CA Chambéry, 2e ch., 17 avril 2025, n° 23/01317
CHAMBÉRY
Autre
Autre
N° Minute : 2C25/161
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 17 Avril 2025
N° RG 23/01317 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HKG4
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 12 Juillet 2023, RG 2022F00280
Appelantes
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET ET GUYONNET - intervenante volontaire -dont le siège social est sis [Adresse 5] - prise en la personne de son représentant légal en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL ZZIMO CONCEPT,
E.U.R.L. ZZIMO CONCEPT dont le siège social est sis [Adresse 3] - prise en la personne de son représentant légal
Représentées par la SARL JULIEN BETEMPS AVOCAT, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimées
S.A.S. POITOU ADHESIFS dont le siège social est sis [Adresse 1] - prise en la personne de son représentant légal
S.E.L.A.R.L. AJ UP - intervenante forcée - dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de Maître [H] [R] en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS POITOU ADHESIFS,
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES - intervenante forcée dont le siège social est sis [Adresse 4] représentée par Maître [G] [D], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS POITOU ADHESIFS,
Représentées par la la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Stéphane PRIMATESTA, avocat plaidant au barreau de POITIERS
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 04 février 2025 par Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré, à laquelle il a été procédé au rapport,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries
- Mme Myriam REAIDY, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Zzimo Concept exerce une activité d'agence de publicité communication. Elle réalise notamment des supports publicitaires par recouvrement de véhicule au moyen de la technique de 'covering'. La société Poitou Adhésif exerce une activité de commerce en gros.
Un client de la société Zzimo Concept lui a demandé la pose d'un 'covering' sur un véhicule utilitaire en le recouvrant de plastique noir, la couleur d'origine étant le blanc. Pour la réalisation, la société Zzimo Concept a commandé à la société Poitou Adhésif le film adhésif publicitaire destiné à être posé sur le véhicule. Le film a été livré et facturé le 15 juillet 2018 pour un montant de 793,32 euros TTC.
Au printemps 2021, la société Zzimo Concept s'est plainte auprès de la société Poitou Adhésif de ce que le film plastique livré présentait des traces d'usure prématurée l'ayant conduite à retirer entièrement l'habillage du véhicule de son client provoquant une perte financière de 4 600 euros. Elle demandait la prise en charge d'une facture de 5 520 euros (destikage et pose d'un nouvel adhésif sur le véhicule client) à défaut de remédier au défaut constaté. La société Poitou Adhésif lui répondait le 29 octobre 2021 que le fabriquant du produit avait refusé la prise en charge de la garantie et que la facture dont la prise en charge était sollicitée n'avait pas lieu d'être. La mise en demeure a été réitérée par la société Zzimo Concept le 22 avril 2022
Par acte du 23 novembre 2022, la société Zzimo Concept a fait assigner la société Poitou Adhésif devant le tribunal de commerce de Chambéry sur le fondement de l'absence de délivrance conforme et des vices cachés, demandant principalement le paiement de la facture de mars 2021.
Par jugement contradictoire rendu le 12 juillet 2023, le tribunal de commerce de Chambéry a :
- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Poitou Adhésif,
- dit irrecevable la demande au titre des vices cachés,
- débouté la société Zzimo Concept de ses autres demandes,
- condamné la société Zzimo Concept à payer à la société Poitou Adhésif la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 5 septembre 2023, la société Zzimo Concept a interjeté appel de ce jugement.
Par jugement du 19 décembre 2023, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société Zzimo Concept et la société Etude Bouvet et Guyonnet est intervenue volontairement en qualité de liquidateur judiciaire pour que l'instance puisse se poursuivre.
Par jugement du 23 juillet 2024, le tribunal de commerce de Poitiers a placé la société Poitou Adhésif en redressement judiciaire. La société Zzimo Concept a déclaré une créance de 10 000 euros au passif de cette procédure. Puis elle a fait assigner en intervention forcée les sociétés Ajup et Actis mandataires judiciaires.
Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Zzimo Concept et la société Etude Bouvet et Guyonnet demandent à la cour de :
- juger recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la société Etude Bouvet et Guyonnet en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Zzimo Concept,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
Jugeant à nouveau
- dire et juger que la société Poitou Adhésif a manqué à son obligation de délivrance conforme (délivrance fonctionnelle),
- dire et juger, à titre subsidiaire que la société Poitou Adhésif a manqué à son obligation précontractuelle d'information,
- fixer sa créance au passif de la société Zzimo Concept à la somme de 5 520 euros en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation initiale le 23 novembre 2022, avec capitalisation des intérêts échus en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Poitou Adhésif une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,
Jugeant de nouveau :
- fixer sa créance au passif de la société Poitou Adhésif à la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens tant de première instance que d'appel,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés Ajup et Actis mandataires judiciaires, ès qualité, de toutes leurs demandes.
Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Poitou Adhésif, la société Ajup et la société Actis demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter la société Zzimo Concept de son appel le jugeant mal fondé,
- débouter la société Etude Bouvet et Guyonnet en sa qualité de mandataire à la liquidation de la société Zzimo Concept, de toute demande de condamnation pécuniaire à l'encontre de la société Poitou Adhésif,
- débouter la société la Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualité de mandataire à la liquidation de la société Zzimo Concept, de toute demande de fixation de créance au passif de la société Poitou Adhésif,
- fixer la créance de la société Poitou Adhésif au passif de la société Zzimo Concept au titre des frais irrépétibles t dépens déclarés pour 4 551 euros.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour relève que la société Zzimo Concept ne discute plus, à hauteur d'appel, de la question du vice caché. Elle ne développe en effet aucun moyen ni ne formule de demande à ce titre. Elle limite en réalité ses demandes, en principal au problème de la délivrance conforme, en subsidiaire à la responsabilité de la société Poitou Adhésif pour manquement à son obligation d'information précontractuelle. De la même manière, la question de la compétence territoriale n'est plus discutée.
1. Sur l'intervention volontaire de société Etude Bouvet et Guyonnet
L'article 325 du code de procédure civile dispose que 'l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.
L'article 327 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que : 'l'intervention en première instance ou en cause d'appel est volontaire ou forcée'.
L'article 329 du code de procédure civile ajoute que : 'l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention'.
En l'espèce, l'intervention de la société Etude Bouvet et Guyonnet est justifiée par sa qualité mandataire liquidateur de la société Zzimo Concept. Dès lors son intervention volontaire doit être déclarée recevable.
2. Sur la délivrance conforme
La société Zzimo Concept expose que le fabriquant de l'adhésif litigieux précise, dans la fiche technique du produit, que le revêtement est censé avoir une durabilité comprise entre 5 et 12 ans. Se rapportant à un tableau technique elle estime que, quelle que soit la zone géographique concernée, le film noir devait avoir une durée de vie d'au moins 8 ans posé à la verticale et d'au moins 4 ans posé à l'horizontale. Elle en déduit que la durabilité du produit litigieux devait être garantie jusqu'au mois de janvier 2022, alors que les problèmes sont apparus en mars 2021. La société Zzimo Concept affirme encore avoir pratiqué la pose dans les règles de l'art et dit qu'elle rapporte bien la preuve de la dégradation prématurée de l'adhésif. Elle estime ainsi qu'elle démontre l'existence d'une non conformité fonctionnelle qui a entraîné pour elle un préjudice de 5 520 euros. Elle dit enfin que la société Poitou Adhésif lui a elle-même recommandé la société qui a procédé à la pose.
La société Poitou Adhésif souligne l'incohérence entre la date de pose (janvier 2018) et la date d'achat du produit (juillet 2018). Elle précise que la société Zzimo Concept reconnaît n'avoir pas posé elle-même l'adhésif litigieux mais avoir sous-traité cette pose à un tiers sur la prestation duquel aucun élément n'est fourni. Elle souligne qu'en raison d'un flux d'affaires entre elle et la société Zzimo Concept, celle-ci ne peut pas ignorer les éléments relatifs à la spécificité technique de chaque produit. Elle précise que le produit n'est garanti par le fabriquant que pour 2 ans et demi en application de type 'horizontal'. Elle ajoute que la pose doit se faire selon des consignes très précises et que le produit est également soumis à des consignes d'entretien. Selon elle il n'existe aucune preuve du respect de ces consignes, notamment les conditions d'entretien par le client final. Elle rappelle que le film litigieux a été retiré et ne peut donc faire l'objet d'aucun contrôle. Elle dit encore que l'acceptation sans réserve d'un produit interdit ensuite à l'acheteur de se prévaloir d'un défaut de conformité.
Sur ce :
L'article 1604 du code civil dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. Il résulte de ce texte que le vendeur est tenu de livrer à l'acheteur un produit conforme à ce qui a été convenu et conforme à sa destination.
En l'espèce, la société Zzimo Concept se plaint de la qualité de revêtements adhésifs achetés auprès de la société Poitou Adhésif et qu'elle a fait poser sur le véhicule de l'un de ses clients. La cour observe toutefois que la facture des travaux sur le véhicule du client est en date du 26 janvier 2018 (pièce appelant n°3), cette date étant indiquée une fois en lettres en haut et à droite de la facture et une fois en chiffres en bas et à gauche. Or les revêtements adhésifs litigieux ont été acquis selon facture en date du 15 juillet 2018 (pièce appelant n°2), soit postérieurement à la date des travaux réalisés sur le véhicule du client de la société Zzimo Concept.
Par conséquent, il n'est pas établi que le revêtement posé sur le véhicule du client et dont la société Zzimo Concept se plaint de la mauvaise qualité, soit celui qui a été commandé et acheté auprès de la société Poitou Adhésif. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Zzimo Concept de ses demandes au titre de la délivrance non conforme. Elle sera également déboutée de sa demande de fixation de créance au passif de la société Poitou Adhésif.
3. Sur le manquement à l'obligation précontractuelle d'information
Dans la mesure où il a été retenu ci-dessus que la société Zzimo Concept ne démontrait pas que le revêtement litigieux était celui acheté auprès de la société Poitou Adhésif, il ne saurait lui être reproché le non-respect d'une obligation précontractuelle d'information. Le jugement déféré, sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à ce titre, à nouveau par substitution de motifs. Elle sera également déboutée de sa demande de fixation de créance au passif de la société Poitou Adhésif.
4. Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Il convient de rappeler que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière. En l'espèce il n'est pas démontré contre la société Poitou Adhésif, laquelle obtient au demeurant gain de cause en première instance et en appel, qu'elle aurait agi en étant animée par l'un de ses intentions ou sur la foi d'une erreur grossière. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Zzimo Concept de sa demande de dommages et intérêts.
5. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société Zzimo Concept qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel. Elle sera, dans le même temps, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi. Il convient donc de fixer au passif de la société Zzimo Concept la somme de 538 euros au titre des dépens.
Il n'est pas inéquitable de faire supporter par la société Zzimo Concept partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société Poitou Adhésif en première instance et en appel. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à laquelle s'ajoutera une somme de 2 000 euros au même titre pour la cause d'appel. Ainsi il convient de fixer la créance de la société Poitou Adhésif au titre de l'article 700 du code de procédure civile au passif de la société Zzimo Concept à la somme totale de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Dit recevable l'intervention volontaire de société Etude Bouvet et Guyonnet ès qualités de mandataire liquidateur de la société Zzimo Concept,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Déboute la société Zzimo Concept de sa demande d'inscription d'une créance au passif de la société Poitou Adhésif,
Met à la charge de la société Zzimo Concept les dépens d'appel,
Fixe à la somme de 538 euros au passif de la société Zzimo Concept la créance de la société Poitou Adhésif au titre des dépens de première instance et d'appel,
Déboute la société Zzimo Concept de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Met à la charge de la société Zzimo Concept une somme de 2 000 euros au profit de la société Poitou Adhésif au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Fixe à la somme totale de 3 000 euros au passif de la société Zzimo Concept la créance de la société Poitou Adhésif au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 17 avril 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente
Copies : 17/04/2025
la SARL JULIEN BETEMPS AVOCAT
+ GROSSE
la SELARL LX GRENOBLE-
CHAMBERY + GROSSE
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 17 Avril 2025
N° RG 23/01317 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HKG4
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 12 Juillet 2023, RG 2022F00280
Appelantes
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET ET GUYONNET - intervenante volontaire -dont le siège social est sis [Adresse 5] - prise en la personne de son représentant légal en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL ZZIMO CONCEPT,
E.U.R.L. ZZIMO CONCEPT dont le siège social est sis [Adresse 3] - prise en la personne de son représentant légal
Représentées par la SARL JULIEN BETEMPS AVOCAT, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimées
S.A.S. POITOU ADHESIFS dont le siège social est sis [Adresse 1] - prise en la personne de son représentant légal
S.E.L.A.R.L. AJ UP - intervenante forcée - dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de Maître [H] [R] en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS POITOU ADHESIFS,
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES - intervenante forcée dont le siège social est sis [Adresse 4] représentée par Maître [G] [D], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS POITOU ADHESIFS,
Représentées par la la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Stéphane PRIMATESTA, avocat plaidant au barreau de POITIERS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 04 février 2025 par Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré, à laquelle il a été procédé au rapport,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries
- Mme Myriam REAIDY, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société Zzimo Concept exerce une activité d'agence de publicité communication. Elle réalise notamment des supports publicitaires par recouvrement de véhicule au moyen de la technique de 'covering'. La société Poitou Adhésif exerce une activité de commerce en gros.
Un client de la société Zzimo Concept lui a demandé la pose d'un 'covering' sur un véhicule utilitaire en le recouvrant de plastique noir, la couleur d'origine étant le blanc. Pour la réalisation, la société Zzimo Concept a commandé à la société Poitou Adhésif le film adhésif publicitaire destiné à être posé sur le véhicule. Le film a été livré et facturé le 15 juillet 2018 pour un montant de 793,32 euros TTC.
Au printemps 2021, la société Zzimo Concept s'est plainte auprès de la société Poitou Adhésif de ce que le film plastique livré présentait des traces d'usure prématurée l'ayant conduite à retirer entièrement l'habillage du véhicule de son client provoquant une perte financière de 4 600 euros. Elle demandait la prise en charge d'une facture de 5 520 euros (destikage et pose d'un nouvel adhésif sur le véhicule client) à défaut de remédier au défaut constaté. La société Poitou Adhésif lui répondait le 29 octobre 2021 que le fabriquant du produit avait refusé la prise en charge de la garantie et que la facture dont la prise en charge était sollicitée n'avait pas lieu d'être. La mise en demeure a été réitérée par la société Zzimo Concept le 22 avril 2022
Par acte du 23 novembre 2022, la société Zzimo Concept a fait assigner la société Poitou Adhésif devant le tribunal de commerce de Chambéry sur le fondement de l'absence de délivrance conforme et des vices cachés, demandant principalement le paiement de la facture de mars 2021.
Par jugement contradictoire rendu le 12 juillet 2023, le tribunal de commerce de Chambéry a :
- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Poitou Adhésif,
- dit irrecevable la demande au titre des vices cachés,
- débouté la société Zzimo Concept de ses autres demandes,
- condamné la société Zzimo Concept à payer à la société Poitou Adhésif la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 5 septembre 2023, la société Zzimo Concept a interjeté appel de ce jugement.
Par jugement du 19 décembre 2023, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société Zzimo Concept et la société Etude Bouvet et Guyonnet est intervenue volontairement en qualité de liquidateur judiciaire pour que l'instance puisse se poursuivre.
Par jugement du 23 juillet 2024, le tribunal de commerce de Poitiers a placé la société Poitou Adhésif en redressement judiciaire. La société Zzimo Concept a déclaré une créance de 10 000 euros au passif de cette procédure. Puis elle a fait assigner en intervention forcée les sociétés Ajup et Actis mandataires judiciaires.
Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Zzimo Concept et la société Etude Bouvet et Guyonnet demandent à la cour de :
- juger recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la société Etude Bouvet et Guyonnet en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Zzimo Concept,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
Jugeant à nouveau
- dire et juger que la société Poitou Adhésif a manqué à son obligation de délivrance conforme (délivrance fonctionnelle),
- dire et juger, à titre subsidiaire que la société Poitou Adhésif a manqué à son obligation précontractuelle d'information,
- fixer sa créance au passif de la société Zzimo Concept à la somme de 5 520 euros en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation initiale le 23 novembre 2022, avec capitalisation des intérêts échus en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Poitou Adhésif une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,
Jugeant de nouveau :
- fixer sa créance au passif de la société Poitou Adhésif à la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens tant de première instance que d'appel,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés Ajup et Actis mandataires judiciaires, ès qualité, de toutes leurs demandes.
Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Poitou Adhésif, la société Ajup et la société Actis demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter la société Zzimo Concept de son appel le jugeant mal fondé,
- débouter la société Etude Bouvet et Guyonnet en sa qualité de mandataire à la liquidation de la société Zzimo Concept, de toute demande de condamnation pécuniaire à l'encontre de la société Poitou Adhésif,
- débouter la société la Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualité de mandataire à la liquidation de la société Zzimo Concept, de toute demande de fixation de créance au passif de la société Poitou Adhésif,
- fixer la créance de la société Poitou Adhésif au passif de la société Zzimo Concept au titre des frais irrépétibles t dépens déclarés pour 4 551 euros.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour relève que la société Zzimo Concept ne discute plus, à hauteur d'appel, de la question du vice caché. Elle ne développe en effet aucun moyen ni ne formule de demande à ce titre. Elle limite en réalité ses demandes, en principal au problème de la délivrance conforme, en subsidiaire à la responsabilité de la société Poitou Adhésif pour manquement à son obligation d'information précontractuelle. De la même manière, la question de la compétence territoriale n'est plus discutée.
1. Sur l'intervention volontaire de société Etude Bouvet et Guyonnet
L'article 325 du code de procédure civile dispose que 'l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.
L'article 327 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que : 'l'intervention en première instance ou en cause d'appel est volontaire ou forcée'.
L'article 329 du code de procédure civile ajoute que : 'l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention'.
En l'espèce, l'intervention de la société Etude Bouvet et Guyonnet est justifiée par sa qualité mandataire liquidateur de la société Zzimo Concept. Dès lors son intervention volontaire doit être déclarée recevable.
2. Sur la délivrance conforme
La société Zzimo Concept expose que le fabriquant de l'adhésif litigieux précise, dans la fiche technique du produit, que le revêtement est censé avoir une durabilité comprise entre 5 et 12 ans. Se rapportant à un tableau technique elle estime que, quelle que soit la zone géographique concernée, le film noir devait avoir une durée de vie d'au moins 8 ans posé à la verticale et d'au moins 4 ans posé à l'horizontale. Elle en déduit que la durabilité du produit litigieux devait être garantie jusqu'au mois de janvier 2022, alors que les problèmes sont apparus en mars 2021. La société Zzimo Concept affirme encore avoir pratiqué la pose dans les règles de l'art et dit qu'elle rapporte bien la preuve de la dégradation prématurée de l'adhésif. Elle estime ainsi qu'elle démontre l'existence d'une non conformité fonctionnelle qui a entraîné pour elle un préjudice de 5 520 euros. Elle dit enfin que la société Poitou Adhésif lui a elle-même recommandé la société qui a procédé à la pose.
La société Poitou Adhésif souligne l'incohérence entre la date de pose (janvier 2018) et la date d'achat du produit (juillet 2018). Elle précise que la société Zzimo Concept reconnaît n'avoir pas posé elle-même l'adhésif litigieux mais avoir sous-traité cette pose à un tiers sur la prestation duquel aucun élément n'est fourni. Elle souligne qu'en raison d'un flux d'affaires entre elle et la société Zzimo Concept, celle-ci ne peut pas ignorer les éléments relatifs à la spécificité technique de chaque produit. Elle précise que le produit n'est garanti par le fabriquant que pour 2 ans et demi en application de type 'horizontal'. Elle ajoute que la pose doit se faire selon des consignes très précises et que le produit est également soumis à des consignes d'entretien. Selon elle il n'existe aucune preuve du respect de ces consignes, notamment les conditions d'entretien par le client final. Elle rappelle que le film litigieux a été retiré et ne peut donc faire l'objet d'aucun contrôle. Elle dit encore que l'acceptation sans réserve d'un produit interdit ensuite à l'acheteur de se prévaloir d'un défaut de conformité.
Sur ce :
L'article 1604 du code civil dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. Il résulte de ce texte que le vendeur est tenu de livrer à l'acheteur un produit conforme à ce qui a été convenu et conforme à sa destination.
En l'espèce, la société Zzimo Concept se plaint de la qualité de revêtements adhésifs achetés auprès de la société Poitou Adhésif et qu'elle a fait poser sur le véhicule de l'un de ses clients. La cour observe toutefois que la facture des travaux sur le véhicule du client est en date du 26 janvier 2018 (pièce appelant n°3), cette date étant indiquée une fois en lettres en haut et à droite de la facture et une fois en chiffres en bas et à gauche. Or les revêtements adhésifs litigieux ont été acquis selon facture en date du 15 juillet 2018 (pièce appelant n°2), soit postérieurement à la date des travaux réalisés sur le véhicule du client de la société Zzimo Concept.
Par conséquent, il n'est pas établi que le revêtement posé sur le véhicule du client et dont la société Zzimo Concept se plaint de la mauvaise qualité, soit celui qui a été commandé et acheté auprès de la société Poitou Adhésif. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Zzimo Concept de ses demandes au titre de la délivrance non conforme. Elle sera également déboutée de sa demande de fixation de créance au passif de la société Poitou Adhésif.
3. Sur le manquement à l'obligation précontractuelle d'information
Dans la mesure où il a été retenu ci-dessus que la société Zzimo Concept ne démontrait pas que le revêtement litigieux était celui acheté auprès de la société Poitou Adhésif, il ne saurait lui être reproché le non-respect d'une obligation précontractuelle d'information. Le jugement déféré, sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à ce titre, à nouveau par substitution de motifs. Elle sera également déboutée de sa demande de fixation de créance au passif de la société Poitou Adhésif.
4. Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Il convient de rappeler que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière. En l'espèce il n'est pas démontré contre la société Poitou Adhésif, laquelle obtient au demeurant gain de cause en première instance et en appel, qu'elle aurait agi en étant animée par l'un de ses intentions ou sur la foi d'une erreur grossière. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Zzimo Concept de sa demande de dommages et intérêts.
5. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société Zzimo Concept qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel. Elle sera, dans le même temps, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi. Il convient donc de fixer au passif de la société Zzimo Concept la somme de 538 euros au titre des dépens.
Il n'est pas inéquitable de faire supporter par la société Zzimo Concept partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société Poitou Adhésif en première instance et en appel. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à laquelle s'ajoutera une somme de 2 000 euros au même titre pour la cause d'appel. Ainsi il convient de fixer la créance de la société Poitou Adhésif au titre de l'article 700 du code de procédure civile au passif de la société Zzimo Concept à la somme totale de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Dit recevable l'intervention volontaire de société Etude Bouvet et Guyonnet ès qualités de mandataire liquidateur de la société Zzimo Concept,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Déboute la société Zzimo Concept de sa demande d'inscription d'une créance au passif de la société Poitou Adhésif,
Met à la charge de la société Zzimo Concept les dépens d'appel,
Fixe à la somme de 538 euros au passif de la société Zzimo Concept la créance de la société Poitou Adhésif au titre des dépens de première instance et d'appel,
Déboute la société Zzimo Concept de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Met à la charge de la société Zzimo Concept une somme de 2 000 euros au profit de la société Poitou Adhésif au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Fixe à la somme totale de 3 000 euros au passif de la société Zzimo Concept la créance de la société Poitou Adhésif au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 17 avril 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente
Copies : 17/04/2025
la SARL JULIEN BETEMPS AVOCAT
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la SELARL LX GRENOBLE-
CHAMBERY + GROSSE