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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 16 avril 2025, n° 24/01927

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BTX Cases (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Drahi, Mme Laurent

Avocats :

Me Lacoste, Me Galea, Me Dimier

TJ Lyon, référé, du 19 févr. 2024, n° 23…

19 février 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 8 novembre 2019, M. et Mme [U], représentés par leur mandataire la société Oralia Pitance, ont consenti à la société BTX Cases, qui exerce l'activité de commerce en gros de composants et d'équipements électroniques de communication, le bail d'un local commercial situé [Adresse 2], pour une durée de 9 ans, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 10.000 ' HT, payable par terme mensuel d'avance.

Par acte du 23 février 2023, M. et Mme [U] ont fait délivrer à la société BTX Cases un commandement de payer la somme de 3.779,09 ', visant la clause résolutoire insérée au bail.

Par exploit du 28 avril 2023, M. et Mme [U] ont fait assigner la société BTX Cases devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon, en constat de la résiliation du bail et paiement de l'arriéré de loyer.

L'assignation a été dénoncée à la CIC Lyonnaise de Banque, en sa qualité de créancier inscrit.

La dette ayant été soldée en cours d'instance, M. et Mme [U] se sont désistés de leur demande de provision mais ont maintenu le reste de leurs prétentions.

Par ordonnance du 19 février 2024, le juge des référés a :

Donné acte à M. et Mme [U] de leur désistement de leur demande de provision, la dette ayant été soldée en cours de procédure,

Constaté qu'à la suite du commandement en date du 23 février 2023, le jeu de la clause résolutoire est acquis au bénéfice de M. et Mme [U] à compter du 23 mars 2023 ;

Dit que la société BTX Cases et tous occupants de son chef devra avoir quitté les lieux qu'elle occupe sis [Adresse 2], dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et que, passé cette date, elle pourra être expulsée avec le concours de la force publique ;

Débouté la société BTX Cases de ses contestations, demandes de délai de paiement et suspension des effets de la clause résolutoire ;

Condamné la société BTX Cases à payer à M. et Mme [U] une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du loyer et des charges en cours à compter du 1er janvier 2024 et jusqu'à libération effective des lieux ;

Déclaré commune à la société Lyonnaise de Banque, créancier inscrit la présente ordonnance ;

Condamné la société BTX Cases à payer à M. et Mme [U] la somme de 800 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société BTX Cases aux dépens de l'instance en ce compris le coût du commandement de payer ;

Le juge des référés a tenu compte de ce qu'il s'agissait de la seconde procédure opposant les mêmes parties et qu'à l'occasion de la première procédure, l'appelante avait sciemment dépassé le délai d'un mois pour régulariser la situation, M. et Mme [U] simples particuliers ne pouvant supporter indéfiniment l'incurie de leur locataire, de mauvaise foi.

Par déclaration enregistrée le 6 mars 2024, la société BTX Cases a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions enregistrées au RPVA le 12 avril 2024, la société BTX Cases demande à la cour :

Infirmer l'ordonnance rendue, en toute ses dispositions, en particulier, en ce qu'elle a :

° Constaté qu'à la suite du commandement en date du 23 février 2023, le jeu de la clause résolutoire est acquis au bénéfice de M. et Mme [E] [U] à compter du 23 mars 2023,

° Dit que la société BTX Cases et tous occupants de son chef devront avoir quitté les lieux qu'elle occupe sis [Adresse 2], dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente et que passé cette date elle pourra être expulsée avec le concours de la force publique,

° Débouté la société BTX Cases de ses contestations, demandes de délai de paiement et suspension des effets de la clause résolutoire,

° Condamné la société BTX Cases à verser à M. et Mme [E] [U] une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du loyer et des charges en cours à compter du 1er janvier 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux,

° Déclaré commune à la SA Lyonnaise de Banque, créancier inscrit, la présente ordonnance,

° Condamné la société BTX Cases à verser à M. et Mme [E] [U] la somme de 800 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

Constater que les causes du commandement étaient purgées au jour où le président du tribunal judiciaire de Lyon a statué ;

Suspendre la résiliation du bail commercial et les effets de la clause résolutoire ;

Autoriser rétroactivement la société BTX Cases à satisfaire aux causes du commandement dans le délai de douze mois ;

Débouter les bailleurs de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions contraires.

Elle fait valoir que l'année 2023 a été marquée par un certain nombre de manifestations contre la réforme des retraites ainsi que par les émeutes et violences urbaines de juin et juillet, ayant contraint les commerçants de la [Adresse 8] notamment à fermer leurs magasins plusieurs jours, outre les dégâts matériels importants, en sorte qu'elle a connu une baisse de son activité sur cette période.

Elle ajoute s'être fait dérober une cargaison de téléphones lors d'un transit via colissimo, ce qui a accentué ses difficultés lesquelles n'ont été prises en considération ni par ses bailleurs, ni par le premier juge, étant précisé que pour son activité d'achat et de réparation de téléphones mobiles est très consommatrice de trésorerie et qu'elle a une clientèle locale. Elle estime faire preuve de bonne foi.

Par conclusions enregistrées au RPVA le 3 mai 2024, M. et Mme [U] demande à la cour de :

Débouter la société BTX Cases de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme non fondées et injustifiées ;

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon le 19 février 2024 ;

Condamner la société BTX Cases à payer à M. et Mme [U] une indemnité de 3.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens d'appel.

Ils objectent que la dette qui les a contraints à mettre en oeuvre la clause résolutoire et la procédure a pris naissance en novembre 2022, en sorte que les violences urbaines dont elle ne s'est pas prévalue en première instance, ne sont qu'un prétexte visant à masquer des difficultés bien réelles et anciennes.

Ils ajoutent qu'elle ne produit pas la moindre pièce comptable pour justifier de sa situation financière, les bailleurs ne pouvant indéfiniment lui servir de variable d'ajustement de sa trésorerie.

Ils soutiennent enfin avoir fait preuve de bienveillance et de compréhension en se désistant de leur demande de résiliation du bail lors de la précédente instance, alors qu'un arriéré s'est immédiatement reconstitué dès le 1er novembre 2022 avant même que l'ordonnance constatant ce désistement ne soit rendue.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en constat de la résiliation de plein droit du bail

Le premier alinéa de l'article 835 du Code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de sa compétence, prescrire en référé, même en présence d'une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l'article L.145-41 alinéa 1 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire, sans qu'il soit besoin de caractériser une quelconque urgence ou un trouble manifestement illicite, s'agissant du simple constat de l'application d'une clause claire et précise qui, sauf preuve du contraire, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

En effet, si le prononcé de la résiliation d'un contrat suppose une appréciation relevant des juges du fond, le constat de l'acquisition d'une clause résolutoire entre dans les pouvoirs du juge des référés qui s'assure uniquement de l'existence de ladite clause et de la régularité de sa mise en oeuvre.

En l'espèce, le contrat de bail du 8 novembre 2019 liant les parties contient une clause résolutoire et un commandement de payer visant cette clause a été signifié le 23 février 2023 pour la somme en principal de 3.779,09 '.

S'il n'est pas contesté que la société BTX Cases s'est acquittée des causes du commandement de payer, le paiement est intervenu en cours de première instance donc bien au-delà du mois suivant le commandement de payer.

Dès lors, en l'absence de paiement des causes du commandement dans le délai d'un mois imparti, les conditions de la résiliation de plein droit du bail étaient réunies depuis le 23 mars 2023.

L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail à cette date, est confirmée.

Sur la demande de délais de grâce suspensifs des effets de la clause résolutoire

Aux termes de l'article L.145-41 alinéa 2 du Code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1343-5 du Code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La cour retient que la bonne foi de l'appelante n'est pas établie alors que par deux fois, elle a payé les causes du commandement en cours d'instance et hors délai, bénéficiant de la bienveillance de ses bailleurs privés la première fois et les obligeant à faire "l'avance" de sa trésorerie la seconde, en invoquant au surplus des circonstances difficilement transposables à sa situation dont elle ne justifie nullement sur le plan comptable, en sorte que ses perspectives de redressement sont elles-mêmes considérablement compromises.

Au vu de ces éléments, la cour estime que la demande de délai de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire n'est pas justifiée et confirme la décision de première instance en ce qu'elle a autorisé l'expulsion de la société BTX Cases et l'a condamnée à une indemnité d'occupation jusqu'à son départ effectif des lieux.

Sur les mesures accessoires

La décision déférée est confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.

La société BTX Cases succombant supportera également les dépens d'appel.

L'équité commande en outre de la condamner à payer à M. et Mme [U] la somme de 1.500 ' à en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d'appel et de la débouter de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision attaquée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société BTX Cases aux dépens d'appel ;

Condamne la société BTX Cases à payer la somme de 1.500 ' à M. [E] [U] et Mme [J] [C], épouse [U], en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d'appel.

Débouter la société BTX Cases de sa demande à ce titre.

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