CA Pau, ch. soc., 17 avril 2025, n° 23/00551
PAU
Arrêt
Autre
PS/SB
Numéro 25/1261
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 17/04/2025
Dossier : N° RG 23/00551 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOQD
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[F] [E]
C/
S.A.S. [Localité 4] DIFFUSION PRESSE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Avril 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 juin 2024, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [F] [E]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Maître MARIOL de la SELARL MARIOL, avocat au barreau de PAU, et Maître SANCHEZ de la SELARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S.A.S. [Localité 4] DIFFUSION PRESSE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître LIGNEY de la SELARL DUALE - LIGNEY - BOURDALLE, avocat au barreau de TARBES, et Maître SAINT-CRICQ, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 26 JANVIER 2023
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE
RG numéro : 20/00171
EXPOSÉ du LITIGE
Le 1er avril 2002, M. [F] [E] et la société par actions simplifiée (SAS) [Localité 4] Diffusion Presse ont conclu un contrat intitulé « contrat de commission vendeur colporteur de presse ».
Par ce contrat, la société a confié à M. [F] [E] la vente et la fourniture au domicile des particuliers du journal quotidien ou hebdomadaire Sud-Ouest et de ses suppléments gratuits ou non, pour les communes de [Localité 5] et [Localité 6] en contrepartie d'une commission égale à 15 % du montant des ventes au prix public.
A compter du 12 novembre 2016, M. [E], atteint d'un cancer de la lymphe, a interrompu son activité.
Par courrier en date du 29 janvier 2019, M. [E] a mis un terme au contrat.
Le 28 janvier 2020, M. [E] a saisi la juridiction prud'homale d'une action contre la Sas [Localité 4] Diffusion Presse et la Sa Sud Ouest aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, de condamnation de la Sas [Localité 4] Diffusion Presse notamment au paiement de sommes résultant de cette requalification, de juger Sas [Localité 4] Diffusion Presse et la Sa Sud Ouest co-employeurs et de condamnation solidaire de la seconde avec la première.
Par jugement de départage du 26 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Bayonne a :
- constaté le désistement d'instance et d'action de M.[F] [E] à l'encontre de la SA Groupe Sud-Ouest,
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Bayonne pour connaître des demandes présentées par M. [F] [E] à l'encontre de la SAS [Localité 4] Diffusion Presse,
- Dit que le dossier de l'affaire lui sera transmis, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d'appel dans le délai, conformément à l'article 82 du code de procédure civile,
- Condamné M. [F] [E] aux entiers dépens de l'instance,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 17 février 2023 et le 23 février 2023, M. [F] [E] a interjeté appel du jugement. Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du 9 mars 2023.
Par arrêt en date du 1er février 2024 la chambre sociale de la cour d'appel de Pau a':
- Déclaré l'appel recevable,
- Infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 26 janvier 2023,
Statuant de nouveau,
- Rejeté l'exception d'incompétence,
- Evoquant l'affaire en application de l'article 88 du code de procédure civile,
- Ordonné la réouverture des débats à l'audience du mercredi 19 juin 2024 à 13 h 30 et invite les parties à conclure au fond et à présenter toutes prétentions utiles au fond :
* avant le 1 mai 2024 pour l'appelant
* avant le 1 juin 2024 pour l'intimée
- Réservé les dépens.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 7 juin 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [F] [E] demande à la cour de':
- Débouter la société [Localité 4] Diffusion Presse de ses demandes fins et conclusions, comme irrecevables ou à tout le moins infondées,
- Dire et juger Monsieur [F] [E] recevable et bien fondé en son action et en ses demandes,
- Dire et juger que Monsieur [E] exerçait les fonctions de Porteur de presse au sens de l'article 22 de la loi n°91-1 du 3 janvier 1991,
- Dire et Juger que le contrat de Vendeur Colporteur Presse conclu le 1er avril 2002 entre Monsieur [E] et la société [Localité 4] Diffusion Presse est donc un contrat de travail et doit être requalifié comme tel,
- Dire et juger que les demandes formulées par Monsieur [E] ne sont pas prescrites,
- Dire et juger que le salaire de référence de Monsieur [E] s'élevait à un montant de 1175.68 euros mensuel brut, pour une durée contractuelle de travail de 28 heures par semaine, répartie du lundi au dimanche,
- Dire et Juger que Monsieur [E] a été privé du bénéfice de divers droits sociaux, lui ayant occasionné un grave préjudice au tort exclusif de la société [Localité 4] Diffusion Presse
- Dire et juger que Monsieur [E] n'aurait pas mis unilatéralement un terme à sa relation contractuelle avec la société [Localité 4] Diffusion Presse s'il avait eu
connaissance qu'il aurait dû bénéficier du statut de salarié,
- Dire et juger que compte tenu de son état de santé, Monsieur [E] aurait dû être déclaré inapte par la médecine du travail et la société [Localité 4] Diffusion Presse aurait ainsi dû procéder en application de l'article L 1226-2-1 du code du travail, à une recherche de reclassement et à défaut prononcer son licenciement pour inaptitude,
- Dire et Juger que la démission de Monsieur [E] en date du 29 janvier 2019 n'était donc pas libre, claire et non équivoque et doit être ainsi requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à payer à Monsieur [F]
[E] :
. 3059,13 euros bruts à titre de rappels d'heures complémentaires, outre 305,91 euros bruts au titre des congés payés afférents,
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour non indemnisation de l'arrêt maladie de Monsieur [E],
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour un emploi de nuit sans contrepartie
. 1175,68 euros à titre de dommages intérêts pour un emploi les jours fériés sans contrepartie
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour un emploi sans repos hebdomadaire
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé
. 20000 euros à titre de dommages intérêts pour non versement des indemnités kilométriques
. 5655 euros au titre de l'indemnité de licenciement
. 2351,36 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 235.13 euros bruts au titre des congés payés afférents
.14108,16 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En tout état de cause,
Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à payer à Monsieur [E] la somme de 3000 ' à titre d'indemnité sur le fondement de l'Article 700 du
Code de Procédure Civile,
Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à remettre à Monsieur [E], sous astreinte de 500 ' par jour de retard courant à compter de la notification de la décision à intervenir, des bulletins de salaires couvrant sa période d'emploi depuis le 1er avril 2002 jusqu'à la date de rupture du contrat le 29 janvier 2019,
Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à remettre à Monsieur [E], sous astreinte de 500 ' par jour de retard courant à compter de la notification de la décision à intervenir, l'ensemble des documents de fin de contrat : reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle emploi,
Condamner la société [Localité 4] DIFFUSION PRESSE aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 juin 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société [Localité 4] Diffusion Presse demande à la cour de':
A titre principal,
- Constatant qu'il n'existe pas de lien de subordination entre M. [E] et la Société [Localité 4] Diffusion Presse, donc pas de contrat de travail, mais un contrat spécifique de commissionnaire, vendeur colporteur de Presse qui s'effectue dans un cadre réglementé par la Loi du 29 juillet 1881,
- Débouter M. [E] de toutes ses demandes fins et conclusions en l'invitant à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire, si, par impossible, la Cour venait à reconnaître l'existence d'un contrat de travail,
- Relever la prescription concernant':
1 La demande d'heures complémentaires
2 Sur l'indemnisation de l'arrêt-maladie
3 Sur le travail de nuit
4 Sur le travail les jours fériés
5 Sur le repos hebdomadaire
6 Sur les congés payés
7 Sur les indemnités kilométriques
- Débouter l'appelant sur ses demandes :
Sur le travail dissimulé
Sur la rupture du contrat
Sur le prétendu préjudice engendré par le statut de colporteur de Presse
- Débouter M. [E] de toutes ses demandes fins et conclusions en l'invitant à mieux se pourvoir,
- Condamner M. [E] à payer à la Société concluante une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner le même en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne, le salarié, s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, l'employeur, sous la subordination juridique de laquelle elle se place, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, le contrat liant les parties a été intitulé «'contrat de commission vendeur colporteur de presse'» et vise en son article 6 l'article 22 de la loi du 3 janvier 1991 qui, dans sa rédaction applicable au litige et antérieure au 20 octobre 2019, prévoit que':
I. - Les personnes dénommées': vendeurs-colporteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées au sens de l'article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l'article 72 de son annexe III sont des travailleurs indépendants lorsqu'elles exercent leur activité en leur nom propre et pour le compte d'un éditeur, d'un dépositaire ou d'un diffuseur. Elles ont la qualité de mandataire-commissionnaire aux termes d'un contrat de mandat. Elles sont inscrites à ce titre au Conseil supérieur des messageries de presse qui leur délivre l'attestation, prévue à l'article 298 undecies du code général des impôts, celle-ci justifiant de leur qualité de mandataire commissionnaire.
II - Les personnes dénommées : porteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la distribution de publications quotidiennes et assimilées au sens de l'article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l'article 72 de son annexe III ont la qualité de salarié au sens du droit du travail lorsque les conditions juridiques de leur activité ne répondent pas à celles visées au paragraphe 1.
Le contrat fixe le secteur géographique desservi par M. [E], soit les communes de [Localité 5] et [Localité 6], les modalités de rémunération sous forme d'une commission de 15 % du montant des ventes au prix public, celles du remplacement du vendeur colporteur indisponible pour une durée limitée ou à titre exceptionnel, et les modalités de fin de la convention.
Contrairement à ce que M. [E] soutient, l'existence d'un lien de subordination entre lui et la société [Localité 4] Diffusion Presse n'est pas établie, étant observé que':
- suivant le contrat, le secteur géographique «'est consenti sans exclusivité et pourra être modifié pour des raisons d'organisation'», mais il n'est pas caractérisé que la société [Localité 4] Diffusion Presse a effectivement à un quelconque moment modifié unilatéralement le secteur défini';
- le fait pour la société [Localité 4] Distribution Presse de remettre à M. [E] une liste comportant les noms des clients de Sud Ouest et leurs coordonnées lui était indispensable pour exercer son activité et connaître l'identité et les coordonnées des clients à livrer'mais n'excluait pas une activité de prospection et les relevés de commissions des années 2014 à 2016 produits par la société [Localité 4] Diffusion Presse déterminent qu'il a perçu des commissions sur des ventes du journal Le Monde'et qu'il a donc vendu des journaux ;
- seule est établie l'obligation de M. [E] déterminée par l'article 4 du contrat «'de respecter des horaires limites de livraison imposés par le lecteur dans le respect des usages de la profession, libre à lui d'organiser, par ailleurs, sa tournée comme il l'entend'» et non le respect d'horaires de livraison fixés par la société [Localité 4] Diffusion Presse et les éléments versés aux débats par M. [E] ne sont pas de nature à établir qu'il n'organisait pas sa tournée à sa guise';
- M. [E] ne procédait pas aux encaissements, mais il ressort d'un courrier qu'il a adressé le 10 juin 2002 à la société [Localité 4] Diffusion Presse que c'est lui qui a demandé à cette dernière d'y procéder, «'tout en restant ducroire'»,'ce, afin d'être aidé «'dans d'exercice de [son] activité de vendeur colporteur de presse indépendant'»';
- les pièces 7 et 8 de M. [E] déterminent seulement que la société [Localité 4] Diffusion Presse':
. a sollicité ses explications en septembre 2013 relativement à la réclamation d'une cliente insatisfaite car non livrée deux dimanches de suite, et que M. [E] a ensuite questionné son remplaçant le dimanche sur les livraisons en cause, et il n'est pas avéré que la société [Localité 4] Diffusion Presse a exercé un pouvoir disciplinaire à l'égard de M. [E],
. a sollicité en octobre 2013 le concours de M. [E] pour déterminer si un client n'était pas livré des suppléments du dimanche parce que sa boîte à lettre était d'une taille inadaptée ou s'il avait fait l'objet d'oublis en lui demandant, dans ce cas, d'y remédier, et il n'est pas avéré que la société [Localité 4] Diffusion Presse a exercé un pouvoir disciplinaire'à l'égard de M. [E] ;
- la pièce 8 produite par M. [E] détermine que c'est lui qui faisait assurer son remplacement le dimanche et le fait que c'est la société [Localité 4] Diffusion Presse qui a fait assurer son remplacement à compter du 12 novembre 2016 jusqu'au terme du contrat n'est pas significatif de l'existence d'un lien de subordination entre lui et la société [Localité 4] Diffusion Presse.
Dès lors, la demande de M. [E] de requalification en contrat de travail du contrat de vendeur-colporteur de presse du 1er avril 2002 doit être rejetée ainsi que les demandes subséquentes de paiement de sommes fondées sur l'existence d'un contrat de travail.
M. [E], qui succombe en ses demandes, sera condamné aux dépens. Compte tenu de la situation économique de M. [E], qui est bénéficiaire d'une pension d'invalidité, il convient de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre. Toutes les demandes présentées sur ce fondement seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Evoquant l'affaire en application de l'article 88 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. [F] [E] de requalification en contrat de travail du contrat de vendeur-colporteur de presse du 1er avril 2002 et les demandes subséquentes de paiement de sommes fondées sur l'existence d'un contrat de travail,
Condamne M. [F] [E] aux dépens,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Numéro 25/1261
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 17/04/2025
Dossier : N° RG 23/00551 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOQD
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[F] [E]
C/
S.A.S. [Localité 4] DIFFUSION PRESSE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Avril 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 juin 2024, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [F] [E]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Maître MARIOL de la SELARL MARIOL, avocat au barreau de PAU, et Maître SANCHEZ de la SELARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S.A.S. [Localité 4] DIFFUSION PRESSE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître LIGNEY de la SELARL DUALE - LIGNEY - BOURDALLE, avocat au barreau de TARBES, et Maître SAINT-CRICQ, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 26 JANVIER 2023
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE
RG numéro : 20/00171
EXPOSÉ du LITIGE
Le 1er avril 2002, M. [F] [E] et la société par actions simplifiée (SAS) [Localité 4] Diffusion Presse ont conclu un contrat intitulé « contrat de commission vendeur colporteur de presse ».
Par ce contrat, la société a confié à M. [F] [E] la vente et la fourniture au domicile des particuliers du journal quotidien ou hebdomadaire Sud-Ouest et de ses suppléments gratuits ou non, pour les communes de [Localité 5] et [Localité 6] en contrepartie d'une commission égale à 15 % du montant des ventes au prix public.
A compter du 12 novembre 2016, M. [E], atteint d'un cancer de la lymphe, a interrompu son activité.
Par courrier en date du 29 janvier 2019, M. [E] a mis un terme au contrat.
Le 28 janvier 2020, M. [E] a saisi la juridiction prud'homale d'une action contre la Sas [Localité 4] Diffusion Presse et la Sa Sud Ouest aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, de condamnation de la Sas [Localité 4] Diffusion Presse notamment au paiement de sommes résultant de cette requalification, de juger Sas [Localité 4] Diffusion Presse et la Sa Sud Ouest co-employeurs et de condamnation solidaire de la seconde avec la première.
Par jugement de départage du 26 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Bayonne a :
- constaté le désistement d'instance et d'action de M.[F] [E] à l'encontre de la SA Groupe Sud-Ouest,
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Bayonne pour connaître des demandes présentées par M. [F] [E] à l'encontre de la SAS [Localité 4] Diffusion Presse,
- Dit que le dossier de l'affaire lui sera transmis, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d'appel dans le délai, conformément à l'article 82 du code de procédure civile,
- Condamné M. [F] [E] aux entiers dépens de l'instance,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 17 février 2023 et le 23 février 2023, M. [F] [E] a interjeté appel du jugement. Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du 9 mars 2023.
Par arrêt en date du 1er février 2024 la chambre sociale de la cour d'appel de Pau a':
- Déclaré l'appel recevable,
- Infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 26 janvier 2023,
Statuant de nouveau,
- Rejeté l'exception d'incompétence,
- Evoquant l'affaire en application de l'article 88 du code de procédure civile,
- Ordonné la réouverture des débats à l'audience du mercredi 19 juin 2024 à 13 h 30 et invite les parties à conclure au fond et à présenter toutes prétentions utiles au fond :
* avant le 1 mai 2024 pour l'appelant
* avant le 1 juin 2024 pour l'intimée
- Réservé les dépens.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 7 juin 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [F] [E] demande à la cour de':
- Débouter la société [Localité 4] Diffusion Presse de ses demandes fins et conclusions, comme irrecevables ou à tout le moins infondées,
- Dire et juger Monsieur [F] [E] recevable et bien fondé en son action et en ses demandes,
- Dire et juger que Monsieur [E] exerçait les fonctions de Porteur de presse au sens de l'article 22 de la loi n°91-1 du 3 janvier 1991,
- Dire et Juger que le contrat de Vendeur Colporteur Presse conclu le 1er avril 2002 entre Monsieur [E] et la société [Localité 4] Diffusion Presse est donc un contrat de travail et doit être requalifié comme tel,
- Dire et juger que les demandes formulées par Monsieur [E] ne sont pas prescrites,
- Dire et juger que le salaire de référence de Monsieur [E] s'élevait à un montant de 1175.68 euros mensuel brut, pour une durée contractuelle de travail de 28 heures par semaine, répartie du lundi au dimanche,
- Dire et Juger que Monsieur [E] a été privé du bénéfice de divers droits sociaux, lui ayant occasionné un grave préjudice au tort exclusif de la société [Localité 4] Diffusion Presse
- Dire et juger que Monsieur [E] n'aurait pas mis unilatéralement un terme à sa relation contractuelle avec la société [Localité 4] Diffusion Presse s'il avait eu
connaissance qu'il aurait dû bénéficier du statut de salarié,
- Dire et juger que compte tenu de son état de santé, Monsieur [E] aurait dû être déclaré inapte par la médecine du travail et la société [Localité 4] Diffusion Presse aurait ainsi dû procéder en application de l'article L 1226-2-1 du code du travail, à une recherche de reclassement et à défaut prononcer son licenciement pour inaptitude,
- Dire et Juger que la démission de Monsieur [E] en date du 29 janvier 2019 n'était donc pas libre, claire et non équivoque et doit être ainsi requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à payer à Monsieur [F]
[E] :
. 3059,13 euros bruts à titre de rappels d'heures complémentaires, outre 305,91 euros bruts au titre des congés payés afférents,
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour non indemnisation de l'arrêt maladie de Monsieur [E],
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour un emploi de nuit sans contrepartie
. 1175,68 euros à titre de dommages intérêts pour un emploi les jours fériés sans contrepartie
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour un emploi sans repos hebdomadaire
. 7054,08 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé
. 20000 euros à titre de dommages intérêts pour non versement des indemnités kilométriques
. 5655 euros au titre de l'indemnité de licenciement
. 2351,36 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 235.13 euros bruts au titre des congés payés afférents
.14108,16 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En tout état de cause,
Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à payer à Monsieur [E] la somme de 3000 ' à titre d'indemnité sur le fondement de l'Article 700 du
Code de Procédure Civile,
Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à remettre à Monsieur [E], sous astreinte de 500 ' par jour de retard courant à compter de la notification de la décision à intervenir, des bulletins de salaires couvrant sa période d'emploi depuis le 1er avril 2002 jusqu'à la date de rupture du contrat le 29 janvier 2019,
Condamner la société [Localité 4] Diffusion Presse à remettre à Monsieur [E], sous astreinte de 500 ' par jour de retard courant à compter de la notification de la décision à intervenir, l'ensemble des documents de fin de contrat : reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle emploi,
Condamner la société [Localité 4] DIFFUSION PRESSE aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 juin 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société [Localité 4] Diffusion Presse demande à la cour de':
A titre principal,
- Constatant qu'il n'existe pas de lien de subordination entre M. [E] et la Société [Localité 4] Diffusion Presse, donc pas de contrat de travail, mais un contrat spécifique de commissionnaire, vendeur colporteur de Presse qui s'effectue dans un cadre réglementé par la Loi du 29 juillet 1881,
- Débouter M. [E] de toutes ses demandes fins et conclusions en l'invitant à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire, si, par impossible, la Cour venait à reconnaître l'existence d'un contrat de travail,
- Relever la prescription concernant':
1 La demande d'heures complémentaires
2 Sur l'indemnisation de l'arrêt-maladie
3 Sur le travail de nuit
4 Sur le travail les jours fériés
5 Sur le repos hebdomadaire
6 Sur les congés payés
7 Sur les indemnités kilométriques
- Débouter l'appelant sur ses demandes :
Sur le travail dissimulé
Sur la rupture du contrat
Sur le prétendu préjudice engendré par le statut de colporteur de Presse
- Débouter M. [E] de toutes ses demandes fins et conclusions en l'invitant à mieux se pourvoir,
- Condamner M. [E] à payer à la Société concluante une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner le même en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne, le salarié, s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, l'employeur, sous la subordination juridique de laquelle elle se place, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, le contrat liant les parties a été intitulé «'contrat de commission vendeur colporteur de presse'» et vise en son article 6 l'article 22 de la loi du 3 janvier 1991 qui, dans sa rédaction applicable au litige et antérieure au 20 octobre 2019, prévoit que':
I. - Les personnes dénommées': vendeurs-colporteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées au sens de l'article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l'article 72 de son annexe III sont des travailleurs indépendants lorsqu'elles exercent leur activité en leur nom propre et pour le compte d'un éditeur, d'un dépositaire ou d'un diffuseur. Elles ont la qualité de mandataire-commissionnaire aux termes d'un contrat de mandat. Elles sont inscrites à ce titre au Conseil supérieur des messageries de presse qui leur délivre l'attestation, prévue à l'article 298 undecies du code général des impôts, celle-ci justifiant de leur qualité de mandataire commissionnaire.
II - Les personnes dénommées : porteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la distribution de publications quotidiennes et assimilées au sens de l'article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l'article 72 de son annexe III ont la qualité de salarié au sens du droit du travail lorsque les conditions juridiques de leur activité ne répondent pas à celles visées au paragraphe 1.
Le contrat fixe le secteur géographique desservi par M. [E], soit les communes de [Localité 5] et [Localité 6], les modalités de rémunération sous forme d'une commission de 15 % du montant des ventes au prix public, celles du remplacement du vendeur colporteur indisponible pour une durée limitée ou à titre exceptionnel, et les modalités de fin de la convention.
Contrairement à ce que M. [E] soutient, l'existence d'un lien de subordination entre lui et la société [Localité 4] Diffusion Presse n'est pas établie, étant observé que':
- suivant le contrat, le secteur géographique «'est consenti sans exclusivité et pourra être modifié pour des raisons d'organisation'», mais il n'est pas caractérisé que la société [Localité 4] Diffusion Presse a effectivement à un quelconque moment modifié unilatéralement le secteur défini';
- le fait pour la société [Localité 4] Distribution Presse de remettre à M. [E] une liste comportant les noms des clients de Sud Ouest et leurs coordonnées lui était indispensable pour exercer son activité et connaître l'identité et les coordonnées des clients à livrer'mais n'excluait pas une activité de prospection et les relevés de commissions des années 2014 à 2016 produits par la société [Localité 4] Diffusion Presse déterminent qu'il a perçu des commissions sur des ventes du journal Le Monde'et qu'il a donc vendu des journaux ;
- seule est établie l'obligation de M. [E] déterminée par l'article 4 du contrat «'de respecter des horaires limites de livraison imposés par le lecteur dans le respect des usages de la profession, libre à lui d'organiser, par ailleurs, sa tournée comme il l'entend'» et non le respect d'horaires de livraison fixés par la société [Localité 4] Diffusion Presse et les éléments versés aux débats par M. [E] ne sont pas de nature à établir qu'il n'organisait pas sa tournée à sa guise';
- M. [E] ne procédait pas aux encaissements, mais il ressort d'un courrier qu'il a adressé le 10 juin 2002 à la société [Localité 4] Diffusion Presse que c'est lui qui a demandé à cette dernière d'y procéder, «'tout en restant ducroire'»,'ce, afin d'être aidé «'dans d'exercice de [son] activité de vendeur colporteur de presse indépendant'»';
- les pièces 7 et 8 de M. [E] déterminent seulement que la société [Localité 4] Diffusion Presse':
. a sollicité ses explications en septembre 2013 relativement à la réclamation d'une cliente insatisfaite car non livrée deux dimanches de suite, et que M. [E] a ensuite questionné son remplaçant le dimanche sur les livraisons en cause, et il n'est pas avéré que la société [Localité 4] Diffusion Presse a exercé un pouvoir disciplinaire à l'égard de M. [E],
. a sollicité en octobre 2013 le concours de M. [E] pour déterminer si un client n'était pas livré des suppléments du dimanche parce que sa boîte à lettre était d'une taille inadaptée ou s'il avait fait l'objet d'oublis en lui demandant, dans ce cas, d'y remédier, et il n'est pas avéré que la société [Localité 4] Diffusion Presse a exercé un pouvoir disciplinaire'à l'égard de M. [E] ;
- la pièce 8 produite par M. [E] détermine que c'est lui qui faisait assurer son remplacement le dimanche et le fait que c'est la société [Localité 4] Diffusion Presse qui a fait assurer son remplacement à compter du 12 novembre 2016 jusqu'au terme du contrat n'est pas significatif de l'existence d'un lien de subordination entre lui et la société [Localité 4] Diffusion Presse.
Dès lors, la demande de M. [E] de requalification en contrat de travail du contrat de vendeur-colporteur de presse du 1er avril 2002 doit être rejetée ainsi que les demandes subséquentes de paiement de sommes fondées sur l'existence d'un contrat de travail.
M. [E], qui succombe en ses demandes, sera condamné aux dépens. Compte tenu de la situation économique de M. [E], qui est bénéficiaire d'une pension d'invalidité, il convient de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre. Toutes les demandes présentées sur ce fondement seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Evoquant l'affaire en application de l'article 88 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. [F] [E] de requalification en contrat de travail du contrat de vendeur-colporteur de presse du 1er avril 2002 et les demandes subséquentes de paiement de sommes fondées sur l'existence d'un contrat de travail,
Condamne M. [F] [E] aux dépens,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,