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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 16 avril 2025, n° 24/00359

ROUEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Vice-président :

Mme Berthiau-Jezequel

Conseiller :

Mme Deguette

Avocats :

Me Andre, Me Abry-Lemaitre, SCP Baron Cosse Andre, SCP Hubert - Abry Lemaitre

TJ Evreux, du 19 déc. 2023, n° 22/02506

19 décembre 2023

EXPOS'' DES FAITS ET DE LA PROC''DURE

Par acte authentique du 30 mars 2017, M. [G] [F] et Mme [D] [O], son épouse, ont vendu à M. [U] [L] et à Mme [W] [T], son épouse, une maison située [Adresse 1],

[Localité 3], au prix de 217 500 euros.

Par ordonnance du 22 mai 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à la demande d'expertise présentée au contradictoire de M. et Mme [F] par M. et Mme [L], alléguant des infiltrations d'eaux pluviales dans leur sous-sol.

L'expert judiciaire M. [V] [E] a établi son rapport d'expertise le

4 avril 2022.

Suivant acte de commissaire de justice du 28 juillet 2022, M. et Mme [L] ont fait assigner Mme [O] veuve [F] devant le tribunal judiciaire d'Evreux en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 19 décembre 2023, le tribunal a :

- débouté M. [L] et Mme [T] épouse [L] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. [L] et Mme [T] épouse [L] aux dépens de l'instance,

- condamné M. [L] et Mme [T] épouse [L] à payer à [D] [O] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration du 26 janvier 2024, M. et Mme [L] ont formé un appel contre ce jugement.

EXPOS'' DES PR''TENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 24 avril 2024, M. [U] [L] et à Mme [W] [T], son épouse, demandent de voir :

- infirmer le jugement rendu le 19 décembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Evreux en ce qu'il a :

. débouté M. et Mme [L] de l'ensemble de leurs demandes tendant à la condamnation de Mme [O] veuve [F] au paiement des sommes suivantes :

¿ 94 222,70 euros au titre des travaux d'étanchéification de la cave de leur maison,

¿ 3 042,94 euros au titre des dépenses engagées avant la mise en 'uvre de l'expertise judiciaire,

¿ 100 euros par mois au titre du préjudice de jouissance,

¿ 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné M. et Mme [L] aux dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros au profit de Mme [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [O] veuve [F] au paiement des sommes suivantes :

¿ 94 222,70 euros au titre des travaux d'étanchéification, avec indexation sur l'indice du coût de la construction, à compter du 13 juin 2018, jusqu'à la date du paiement effectif,

¿ 3 042,94 euros au titre des dépenses engagées avant la mise en 'uvre de l'expertise judiciaire,

¿ 100 euros par mois au titre du préjudice de jouissance, à compter du 30 mars 2017, date de la vente, jusqu'au paiement effectif de la somme permettant de mettre fin aux pénétrations d'eau,

¿ 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés à l'occasion de l'instance en référé, des opérations d'expertise, et de l'instance au fond devant le tribunal judiciaire d'Évreux,

¿ 3 000 euros sur le fondement du l'article 700 précité, au titre des frais irrépétibles engagés à l'occasion de la procédure d'appel,

- condamner Mme [O] veuve [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les honoraires de M. [E], expert judiciaire.

Ils recherchent à titre principal la garantie de leur venderesse pour les vices cachés constitués par les infiltrations graves en sous-sol qui n'étaient pas apparentes lorsqu'ils ont visité la maison avant de l'acheter et préexistaient à la vente.

Ils critiquent le jugement aux termes duquel le tribunal a fait application de la clause d'exclusion de garantie au profit de la venderesse, alors qu'elle avait nécessairement connaissance de ces pénétrations d'eau de pluie qui se produisent à chaque épisode pluvieux important.

Ils estiment que c'est à tort que le tribunal a considéré que ces épisodes n'avaient pas été signalés à l'expert judiciaire au cours de ses opérations, alors que celui-ci a dès le début de ses investigations vu et décrit les écoulements d'eau au niveau de la jonction entre la partie ancienne de la maison et son extension ; qu'ils ont subi un premier dégât des eaux dès novembre 2017, un le 31 mai 2018, et un autre en septembre 2022 ; que des épisodes pluvieux importants ont eu lieu avant la vente, ce qui explique pourquoi un dispositif de relèvement avait été installé par les vendeurs pour pallier les conséquences des infiltrations qu'ils subissaient ; que l'expert judiciaire n'a jamais indiqué que la pompe de relevage pouvait n'avoir servi qu'aux seuls écoulements de la descente de garage.

Ils ajoutent que Mme [O] veuve [F], qui ne dit pas qui est l'auteur des travaux d'extension, ne peut pas être placée dans la même situation que celle du vendeur ayant démontré que les ouvrages émanaient d'un tiers clairement identifié, qu'elle a donc bien la qualité de vendeur-constructeur comme étant elle-même l'auteur de ces travaux laquelle fait présumer sa connaissance du vice et empêche l'application de la clause contractuelle de non garantie des vices cachés ; que les vendeurs ont habité la maison pendant de nombreuses années, de sorte qu'ils ne pouvaient ignorer l'existence d'infiltrations importantes d'eau voire même d'inondations en cas de forte pluies.

Ils soulignent que les attestations de proches produites par Mme [O] veuve [F], décrivant une absence totale d'humidité dans le sous-sol, ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et font état de ce qu'ils ont eux-mêmes été témoins lors de leurs visites ponctuelles préalables à la vente, soit hors périodes de pluies intenses lors desquelles le phénomène n'est pas visible.

Ils indiquent que l'expert judiciaire a estimé que les ruissellements observés n'étaient pas admissibles même dans des locaux non habitables en sous-sol tels que classés par le Dtu 20-1 en trois catégories.

Subsidiairement, ils invoquent le manquement de leurs vendeurs à leur obligation d'information précontractuelle à leur égard contenue à l'article 1112-1 du code civil, dès lors que ceux-ci avaient une connaissance nécessaire des infiltrations d'eau affectant l'utilisation normale du sous-sol.

A titre infiniment subsidiaire, ils fondent leur action sur la garantie d'éviction prévue par l'article 1626 du code civil au motif qu'ils subissent une éviction partielle du bien vendu pour la garantie de laquelle le contrat de vente ne comporte aucune limitation ou exclusion.

Ils précisent qu'ils ont fait actualiser le devis initial des travaux d'étanchéification de la société Dp Maçonnerie du 13 juin 2018 car celle-ci n'est plus en activité, que le montant de ces travaux s'élèvent désormais à 94 222,70 euros TTC selon le devis de la Sarl Abc Jardins ; que, depuis 2017, ils sont dans l'impossibilité de jouir normalement d'une partie de leur maison conformément à sa destination prévisible.

Par dernières conclusions notifiées le 16 juillet 2024, Mme [D] [O] veuve [F] sollicite de voir :

à titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux en toutes ses dispositions en ce qu'il a:

. débouté M. [L] et Mme [T] épouse [L] de l'ensemble de leurs demandes,

. condamné M. [L] et Mme [T] épouse [L] aux dépens de l'instance,

. condamné M. [L] et Mme [T] épouse [L] à payer à [D] [O] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

à titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement et statuant à nouveau,

- limiter le montant des condamnations relatives au devis Abc Jardins du

28 février 2023 fourni pour l'étanchéification aux seuls mètres linéaires correspondant aux deux murs enterrés du garage,

à titre très subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement et statuant à nouveau,

- débouter M. et Mme [L] de leurs demandes de dommages et intérêts à hauteur de 17 031 euros HT, soit 18 734,10 euros TTC, représentant les postes du devis Abc Jardins du 28 février 2023 ne correspondant à aucune solution réparatoire des préjudices allégués (refaire la terrasse, côté voisin : enlèvement des plantations et plantations de nouveaux végétaux),

en tout état de cause,

- condamner solidairement M. et Mme [L] à lui payer une indemnité de

4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Elle précise que, souhaitant disposer d'un second garage, elle-même et son époux avaient fait appel à un maçon en 1975 pour l'édifier en bas de la rampe d'accès et en appui sur le pignon de la maison.

Elle estime que les désordres affectant le garage en raison d'un défaut de joint de dilatation entre la maison et l'extension ne sont pas des vices cachés aux motifs que :

- le mauvais état de la dalle béton constituant le toit de l'extension, qui était accessible, et son humidité était apparents au moment de la vente ; que les travaux de sa reprise ont rendu le sol de la terrasse beaucoup plus haut, ce qui a forcément modifié la quantité d'eau recueillie par le joint de dilatation,

- en revanche, les infiltrations dans le garage et les murs humides constatés par l'expert judiciaire en février 2020 n'étaient pas connus d'elle-même et de son mari et ne préexistaient donc pas à la vente,

- l'éventuelle absence d'un joint de dilatation et d'étanchéité de la dalle béton n'a pas causé d'humidité ou d'infiltrations qui auraient excédé les normes du Dtu,

- l'hypothèse des appelants selon laquelle les vendeurs auraient fait usage d'une pompe de relevage pendant leur occupation de la maison n'est pas vérifiée et n'a pas été retenue par l'expert judiciaire, lequel n'a pas non plus constaté une atteinte à la destination du garage.

Elle fait valoir que les désordres affectant le sous-sol ne sont pas davantage des vices cachés aux motifs que :

- pendant leur occupation de plus de quarante ans de leur maison, elle et son mari n'y ont pas connu d'infiltrations, ni d'humidité excessive, comme il ressort des nombreux témoignages de son entourage qu'elle produits,

- l'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur l'antériorité des infiltrations, mais uniquement sur la présence avant la vente d'un tube de cuivre qui n'était plus étanche ; que, comme l'a retenu le tribunal, si celui-ci est visible, il n'est pas apparent qu'il traverse le mur et provoque une voie d'eau en cas de très forte pluie,

- son assureur habitation confirme l'absence de dégât des eaux pendant leur occupation de la maison,

- il n'est pas exclu que les travaux de terrassement et d'épandage effectués en 2017 par les acquéreurs au pourtour des murs de la maison, combinés avec les épisodes climatiques actuels de sécheresse et de fortes pluies, ont eu une incidence après la vente,

- en tout état de cause, M. et Mme [L] ne prouvent pas que les désordres dont ils se plaignent étaient antérieurs à la vente et le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce point,

- les appelants ont utilisé et occupé le sous-sol qu'ils ont aménagé en véritable pièce à vivre. L'expert judiciaire n'y a pas relevé la présence de flaques d'eau pendant les deux ans d'expertise et, s'il a dû utiliser un tuyau d'arrosage pour vérifier l'existence d'écoulement, ce test n'a permis d'en relever l'existence que sur un seul mur,

- depuis l'épisode pluvieux exceptionnel du 31 mai 2018 ayant entraîné de l'eau dans le sous-sol, cela n'est plus survenu, la photographie produite par les appelants qui montrerait une inondation en septembre 2022 n'est pas datée,

- la preuve d'un défaut grave compromettant l'usage de la chose n'est pas apportée.

Elle indique que, si la cour d'appel retient l'existence de vices cachés, la clause d'exclusion de leur garantie s'applique à défaut pour les appelants de démontrer sa mauvaise foi ; que, n'étant pas les auteurs des travaux d'extension et n'ayant aucune connaissance ou compétence technique pour les réaliser, elle et son mari n'ont pas la qualité de vendeur-constructeur, que la preuve contraire n'est pas apportée par les appelants qui en sont débiteurs ; que la production d'un justificatif de ces travaux réalisés il y a près de cinquante ans ne peut lui être imposée et qu'elle est dans l'impossibilité matérielle de le fournir ; que sa qualité de maître de l'ouvrage lors de ces travaux ne présume pas sa connaissance des vices affectant la construction ; qu'à titre très subsidiaire, si la qualité de vendeur-constructeur devait être retenue pour le garage, elle ne serait tenue qu'à la garantie des vices cachés du seul garage.

Elle répond au moyen tiré du manquement à l'obligation d'information précontractuelle qu'elle et son époux ont été de bonne foi lors de la vente et qu'ils ont utilisé le sous-sol comme tel sans chercher à en faire des pièces à vivre, contrairement à M. et Mme [L].

Elle demande la confirmation des moyens retenus par le tribunal pour rejeter l'action aux fins de garantie d'éviction. Elle ajoute que M. et Mme [L], qui ont réalisé de nombreux travaux, ne souffrent d'aucune éviction partielle de leur maison ; que leurs travaux et leur occupation des lieux manifestent leur intention d'y rester.

Elle précise à titre subsidiaire que les postes relatifs au terrassement le long de la terrasse, à la réfection de celle-ci, à l'enlèvement et à la plantation de végétaux, et à la suppression d'une cuve enterrée prévus dans le devis de la Sarl Abc Jardins, qui n'ont pas pour but de solutionner les désordres d'étanchéité allégués, ne peuvent pas être retenus ; que la preuve des dépenses engagées avant l'expertise au titre des devis des sociétés Dp Maçonnerie et Ast Services n'est pas rapportée, qu'elle n'a pas à prendre en charge la facture d'entretien de la société Guegano ; que le préjudice de jouissance invoqué n'est pas caractérisé.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 15 janvier 2025.

MOTIFS

Sur la garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.

En l'espèce, la maison d'habitation, objet du litige, a été construite en 1974 sur un sous-sol enterré, desservi à l'extérieur par une rampe d'accès en béton et qui comprenait, aux termes de l'acte de vente : une pièce, un garage, un atelier, et une cave à vin. Un second garage a ensuite été édifié en bas de la rampe d'accès qui donnait sur le garage existant. Il prend appui sur le pignon de la maison.

En 2017, après la vente, M. et Mme [L] ont fait aménager le toit plat en béton de ce second garage et situé au même niveau que le rez-de-chaussée de la maison, en une terrasse carrelée. Ils ont également fait procéder au remplacement de deux regards d'eaux pluviales défectueux et à leur système d'épandage notamment par le terrassement de deux tranchées de 12 mètres chacune et la pose de drains en cailloux.

Lors de ses investigations, l'expert judiciaire a constaté que :

- au droit de l'ancienne porte de garage et après un test d'arrosage au-dessus du caniveau de la terrasse couvrant le garage, de l'eau s'infiltrait et coulait par le joint de dilatation entre l'extension et la construction existante. L'humidité était visible sur les murs enterrés de l'extension et des saturations en eau ont été mesurées dans les parties enterrées,

- dans la partie la plus ancienne, existait le même phénomène de murs détrempés saturés en humidité sur le pourtour de la maison et particulièrement au-dessus du compteur électrique et du tableau général basse tension à l'angle ouest de la maison. L'un des nouveaux regards installés en 2017 était situé au-dessus, devant cet angle ouest. Après arrosage effectué de l'extérieur par l'expert judiciaire à proximité mais en-dehors de ce regard, des écoulements d'eau immédiats s'étaient produits dans la cave au droit d'une traversée du mur par un tuyau de cuivre dont l'usage n'était pas connu,

- le même test d'arrosage réalisé en pied de mur sur une autre terrasse située à l'angle sud de la maison n'a produit aucun écoulement immédiat dans la cave et n'a pas augmenté les traces d'humidité présentes sur les murs en angle de la cave,

- à l'extérieur, des déclivités existaient au droit des fenêtres de cave sans qu'elles soient constituées sous forme de cour anglaise. Le niveau du sol devant ces fenêtres était suffisamment haut pour que l'écoulement d'eau pénètre au niveau des appuis de la menuiserie,

- en bas de la pente du garage, un caniveau existait devant la porte et était raccordé par un tuyau Pvc à une cavité (puisard) située dans le garage, laquelle était peu profonde. En partie supérieure de celle-ci, l'expert judiciaire a noté l'existence d'un autre tuyau Pvc de faible section, qui s'écoulait goutte à goutte dans cette cavité, constituant un ancien écoulement de trop plein. A la droite de ce tuyau, se trouvait un tube en acier muni d'un raccord fileté. Le fond de cette cavité était encombré de gravois et de divers objets.

L'expert judiciaire n'a constaté aucun phénomène d'inondation ou d'infiltration d'eau important lors des opérations d'expertise.

M. et Mme [L] justifient, au moyen d'un procès-verbal de constat dressé le

5 juin 2018 par huissier de justice, qu'à l'issue d'un événement pluvieux du

30 mai 2018, ils ont subi des entrées d'eau dans leur sous-sol. Dans le garage et après l'intervention du Sdis le 31 mai 2018 pour effectuer un assèchement, environ deux centimètres d'eau ont été mesurés par endroits et les murs étaient pour la plupart totalement imbibés d'eau.

Ils avancent qu'ils ont également subi une inondation de leur sous-sol en septembre 2022 et produisent un cliché photographique pour en justifier. Toutefois, cette seule pièce non datée et non corroborée par d'autres éléments ne permet pas de faire la preuve de ce fait. Ils ne démontrent pas davantage l'existence d'un premier dégât des eaux qui se serait produit en novembre 2017.

L'expert judiciaire a indiqué que les précipitations du 30 mai 2018 avaient un caractère exceptionnel en raison de leur intensité.

Il a expliqué que les infiltrations d'eau existant entre la maison et l'extension étaient dues à l'absence de dispositif adéquat au niveau du joint de dilatation et préexistaient à la vente. Y avait également participé l'absence d'étanchéité de la dalle béton au-dessus du garage. S'il a souligné que, lors de la pose du carrelage sur le garage et la mise en place d'un caniveau à la jonction en 2017, il aurait été nécessaire d'y poser un solin pour renvoyer l'eau vers ce caniveau, cette omission de l'entrepreneur n'avait pas aggravé le désordre.

Il a imputé les traces d'humidité relevées sur les murs du garage et les infiltrations d'eau en sous-sol à l'absence d'imperméabilisation extérieure des élévations maçonnées.

Il a conclu à l'implication du tuyau en cuivre à droite du tableau électrique dans l'entrée d'eau observée. Il a précisé que ce tuyau préexistait à la vente avec son rebouchage périphérique non étanche. Il a préconisé de le supprimer et de reboucher la pénétration par du ciment.

Il a souligné que, si des traces d'humidité sur les murs étaient admissibles dans des locaux non habitables en sous-sol, les ruissellements observés, en particulier à droite du compteur électrique, aboutissant à la production de flaques d'eau, ne répondaient pas à la norme des locaux de catégorie 2 définie dans le

Dtu 21.1 (7.4.2.1). Il a ajouté que la solidité des ouvrages pourrait être affectée à terme et qu'il était nécessaire de mettre fin à ces trop importantes infiltrations d'eau.

Il a préconisé le traitement de l'étanchéité du joint de dilatation entre la maison et l'extension, le curage du puisard avec mise en place éventuelle d'une pompe de relevage, la mise en place de réelles cours anglaises et d'un système d'imperméabilisation sur les murs de la cave.

1) sur les désordres dans le garage

M. et Mme [L] n'établissent pas que, depuis leur emménagement en juin 2017, soit il y a plus de sept ans, les infiltrations d'eau et les traces d'humidité telles que constatées ci-dessus par l'expert judiciaire ont compromis l'usage de leur garage composé de leurs deux emplacements de stationnement. Ils n'évoquent pas d'obstacle pour y garer leurs véhicules.

Certes, le garage a été inondé le 31 mai 2018 et les jours qui ont suivi. Mais, ce fait est imputable à un événement climatique exceptionnel en raison de son intensité. L'expert judiciaire n'a d'ailleurs relevé aucun phénomène d'inondation ou d'infiltration d'eau important lors de ses opérations. L'atteinte à la solidité n'est qu'une hypothèse qu'il a avancée sans aucune certitude en employant le conditionnel présent et sans aucunement l'étayer par des explications techniques.

L'impropriété à destination du garage n'est pas caractérisée. Le vice dénoncé, qui n'est pas caché, n'est donc pas couvert par la garantie des vendeurs.

2) sur les désordres dans le sous-sol de la maison

M. et Mme [L] ne démontrent pas que les traces d'humidité sur les murs et les écoulements d'eau créant des flaques d'eau, notamment à proximité du compteur électrique, préexistaient à la vente.

L'expert judiciaire ne conclut pas à une telle antériorité. Il a au contraire précisé que les épisodes climatiques actuels (sécheresses suivies de précipitations importantes) avaient perturbé l'équilibre des écoulements d'eau.

M. et Mme [L] font grief à l'expert judiciaire d'avoir consulté les relevés météorologiques seulement pour la période postérieure au 30 mai 2018.

Mais, débiteurs de la charge de la preuve de l'antériorité du vice, il leur appartenait d'établir que des épisodes pluvieux importants, générateurs d'inondations dans le sous-sol, avaient eu lieu avant la vente.

Par ailleurs, si l'expert judiciaire a évoqué, à la page 9/20 de son rapport d'expertise, la mise en place dans le garage d'un dispositif de relevage à la suite d'une inondation due à des précipitations exceptionnelles, il ne s'agit que d'une probabilité, celui-ci ajoutant qu' 'aucun élément ne nous permet de l'affirmer.'. En outre, il précise que le puisard est fortement colmaté par plusieurs décennies de particules fines et qu'un curage de celui-ci est nécessaire pour lui rendre son efficacité en cas de pluviométrie exceptionnelle.

La preuve d'un usage de ce puisard par les vendeurs avant la vente n'est donc pas apportée. N'est pas davantage caractérisé celui d'une pompe par ces derniers.

De plus, si le tuyau de cuivre sur le mur à droite du compteur électrique préexistait à la vente, le fait qu'il traverse ce mur à l'angle ouest de la maison et provoque une voie d'eau en cas de très forte pluie n'était pas perceptible. Il ne l'a été que lors de l'arrosage effectué depuis l'extérieur par l'expert judiciaire. De même, le défaut de joint de dilatation entre la maison existante et l'extension et l'absence d'étanchéité extérieure des fondations n'étaient pas visibles tant pour l'acheteur que pour le vendeur.

Mme [O] veuve [F] démontre par la preuve contraire qu'elle n'a jamais subi d'infiltrations ou d'inondations dans le sous-sol durant son occupation de la maison pendant plus de quarante ans. Les attestations qu'elle verse aux débats, constituant ses pièces 17 à 25, sont conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile. De nombreux proches y indiquent qu'ils n'ont pas observé de ruissellements sur les murs du sous-sol, ni d'humidité, et que des effets mobiliers qui y étaient stockés depuis plusieurs années et jusqu'au déménagement en 2017 étaient en bon état de conservation. En outre, son assureur habitation Groupama Centre Manche atteste de l'absence de déclaration de dégât des eaux depuis 2006, date la plus lointaine dans la consultation de ses archives.

Les désordres constatés ne constituent pas un vice caché. En conséquence, M. et Mme [L] seront déboutés de leurs demandes fondées sur la garantie des vices cachés.

La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur l'obligation d'information précontractuelle

L'article 1112-1 du code civil énonce que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Le débiteur de l'information peut être un professionnel et/ou un particulier.

En l'espèce, la preuve de la connaissance par les vendeurs avant la vente des infiltrations d'eau affectant l'utilisation normale du sous-sol n'est pas apportée.

Il a été répondu dans les développements ci-dessus aux moyens invoqués par les appelants sur ce fondement qui recoupent leurs moyens fondés sur la garantie des vices cachés.

Les vendeurs ne pouvant être tenus à davantage que les informations dont ils disposaient préalablement et au jour de la conclusion de la vente, M. et Mme [L] seront déboutés de leurs prétentions. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur la garantie d'éviction

Selon l'article 1626 du code civil, quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

En l'espèce, n'est pas rapportée la preuve d'acte de la part des vendeurs de nature à diminuer, ou encore à remettre en cause, la jouissance de leur immeuble par

M. et Mme [L]. N'est pas davantage démontré un trouble émanant d'un tiers affectant leur droit sur leur immeuble.

En conséquence, les prétentions de M. et Mme [L] seront rejetées. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.

Parties perdantes, M. et Mme [L] seront condamnés solidairement aux dépens d'appel.

Il est équitable de les condamner également solidairement à payer à l'intimée la somme de 3 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés pour cette procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne solidairement M. [U] [L] et Mme [W] [T], son épouse, à payer à Mme [D] [O] veuve [F] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne solidairement M. [U] [L] et Mme [W] [T], son épouse, aux dépens d'appel.

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