CA Papeete, ch. B, 10 avril 2025, n° 23/00238
PAPEETE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dolphins & Whales Spirit Adventure (SARL)
Défendeur :
Dolphins & Whales Spirit Adventure (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boudry
Conseiller :
M. Ripoll
Conseillère :
Mme Martinez
Avocats :
Me Peytavit, Me Piriou
EXPOSE DU LITIGE
M. [Z] [T] et Mme [C] [O] ont vécu en concubinage jusqu'en début d'année 2022.
M. [Z] [T] était le gérant et associé unique de la SARL Unipersonnelle Moorea Boat Tour, inscrite au répertoire des métiers le 23 août 1994, ayant pour activité principale 'Transport maritimes et côtiers de passagers', qui a fait l'objet d'une radiation à une date non précisée.
Selon statuts établis par Me Abgrall, avocat, le 10 juin 2016, enregistrés le 21 juin 2016, Mme [C] [O] a créé la Sarl Dolphins & Whales Spirit Adventure, dont elle est l'associée unique et la gérante, ayant pour objet, en Polynésie française, principalement, l'organisation d'excursions nautiques en tous genres, touristiques et sportives.
La société Dolphins & Whales Spirit Adventure 'exploitant' a signé le 1er juin 2021 avec M. [Z] [T] 'armateur' une 'Convention d'exploitation de navires de plaisance', par laquelle :
'L'armateur donne en exploitation, sans transmission de propriété, à l'exploitant qui l'accepte aux conditions prévues à la présente convention, le navire TE TOHORA-[Immatriculation 9], et le navire TOHORA II- [Immatriculation 10], pour ses excursions nautiques.
Par ailleurs, il met à disposition ses services bénévoles de capitaine-guide, et de maintenance et entretien annuel des deux navires.
En contrepartie, l'exploitant finance tous les frais afférents aux deux navires pour permettre leur navigation, et par ailleurs gère toutes leurs formalités administratives.'
Selon arrêté du 19 juillet 2022, la société Dolphins & Whales Spirit Adventure a obtenu l'autorisation d'exercer une activité d'approche des baleines et autres mammifères marins dans les eaux de Moorea avec les navires susvisés.
Le 06 septembre 2022, il a été enregistré par le receveur conservateur des hypothèques de [Localité 6] un acte de cession daté du 1er septembre 2022, par lequel Mme [C] [O] a cédé à M. [Z] [T] la totalité des parts sociales de la Sarl Dolphins & Whales Spirit Adventure, moyennant un prix de 500.000 F CFP.
Des statuts de la SARL Dolphins & Whales Spirit Adventure mis à jours en date du 1er septembre 2022 ont été enregistrés le 06 septembre 2022.
Selon publication au Journal Officiel de la Polynésie Française du 09 septembre 2022 et décision de l'associé unique, M. [Z] [T] est devenu le gérant de la Sarl Dolphins & Whales Spirit Adventure.
Par ordonnance du 14 novembre 2022, le Juge aux Affaires Familiales a notamment :
- fait droit à la mesure de protection sollicitée par Mme [C] [O],
- interdit à M. [Z] [T] d'entrer en contact avec Mme [C] [O] de quelque façon que ce soit, ainsi que de se présenter au domicile de cette dernière ou sur son lieu de travail,
- interdit à M. [Z] [T] de détenir ou de porter une arme,
- ordonné à M. [Z] [T] de remettre au service de gendarmerie de [Localité 5] les armes dont il est détenteur en vue de leur dépôt au greffe,
- débouté Mme [C] [O] du surplus de ses demandes,
- fixé à six mois la durée des mesures de protection.
Autorisée par ordonnance sur requête du 19 septembre 2022, Mme [C] [O] a fait assigner à bref délai M. [Z] [T] et la SARL Dolphins & Whales Spirit Adventure devant le tribunal civil de première instance de Papeete, selon acte d'huissier en date du 23 septembre 2022 et requête déposée au greffe le 19 septembre 2022 aux fins de nullité de l'acte de cession du 1er septembre 2022 et par conséquence de la mise à jour des statuts et de changement de gérance en date également du 1er septembre 2022.
Par conclusions notifiées par RPVA le 25 octobre 2023, Mme [C] [O] s'est inscrite en faux à l'encontre de l'acte de cession de parts sociales daté du 1er septembre 2022.
Par ordonnance du 20 janvier 2023, le juge de la mise en état a :
Débouté M. [Z] [T] de sa demande de retrait des pièces n°11, 12, 13, 14 et 22 produites par Mme [C] [O],
Débouté M. [Z] [T] et la société Dolphins & Whales Spirit Aventure de leur demande de restitution du téléphone fixe, du routeur VINI BOX, et de l'ordinateur MAC BOOK PRO,
Ordonné à Mme [C] [O] de remettre à la société Dolphins & Whales Spirit Aventure, en l'état représentée par son gérant, M. [Z] [T], les permis de navigation des deux navires, TOHORA et TOHORA 2, délivrés par les affaires maritimes, les attestations d'assurances des deux navires, l'autorisation de la DIREN et l'intégralité des documents administratifs et comptables de la société Dolphins & Whales Spirit Aventure, au plus tard huit jours après la signification de la présente décision,
Débouté M. [Z] [T] de sa demande de restitution des dossiers de succession de la propriété, de l'intégralité des documents afférents à son divorce avec Mme [E], et des copies des virements des pensions alimentaires des deux enfants à Hawaii,
Ordonné à Mme [C] [O] de remettre à la société Dolphins & Whales Spirit Aventure, au plus tard huit jours après la signification de la présente décision, les identifiants et codes d'accès au site internet, à la page Face book et au site de paiement PAYPLUG, de la société Dolphins & Whales Spirit Aventure,
Dit n'y avoir lieu, en l'état, à application de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie Française,
Dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance principale,
Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 1er février 2023 pour poursuite du calendrier de procédure établi avec les conseils des parties.
Par jugement du 31 mars 2023, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
Débouté M. [Z] [T] de sa demande de retrait des pièces n°11, 12, 13, 14 et 22 produites par Mme [C] [O],
Débouté Mme [C] [O] de son action en inscription de faux,
Débouté Mme [C] [O] de son action en nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 1er septembre 2022 et enregistré le 06 septembre 2022, et de nullité des actes subséquents,
Débouté M. [Z] [T] et la Société Dolphins & Whales Spirit Aventure de leur demande de restitution du 'téléphone de la société', et des 'chéquiers',
Débouté M. [Z] [T] et la société Dolphins & Whales Spirit Aventure de leur demande de restitution du véhicule LAND ROVER de type FREELANDER immatriculé [Immatriculation 2],
Ordonné à Mme [C] [O] de remettre à la Société Dolphins & Whales Spirit Aventure, représentée par son gérant, M. [Z] [T], l'intégralité des documents administratifs et comptables de la Société Dolphins & Whales Spirit Aventure, au plus tard huit jours après la signification de la présente décision,
Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision s'agissant de la remise des documents administratifs et comptables de la société Dolphins & Whales Spirit Aventure,
Débouté Mme [C] [O] de sa demande de désignation d'un mandataire ad hoc,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie Française,
Condamné Mme [C] [O] aux dépens de l'instance, dont distraction d'usage au profit de Me Yves Piriou, avocat au barreau de Papeete.
Par requête enregistrée au greffe le 03 août 2023, Mme [C] [O] a relevé appel de cette décision et sollicite de la cour de :
La recevoir en son appel
La dire bien fondée
En conséquence
Infirmer le jugement du 31 mars 2023 en ce qu'il l'a déboutée de son action en nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 1er septembre 2022 et enregistrée le 06 septembre 2022 et de nullité des actes subséquents,
Statuant à nouveau
A titre principal
Prononcer la nullité de l'acte intitulé ' Acte de cessions de parts la société Dolphins & Whales Spirit Aventure en ce qu'il est vicié par la loi,
Prononcer la nullité de la mise à jour décidée par M. [Z] [T] des statuts telle qu'elle résulte de l'acte intitulé
Prononcer la nullité de la décision en date du 1er septembre 2022 de changement de gérance telle que mentionnée dans l'avis de modification tel que publié au Journal Officiel de la Polynésie française du 9 septembre 2022 ;
A titre subbsidiaire
Prononcer la nullité de la société Dolphins & Whales Spirit Aventure en ce que sa création a été motivée par la fraude,
Pronncer la nullité de tous les actes subséquents passés par la société Dolphins & Whales Spirit Aventure,
A titre infiniment subsidiaire
Condamner M. [Z] [T] au paiement du prix de la cession de parts de 500 000 xpf,
Condamner la société Dolphins & Whales Spirit Aventure au paiement d'une indemnité de 3 000 000 xpf pour éviction de la gérante,
En tout état de cause
Débouter M. [Z] [T] de l'ensemble de ses demandes additionnelles,
Condamner M. [Z] [T] à lui payer la somme de 250 000 XPF au titre des frais irrépétibles,
Condamner M. [Z] [T] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions enregistrées par RPVA le 13 septembre 2024, Mme [C] [O] maintient ses demandes initiales.
A l'appui de ses prétentions, Mme [C] [O] soutient qu'elle ne souvient pas d'avoir signé la cession de parts sociales en blanc en 2016, M. [Z] [T] lui ayant fait signer dans le bureau de son conseil au moment de la création de la société de nombreux documents sans qu'elle n'en ait conscience. Elle fait valoir l'emprise que M. [Z] [T] avait sur elle, lui faisant totalement confiance, sans se douter des manoeuvres frauduleuses de son ex compagnon notamment des mensonges sur sa société lui a fait croire qu'elle pouvait s'y investir et ainsi la faire travailler gratuitement alors qu'il avait l'idée dés l'origine de la spolier outre son comportement violent et manipulateur tel que cela résulte de l'ordonnance de protection prise le 14 novembre 2022. Elle soutient en outre que la société a en tout état de cause été constituée par fraude dans le but pour M. [Z] [T] d'organiser son insolvabilité et échapper à ses obligations fiscales de sorte qu'en application de l'adage la fraude corrompt tout, et de la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, les statuts de la société doivent être annulés et par suite tous les actes subséquents. Elle soutient qu'elle se retrouve dépouillée de la société dans laquelle elle a travaillé pendant 7 ans et qui n'a survécu que par sa rigueur, M. [Z] [T] commettant de nombreux détournements de fond de sorte qu'à titre subsidiaire si la cession des parts sociales devait être validée, elle doit pouvoir bénéficier de la contre partie financière soit la somme de 500 000 xpf outre une somme de 3 000 000 xpf au titre de la garantie d'éviction en application de l'article L 223-25 du code de commerce. Contrairement aux conclusions de l'intimé, elle estime ces demandes parfaitement recevables dès lors qu'elles présentent un lien de connexité avec la demande principale et sont bien fondées sur la fond dès qu'il est établi par les statuts de la société et la cession de parts sociales sa qualité de gérante et unique associée de la sociéét. Enfin, elle s'oppose aux demandes reconventionnelles de M. [Z] [T], les demandes de restitution étant totalement infondées dès lors qu'elle a restitué le véhicule depuis le 08 octobre 2022, que le routeur vini et le Mac Book Pro lui appartiennent, qu'elle ne détient aucun original des différents papiers, et que le site internet a été créé par ses soins et lui appartient, qu'elle n'a donc aucun devoir de restitution et n'a commis aucune faute justifiant l'octroi de dommages et intérêts.
Dans leurs conclusions déposées par RPVA le 19 juillet 2024, M. [Z] [T] et la Société Dolphins & Whales Spirit Aventure sollicitent de la cour de :
Déclarer irrecevables comme nouvelles en appel, les demandes de paiement de la somme de 500 000 xpf en paiement du prix de la cession des parts sociales et celle de 3 000 000 xpf au titre des dommages et intérêts au titre de l'éviction de la gérante,
En tout état de cause les dire mal fondées
Débouter Mme [C] [O] de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions,
Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par Mme [C] [O],
La dire mal fondée,
En conséquence
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [C] [O],
Recevoir M. [Z] [T] en son appel incident,
Infirmer le jugement entrepris et l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 janvier 2023 en ce qu'elle a rejeté ses demandes de M. [Z] [T],
Ordonner à Mme [C] [O] de leur restituer le téléphone fixe, le routeur VINI BOX et l'ordinateur MAC BOOK PRO ainsi qu'à M. [Z] [T] exclusivement l'intégralité des documents afférents à son divorce avec Mme [N], les copie des virements des pensions alimentaires des deux enfants à Hawaii,
Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de restitution du véhicule LAND ROVER de type FREELANDER immatriculé [Immatriculation 2],
Vu l'article 349 du CPC de Polyénsie française,
Recevoir M. [Z] [T] en sa demande additionnelle
Condamner Mme [C] [O] à M. [Z] [T] la somme de 5 000 000 XPF à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actions d'appropriation des adresses mail, Facebook, et du site internet de la société et des tentatives de cession,
Condamner Mme [C] [O] à payer à M. [Z] [T] la somme de 500 000 XPF au titre des frais irrééptbles de première instance et d'appel
Condamner Mme [C] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction d'usage.
A l'appui de ses prétentions, M. [Z] [T] fait valoir que la cession de parts sociales à blanc est parfaitement valable conformément à une jurisprudence constante et avait été signée au moment de la vie commune en toute connaissance de cause par Mme [C] [O] pour se prémunir au moment de la constitution de sa société mise uniquement au nom de Mme [C] [O] en raison de des difficultés rencontrées avec son ex épouse de la survenance de mêmes difficultés. Au moment de la séparation avec Mme [C] [O] lorsqu'il s'est rendu compte qu'il allait se trouver confronter à la même obstruction de Mme [C] [O] pour la gestion de la société, il a demandé à son conseil de mettre en oeuvre la cession de parts sociales, ces éléments étant d'ailleurs parfaitement confirmés par ce dernier. Quant à la fraude évoquée de manière purement opportuniste, la société n'ayant pas été constituée en fraude des droits des créanciers mais pour poursuivre l'activité qu'il exerçait depuis de nombreuses années en dépit des péripéties de son divorce. Il fait enfin valoir son bien fondé à solliciter les effets qui lui appartiennent et soutient que Mme [C] [O] n'a jamais déféré aux injonctions de remettre les identifiants et codes d'accès aux sites de commercialisation de l'activité de la société et qu'elle en profite pour détourner des clients et continuer de manière plus globale à tout faire pour lui nuire dans un but de vengeance et de vindicte tel que cela résulte dans un mail qu'elle lui a adressé justifiant l'octroi de dommages et intérêts. Il estime les demandes en paiement et au titre de la garantie d'éviction irrecevables comme présentées pour la première fois en cause d'appel et fait valoir sur le fond le caractère infondé, dès lors que Mme [C] [O] n'a jamais eu aucun droit dans la société, n'étant qu'un prête nom, ni mis aucun investissement, et que le paiement des parts sociales tout comme la somme de 3 000 000 xpf au titre de la garantie d'éviction n'ont donc aucune cause réelle.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2024.
MOTIFS
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Selon l'article 346-1 du code civil, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs(..).
Aux termes de la requête en appel et des conclusions d'appel incident de M. [Z] [T] et de la société Dolphins & Whales Spirit Aventure, la cour est saisie des chefs suivants du jugement du 31 mars 2023 :
Débouté Mme [C] [O] de son action en nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 1er septembre 2022 et enregistré le 06 septembre 2022, et de nullité des actes subséquents,
Débouté M. [Z] [T] et la Société Dolphins & Whales Spirit Aventure de leur demande de restitution du 'téléphone de la société', et des 'chéquiers',
Débouté M. [Z] [T] et la société Dolphins & Whales Spirit Aventure de leur demande de restitution du véhicule LAND ROVER de type FREELANDER immatriculé [Immatriculation 2],
Débouté Me [Z] [T] de sa demande au titre de l'atricle 407 du code de procédure civile de Polynésie française,
et des chefs suivants concernant l'ordonnance de mise en état en application de l'article 62 du code de procédure civile de Polynésie française des chefs de l'ordonnance de mise en état du 20 janvier 2023:
Débouté M. [Z] [T] et la société Dolphins & Whales Spirit Aventure de leur demande de restitution du téléphone fixe, du routeur VINI BOX, et de l'ordinateur MAC BOOK PRO,
Débouté M. [Z] [T] de sa demande de restitution des dossiers de succession de la propriété, de l'intégralité des documents afférents à son divorce avec Mme [E], et des copies des virements des pensions alimentaires des deux enfants à Hawaii,
En revanche, bien qu'ayant relevé appel général de tous les chefs des deux décisions l'ayant débouté de ses demandes, M. [Z] [T] n'évoque aucune critique du chef de dispositif l'ayant débouté de sa demande visant au retrait des pièces n°11, 12, 13, 14 et 22 produites par Mme [C] [O] et précise même dans ses moyens que son appel incident ne porte que sur le rejet de ses demandes de restitution de sorte que la cour n'en est pas saisie.
La cour est par ailleurs saisie d'une demande reconventionnelle de M. [Z] [T] au paiement de dommages et intérêts et de demandes additionnelles de Mme [C] [O] en paiement et au titre d'une indemnité d'éviction.
Sur la demande en nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 1er septembre 2022 et des actes subséquents,
Selon les dispositions de l'article 1108 du code civil dans sa version applicable en Polynésie Française : 'Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
Le consentement de la partie qui s'oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
Une cause licite dans l'obligation.'
Selon l'article 1109 du même code, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Selon l'article 1116 du même code, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
En l'espèce, il n'est plus contesté par aucune des parties et comme le relève à juste titre le premier juge que la cession en blanc des parts sociales a été établie et signée par les deux parties au moment de la date de signature des statuts de la société soit le 10 juin 2016. Il n'est plus contesté même la validité du principe de la cession en blanc, le seul point contesté étant la signature de Mme [C] [O] dont elle ne se rappelle plus mais qu'elle estime avoir été obtenue par M. [Z] [T] par dol en raison de l'emprise dans laquelle elle se trouvait et des manoeuvres frauduleuses opérées par ce dernier consistant en des mensonges sur la situation de sa société Mooera Boat Tour et des promesses sur l'appartenance de la nouvelle société.
Or, Mme [C] [O] qui verse aux débats la seule ordonnance de protection en date du 14 novembre 2022 et un mail de M. [Z] [T] dans lequel il admet ne pas avoir été totalement honnête avec elle sans qu'il ne soit précisé ce à quoi il fait référence entre leur vie personnelle ou professionnelle commune ne démontre pas la réalité des agissements dolosifs de celui ci. Elle ne produit notamment aucune attestation, aucune main courante, aucune plainte sur la contrainte exercée par M. [Z] [T] à son égard pendant le temps leur vie commune, sur les mensonges dénoncés quant à la situation de sa société, sur les fausses promesses faites quant à la société nouvellement créée et même sur l'emprise dans laquelle elle se trouvait vis à vis de son ex compagnon. L'ordonnance de protection ne fait d'ailleurs état que de faits commis postérieurement à la séparation dans un contexte de conflit important autour de la question de l'activité de la société sans aucune mention du comportement habituellement violent de M. [Z] [T] au temps de la vie conjugale.
M. [Z] [T] verse de son côté aux débats un mail officiel en date du 17 octobre 2022 de son conseil qui a rédigé tant les statuts de la société que l'acte de cession en blanc et qui confirme les conditions dans lesquelles cette cession a été rédigée en toute connaissance de cause par Mme [C] [O]. Si Mme [C] [T] souligne les liens d'amitié entre les deux hommes et le rôle joué par ce dernier dans la confiance enore plus grande qu'elle pouvait avoir envers son compagnon, elle ne justifie d'aucun élément en ce sens, permettant de remettre en cause ce témoignage.
Mme [C] [O] est par conséquente insuffisante à démontrer l'existence d'un dol ayant vicié son consentement quant au contrat de cession des parts sociales de la société Dolphins & Whales Spirit Adventure daté du 1er septembre 2022.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] [O] de sa demande de nullité des parts sociales et des actes subséquents.
Sur la demande de nullité de la société Dolphins & Whales Spirit Aventure
Il est de principe que la fraude corrompt tout.
En l'espèce, Mme [C] [O] évoque la constitution par fraude de la société Dolphins & Whales Spirit Aventure afin que M. [Z] [T] puisse organiser son insolvabilité, étant en redressement fiscal.
Il est constant de l'écriture des parties que cette société a mise au seul nom de Mme [C] [O], seule associée et gérante de la société jusqu'à la cession de parts sociales en date du 1er septembre 2022, ce qui est par ailleurs étbli par les pièces produites aux débats.
M. [Z] [T] admet que la constitution de cette société n'avait que pour but de poursuivre son activité exercée précédemment dans le cadre de sa société Moorea Boat Tour mise en difficulté par son divorce en raison du comportement de son ex épouse et que Mme [C] [O] n'était qu'un prêt nom.
Il verse à cette fin aux débats le mail précédemment évoqué de son conseil qui confirme les difficultés de même qu'une ordonnance sur incident en date du 22 octobre 2015 aux termes de laquelle le juge aux affaires familiales a ordonné à l'ex épouse de M. [Z] [T] la remise de l'ordinateur contenant notamment les données comptables de l'EURL Moorea Boat Tour à la société Ivea sis à [Localité 6] et le transfert de l'administration de la page facebook de cette société à son époux lorsque celui ci aura créé un compte personnel sur facebook. Il produit également copie des courriers à la direction des impôts, division du contrôle fiscal permettant de confirmer que sa société a fait l'objet d'un redressement fiscal le 17 septembre 2015 en raison de son incapacité à produire des éléments de comptabilité détenus selon lui par son ex épouse.
Pour autant si la constitution de la société correspond des aveux mêmes de M. [Z] [T] à une dissimuation de la personne de M. [Z] [T] à laquelle Mme [C] [O] a participé, celle ci ne justifie pas au delà de ses allégations l'existence d'une fraude c'est à dire la contrariété aux régles impératives d'ordre public comme par exemple une fraude fiscale, les seuls échanges de SMS produits aux débats qui émanent pour l'essentiel de l'appelante elle même sur d'éventuels détournements de fonds étant insuffisants pour démontrer le caractère malhonnête et les intentions fraudueluses de M.[Z] [T].
En tout état de cause, la cession des parts sociales litigieuse et la modification des statuts pour faire apparaître M. [Z] [T] comme gérant viennent régulariser la dissmulation initiale.
Dès lors que l'élément de fraude n'est pas caractérisé et qu'il est en tout état de cause régularisé, la demande de nullité de la société sera rejetée.
Sur les demandes en paiement et au titre de l'éviction de Mme [C] [O]
Selon l'article 349 du code de procédure civile de Polynésie française, les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance et il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation.
En l'espèce, les demandes en paiement et au titre de la grantie d'éviction de Mme [C] [O] sont nécessairement connexes à la demande principale présentée en 1ère instance de nullité de cession de parts sociales et des actes subséquents puisqu'elles sont pour la première l''exécution même d'une des obligations du contrat de cession et pour l'autre une demande consécutive à la validité d'une telle cession.
Elles seront donc déclarée recevables.
* sur la demande en paiement
Selon l'article 1134 du code civil, les convention tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Par ailleurs, en vertu de l'article 1315 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de
son obligation.
En l'espèce, M. [Z] [T] qui revendique la validité de l'acte de cession de parts sociales ne peut sans se contredire énoncer la vente comme dépourvue de cause.
Dès lors que la demande en nullité de l'acte est rejeté, M. [Z] [T] doit exécuter son obligation de paiement. Il n'est pas contesté qu'il ne l'a pas fait.
Il sera par conséquent condamné au paiement d'une somme de 500 000 xpf en exécution du contrat de cession de parts sociales daté du 1er septembre 2022 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision en l'absence de toute autre demande.
* sur la demande au titre de la garantie d'éviction
Selon l'article L 223-25 du code de commerce le gérant est révocable par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Toute clause contraire est réputée non écrite. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.
En l'espèce, Mme [C] [O] fait valoir le caratère vexatoire de sa révocation en qualité de gérante qu'elle a appris dans la presse.
Il est constant que la révocation d'un gérant pour légitime qu'elle soit comme en l'espèce, le conflit entre les deux ex concubins empêchant tout fonctionnement normal de la société doit pour ne pas être abusif respecter le principe du contradictoire.
Or il n'est pas contesté que M. [Z] [T] en sa qualité d'associé unique n'a jamais informé Mme [C] [O] de son intention de la révoquer en qualité de gérante. Il est par ailleurs établi par les échanges entre les parties et notamment le mail adressé par M. [Z] [T] le 18 juin 2022 que celle ci s'occupait jusqu'en 2022 de la comptabilité de l'entreprise de même que c'est elle qui était en possession des éléments pour faire les réservations en ligne correspondant à ses fonctions de gérante et que ses fonctions n'étaient donc pas fictives quant bien même la société a été créée pour poursuivre l'activité initiale de M. [Z] [T].
Ainsi, la Société Dolphins & Whales Spirit Adventure représentée par son gérant M. [Z] [T] sera condamnée à lui verser la somme de 800 000 xpf à à titre de dommages et intérêts pour la révocation abusive de ses fonctions de gérante.
Sur les demandes en restitution de M. [Z] [T]
La compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les demandes de restitution au demeurant sans fondement juridique n'a pas été contestée par les parties.
Il y a donc lieu de statuer sur ces demandes auxquelles il a été statué tant par ordonnance du juge de la mise en état que par jugement au fond.
* sur la demande en restitution du véhicule LAND ROVER de type FREELANDER
M. [Z] [T] pas plus qu'en première instance ne justifie de cette demande à laquelle Mme [C] [O] s'oppose faisant valoir que le véhicule a déjà été restitué.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
* sur la demande en restitution du téléphone fixe, du routeur VINI BOX, de l'ordinateur MAC BOOK PRO et du chéquier de la société
C'est par des motifs pertinents en fait et en droit que le juge de la mise en état puis le juge de première instance dans son jugement au fond ont rejeté cette demande comme étant non justifiés en l'absence de pièces démontrant l'idenfication de tels effets comme appartenant à la société Dolphins & Whales Spirit Aventure.
L'ordonnance de mise en état en date du 20 janvier 2023 et le jugement en date du 31 mars 2023 seront confirmés à ce titre.
* sur la demande en restitution de l'intégralité des documents afférents à son divorce avec Mme [N], les copie des virements des pensions alimentaires des deux enfants à Hawaii
C'est par des motifs pertinents en droit et en fait que le juge de la mise en état a considéré qu'il n'était pas démontré que Mme [C] [O] détientrait les originaux de ces documents.
L'ordonnance de mise en état sera ainsi confirmée en ce qu'elle a rejetée cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [Z] [T]
M. [Z] [T] sollicite en cause d'appel l'indemnisation d'un préjudice personnel subi consécutivement aux agissements de Mme [C] [O] dont il ne précise pas le fondement juridique sans que ce point ne soit contesté pas plus que ne l'est sa recevabilité, Mme [C] [O] en contestant uniquement le bien fondé.
En application de l'article 5 du code de procédure civile de Polynésie française, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ( ..) Il peut relever d'office les moyens de pur droit, quelque soit le fondement juridique que les parties en auarient proposée.
En application de ce texte, il y a lieu de considérer la demande de dommages et intérêts comme une demande de responsabilité délictuelle.
Selon l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par duquel la faute est arrivée à le réparer.
En l'espèce, M. [Z] [T] évoque à l'appui de sa demande en responsabilité le comportement de Mme [C] [O] qui ne cesse de lui vouloir lui nuire en entravant le bon fonctionnement de sa société.
Il verse à cette fin aux débats deux échanges de mail de tours opérators et notamment d'une certaine [H] [K] en date du 4 septembre 2023 faisant état de ce que des messages en lien avec des réservations ont été supprimés outre le fait qu'un prestataire a été informé de ce que M. [Z] [T] n'avait plus les autorisations pour procéder aux excursions.
Si ces deux éléments sont insuffisants à démontrer l'implication de Mme [C] [O], celle ci admet dans ses écritures avoir informé des prestataires de tourisme de ce que la société n'avait plus d'autorisation pour l'observation des baleines, de même qu'elle admet dans ses mêmes écritures ainsi que dans son mail du 19 juin 2023 qu'elle ne transmettra pas les accès pour le site internet créée par elle ce qui résultait déjà des échanges de mail entre les conseils des parties le 4 octobre 2022. Pour autant, Mme [C] [O] ne justifie pas de quelconques droits sur le site créé pour les besoins de la société. Il résulte par ailleurs d'un mail de M. [G] [U] que la page facebook de la société ainsi que le mail de réservation joints ont été supprimés ce qui n'est pas contesté par Mme [C] [O].
Il n'est en revanche pas démontré que c'est du fait de Mme [C] [O] que la société Dophins et Whales Spirit Adventure n'a pas initialement obtenu l'autorisation d'approche des baleines.
Celle ci en ne communiquant pas toutes informations nécessaires à la poursuite de l'activité de la société et en informant au contraire des difficultés rencontrées par la société sur les autorisations a commis une faute à l'origine d'un préjudice moral pour M. [Z] [T] gérant et unique associé.
Une somme de 500 000 xpf sera ainsi allouée à ce titre à M. [Z] [T].
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Mme [C] [O] qui succombe à titre principal en son appel sera condamnée aux dépens.
L'équité ne commande pas en revanche de faire application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française au bénéfice de Mme [C] [O], ou de M. [Z] [T]. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en première instance et y ajoutant il y a lieu de débouter les parties de leurs demandes en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme l'ordonnance de mise en état déférée en toutes dispositions,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Déclare recevables les demandes additionnelles de Mme [C] [O] en paiement et à titre de dommages et intérêts,
Condamne M. [Z] [T] à verser à Mme [C] [O] la somme de 500 000 xpf en exécution de la cession de parts sociales avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Condamne la société Dophins et Whales Spirit Adventure représentée par son gérant M. [Z] [T] à payer à Mme [C] [O] la somme de 800 000 xpf au titre de la révocation abusive de ses fonctions de gérante,
avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne Mme [C] [O] à verser M. [Z] [T] la somme de 500 000 xpf à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
Rejette toutes prétentions plus amples et contraires des parties,
Condamne Mme [C] [O] aux entiers dépens avec distraction d'usage au bénéfice de Me Yves Piriou, avocat au barreau de Papeete.
Prononcé à Papeete, le 10 avril 2025.