant, que cette appréciation très récente était nécessairement toujours d'actualité le 9 avril 2025 quand le préfet a pris son arrêté, qu'il y a donc une erreur manifeste d'appréciation.

Il est constant qu'une première garde à vue de M. [Y] [F] a été interrompue en raison de son incompatibilité avec son état de santé et que celui-ci a été hospitalisé d'office.

Pour autant, la deuxième garde à vue, intervenue le 8 avril 2025, s'est déroulée sans que M. [Y] [F] ne signale de problèmes de santé de sorte que le préfet n'a pas été spécifiquement alerté sur la question.

Bien que suivi de longue date par le centre médico-psychologique selon ses dires, M. [Y] [F] ne produit aucune pièce médicale au soutien de ses allégations.

Il est vraisemblable que le nouveau suivi médical mis en place dans le cadre de l'hospitalisation d'office a permis une stabilisation des symptômes, M. [Y] [F] ayant confirmé lors de l'audience qu'il bénéficiait effectivement de son traitement au CRA de [Localité 5].

Dans ces conditions, il sera retenu que son état de santé a bien été pris en compte dans l'appréciation de sa situation et que celui-ci n'est pas incompatible avec son placement en rétention.

L'ensemble de ces considérations conduit à exclure à la fois l'absence de motivation de l'arrêté de placement en rétention et l'erreur manifeste d'appréciation.

Les moyens d'irrégularité de la décision de placement en rétention présentés par M. [Y] [F] seront en conséquence écartés.

Sur le prolongation de la rétention

Aux termes de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé en rétention que le temps nécessaire à son départ et l'administration doit exercer toutes diligences à cet effet.

En l'espèce, ainsi que cela a déjà été discuté précédemment, l'état de santé de M. [Y] [F] a bien été pris en compte dans l'appréciation de sa situation, de sorte qu'il n'existe aucune violation de ses droits fondamentaux.

Le retenu ne sollicite pas d'être assigné à résidence.

Il importe de permettre à l'autorité administrative d'effectuer toutes démarches utiles auprès des autorités consulaires compétentes de façon à mettre en 'uvre la décision de reconduite à la frontière qui a été prise.

En l'espèce, l'autorité administrative justifie avoir entrepris les diligences nécessaires dans cette perspective.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par décision contradictoire,

Déclare le recours recevable en la forme,

Rejette les moyens d'irrégularité de la décision de placement en rétention de M. [Y] [F],

Confirme l'ordonnance entreprise.

Fait à Versailles, le 16 avril 2025 à

Et ont signé la présente ordonnance, Valérie DE LARMINAT, Conseillère et Natacha BOURGUEIL, Greffière

La Greffière, La Conseillère,

Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.

l'intéressé, l'interprète, l'avocat

POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.

Article R 743-20 du CESEDA :

' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.

Articles 973 à 976 du code de procédure civile :

Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;

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