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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. soc., 16 avril 2025, n° 23/01799

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Even'prod (SAS), Even'dia (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Guardia

Conseillers :

M. Fournie, M. Frion

Avocats :

Me Masotta, Me Baboin, Me Meissonnier-Cayez, Me Bricongne

Cons. prud'h. Montpellier, formation par…

28 mars 2023

EXPOSE DU LITIGE

M.[N] a été engagé à compter du 28 janvier 2021 par la SAS Even'Prod selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de journaliste reporter d'images moyennant une rémunération mensuelle brute de 2600 euros.

Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 21 juillet 2021.

Le 23 juillet 2021 l'employeur notifiait au salarié une mise à pied conservatoire et le convoquait à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 4 août 2021.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 août 2021 l'employeur notifiait au salarié son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 3 novembre 2021 aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer avec exécution provisoire les sommes suivantes :

o 1677 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant du 11 janvier 2021 au 31 janvier 2021 inclus, outre 167 euros au titre des congés payés afférents,

o 653,77 euros au titre du remboursement de ses frais,

o 15 600 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

o 2600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 260 euros au titre des congés payés afférents,

o 2600 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de conclusions ultérieures devant le conseil de prud'hommes, le salarié modifiait ses demandes de rappel de salaire les portant à 8046 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2021 à juillet 2021 inclus, outre 804,60 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il faisait ensuite assigner en intervention forcée la société Even'Dia et formait contre elle une demande en paiement de la somme de 1600 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 11 au 28 janvier 2021 ainsi qu'une demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 15 600 euros.

Par jugement du 28 mars 2023, le conseil de prud'hommes de Montpellier a prononcé la jonction des affaires opposant M.[N] aux sociétés Even'Prod et Even'Dia. Il a déclaré recevable la demande formée par le salarié en intervention forcée de la société Even'Dia dans le litige l'opposant à la société Even'Prod. Il a déclaré fondé le licenciement pour faute grave de M.[N] par la société Even'Prod, déboutant les parties du surplus de leurs demandes, il a mis les dépens à la charge de M.[N].

M.[N] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 6 avril 2023.

Aux termes de la déclaration d'appel exclusivement dirigée contre la société Even'Prod, le salarié a précisé l'objet de l'appel consistant à la réformation ou à l'annulation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier et il a critiqué les chefs de jugement déclarant fondé son licenciement pour faute grave par la société Even'Prod, déboutant les parties du surplus de leurs demandes, et mettant les dépens à la charge de M.[N].

Par jugement rendu le 12 décembre 2023 sur requête de M.[N], le conseil de prud'hommes de Montpellier a rectifié le jugement du 28 mars 2003 en ce qu'il convenait de lire sur la première page du jugement que les sociétés Even'Prod et Even'Dia étaient défenderesses à l'action et que mention du présent jugement serait faite en marge de la minute du jugement du 28 mars 2023.

Dans ses premières conclusions devant la cour d'appel du 20 juin 2023 M.[N] concluait à la réformation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il avait déclaré fondé son licenciement pour faute grave par la société Even'Prod, en ce qu'il avait débouté les parties du surplus de leurs demandes et mis les dépens à sa charge. Il réclamait la condamnation de la société Even'Prod à lui payer les sommes suivantes :

o 8046 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2021 à juillet 2021 inclus, outre 804,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,

o 15 600 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

o 2600 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 260 euros nets au titre des congés payés sur préavis,

o 2600 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 3000 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 juin 2023, M.[N] a fait assigner la société Even'Dia en intervention forcée devant la cour d'appel.

Le 22 septembre 2023, les sociétés Even'Prod et Even'Dia ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande d'irrecevabilité de l'intervention forcée de la société Even'Dia dans le litige opposant M.[N] à la société Even'Prod.

Par ordonnance du 19 janvier 2024 qui n'a pas été déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'assignation en intervention forcée délivrée par M.[N] à la société Even'Dia et il a condamné M.[N] à payer une somme de 500 euros à la société Even'Dia en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par RPVA le 25 janvier 2024, M.[N] conclut à la réformation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il avait déclaré fondé son licenciement pour faute grave par la société Even'Prod et en ce qu'il avait débouté les parties du surplus de leurs demandes et mis les dépens à sa charge. Il sollicite d'une part la condamnation de la société Even'Dia à lui payer les sommes suivantes :

o 1600 euros bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2021, outre 160 euros bruts au titre des congés payés afférents,

o 15 600 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

o 3000 euros nets sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il réclame d'autre part la condamnation de la société Even'Prod à lui payer les sommes suivantes :

o 8046 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2021 à juillet 2021 inclus, outre 804,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,

o 15 600 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

o 2600 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 260 euros nets au titre des congés payés sur préavis,

o 2600 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 4000 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du dispositif de leurs dernières écritures notifiées par RPVA 9 avril 2024 les sociétés Even'Prod et Even'Dia concluent à titre principal à l'irrecevabilité des demandes formées par M.[N] à l'encontre de la société Even'Dia ainsi qu'à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté le salarié de ses différentes demandes à l'égard de cette société. À titre subsidiaire les intimées concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes tant à l'encontre d'Even'Prod que d'Even'Dia. À titre reconventionnel, la société Even'Prod demande la condamnation de M.[N] à lui payer une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 janvier 2025.

SUR QUOI

>Sur la recevabilité des demandes formées contre la société Even'Dia

Aux termes d'une unique déclaration d'appel du 6 avril 2023 exclusivement dirigée contre la société Even'Prod, M.[N] a critiqué les chefs de jugement déclarant fondé son licenciement pour faute grave par la société Even'Prod, déboutant les parties du surplus de leurs demandes, et mettant les dépens à sa charge.

Par suite, l'effet dévolutif, dans les limites de la déclaration d'appel, n'opérait qu'à l'égard de la société Even'Prod quand bien même la société Even'Dia était-elle partie au litige devant le premier juge.

Aux termes de ses premières écritures devant la cour d'appel notifiées par RPVA le 20 juin 2023 M.[N] dirigeait ses demandes contre la seule société Even'Prod.

C'est seulement le 22 juin 2023 que M.[N] faisait assigner la société Even'Dia en intervention forcée devant la cour d'appel.

Le 19 janvier 2024, aux termes d'une ordonnance qui n'a pas été déférée à la cour, la conseillère de la mise en état a déclaré irrecevable l'assignation en intervention forcée de la société Even'Dia.

Par suite, les demandes formées par M.[N] contre la société Even'Dia dans ses dernières conclusions du 25 janvier 2024 sont irrecevables dès lors que la cour n'en est pas saisie, faute d'effet dévolutif de l'acte d'appel à cet égard.

>Sur la demande de rappel de salaire et sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Au soutien de sa demande le salarié fait valoir que tandis qu'il était placé en activité partielle durant la pandémie de Covid 19 d'avril à juillet 2021 ses bulletins de paie correspondaient au chômage partiel qui lui avait été imposé durant cette période alors qu'il avait effectuée au total 469,39 heures de travail non rémunérées en sus de celles figurant au bulletin de paie, dont notamment 197 heures en avril 2021,152 heures en mai 2021,202 heures en juin 2021, et 111 heures en juillet 2021.

La société Even'Prod s'oppose aux demandes adverses et soutient qu'aucun des éléments versés aux débats par le salarié ne suffit à rapporter la preuve d'un travail effectif qui lui aurait été réclamé en sus des heures de chômage partiel au cours de la période.

Aux termes de dispositions de l'article L. 5122-1 du code du travail, le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité. Il en résulte que pendant ces périodes, le salarié ne doit, ni être sur son lieu de travail, ni se tenir à la disposition de l'employeur ou se conformer à ses directives, et l'employeur a l'interdiction de lui demander de travailler, y compris en télétravail.

Même si les éléments que M.[N] produit aux débats, soit ses bulletins de paie justifiant de 30,34 heures de travail rémunérées au cours du mois d'avril 2021, de 45,67 heures de travail rémunérées au cours du mois de mai 2021, de 29,67 heures de travail rémunérées au cours du mois de juin 2021, de 86,87 heures de travail rémunéré au cours du mois de juillet 2021 ainsi que divers documents, clichés photographiques ou échanges de courriels relatifs à ses activités au cours de ces quatre mois, en ce inclus différentes Unes du magazine SportMag outre un chèque de 2500 euros émis au profit de la société Even'Dia par Bam L'héritage, sont par eux-mêmes insuffisants pour la plupart à établir l'existence d'un travail effectif accompli à la demande de l'employeur au cours de périodes pendant lesquelles il restait à la disposition permanente de ce dernier sans pouvoir vaquer librement à ses occupations, la seule présentation du temps de travail qu'il prétend avoir accompli sur le mois suffit à caractériser les éléments suffisamment précis permettant à l'employeur, auquel incombe le contrôle de la durée de travail accomplie par son salarié, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Si la société Even'Prod ne produit pas d'élément de contrôle du temps de travail de son salarié, elle objecte toutefois à juste titre que les courriels dont se prévaut le salarié sont informatifs et n'entraînent pas un temps de travail effectif, que les photographies ou captures d'écran ne justifient pas davantage de l'exécution d'une prestation de travail et que les Unes du magazine SportMag ne permettent pas d'établir que M.[N] ait travaillé au-delà du temps de travail pour lequel il avait été rémunéré.

La preuve du temps de travail accompli ne saurait toutefois incomber au seul salarié. Par suite, dès lors que la société Even'Prod ne produit pas d'élément de contrôle du temps de travail, et après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire formée par le salarié à concurrence d'un montant de 342,45 euros, outre 34,24 euros au titre des congés payés afférents.

Les circonstances dans lesquelles des heures de travail ont ainsi pu être accomplies au-delà du temps de travail prévu dans le cadre de l'activité partielle ne suffisent cependant pas, compte tenu de leur caractère limité, à caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Aussi, y a-t-il lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M.[N] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

>Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

" Monsieur,

Ala suite de l'entretien préalable que nous avons eu le 4 août 2021, et pour lequel vous étiez assisté par un conseiller du salarié, Monsieur [R] [V], nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave.

Les raisons qui motivent cette décision, et qui vous ont été exposées à cette occasion sont, nous vous le rappelons, les suivantes :

Nous déplorons de votre part un comportement agressif, individualiste et incohérent, rendant impossible le travail en équipe.

Le 21 juillet 2021, je vous ai demandé de bien vouloir réaliser des schémas de branchements de la régie de production que vous gérez, afin que d'autres personnes puissent utiliser la régie en votre absence.

Ce n'était pas la première fois que je vous demandais de réaliser ces schémas, puisque je vous ai formulé cette instruction à plusieurs reprises depuis le mois de février 2021.

Vous avez cette fois refusé d'accomplir cette tâche, en insistant sur le fait que vous ne le feriez pas.

Ce fait est constitutif d'une insubordination.

Ce même 21 juillet 2021, vers 16h30, vous avez provoqué une violente altercation avec [O] [W], salariée de la société EVEN'DIA présente dans les mêmes locaux que la société EVEN'PROD, et ma fille.

En effet, vous avez bousculé cette dernière au motif qu'elle n'avait pas à vous faire de réflexion sur la manière dont vous vous organisiez.

J'ai dû intervenir pour m'interposer entre vous, et vous bloquer, alors que vous criiez " maintenant si tu veux on peut en débattre ".

Deux autres personnes présentes, un stagiaire et une salariée en alternance de la société EVEN'DlA, ont été témoins de ces faits violents et ont été particulièrement interloqués de votre attitude.

[O] [W], pour sa part, s'est retrouvée en état de choc et a dû consulter un médecin ; elle a déposé plainte à votre encontre pour cette agression physique.

Vous avez alors quitté l'entreprise et ne vous êtes pas présenté à votre poste le lendemain, 22 juillet, sans prévenir de votre absence, et sans avoir laissé l'ordinateur qui vous est confié, empêchant qui que ce soit de vous remplacer.

Vous avez transmis ultérieurement un arrêt de maladie daté du 21 juillet 2021 et courant jusqu'au 26 juillet 2021 inclus.

Vous avez indiqué lors de notre entretien préalable du 4 août dernier que vous disposiez de cet arrêt de travail depuis le 21 juillet 2021.

Vous avez pourtant effectué votre journée de travail ce jour-là puis avez quitté l'entreprise après l'altercation sans mentionner l'existence de cet arrêt.

Postérieurement à l'altercation du 21 juillet 2021, vous m'avez adressé un nombre très important de SMS, tous plus agressifs les uns que les autres.

Tout d'abord, vous avez refusé de restituer le matériel de l'entreprise en votre possession, puis vous avez exigé qu'un tiers vienne le récupérer à votre domicile, enfin, alors que votre arrêt de travail était toujours en cours, vous avez proposé de reprendre le travail et d'amener le matériel.

Cette attitude est totalement incohérente.

Dans d'autres SMS, vous m'accusez tour à tour :

- d'avoir commis à votre égard des actes d'intimidation physiques, alors que je n'ai fait qu'intervenir pour m'interposer entre [O] [W] et vous-même, au regard de votre comportement particulièrement agressif,

- de vous avoir transmis la Covid 19, alors que vous n'ignorez pas que je suis bien malgré moi atteint de Covid long et extrêmement fatigué encore, et que le port du masque vous aurait protégé,

- de ne pas vous rembourser vos frais professionnels, alors que vous utilisez le véhicule de l'entreprise pour vos déplacements, et que tous les frais engagés dans le cadre de l'activité des salariés et nécessaires à l'entreprise sont remboursés sous réserve de la production d'une note de frais (aucune note de frais vous concernant),

- de ne pas respecter le repos entre deux missions alors que depuis votre embauche, notre entreprise tourne plus qu'au ralenti du fait de l'annulation de la plupart des événements.

Vous vous excusez ensuite de votre attitude, en expliquant que vous auriez été souffrant des suites de votre injection du vaccin contre la Covid 19 et que vous renonciez aux deux lettres recommandées que vous m'auriez envoyées ainsi qu'à la plainte pénale que vous auriez déposée à mon encontre...

Je ne suis pas la seule victime de vos agissements harcelants par SMS, puisque [O] [W] m'a également montré avoir reçu de très nombreux messages de votre part depuis le 21 juillet 2021, tout aussi agressifs que ceux que vous m'avez envoyés. ll en est de même pour Monsieur [K] [X], notre prestataire domicilié à [Localité 5].

Vous allez encore plus loin dans vos derniers messages, ainsi qu'à l'occasion de l'entretien du 4 août dernier, puisque vous nous menacez, à défaut de vous verser des sommes d'argent mirobolantes, de dénoncer l'entreprise auprès des services de l'inspection du travail pour utilisation abusive de l'activité partielle en prétendant que vous auriez travaillé normalement depuis votre embauche.

Pourtant, vous savez parfaitement que notre activité est totalement dépendante de l'événementiel, et que l'annulation de la plupart des événements depuis janvier 2021 a conduit à la réduction importante du volume de travail de nos salariés.

Vous avez également menacé de saisir les différences instances sportives et ministérielles pour dénoncer nos prétendus agissements illicites.

L'ensemble des accusations graves que vous portez sont totalement fantaisistes et injurieuses.

Ces accusations, ainsi que le chantage que vous mettez en 'uvre, et sont constitutifs également d'une faute professionnelle grave.

Enfin, nous vous avons indiqué plusieurs fois, et notamment lors de l'entretien du 4 août dernier, que nous ne retrouvions pas les vidéos que vous avez tournées le 24juin 2021 pour le client Team Banque Populaire, avec le skipper [E] [B].

A ce jour, nous n'avons toujours pas les images, et vous avez été incapable de nous préciser où nous pouvions les retrouver.

Le préjudice est très important car nous devons signer un partenariat avec la Banque Populaire et réaliser une vidéo qui accompagnera l'article prévu dans le magazine SPORTMAG de novembre, pour un chiffre d'affaires substantiel pour l'entreprise (entre 20 O00 et 35 000 ' HT annuel).

Le fait de refuser de nous communiquer ces images ou le lieu précis et exact où vous les avez stockés, constitue une nouvelle faute grave.

Pour l'ensemble de ces motifs, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

Aussi, votre licenciement prend effet à compter de la date d'envoi de la présente lettre, sans préavis ni indemnité de rupture' "

>

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

>

S'agissant du grief relatif à un comportement agressif, en lien direct avec l'agression alléguée au préjudice de Mme [O] [W], cadre au sein de la société Even'Dia et fille du gérant de la société Even'Pro, l'employeur justifie du procès-verbal d'audition de cette dernière à l'occasion de son dépôt de plainte du 26 juillet 2021 relatant les circonstances dans lesquelles elle avait indiqué à M.[N] à la suite de son père sur le ton de la plaisanterie que s'il n'avait pas eu trois quarts d'heure de retard le matin il aurait effectivement pu partir avant pour sa mission, ce qu'il avait très mal pris, se mettant à crier et allant même jusqu'à la bousculer et lui taper le bras, en suite de quoi, M.[N] avait dit à son père qu'il voulait en découdre alors qu'elle-même et [P], une apprentie, avaient tenté de raisonner M.[N] et que son père avait pris M.[N] par le menton pour tenter de le canaliser.

M.[N] qui avait également déposé plainte contre M.[W] qu'il accusait de l'avoir poussé contre le mur et d'avoir saisi son visage avec sa main droite en faisant mine de lui porter un coup de poing, précise encore dans son audition que deux témoins étaient présents, M.[H] et une certaine [P] dont il fournissait aux enquêteurs le numéro de téléphone portable.

S'il n'est justifié d'aucune audition éventuelle de ces témoins, l'employeur verse toutefois aux débats une attestation de Mme [P] [U], apprentie présente au moment des faits, laquelle confirme la réaction disproportionnée de M.[N] à la réflexion qui lui avait été faite par Mme [O] [W], expliquant que tandis que cette dernière et son père tentaient de le calmer, celui-ci s'était énervé qu'il avait poussé le bras de Mme [O] [W] assez violemment, ce qui avait provoqué l'intervention de M.[A] [W] lequel avait haussé le ton tandis que M.[N] s'écriait à l'attention de M.[W] : " si tu veux en découdre, on va en découdre maintenant ".

Par suite, quand bien même Mme [O] [W] ne disposait-t-elle d'aucun pouvoir hiérarchique à l'égard de M.[N], le témoignage de Mme [P] [U] suffit à établir l'attitude agressive du salarié sur le lieu de travail, constitutive par elle-même d'un comportement fautif sans que la réaction de l'employeur n'ait été par elle-même de nature à justifier a posteriri l'inititative de l'action violente imputable au seul salarié.

S'agissant ensuite du refus de réaliser des schémas de branchement de la régie de production dont il avait la charge afin que d'autres personnes puissent l'utiliser en son absence, le salarié prétend qu'en sa qualité de journaliste cette tâche ne relevait pas de ses attributions, qu'en outre s'il avait travaillé plusieurs jours sur ces schémas, il lui manquait un logiciel pour les finaliser, ce qu'il indique avoir signalé à l'employeur. Or, d'une part, le contrat de travail de journaliste reporter d'images stipule que le salarié avait la charge de " préparer les déplacements sur le plan logistique et s'assurer du bon fonctionnement de l'unité de tournage (image, lumière et son) ", en sorte que la réalisation des schémas de branchement n'échappait pas à ses attributions, d'autre part, il ressort de l'échange de courriels dont il se prévaut qu'il avait déjà en mai 2021 réalisé des schémas de branchement de la régie de production dont il avait la charge, confirmant ainsi partie du grief contenu dans la lettre de licenciement, et que l'inventaire de matériel qu'il avait adressé à l'employeur, s'il comportait différents matériels techniques à acquérir, ne contenait aucune référence à un logiciel qui aurait pu lui faire défaut afin de réaliser la tâche demandée. Par suite, le grief d'insubordination est également établi.

C'est pourquoi, même si les autres griefs contenus dans la lettre de licenciement sont insuffisamment établis, les manquements précités dont l'employeur rapporte la preuve étaient par eux-mêmes suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Aussi, le jugement sera-t-il confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes relatives à une rupture abusive de la relation de travail.

>Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, la SAS Even'Prod qui succombe partiellement supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les demandes formées dans ses dernières conclusions par M.[N] contre la société Even'Dia;

Confirme le jugement rendu le 28 mars 2023 par le conseil de prud'hommes de Montpellier sauf en ce qu'il a intégralement débouté M.[N] de sa demande de rappel de salaire à l'encontre de la société Even'Prod ;

Et statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la société Even'Prod à payer à M.[N] une somme de 342,45 euros à titre de rappel de salaire, outre 34,24 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamne la société Even'Prod à payer à M.[N] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Even'Prod aux dépens ;

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