CA Poitiers, 4e ch., 17 avril 2025, n° 24/00236
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baillard
Conseillers :
Mme Thiercelin, Mme Petereau
Avocats :
Me Clerc, Me Huon, Me Claisse, SELARL Priou-Claisse, SELARL LX Poitiers-Orleans
EXPOSÉ DU LITIGE
Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, M. [X] [V] a interjeté appel le 30 janvier 2024 d'un jugement rendu le 19 décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de La Rochelle qui a notamment :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime patrimonial ayant existé entre M. [I] [V] décédé le [Date décès 7] 2013 à [Localité 22] et Mme [F] [O] décédée le [Date décès 11] 2020 à [Localité 22], de la succession de chacun d'eux et de l'indivision existant entre :
- M. [R] [V],
- Mme [K] [V] épouse [C],
- M. [X] [V],
- désigné Maître [U], notaire à [Localité 22] ;
- commis pour surveiller les opérations le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Rochelle en charge du suivi du dossier ;
- dit que le notaire commis en cas d'empêchement ou de refus sera remplacé par décision du juge commis ;
- débouté M. [X] [V] de l'ensemble de ses demandes au titre du recel successoral ;
- dit que M. [R] [V] devra rapporter à la succession de Mme [O] la somme de 990 euros ;
- dit que M. [X] [V] sera débouté du surplus de sa demande de report des libéralités ;
- débouté M. [X] [V] de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation pour le bien indivis situé [Adresse 8] à [Localité 6] ;
- renvoyé les parties devant Maître [U] pour la poursuite des opérations successorales ;
- condamné M. [X] [V] à payer à M. [R] [V] et à Mme [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;
M. [X] [V], l'appelant, demande à la cour de :
- le déclarer bien fondé en son appel,
- infirmer le jugement,
- déclarer M. [R] [V] et Mme [K] [V] irrecevables en leurs demandes,
- débouter M. [R] [V] et Mme [K] [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions confondues de M. [I] [V] et de Mme [S] [O] veuve [V] et préalablement à celles-ci, les opérations de comptes, liquidation et partage de leur régime matrimonial,
- désigner le Président de la [20], avec faculté de délégation, au profit de tout membre de sa Compagnie, à l'exception de Maître [W] pour y procéder, lequel pourra notamment consulter le Ficoba et réclamer tout document bancaire, et requérir de toutes administrations et de toutes personnes privées qu'elles lui communiquent toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
- commettre tout juge de la présente chambre du tribunal judiciaire de La Rochelle pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté,
- juger qu'en cas d'empêchement du notaire et du juge commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance présidentielle rendue à la requête de la partie la plus diligente,
- juger que, conformément aux dispositions de l'article 1368 du code de procédure civile, le notaire, agissant dans le respect des règles du contradictoire, devra procéder dans les meilleurs délais et rendre compte, en toute hypothèse dans un délai maximum d'un an à compter de sa désignation, du déroulement de sa mission au juge commis : soit en adressant une copie simple de l'état liquidatif dûment accepté et établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, soit en adressant un procès-verbal de difficultés circonstancié, accompagné d'un projet d'état liquidatif,
- juger que le notaire désigné devra saisir dans les meilleurs délais le juge commis à tout moment de toutes difficultés faisant obstacle à sa mission,
- juger que les parties ou leur conseil pourront saisir directement le juge commis en cas de retard, de manque de diligence ou de difficulté particulière dans le déroulement des opérations,
- ordonner le rapport des libéralités,
- juger que M. [R] [V] s'est rendu coupable de recel successoral, tant au titre de la Sci « [18] » que des avoirs financiers et du mobilier, de même qu'au titre de la vente de son appartement à sa propre mère en 1990,
- condamner M. [R] [V] à rapporter à la masse à partager la somme de ' correspondant à ce titre,
En conséquence,
- priver M. [R] [V] de tout droit sur cette somme,
Vu les dispositions de l'article 815-9 du Code civil,
- juger que M. [R] [V] et Mme [K] [V] sont redevables in solidum d'une indemnité d'occupation pour l'occupation de la maison de [Localité 6] sise [Adresse 8],
- condamner in solidum M. [R] [V] et Mme [K] [V] à verser ladite indemnité d'occupation à l'indivision successorale,
- condamner M. [R] [V] et Mme [K] [V] à verser à M. [X] [V] une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Les intimés, M. [R] [V] et Mme [K] [V] épouse [C] demandent de débouter M. [X] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions et confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de le condamner à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de l'appelant en date du 26 février 2025 ;
Vu les dernières conclusions des intimés en date du 18 février 2025 ;
L'ordonnance de clôture a été reportée et prononcée au 26 février 2025.
SUR QUOI
[I] [V], né le [Date naissance 10] 1930, à [Localité 21], époux en uniques noces de Mme [G] [O], est décédé le [Date décès 7] 2013 à [Localité 22].
[I] [V] a laissé pour lui succéder :
- son conjoint survivant, Mme [G] [Z] [O],
- ses trois enfants nés de son union avec son épouse, qui sont les trois parties de la présente procédure : [R] (né en 1962), [X] (né en 1966) et [K] (né en 1968).
Un acte de notoriété constatant la dévolution successorale a été reçu le 26 décembre 2013 par Maître [N], notaire à [Localité 22]. Mme [G] [O] veuve [V] a opté pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit.
[G] [O] veuve [V], née le [Date naissance 12] 1932 à [Localité 17] veuve de [I] [V], est décédée le [Date décès 11] 2020 à [Localité 22].
[G] [O] veuve [V] a laissé pour lui succéder ses trois enfants.
Des difficultés importantes sont apparues dans le cadre du règlement de ces successions.
Par acte du 22 juin 2022, M. [R] [V] et Mme [K] [V] ont fait assigner leur frère, M. [X] [V], devant le tribunal judiciaire de La Rochelle et ont sollicité que Maître [H] [P], notaire à Marennes, soit désignée pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage.
* * *
Au soutien de ses prétentions, M. [X] [V] fait valoir que la demande d'ouvrir les opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision n'était pas recevable car aucune diligence n'avait été accomplie pour qu'un partage amiable puisse être ordonné ; qu'il fallait procéder à une analyse des flux financiers, ce qu'ont refusé les intimés. Il soutient pour autant ne pas s'y opposer mais sollicite la désignation de Monsieur le Président de la [20], avec faculté de délégation.
Il souligne que son frère, M. [R] [V], qui s'est installé, dès le décès de leur père en 2013, au domicile de leur mère, et qui lui a fait supporter toutes ses charges et dépenses personnelles a profité de sa mère pour détourner des fonds ; qu'il a constitué une société civile immobilière avec leur mère, alors âgée de 82 ans, un an après le décès de son mari, sans que ni lui ni sa soeur n'en soient informés ; alors même que les apports en numéraire ont été faits par leur mère et que l'apport fait par M. [R] [V] provenait d'un don manuel consenti par leur mère, cette dernière ne détenait qu'1% du capital social et M. [R] [V] 99 % ; qu'en outre, avant la signature des statuts de la société, tous deux ont signé un compromis de vente pour un appartement d'une valeur de 87.500 euros ; que ce bien a été financé exclusivement par leur mère de sorte qu'il s'agit assurément d'un avantage déguisé à son fils rompant ainsi l'égalité entre les héritiers.
Il soutient qu'en agissant ainsi, son frère a détourné du patrimoine tant de leur père que de leur mère ; il soutient que le patrimoine de la communauté a été très appauvri. Il estime que M. [R] [V] doit être sanctionné au titre du recel successoral et privé de ses droits sur les sommes recelées de même que les loyers générés par ces biens que la défunte n'a jamais perçus.
L'appelant ajoute que M. [R] [V] s'est également approprié une grande partie du mobilier garnissant les biens de [Localité 6] et d'[Localité 25] affirmant qu'une partie du mobilier a été partagée entre M. [R] [V] et Mme [K] [V] et que lui, n'a pas pu conserver un quelconque souvenir de sa mère ni pour lui ni pour ses enfants ; que les deux intimés doivent donc être sanctionnés du recel successoral et privés de leurs droits sur les biens ainsi recelés.
Il souligne que sa mère se plaignait à la fin de sa vie d'avoir des difficultés financières, ce qui parait normal au vu des détournements de son fils faits à son insu, ce dernier usant de sa carte bancaire et procédant à des détournements par Internet via le site bancaire ; qu'en outre, les contrats d'assurance-vie qu'elle a souscrits pour ses petits-enfants a perdu une valeur de 29 % entre 2013 et 2020 passant de 58.000 euros à 44.000 euros en raison probablement de retraits anticipés ; que les comptes vont devoir être effectués pour déterminer le montant des rapports et fixer celui du recel successoral ; que les intimés qui disposent des comptes bancaires de la défunte auraient pu les communiquer, ce à quoi ils se sont toujours opposés alors même que la communication faite par eux dans le cadre de la présente instance prouve qu'ils détiennent ces relevés ; que cette production s'avère nécessaire pour que la lumière soit faite sur le patrimoine de la défunte.
Enfin, il fait valoir que les intimés séjournent régulièrement dans le bien sis à [Localité 6] [Adresse 8], qui était la résidence principale de la défunte ; que, lui, n'y a pas accès ; qu'il n'en a pas la libre disposition ; que l'adresse de M. [R] [V] est dans la présente procédure celle de la résidence où vivait la défunte avant son décès.
Au soutien de leurs prétentions, M. [R] [V] et Mme [V] font valoir que le partage amiable a été rendu impossible car M. [X] [V] refusait de signer l'acte liquidatif et demandait la remise de divers relevés de comptes ; que leur demande d'ouvrir les opérations judiciairement était donc recevable puisqu'un projet d'acte de partage a été établi par notaire et transmis aux parties ; que M. [X] [V] a exigé les procès-verbaux de l'assemblée générale de la SCI [18] et qu'ils lui ont été transmis ; qu'il a exigé la production des relevés de comptes bancaires, mais n'a pas donné suite car il aurait fallu qu'il avance la somme de 4.284,60 euros à la demande de la banque ; qu'un courrier de leur conseil aux fins de signature du projet liquidatif lui a été adressé mais qu'il n'a pas daigné répondre ; que les diligences nécessaires, exposées dans l'assignation, ont donc bien été accomplies et c'est l'inertie et la mauvaise foi de M. [X] [V] qui les ont contraints à agir en justice.
Ils soutiennent qu'ils n'ont pas détourné de fonds ; que si l'on compare la déclaration de succession du défunt [I] [V] décédé en 2013, avec celle de [F] [V] décédée en 2020, on note que le patrimoine de [F] [V] a été largement valorisé.
Concernant la SCI [18], ils affirment que [G] [V] a toujours su gérer ses biens avec intelligence et clairvoyance ; que si elle a opté pour la création d'une Sci, c'est pour pouvoir être parfaitement transparente vis-à-vis de ses trois enfants ; que tout l'argent qu'elle va y apporter est vérifiable et vérifié en comptabilité, puisqu'il figure en compte courant d'associé, de sorte qu'aucun des héritiers n'est lésé ; que la comptabilité minutieuse établie a été tenue et soumise tous les ans à [G] [V] qui prenait connaissance du rapport de gérance et signait tous les comptes-rendus d'assemblée générale.
Ils indiquent que Mme [T], épouse de M. [R] [V], propriétaire à 80 % des biens de [Localité 15] et de [Localité 19], percevait les loyers saisonniers de l'immeuble de [Localité 19] mais réglait les charges afférentes et prenait à sa charge l'impôt sur le revenu généré par ces revenus locatifs ; qu'elle occupait l'immeuble de [Localité 15] à titre gratuit mais réglait l'intégralité des charges courantes, assurances, impôts et taxes de propriétaire occupant ; qu'aucun loyer n'a donc jamais été détourné ; que la Sci ne percevait pas les loyers, à la suite d'une décision prise en assemblée générale.
Ils rappellent que M. [X] [V] soutient que son frère n'a pas pu effectuer des virements auprès de la Sci mais qu'il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il lui appartenait en effet de verser les relevés de comptes bancaires de leur mère afin de justifier que ces virements auraient été en réalité effectués par leur mère pour prouver ses allégations ; que M. [R] [V] n'a jamais cherché à rompre l'égalité du partage, au détriment de ses cohéritiers ; que le recel successoral n'est donc pas constitué.
En ce qui concerne le mobilier des maisons d'[Localité 25] et de [Localité 6], ils font valoir qu'il a fait l'objet d'un inventaire par le notaire le 22 octobre 2020, contresigné par les 3 héritiers ; que la maison de [Localité 6] est toujours meublée ; que l'acheteur de la maison d'[Localité 25] a fait son affaire des biens meublés qui s'y trouvaient, et que les biens locatifs immobiliers d'[Localité 25] ont été vendus meublés.
Les intimés font valoir que l'appelant est bien incapable d'apporter la preuve d'un appauvrissement du patrimoine financier de la défunte, [G] [V] ; que celle-ci s'est évertuée à ne régler ses charges qu'avec ses revenus mensuels, sans vouloir prélever sur ses avoirs bancaires pour ne pas léser ses enfants à son décès et que c'est pour cela qu'elle a pu parfois faire état de difficultés financières. Ils soutiennent qu'en réalité, c'est M. [X] [V] qui a abusé de l'argent de leur mère.
Enfin, sur l'indemnité d'occupation relative au bien de [Localité 6], ils font valoir qu'il n'y a aucune jouissance privative de ce bien, comme cela résulte des factures communiquées ; que Mme [V] y va uniquement pour entretenir l'immeuble et éviter qu'il se dégrade ou perde de sa valeur ; que M. [X] [V] dispose des clés de la maison et connaît le code de l'alarme qui n'a jamais été changé.
* * *
SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ASSIGNATION EN PARTAGE
Selon l'article 840 du code civil, 'le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.'
Selon l'article 1360 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.'
En vertu de l'article 789-6° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, à compter de sa désignation et jusqu'à son dessaisissement.
Le moyen de l'appelant sur l'irrecevabilité de l'acte d'assignation en partage tirée de son irrégularité en raison d'un manque de diligences en vue de parvenir à un partage amiable est soulevé pour la première fois devant le juge du fond ; il s'agit d'une fin de non-recevoir prévue aux articles 122 et suivants du code de procédure civile.
En application de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées à tout moment.
L'article 126 du code de procédure civile énonce que 'dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.
Compte tenu de ces dispositions, le premier juge, et au même titre la cour, peut examiner la recevabilité de l'assignation en partage.
En l'espèce, les pièces rapportées aux débats démontrent que l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager. Elle est accompagnée des actes de décès, d'une attestation dévolutive et d'un projet d'acte liquidatif non daté établi par le notaire Maître [W] concernant les successions de [I] [V] et [G] [O] épouse [V] tous deux décédés. Il fait état d'un actif successoral net de succession à hauteur de 1.170.210 euros comprenant notamment 380.000 euros d'avoirs financiers, le prix de vente de plusieurs biens immobiliers, le montant du compte-courant d'associé de la défunte au sein de la Sci [18] (120.000 euros) et le bien situé [Adresse 8] à Lagord évalué à 385.000 euros. Les droits pour chacun des héritiers est d'un tiers, soit 390.070 euros.
Les demandeurs en partage, que sont M. [R] [V] et [K] [V], ont, par l'intermédiaire de leur conseil, envoyé le 9 mai 2022 un courrier à M. [X] [V] lequel l'a réceptionné le 11 mai 2022. Il ressort de ce courrier une mise en demeure officielle de M. [X] [V] de donner son accord pour le projet d'acte liquidatif ; qu'il ne peut refuser de le signer au seul motif qu'il souhaite obtenir les relevés de comptes bancaires de sa mère antérieurs à son décès. Un devis, daté de novembre 2020, de 4.284, 60 euros a été établi par la société [16] aux fins de communication de ces relevés bancaires mais que M. [X] [V] n'a pas donné suite à ce devis. Il ressort d'un courrier de M. [X] [V] produit par ce dernier (pièce 15) qu'il refuse en effet de régler des frais pour obtenir ces relevés bancaires puisque selon lui ils sont nécessairement en possession de son frère et sa soeur, ces deniers ayant accès à la maison de leur mère. Il explique que, sans ces relevés bancaires, le partage ne peut avoir lieu. Ces derniers soutiennent ne pas détenir ces relevés.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que des diligences ont été entreprises en vue de parvenir à un partage amiable mais qu'un blocage persiste entre les parties.
En conséquence, l'assignation en partage est recevable.
SUR LA DEMANDE D'OUVERTURE DES OPÉRATIONS DE COMPTES, LIQUIDATION ET PARTAGE DE L'INDIVISION
Au fond, il convient de rappeler :
- l'article 815 du code civil selon lequel 'nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.'
- l'article 1364 du code de procédure civile selon lequel 'si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal.'
En l'espèce, la cour constate, comme le tribunal, que les parties sont toutes d'accord pour que soient ouvertes les opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision. Il convient de les ordonner, tout d'abord, en ce qui concerne le régime matrimonial ayant existé entre [I] [V] décédé le [Date décès 7] 2013 à [Localité 22] et [G] [O] épouse [V] décédée le [Date décès 11] 2020 à [Localité 22], puis de la succession de chacun d'eux et de l'indivision existant entre M. [R] [V], Mme [K] [V] épouse [C] et M. [X] [V].
La décision est donc confirmée de ce chef.
M. [X] [V] s'oppose à la désignation de Me [B] [W], Notaire et sollicite la désignation de Monsieur le Président de la [20], avec faculté de délégation. Il n'émet cependant aucune objection quant à la désignation de Maître [U], notaire à [Localité 22], et les intimés sollicitent la confirmation de la décision.
Il apparaît donc opportun de maintenir la désignation de Maître [U].
La décision est donc confirmée de ce chef.
SUR LE RAPPORT DES LIBÉRALITÉS ET LE RECEL SUCCESSORAL
Selon l'article 843 du code civil, 'tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.'
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 778 du code civil que 'sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés.
Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.'
Celui qui demande la sanction du recel successoral et celui contre laquelle elle est dirigée doivent avoir tous deux la qualité d'héritier, et l'un et l'autre doivent être appelés à un partage successoral puisque le recel successoral est une atteinte à l'égalité du partage.
Ces deux conditions sont en l'espèce remplies.
En l'espèce, M. [X] [V] soutient que son frère a détourné des fonds de sa mère, et même indirectement de son père, notamment par la mise en place d'une société civile immobilière constituée de deux seuls associés, à savoir lui, M. [R] [V], et leur mère, Mme [G] [V] (1).
Pour justifier de ces détournements, M. [X] [V] doit rapporter la preuve de détournements de fonds afin de rompre l'égalité du partage. Il convient donc de démontrer un élément matériel ainsi que l'élément intentionnel.
M. [X] [V] soutient également, de la part de son frère, de l'existence d'un recel de meubles (2) et d'un détournement des fonds de leur mère en lui vendant en 1990 son propre appartement (3).
Concernant la Sci [18] :
En l'espèce, la Sci '[18]' a été créée, un an après le décès du père des parties, et uniquement entre leur mère et M. [R] [V]. Elle a été constituée sur la base d'un capital social de 1.000 euros, somme qui a été entièrement versée par la mère, [G] [V] laquelle finalement ne détient qu'1% du capital social tandis que son fils, M. [R] [V], en détient 99 %. Il y a donc, en l'espèce, une libéralité clairement consentie et qui doit d'ailleurs être rapportée à la succession à hauteur de 990 euros. Le premier juge l'avait indiqué au dispositif de sa décision et il n'en a pas été fait appel par les parties.
Il ressort également des statuts de la Sci que son objet social a été défini de manière très large puisqu'il porte sur la propriété et la gestion à titre civil de tous les biens mobiliers ou immobiliers, ce qui permet d'y englober des biens immobiliers mais aussi des biens mobiliers.
Les rapports de gérance sur l'activité de la Sci indiquent que :
- en 2014, M. [R] [V] a effectué un unique virement de 1.800 euros en décembre ; qu'un bien immobilier a été acquis pour un prix de 87.500 euros ; que le règlement du bien immobilier et les dépenses diverses, qui y sont attachées, ont tous été faits au comptant, par l'apport de 105.000 euros par [G] [V] ;
- en 2015, les apports de M. [R] [V] pour la Sci sont d'un total de 4.200 euros par le versement de plusieurs sommes ;
- en 2016, l'apport total de M. [R] [V] auprès de la Sci est de 65.468 euros ; durant cette année, il a viré 39.000 euros en janvier puis a effectué deux virements pour 6.000 euros puis des apports pour un montant total de 4.900 euros entre août et septembre ; la Sci [18] a acquis cette année deux véhicules : une Fiat au prix de 18.868 euros et un Ford Transit Rimer d'occasion au prix de 22.300 euros ainsi que 20 % d'un ensemble immobilier pour un prix de 4.400 euros ;
- en 2017, le compte courant d'associé de M. [R] [V] indique un solde de 82.400 euros ; des virements importants ont été réalisés : 500 euros en janvier, 10.000 euros en février et pas moins de 5 apports compris entre 300 euros et 3.600 euros entre septembre et décembre pour un total de 6.432 euros ;
- en 2018, M. [R] [V] a effectué les virements suivants : en mars 2018, 1.600 euros, en mai, 800 euros, puis en juin-juillet, plusieurs versements pour un total de 5.700 euros ; en octobre, 600 euros et en novembre, 1.200 euros ;
- en 2019, le compte courant de M. [R] [V] fait état de 6.000 euros versés en janvier et février et de 600 euros, en mars et avril, et enfin, 1.600 euros entre septembre et décembre ;
- en 2020, l'assemblée extraordinaire de la société en date du 16 juillet 2020 fait état du décès de [G] [V] et indique que le compte courant de M. [R] [V] est de 107.100 euros en raison de derniers versements pour un montant total de 6.600 euros durant les six premiers mois.
Il ressort de ces documents que M. [R] [V] a effectué, au profit de la société, de nombreux et importants versements afin que son compte courant d'associé soit évalué à hauteur de 107.100 euros, tandis que celui de sa mère est de 120.000 euros.
Mais, alors qu'il effectue ces nombreux virements auprès de la Sci, dans cette même période (2014-2020), M. [R] [V] habite chez sa mère, déclare être au RSA, ne chiffre pas ses revenus tirés de son activité d'auto-entrepreneur et ne paie aucune contribution à l'entretien et à l'éducation à ses trois enfants à la suite de son divorce avec son ex-épouse Mme [E] (jugement en date du 12 juin 2014).
Alors même que le tribunal l'a condamné à payer 150 euros par enfant au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation, M. [R] [V] ne règle aucune pension alimentaire, ce qui a contraint son ex-épouse à effectuer, en 2016, une saisie-attribution laquelle s'est révélée quasi-infructueuse, et, en 2017, à faire délivrer un commandement de payer aux fins de saisie vente. L'huissier de justice a réactualisé en avril 2021 le montant dû au titre des pensions impayées par M. [R] [V] à son ex-épouse qui est à plus de 20.000 euros.
Compte tenu de ces éléments, c'est à juste titre que M. [X] [V] s'est interrogé sur l'origine des fonds virés sur le compte de la Sci provenant prétendument de M. [R] [V], ce d'autant que [G] [V], la mère, indiquait (mail du 8 mai 2017) que son fils, [R] 'n'est pas riche et a perdu beaucoup d'argent avec son divorce'.
Face à ces interrogations, M. [R] [V] communique ses relevés bancaires. Certes, il les produit de manière éparse et incomplète, ne souhaitant manifestement pas être totalement transparent sur ses comptes mais justifie, par ces pièces, avoir viré directement depuis ses propres comptes, de très nombreuses sommes d'argent sur le compte de la Sci [18] (près de 60 % en sont justifiés). S'il ne les justifie pas tous par la communication de ses relevés bancaires incomplets, il convient de relever que, d'une part, la charge de la preuve incombe au demandeur, M. [X] [V], et que, d'autre part, le fait que certains versements ne proviennent pas des comptes bancaires de M. [R] [V], ne suffit pas, en tout état de cause, à établir qu'ils proviennent alors nécessairement de fonds de leur mère.
Ainsi, M. [X] [V] allègue que son frère, [R], aurait détourné beaucoup d'avoirs financiers appartenant à [G] [V] et soutient également que les deux biens immobiliers, achetés en indivision par la Sci [18] (à hauteur de 20 % seulement) et par la conjointe de M. [R] [V], Mme [T] (à hauteur de 80%), auraient été en réalité entièrement payés par leur mère, [G] [V]. Or, aucun élément ne vient étayer cette thèse.
M. [X] [V] aurait dû faire diligence en vue d'obtenir les relevés bancaires de sa mère afin de pouvoir éventuellement récupérer des preuves pour démontrer ce qu'il avance. Or, bien qu'informé de la possibilité d'obtenir communication de ces relevés bancaires, à charge pour lui de payer auprès de la banque une somme de 4.200 euros, ce dernier a préféré s'abstenir de régler cette somme, sans même justifier d'une éventuelle incapacité financière d'avancer ce montant.
La cour estime donc que si les éléments rapportés par M. [X] [V] sont troublants en ce qu'ils laissent transparaître le fait que M. [R] [V] aurait organisé son insolvabilité, probablement pour ne pas régler les contributions à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ils n'apparaissent pas suffisants pour justifier l'existence de détournements de fonds de la mère par son fils, [R].
M. [X] [V] sera donc débouté de sa demande au titre du recel successoral et du rapport des libéralités, à l'exception de la somme de 990 euros que M. [R] [V] reconnaît avoir reçu de la part de sa mère au moment de la constitution de la Sci.
La décision critiquée est donc confirmée de ce chef.
Concernant les biens meubles
M. [X] [V] ne produit aucun élément permettant de dire que M. [R] [V] se serait approprié du mobilier meublant dans les biens indivis et qu'un partage aurait eu lieu uniquement entre ce dernier et sa s'ur.
Par ailleurs, les intimés justifient qu'un inventaire des meubles a été effectué au [Adresse 8] à [Localité 6] et au [Adresse 5] à [Localité 25], lequel a été contresigné par les trois héritiers dont M. [X] [V] lui-même.
En conséquence, l'appelant sera débouté de sa demande sur ce point et la décision déférée confirmée de ce chef.
Concernant la vente de son appartement à sa mère en 1990
Il sera relevé qu'il n'est pas démontré par l'appelant que M. [R] [V] aurait vendu à sa mère son propre appartement à un prix au-dessus du marché afin de lui générer une plus-value significative.
En conséquence, l'appelant sera débouté de sa demande sur ce point et la décision déférée confirmée de ce chef.
Par ailleurs, il sera relevé que les intimés tentent de démontrer que leur frère, M. [X] [V], est celui qui a, en réalité, bénéficié d'une donation déguisée de la part de leur mère. Mais puisqu'ils ne formulent aucune demande en ce sens dans le dispositif de leurs conclusions, la cour ne s'estime pas saisie d'une telle demande.
SUR L'INDEMNITÉ D'OCCUPATION
Selon l'article 815-9 du code civil, 'chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.'
La circonstance que l'un des titulaires d'un droit de jouissance indivise occupe seul l'immeuble ne caractérise pas, en soi, une occupation privative, dès lors qu'il n'est pas établi que, par son fait, il empêcherait un autre titulaire d'exercer son droit concurrent de jouir de l'immeuble. Le fait pour un coindivisaire de détenir un trousseau de clé du bien indivis ne suffit pas à établir la possibilité de jouir du bien si des événements démontrent qu'il lui en est fait obstacle.
En l'espèce, l'appelant, demandeur à l'indemnité d'occupation, fournit un mail dans lequel il fait état de son impossibilité d'aller dans les lieux (mail du 22 octobre 2020, soit quelques mois après le décès de la [G] [V]) alors que, pourtant, écrit M. [X] [V], 'dans le cadre d'un pacte, il y était autorisé' ; son frère, [R], serait intervenu sans prévenir l'empêchant, lui et sa famille, de jouir de la maison de leur mère. Il précise aussi que son frère a essayé de porter violence à son encontre, sa famille s'interposant pour éviter le pugilat. M. [X] [V] a donc envoyé ce mail au notaire afin de faire acter le fait qu'il ne peut pas jouir librement du bien indivis et que l'accès lui est impossible.
Par ailleurs, son frère, M. [R] [V] se déclare domicilié, dans le cadre même de la présente procédure, à l'adresse du bien indivis.
En réponse, les intimés indiquent que les factures d'eau et d'électricité prélevées sur le compte de la succession de la défunte, sont d'un faible montant et justifient ainsi que M. [R] [V] n'y habite pas ; mais la cour relève que les montants de ces factures ne correspondent pas à une maison totalement inhabitée (40 euros en moyenne d'électricité par mois) et à supposer que M. [R] [V] n'y habite que très peu, il y habite suffisamment pour pouvoir donner cette adresse comme domicile déclaré.
Par ailleurs, le fait que M. [X] [V] détiendrait les codes d'alarme et un trousseau de clés de la maison, ne signifie pas qu'il peut jouir du bien indivis et s'y rendre comme bon lui semble comme le fait M. [R] [V]. Au surplus, ce fait est vivement contesté par M. [X] [V] et n'est pas démontré par les intimés.
Tous ces éléments permettent d'établir que M. [R] [V] occupe le bien indivis de manière privative.
Compte tenu de ces éléments, il convient de considérer qu'une indemnité d'occupation est due, mais uniquement par M. [R] [V], et au bénéfice de l'indivision à compter du 22 octobre 2020 date à laquelle M. [X] [V] a dénoncé cette impossibilité de jouir des lieux.
Dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision, le notaire pourra déterminer la valeur vénale du bien et sa valeur locative, à laquelle il pourra déduire un abattement de 20 % en vue de fixer la valeur de l'indemnité d'occupation.
La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Les dépens, tant en première instance qu'en cause d'appel, seront employés en frais privilégiés de partage.
La condamnation en première instance de M. [X] [V] à payer à M. [R] [V] et à Mme [K] [V] la somme de 1.000 euros sur l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée.
En cause d'appel, il convient de condamner in solidum les intimés à régler à M. [X] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera, quant à elle, rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant dans les limites de l'appel,
Au fond,
Infirme la décision critiquée en ce qu'elle a débouté M. [X] [V] de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation pour le bien indivis situé [Adresse 8] à [Localité 6] ;
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Dit que M. [R] [V] est redevable d'une indemnité d'occupation au bénéfice de l'indivision à compter du 22 octobre 2020 ;
Confirme le surplus des dispositions de la décision critiquée ;
Y ajoutant,
Dit que le notaire devra procéder à une estimation de la valeur du bien immobilier situé [Adresse 8] à [Localité 6] ;
Dit que le notaire devra procéder à l'estimation de la valeur locative du bien susvisé au regard de la valeur vénale qui sera retenue en vue de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [R] [V] qui correspond à cette valeur avec un abattement de 20 % ;
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;
Condamne in solidum M. [R] [V] et Mme [K] [V] à payer à M. [X] [V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [R] [V] et Mme [A] [V] épouse [C] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, M. [X] [V] a interjeté appel le 30 janvier 2024 d'un jugement rendu le 19 décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de La Rochelle qui a notamment :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime patrimonial ayant existé entre M. [I] [V] décédé le [Date décès 7] 2013 à [Localité 22] et Mme [F] [O] décédée le [Date décès 11] 2020 à [Localité 22], de la succession de chacun d'eux et de l'indivision existant entre :
- M. [R] [V],
- Mme [K] [V] épouse [C],
- M. [X] [V],
- désigné Maître [U], notaire à [Localité 22] ;
- commis pour surveiller les opérations le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Rochelle en charge du suivi du dossier ;
- dit que le notaire commis en cas d'empêchement ou de refus sera remplacé par décision du juge commis ;
- débouté M. [X] [V] de l'ensemble de ses demandes au titre du recel successoral ;
- dit que M. [R] [V] devra rapporter à la succession de Mme [O] la somme de 990 euros ;
- dit que M. [X] [V] sera débouté du surplus de sa demande de report des libéralités ;
- débouté M. [X] [V] de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation pour le bien indivis situé [Adresse 8] à [Localité 6] ;
- renvoyé les parties devant Maître [U] pour la poursuite des opérations successorales ;
- condamné M. [X] [V] à payer à M. [R] [V] et à Mme [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;
M. [X] [V], l'appelant, demande à la cour de :
- le déclarer bien fondé en son appel,
- infirmer le jugement,
- déclarer M. [R] [V] et Mme [K] [V] irrecevables en leurs demandes,
- débouter M. [R] [V] et Mme [K] [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions confondues de M. [I] [V] et de Mme [S] [O] veuve [V] et préalablement à celles-ci, les opérations de comptes, liquidation et partage de leur régime matrimonial,
- désigner le Président de la [20], avec faculté de délégation, au profit de tout membre de sa Compagnie, à l'exception de Maître [W] pour y procéder, lequel pourra notamment consulter le Ficoba et réclamer tout document bancaire, et requérir de toutes administrations et de toutes personnes privées qu'elles lui communiquent toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
- commettre tout juge de la présente chambre du tribunal judiciaire de La Rochelle pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté,
- juger qu'en cas d'empêchement du notaire et du juge commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance présidentielle rendue à la requête de la partie la plus diligente,
- juger que, conformément aux dispositions de l'article 1368 du code de procédure civile, le notaire, agissant dans le respect des règles du contradictoire, devra procéder dans les meilleurs délais et rendre compte, en toute hypothèse dans un délai maximum d'un an à compter de sa désignation, du déroulement de sa mission au juge commis : soit en adressant une copie simple de l'état liquidatif dûment accepté et établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, soit en adressant un procès-verbal de difficultés circonstancié, accompagné d'un projet d'état liquidatif,
- juger que le notaire désigné devra saisir dans les meilleurs délais le juge commis à tout moment de toutes difficultés faisant obstacle à sa mission,
- juger que les parties ou leur conseil pourront saisir directement le juge commis en cas de retard, de manque de diligence ou de difficulté particulière dans le déroulement des opérations,
- ordonner le rapport des libéralités,
- juger que M. [R] [V] s'est rendu coupable de recel successoral, tant au titre de la Sci « [18] » que des avoirs financiers et du mobilier, de même qu'au titre de la vente de son appartement à sa propre mère en 1990,
- condamner M. [R] [V] à rapporter à la masse à partager la somme de ' correspondant à ce titre,
En conséquence,
- priver M. [R] [V] de tout droit sur cette somme,
Vu les dispositions de l'article 815-9 du Code civil,
- juger que M. [R] [V] et Mme [K] [V] sont redevables in solidum d'une indemnité d'occupation pour l'occupation de la maison de [Localité 6] sise [Adresse 8],
- condamner in solidum M. [R] [V] et Mme [K] [V] à verser ladite indemnité d'occupation à l'indivision successorale,
- condamner M. [R] [V] et Mme [K] [V] à verser à M. [X] [V] une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Les intimés, M. [R] [V] et Mme [K] [V] épouse [C] demandent de débouter M. [X] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions et confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de le condamner à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de l'appelant en date du 26 février 2025 ;
Vu les dernières conclusions des intimés en date du 18 février 2025 ;
L'ordonnance de clôture a été reportée et prononcée au 26 février 2025.
SUR QUOI
[I] [V], né le [Date naissance 10] 1930, à [Localité 21], époux en uniques noces de Mme [G] [O], est décédé le [Date décès 7] 2013 à [Localité 22].
[I] [V] a laissé pour lui succéder :
- son conjoint survivant, Mme [G] [Z] [O],
- ses trois enfants nés de son union avec son épouse, qui sont les trois parties de la présente procédure : [R] (né en 1962), [X] (né en 1966) et [K] (né en 1968).
Un acte de notoriété constatant la dévolution successorale a été reçu le 26 décembre 2013 par Maître [N], notaire à [Localité 22]. Mme [G] [O] veuve [V] a opté pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit.
[G] [O] veuve [V], née le [Date naissance 12] 1932 à [Localité 17] veuve de [I] [V], est décédée le [Date décès 11] 2020 à [Localité 22].
[G] [O] veuve [V] a laissé pour lui succéder ses trois enfants.
Des difficultés importantes sont apparues dans le cadre du règlement de ces successions.
Par acte du 22 juin 2022, M. [R] [V] et Mme [K] [V] ont fait assigner leur frère, M. [X] [V], devant le tribunal judiciaire de La Rochelle et ont sollicité que Maître [H] [P], notaire à Marennes, soit désignée pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage.
* * *
Au soutien de ses prétentions, M. [X] [V] fait valoir que la demande d'ouvrir les opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision n'était pas recevable car aucune diligence n'avait été accomplie pour qu'un partage amiable puisse être ordonné ; qu'il fallait procéder à une analyse des flux financiers, ce qu'ont refusé les intimés. Il soutient pour autant ne pas s'y opposer mais sollicite la désignation de Monsieur le Président de la [20], avec faculté de délégation.
Il souligne que son frère, M. [R] [V], qui s'est installé, dès le décès de leur père en 2013, au domicile de leur mère, et qui lui a fait supporter toutes ses charges et dépenses personnelles a profité de sa mère pour détourner des fonds ; qu'il a constitué une société civile immobilière avec leur mère, alors âgée de 82 ans, un an après le décès de son mari, sans que ni lui ni sa soeur n'en soient informés ; alors même que les apports en numéraire ont été faits par leur mère et que l'apport fait par M. [R] [V] provenait d'un don manuel consenti par leur mère, cette dernière ne détenait qu'1% du capital social et M. [R] [V] 99 % ; qu'en outre, avant la signature des statuts de la société, tous deux ont signé un compromis de vente pour un appartement d'une valeur de 87.500 euros ; que ce bien a été financé exclusivement par leur mère de sorte qu'il s'agit assurément d'un avantage déguisé à son fils rompant ainsi l'égalité entre les héritiers.
Il soutient qu'en agissant ainsi, son frère a détourné du patrimoine tant de leur père que de leur mère ; il soutient que le patrimoine de la communauté a été très appauvri. Il estime que M. [R] [V] doit être sanctionné au titre du recel successoral et privé de ses droits sur les sommes recelées de même que les loyers générés par ces biens que la défunte n'a jamais perçus.
L'appelant ajoute que M. [R] [V] s'est également approprié une grande partie du mobilier garnissant les biens de [Localité 6] et d'[Localité 25] affirmant qu'une partie du mobilier a été partagée entre M. [R] [V] et Mme [K] [V] et que lui, n'a pas pu conserver un quelconque souvenir de sa mère ni pour lui ni pour ses enfants ; que les deux intimés doivent donc être sanctionnés du recel successoral et privés de leurs droits sur les biens ainsi recelés.
Il souligne que sa mère se plaignait à la fin de sa vie d'avoir des difficultés financières, ce qui parait normal au vu des détournements de son fils faits à son insu, ce dernier usant de sa carte bancaire et procédant à des détournements par Internet via le site bancaire ; qu'en outre, les contrats d'assurance-vie qu'elle a souscrits pour ses petits-enfants a perdu une valeur de 29 % entre 2013 et 2020 passant de 58.000 euros à 44.000 euros en raison probablement de retraits anticipés ; que les comptes vont devoir être effectués pour déterminer le montant des rapports et fixer celui du recel successoral ; que les intimés qui disposent des comptes bancaires de la défunte auraient pu les communiquer, ce à quoi ils se sont toujours opposés alors même que la communication faite par eux dans le cadre de la présente instance prouve qu'ils détiennent ces relevés ; que cette production s'avère nécessaire pour que la lumière soit faite sur le patrimoine de la défunte.
Enfin, il fait valoir que les intimés séjournent régulièrement dans le bien sis à [Localité 6] [Adresse 8], qui était la résidence principale de la défunte ; que, lui, n'y a pas accès ; qu'il n'en a pas la libre disposition ; que l'adresse de M. [R] [V] est dans la présente procédure celle de la résidence où vivait la défunte avant son décès.
Au soutien de leurs prétentions, M. [R] [V] et Mme [V] font valoir que le partage amiable a été rendu impossible car M. [X] [V] refusait de signer l'acte liquidatif et demandait la remise de divers relevés de comptes ; que leur demande d'ouvrir les opérations judiciairement était donc recevable puisqu'un projet d'acte de partage a été établi par notaire et transmis aux parties ; que M. [X] [V] a exigé les procès-verbaux de l'assemblée générale de la SCI [18] et qu'ils lui ont été transmis ; qu'il a exigé la production des relevés de comptes bancaires, mais n'a pas donné suite car il aurait fallu qu'il avance la somme de 4.284,60 euros à la demande de la banque ; qu'un courrier de leur conseil aux fins de signature du projet liquidatif lui a été adressé mais qu'il n'a pas daigné répondre ; que les diligences nécessaires, exposées dans l'assignation, ont donc bien été accomplies et c'est l'inertie et la mauvaise foi de M. [X] [V] qui les ont contraints à agir en justice.
Ils soutiennent qu'ils n'ont pas détourné de fonds ; que si l'on compare la déclaration de succession du défunt [I] [V] décédé en 2013, avec celle de [F] [V] décédée en 2020, on note que le patrimoine de [F] [V] a été largement valorisé.
Concernant la SCI [18], ils affirment que [G] [V] a toujours su gérer ses biens avec intelligence et clairvoyance ; que si elle a opté pour la création d'une Sci, c'est pour pouvoir être parfaitement transparente vis-à-vis de ses trois enfants ; que tout l'argent qu'elle va y apporter est vérifiable et vérifié en comptabilité, puisqu'il figure en compte courant d'associé, de sorte qu'aucun des héritiers n'est lésé ; que la comptabilité minutieuse établie a été tenue et soumise tous les ans à [G] [V] qui prenait connaissance du rapport de gérance et signait tous les comptes-rendus d'assemblée générale.
Ils indiquent que Mme [T], épouse de M. [R] [V], propriétaire à 80 % des biens de [Localité 15] et de [Localité 19], percevait les loyers saisonniers de l'immeuble de [Localité 19] mais réglait les charges afférentes et prenait à sa charge l'impôt sur le revenu généré par ces revenus locatifs ; qu'elle occupait l'immeuble de [Localité 15] à titre gratuit mais réglait l'intégralité des charges courantes, assurances, impôts et taxes de propriétaire occupant ; qu'aucun loyer n'a donc jamais été détourné ; que la Sci ne percevait pas les loyers, à la suite d'une décision prise en assemblée générale.
Ils rappellent que M. [X] [V] soutient que son frère n'a pas pu effectuer des virements auprès de la Sci mais qu'il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il lui appartenait en effet de verser les relevés de comptes bancaires de leur mère afin de justifier que ces virements auraient été en réalité effectués par leur mère pour prouver ses allégations ; que M. [R] [V] n'a jamais cherché à rompre l'égalité du partage, au détriment de ses cohéritiers ; que le recel successoral n'est donc pas constitué.
En ce qui concerne le mobilier des maisons d'[Localité 25] et de [Localité 6], ils font valoir qu'il a fait l'objet d'un inventaire par le notaire le 22 octobre 2020, contresigné par les 3 héritiers ; que la maison de [Localité 6] est toujours meublée ; que l'acheteur de la maison d'[Localité 25] a fait son affaire des biens meublés qui s'y trouvaient, et que les biens locatifs immobiliers d'[Localité 25] ont été vendus meublés.
Les intimés font valoir que l'appelant est bien incapable d'apporter la preuve d'un appauvrissement du patrimoine financier de la défunte, [G] [V] ; que celle-ci s'est évertuée à ne régler ses charges qu'avec ses revenus mensuels, sans vouloir prélever sur ses avoirs bancaires pour ne pas léser ses enfants à son décès et que c'est pour cela qu'elle a pu parfois faire état de difficultés financières. Ils soutiennent qu'en réalité, c'est M. [X] [V] qui a abusé de l'argent de leur mère.
Enfin, sur l'indemnité d'occupation relative au bien de [Localité 6], ils font valoir qu'il n'y a aucune jouissance privative de ce bien, comme cela résulte des factures communiquées ; que Mme [V] y va uniquement pour entretenir l'immeuble et éviter qu'il se dégrade ou perde de sa valeur ; que M. [X] [V] dispose des clés de la maison et connaît le code de l'alarme qui n'a jamais été changé.
* * *
SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ASSIGNATION EN PARTAGE
Selon l'article 840 du code civil, 'le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.'
Selon l'article 1360 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.'
En vertu de l'article 789-6° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, à compter de sa désignation et jusqu'à son dessaisissement.
Le moyen de l'appelant sur l'irrecevabilité de l'acte d'assignation en partage tirée de son irrégularité en raison d'un manque de diligences en vue de parvenir à un partage amiable est soulevé pour la première fois devant le juge du fond ; il s'agit d'une fin de non-recevoir prévue aux articles 122 et suivants du code de procédure civile.
En application de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées à tout moment.
L'article 126 du code de procédure civile énonce que 'dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.
Compte tenu de ces dispositions, le premier juge, et au même titre la cour, peut examiner la recevabilité de l'assignation en partage.
En l'espèce, les pièces rapportées aux débats démontrent que l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager. Elle est accompagnée des actes de décès, d'une attestation dévolutive et d'un projet d'acte liquidatif non daté établi par le notaire Maître [W] concernant les successions de [I] [V] et [G] [O] épouse [V] tous deux décédés. Il fait état d'un actif successoral net de succession à hauteur de 1.170.210 euros comprenant notamment 380.000 euros d'avoirs financiers, le prix de vente de plusieurs biens immobiliers, le montant du compte-courant d'associé de la défunte au sein de la Sci [18] (120.000 euros) et le bien situé [Adresse 8] à Lagord évalué à 385.000 euros. Les droits pour chacun des héritiers est d'un tiers, soit 390.070 euros.
Les demandeurs en partage, que sont M. [R] [V] et [K] [V], ont, par l'intermédiaire de leur conseil, envoyé le 9 mai 2022 un courrier à M. [X] [V] lequel l'a réceptionné le 11 mai 2022. Il ressort de ce courrier une mise en demeure officielle de M. [X] [V] de donner son accord pour le projet d'acte liquidatif ; qu'il ne peut refuser de le signer au seul motif qu'il souhaite obtenir les relevés de comptes bancaires de sa mère antérieurs à son décès. Un devis, daté de novembre 2020, de 4.284, 60 euros a été établi par la société [16] aux fins de communication de ces relevés bancaires mais que M. [X] [V] n'a pas donné suite à ce devis. Il ressort d'un courrier de M. [X] [V] produit par ce dernier (pièce 15) qu'il refuse en effet de régler des frais pour obtenir ces relevés bancaires puisque selon lui ils sont nécessairement en possession de son frère et sa soeur, ces deniers ayant accès à la maison de leur mère. Il explique que, sans ces relevés bancaires, le partage ne peut avoir lieu. Ces derniers soutiennent ne pas détenir ces relevés.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que des diligences ont été entreprises en vue de parvenir à un partage amiable mais qu'un blocage persiste entre les parties.
En conséquence, l'assignation en partage est recevable.
SUR LA DEMANDE D'OUVERTURE DES OPÉRATIONS DE COMPTES, LIQUIDATION ET PARTAGE DE L'INDIVISION
Au fond, il convient de rappeler :
- l'article 815 du code civil selon lequel 'nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.'
- l'article 1364 du code de procédure civile selon lequel 'si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal.'
En l'espèce, la cour constate, comme le tribunal, que les parties sont toutes d'accord pour que soient ouvertes les opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision. Il convient de les ordonner, tout d'abord, en ce qui concerne le régime matrimonial ayant existé entre [I] [V] décédé le [Date décès 7] 2013 à [Localité 22] et [G] [O] épouse [V] décédée le [Date décès 11] 2020 à [Localité 22], puis de la succession de chacun d'eux et de l'indivision existant entre M. [R] [V], Mme [K] [V] épouse [C] et M. [X] [V].
La décision est donc confirmée de ce chef.
M. [X] [V] s'oppose à la désignation de Me [B] [W], Notaire et sollicite la désignation de Monsieur le Président de la [20], avec faculté de délégation. Il n'émet cependant aucune objection quant à la désignation de Maître [U], notaire à [Localité 22], et les intimés sollicitent la confirmation de la décision.
Il apparaît donc opportun de maintenir la désignation de Maître [U].
La décision est donc confirmée de ce chef.
SUR LE RAPPORT DES LIBÉRALITÉS ET LE RECEL SUCCESSORAL
Selon l'article 843 du code civil, 'tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.'
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 778 du code civil que 'sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés.
Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.'
Celui qui demande la sanction du recel successoral et celui contre laquelle elle est dirigée doivent avoir tous deux la qualité d'héritier, et l'un et l'autre doivent être appelés à un partage successoral puisque le recel successoral est une atteinte à l'égalité du partage.
Ces deux conditions sont en l'espèce remplies.
En l'espèce, M. [X] [V] soutient que son frère a détourné des fonds de sa mère, et même indirectement de son père, notamment par la mise en place d'une société civile immobilière constituée de deux seuls associés, à savoir lui, M. [R] [V], et leur mère, Mme [G] [V] (1).
Pour justifier de ces détournements, M. [X] [V] doit rapporter la preuve de détournements de fonds afin de rompre l'égalité du partage. Il convient donc de démontrer un élément matériel ainsi que l'élément intentionnel.
M. [X] [V] soutient également, de la part de son frère, de l'existence d'un recel de meubles (2) et d'un détournement des fonds de leur mère en lui vendant en 1990 son propre appartement (3).
Concernant la Sci [18] :
En l'espèce, la Sci '[18]' a été créée, un an après le décès du père des parties, et uniquement entre leur mère et M. [R] [V]. Elle a été constituée sur la base d'un capital social de 1.000 euros, somme qui a été entièrement versée par la mère, [G] [V] laquelle finalement ne détient qu'1% du capital social tandis que son fils, M. [R] [V], en détient 99 %. Il y a donc, en l'espèce, une libéralité clairement consentie et qui doit d'ailleurs être rapportée à la succession à hauteur de 990 euros. Le premier juge l'avait indiqué au dispositif de sa décision et il n'en a pas été fait appel par les parties.
Il ressort également des statuts de la Sci que son objet social a été défini de manière très large puisqu'il porte sur la propriété et la gestion à titre civil de tous les biens mobiliers ou immobiliers, ce qui permet d'y englober des biens immobiliers mais aussi des biens mobiliers.
Les rapports de gérance sur l'activité de la Sci indiquent que :
- en 2014, M. [R] [V] a effectué un unique virement de 1.800 euros en décembre ; qu'un bien immobilier a été acquis pour un prix de 87.500 euros ; que le règlement du bien immobilier et les dépenses diverses, qui y sont attachées, ont tous été faits au comptant, par l'apport de 105.000 euros par [G] [V] ;
- en 2015, les apports de M. [R] [V] pour la Sci sont d'un total de 4.200 euros par le versement de plusieurs sommes ;
- en 2016, l'apport total de M. [R] [V] auprès de la Sci est de 65.468 euros ; durant cette année, il a viré 39.000 euros en janvier puis a effectué deux virements pour 6.000 euros puis des apports pour un montant total de 4.900 euros entre août et septembre ; la Sci [18] a acquis cette année deux véhicules : une Fiat au prix de 18.868 euros et un Ford Transit Rimer d'occasion au prix de 22.300 euros ainsi que 20 % d'un ensemble immobilier pour un prix de 4.400 euros ;
- en 2017, le compte courant d'associé de M. [R] [V] indique un solde de 82.400 euros ; des virements importants ont été réalisés : 500 euros en janvier, 10.000 euros en février et pas moins de 5 apports compris entre 300 euros et 3.600 euros entre septembre et décembre pour un total de 6.432 euros ;
- en 2018, M. [R] [V] a effectué les virements suivants : en mars 2018, 1.600 euros, en mai, 800 euros, puis en juin-juillet, plusieurs versements pour un total de 5.700 euros ; en octobre, 600 euros et en novembre, 1.200 euros ;
- en 2019, le compte courant de M. [R] [V] fait état de 6.000 euros versés en janvier et février et de 600 euros, en mars et avril, et enfin, 1.600 euros entre septembre et décembre ;
- en 2020, l'assemblée extraordinaire de la société en date du 16 juillet 2020 fait état du décès de [G] [V] et indique que le compte courant de M. [R] [V] est de 107.100 euros en raison de derniers versements pour un montant total de 6.600 euros durant les six premiers mois.
Il ressort de ces documents que M. [R] [V] a effectué, au profit de la société, de nombreux et importants versements afin que son compte courant d'associé soit évalué à hauteur de 107.100 euros, tandis que celui de sa mère est de 120.000 euros.
Mais, alors qu'il effectue ces nombreux virements auprès de la Sci, dans cette même période (2014-2020), M. [R] [V] habite chez sa mère, déclare être au RSA, ne chiffre pas ses revenus tirés de son activité d'auto-entrepreneur et ne paie aucune contribution à l'entretien et à l'éducation à ses trois enfants à la suite de son divorce avec son ex-épouse Mme [E] (jugement en date du 12 juin 2014).
Alors même que le tribunal l'a condamné à payer 150 euros par enfant au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation, M. [R] [V] ne règle aucune pension alimentaire, ce qui a contraint son ex-épouse à effectuer, en 2016, une saisie-attribution laquelle s'est révélée quasi-infructueuse, et, en 2017, à faire délivrer un commandement de payer aux fins de saisie vente. L'huissier de justice a réactualisé en avril 2021 le montant dû au titre des pensions impayées par M. [R] [V] à son ex-épouse qui est à plus de 20.000 euros.
Compte tenu de ces éléments, c'est à juste titre que M. [X] [V] s'est interrogé sur l'origine des fonds virés sur le compte de la Sci provenant prétendument de M. [R] [V], ce d'autant que [G] [V], la mère, indiquait (mail du 8 mai 2017) que son fils, [R] 'n'est pas riche et a perdu beaucoup d'argent avec son divorce'.
Face à ces interrogations, M. [R] [V] communique ses relevés bancaires. Certes, il les produit de manière éparse et incomplète, ne souhaitant manifestement pas être totalement transparent sur ses comptes mais justifie, par ces pièces, avoir viré directement depuis ses propres comptes, de très nombreuses sommes d'argent sur le compte de la Sci [18] (près de 60 % en sont justifiés). S'il ne les justifie pas tous par la communication de ses relevés bancaires incomplets, il convient de relever que, d'une part, la charge de la preuve incombe au demandeur, M. [X] [V], et que, d'autre part, le fait que certains versements ne proviennent pas des comptes bancaires de M. [R] [V], ne suffit pas, en tout état de cause, à établir qu'ils proviennent alors nécessairement de fonds de leur mère.
Ainsi, M. [X] [V] allègue que son frère, [R], aurait détourné beaucoup d'avoirs financiers appartenant à [G] [V] et soutient également que les deux biens immobiliers, achetés en indivision par la Sci [18] (à hauteur de 20 % seulement) et par la conjointe de M. [R] [V], Mme [T] (à hauteur de 80%), auraient été en réalité entièrement payés par leur mère, [G] [V]. Or, aucun élément ne vient étayer cette thèse.
M. [X] [V] aurait dû faire diligence en vue d'obtenir les relevés bancaires de sa mère afin de pouvoir éventuellement récupérer des preuves pour démontrer ce qu'il avance. Or, bien qu'informé de la possibilité d'obtenir communication de ces relevés bancaires, à charge pour lui de payer auprès de la banque une somme de 4.200 euros, ce dernier a préféré s'abstenir de régler cette somme, sans même justifier d'une éventuelle incapacité financière d'avancer ce montant.
La cour estime donc que si les éléments rapportés par M. [X] [V] sont troublants en ce qu'ils laissent transparaître le fait que M. [R] [V] aurait organisé son insolvabilité, probablement pour ne pas régler les contributions à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ils n'apparaissent pas suffisants pour justifier l'existence de détournements de fonds de la mère par son fils, [R].
M. [X] [V] sera donc débouté de sa demande au titre du recel successoral et du rapport des libéralités, à l'exception de la somme de 990 euros que M. [R] [V] reconnaît avoir reçu de la part de sa mère au moment de la constitution de la Sci.
La décision critiquée est donc confirmée de ce chef.
Concernant les biens meubles
M. [X] [V] ne produit aucun élément permettant de dire que M. [R] [V] se serait approprié du mobilier meublant dans les biens indivis et qu'un partage aurait eu lieu uniquement entre ce dernier et sa s'ur.
Par ailleurs, les intimés justifient qu'un inventaire des meubles a été effectué au [Adresse 8] à [Localité 6] et au [Adresse 5] à [Localité 25], lequel a été contresigné par les trois héritiers dont M. [X] [V] lui-même.
En conséquence, l'appelant sera débouté de sa demande sur ce point et la décision déférée confirmée de ce chef.
Concernant la vente de son appartement à sa mère en 1990
Il sera relevé qu'il n'est pas démontré par l'appelant que M. [R] [V] aurait vendu à sa mère son propre appartement à un prix au-dessus du marché afin de lui générer une plus-value significative.
En conséquence, l'appelant sera débouté de sa demande sur ce point et la décision déférée confirmée de ce chef.
Par ailleurs, il sera relevé que les intimés tentent de démontrer que leur frère, M. [X] [V], est celui qui a, en réalité, bénéficié d'une donation déguisée de la part de leur mère. Mais puisqu'ils ne formulent aucune demande en ce sens dans le dispositif de leurs conclusions, la cour ne s'estime pas saisie d'une telle demande.
SUR L'INDEMNITÉ D'OCCUPATION
Selon l'article 815-9 du code civil, 'chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.'
La circonstance que l'un des titulaires d'un droit de jouissance indivise occupe seul l'immeuble ne caractérise pas, en soi, une occupation privative, dès lors qu'il n'est pas établi que, par son fait, il empêcherait un autre titulaire d'exercer son droit concurrent de jouir de l'immeuble. Le fait pour un coindivisaire de détenir un trousseau de clé du bien indivis ne suffit pas à établir la possibilité de jouir du bien si des événements démontrent qu'il lui en est fait obstacle.
En l'espèce, l'appelant, demandeur à l'indemnité d'occupation, fournit un mail dans lequel il fait état de son impossibilité d'aller dans les lieux (mail du 22 octobre 2020, soit quelques mois après le décès de la [G] [V]) alors que, pourtant, écrit M. [X] [V], 'dans le cadre d'un pacte, il y était autorisé' ; son frère, [R], serait intervenu sans prévenir l'empêchant, lui et sa famille, de jouir de la maison de leur mère. Il précise aussi que son frère a essayé de porter violence à son encontre, sa famille s'interposant pour éviter le pugilat. M. [X] [V] a donc envoyé ce mail au notaire afin de faire acter le fait qu'il ne peut pas jouir librement du bien indivis et que l'accès lui est impossible.
Par ailleurs, son frère, M. [R] [V] se déclare domicilié, dans le cadre même de la présente procédure, à l'adresse du bien indivis.
En réponse, les intimés indiquent que les factures d'eau et d'électricité prélevées sur le compte de la succession de la défunte, sont d'un faible montant et justifient ainsi que M. [R] [V] n'y habite pas ; mais la cour relève que les montants de ces factures ne correspondent pas à une maison totalement inhabitée (40 euros en moyenne d'électricité par mois) et à supposer que M. [R] [V] n'y habite que très peu, il y habite suffisamment pour pouvoir donner cette adresse comme domicile déclaré.
Par ailleurs, le fait que M. [X] [V] détiendrait les codes d'alarme et un trousseau de clés de la maison, ne signifie pas qu'il peut jouir du bien indivis et s'y rendre comme bon lui semble comme le fait M. [R] [V]. Au surplus, ce fait est vivement contesté par M. [X] [V] et n'est pas démontré par les intimés.
Tous ces éléments permettent d'établir que M. [R] [V] occupe le bien indivis de manière privative.
Compte tenu de ces éléments, il convient de considérer qu'une indemnité d'occupation est due, mais uniquement par M. [R] [V], et au bénéfice de l'indivision à compter du 22 octobre 2020 date à laquelle M. [X] [V] a dénoncé cette impossibilité de jouir des lieux.
Dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision, le notaire pourra déterminer la valeur vénale du bien et sa valeur locative, à laquelle il pourra déduire un abattement de 20 % en vue de fixer la valeur de l'indemnité d'occupation.
La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Les dépens, tant en première instance qu'en cause d'appel, seront employés en frais privilégiés de partage.
La condamnation en première instance de M. [X] [V] à payer à M. [R] [V] et à Mme [K] [V] la somme de 1.000 euros sur l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée.
En cause d'appel, il convient de condamner in solidum les intimés à régler à M. [X] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera, quant à elle, rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant dans les limites de l'appel,
Au fond,
Infirme la décision critiquée en ce qu'elle a débouté M. [X] [V] de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation pour le bien indivis situé [Adresse 8] à [Localité 6] ;
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Dit que M. [R] [V] est redevable d'une indemnité d'occupation au bénéfice de l'indivision à compter du 22 octobre 2020 ;
Confirme le surplus des dispositions de la décision critiquée ;
Y ajoutant,
Dit que le notaire devra procéder à une estimation de la valeur du bien immobilier situé [Adresse 8] à [Localité 6] ;
Dit que le notaire devra procéder à l'estimation de la valeur locative du bien susvisé au regard de la valeur vénale qui sera retenue en vue de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [R] [V] qui correspond à cette valeur avec un abattement de 20 % ;
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;
Condamne in solidum M. [R] [V] et Mme [K] [V] à payer à M. [X] [V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [R] [V] et Mme [A] [V] épouse [C] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;