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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 17 avril 2025, n° 24/04052

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Zurich Insurance Europe AG (Sté)

Défendeur :

G. Z.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

Mme Defoy, Mme de Vivie

Avocats :

Me Fonrouge, Me Pia, Me Gueudre, Me Gaboriau, Me de Cambiaire, Me Delamourd

TJ Bordeaux, du 15 juin 2021, n° 20/0167…

15 juin 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

1- M. [G] [Z] a effectué, par l'intermédiaire de M. [V] [H], représentant de la société AJ Conseil, un investissement dans une collection d'oeuvres d'art commercialisées par la société Aristophil, sous forme d'indivision.

A ce titre, il a fait l'acquisition auprès de la société Aristophil, le 14 avril 2014,dans le cadre d'un contrat de vente intitulé 'Corpus Scriptural Prestige', de 20 parts en indivision de la collection 'Le rouleau de la Bastille du Marquis de [D]' pour un montant de 100 000 euros.

Par ailleurs, le 16 avril 2014, M. [Z] a également acquis dans le cadre d'une convention intitulée 'Amadeus Collector' la pleine propriété de la collection d''uvres d'art 'Musique' pour un montant de 300 000 euros.

En qualité de coïndivisaire, il a régularisé à l'occasion de chaque souscription une convention d'indivision prévoyant le dépôt, la garde et la conservation, par la société Aristophil, des 'uvres d'art acquises pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, jusqu'à cinq années s'agissant des 'uvres d'art acquises en indivision.

Ces contrats incluaient également une promesse de vente selon laquelle l'investisseur promettait unilatéralement de vendre la collection investie à la société Aristophil à un prix majoré par année de garde de 8,95 % s'agissant de la collection acquise en pleine propriété, et de 44,75 % par période entière de cinq ans s'agissant des parts en indivision, la société Aristophil se réservant le droit de lever ou non l'option consentie.

Le 16 février 2015, la société Aristophil a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation le 5 août 2015, et le 8 mars 2015, M. [X] [L], son président, était mis en examen pour escroquerie en bande organisée, blanchiment, présentation de comptes infidèles, abus de biens sociaux, abus de confiance et pratiques commerciales trompeuses.

2- Le 13 février 2020, estimant avoir été mal informé et conseillé par M. [H], au titre de l'investissement réalisé par son intermédiaire auprès de la société Aristophil, M.[Z] a assigné devant le tribunal judiciaire de Bordeaux les sociétés CNA Insurance Company Limited (ci-après 'la société CNA), et la Zurich Insurance Public limited Company, société de droit irlandais (ci-après 'la société Zurich'), en leur qualité d'assureurs responsabilité civile de M. [H], aux fins d'obtenir le paiement d'une somme principale de 370 000 euros, à titre de réparation de son préjudice financier causé à l'occasion de l'investissement précité dénommé Aristophil, pour manquement par M. [H] et la société AJ conseil à leur obligation d'information, de conseil, de mise en garde et de vigilance à l'occasion de la commercialisation du produit précité, ainsi qu'en paiement d'une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par ordonnance en date du 15 juin 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a:

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société CNA Insurance Company (Europe) et SA, au lieu et place de la société CNA Insurance Company Limited qui sera mise hors de cause,

- déclaré recevable la demande de M. [Z],

- dit qu'à ce stade de la procédure chaque partie conserve à sa charge les frais engagés non compris dans les dépens,

- renvoyé l'affaire à la mise en état continue du 29 septembre 2021,

- condamné in solidum la société Zurich Insurance publique limited company et la société CNA Insurance compagnie (Europe) SA aux dépens de l'incident.

Par déclaration électronique en date du 30 juin 2021, la société Zurich a relevé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par déclaration électronique en date du 30 juin 2021, la société CNA a relevé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par arrêt du 30 juin 2022, la cour d'appel de Bordeaux a :

- infirmé l'ordonnance entreprise,

statuant à nouveau,

- dit que la société CNA Insurance Company n'est pas l'assureur de la société AJ Conseil,

- déclaré en conséquence irrecevable l'action intentée par M. [Z] à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe),

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. [Z] à l'encontre de la société Zurich Insurance Public Limited Company et le cas échéant à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe),

- déclaré en conséquence sans objet la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [Z] soulevée par la société Zurich Insurance Public Limited Company,

- condamné M. [Z] à payer à la société Zurich Insurance Public Limited Company et à la société CNA Insurance Company (Europe), chacune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par arrêt du 3 juillet 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :

- cassé et a annulé mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. [Z] à l'encontre de la société Zurich Insurance Public Limited Company, l'arrêt rendu le 30 juin 2022,

- remis sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée,

- condamné la société Zurich Insurance Public Limited Company aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes formées par les sociétés CNA Insurance Company (Europe), ès qualités, et Zurich Insurance Public Limited Company et condamné la société Zurich Insurance Public Limited Company à payer à M. [Z] la somme globale de 3 000 euros,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

La cour d'appel de Bordeaux a été saisie le 5 septembre 2024.

3- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2025, la société Zurich Insurance Europe demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 9 et 1315 ancien, 2224 du code civil 30, 31 et 32 du code de procédure civile :

- de la déclarer recevable en son appel et en ses demandes,

- d'infirmer l'ordonnance du 15 juin 2021 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'elle a :

- déclaré recevable la demande de M. [Z],

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 29 septembre 2021,

- l'a condamné in solidum avec la CNA Insurance Compagny aux dépens de l'incident,

et statuant à nouveau,

- de déclarer irrecevable car dénuée d'intérêt à agir l'action de M. [Z],

- de déclarer irrecevable l'action de M. [Z] en l'absence de qualité à défendre de Zurich, - de déclarer irrecevable comme prescrite l'action de M. [Z],

en conséquence,

- de débouter M. [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'égard de Zurich Insurance,

en tout état de cause,

- de condamner M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- de condamner M. [Z] à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 février 2025, M. [Z] demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 31 du code de procédure civile, 2224 du code civil :

- de le recevoir en ses présentes conclusions,

y faisant droit,

à titre principal,

- de déclarer irrecevables l'appel et les demandes de la Société Zurich Insurance Company,

en conséquence,

- de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour fixation d'une audience de mise en état afin de permettre aux parties de conclure utilement sur le fond,

à titre subsidiaire,

- de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel de Bordeaux soit saisie d'un appel sur le fond,

en conséquence,

- de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour fixation d'une audience de mise en état afin de permettre aux parties de conclure utilement sur le fond,

à titre très subsidiaire,

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 juin 2021,

en conséquence,

- de débouter la société Zurich Insurance Company de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour fixation d'une audience de mise en état afin de permettre aux parties de conclure utilement sur le fond,

en tout état de cause,

- de condamner la société Zurich Insurance Company à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025.

MOTIFS

Sur la portée de la cassation.

5- Conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, et la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé, étant tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 625 du même code que sur les points qu'elle atteint la décision replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l'acte d'appel initial, dans les limites du dispositif de l'arrêt de cassation.

6- Selon l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris ceux afférents à la décision cassée.

7- En l'espèce, la cour d'appel de Bordeaux avait déclaré prescrite l'action en responsabilité engagée contre la société Zurich par M.[Z], au motif que ses droits étant tout entier contenus dans les contrats, il disposait d'un délai de cinq ans à compter de la conclusion de ceux-ci pour agir.

Elle avait en effet considéré que M.[Z] aurait dû faire procéder à une évaluation des oeuvres qu'il projetait d'acquérir, au regard de l'importance de l'investissement et de la volatilité du marché de l'art, et aurait dû se convaincre dès la signature de ces contrats qu'il n'existait aucune garantie de rachat des oeuvres.

8- La Cour de cassation a cassé ce chef de dispositif de l'arrêt, en rappelant qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date de la conclusion des contrats, le dommage invoqué par M.[Z], tenant aux pertes subies sur son investissement, ne s'était pas encore réalisé, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2224 du code civil.

Sur la recevabilité de l'appel formé par la société Zurich Insurance.

9- M.[Z] soutient que l'appel formé par la société Zurich de l'ordonnance du juge de la mise en état est irrecevable, au regard des dispositions de l'article 795 du code de procédure civile modifié par le décret du 3 juillet 2024, qui prévoient que la voie de l'appel immédiat n'est ouvert qu'à l'encontre des ordonnances du juge de la mise en état qui mettent fin à l'instance en statuant sur une fin de non-recevoir.

Or, ces nouvelles dispositions étant applicables aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur, soit le 3 juillet 2024, il prétend que l'appel est irrecevable dès lors que le juge de la mise en état a déclaré recevable son action, que la présente procédure est pendante devant la cour d'appel de Bordeaux, et qu'il s'agissait donc d'une instance en cours au premier septembre 2024.

10- La société Zurich Insurance réplique que la voie de l'appel immédiat à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du 15 juin 2021 lui est ouverte, dès lors qu'elle en a interjeté appel le 30 juin 2021, et que sa déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi, régularisée le 6 septembre 2024, n'est pas assimilable à une déclaration d'appel.

Sur ce

11- Selon les dispositions de l'article 795 du code de procédure civile, modifié par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024, seules les ordonnances du juge de la mise en état qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, ont mis fin à l'instance, peuvent faire l'objet d'un appel immédiat.

L'article 17.I du décret précité précise que 'le présent décret entre en vigueur le premier septembre 2024. Il est applicable aux instances en cours à compter de cette date'.

12- Il est constant que par ordonnance du 15 juin 2021, le juge de la mise en état a déclaré recevable l'action engagée par M.[Z] et n'a, par conséquent, pas mis fin à l'instance.

13- Cependant, il est admis, comme le souligne à juste titre la société Zurich, que l'application immédiate d'une loi nouvelle est sans effet sur la validité des actes de procédure accomplis selon la loi alors en vigueur (Civ.3ème, 29 janvier 1980, n°78-14.598, Civ.2ème, 30 avril 2003, n°00-14.333, Cass.Com, 9 juin 2009, n°08-12.904).

En conséquence, il convient de considérer la recevabilité de l'appel formé par la société Zurich le 30 juin 2021 à l'aune des dispositions de l'article 795 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de ladite déclaration d'appel.

14- Or, l'article 795 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, autorisait l'appel immédiat à l'encontre des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir, sans distinguer selon que l'ordonnance mettait ou non fin à l'instance.

15- En considération de ces éléments, l'appel formé le 30 juin 2021 par la société Zurich à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du 15 juin 2021, sera déclaré recevable.

Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à défendre de la société Zurich, et d'intérêt à agir de M.[Z].

16- La société Zurich soutient que sa qualité à défendre n'est pas caractérisée, dès lors que M.[Z] ne démontre pas que les investissements litigieux ont été souscrits par l'intermédiaire de la société AJ Conseil qu'elle garantit.

Elle fait ensuite valoir que le préjudice dont se prévaut M.[Z] est purement hypothétique, dans la mesure où il n'est pas établi que les parts de collection acquises ont été cédées, qu'il ne justifie donc pas d'un préjudice actuel et certain, et donc d'un intérêt à agir.

17- M.[Z] réplique d'une part qu'il établit que les contrats ont bien été souscrits par l'intermédiaire de la société AJ Conseil.

Il souligne d'autre part qu'il démontre la réalité de son préjudice, preuve qui n'est au demeurant pas une condition de la recevabilité de son action.

Sur ce

18- L'article 32 du code de procédure civile dispose qu''est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.

19- Le juge de la mise en état a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société Zurich, en considérant qu'il est demandé par M.[Z] des dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter, et en réparation d'un préjudice moral causé à l'occasion de deux investissements, outre que la société Zurich était l'assureur de la société Aj Conseil couvrant la responsabilité civile professionnelle en qualité de conseil en gestion de patrimoine et conseil en investissements financiers.

20- Il appartient à M.[Z] de rapporter la preuve de la qualité à défendre de la société Zurich, c'est-à-dire en l'espèce de ce que les investissements litigieux ont bien été souscrits par l'intermédiaire de la société AJ Conseil, garantie par la société ZuricH.

Il est admis que le tiers exerçant une action directe à l'encontre d'un assureur peut rapporter la preuve de l'existence d'un contrat par tous moyens, et que le commencement de preuve de l'existence du contrat d'assurance par le tiers peut se déduire de l'attitude de l'assureur, de la production de devis, d'un ancien contrat ou d'échanges entre les parties (Civ.1ère, 17 juillet 1996, n°94-16.796).

21- A l'appui de ses allégations, M.[Z] verse aux débats un document intitulé 'dossier connaissance client, commercialisation de la société Aristophil', faisant état de l'identité du souscripteur, en l'espèce la sienne, signé le 16 avril 2014 et portant sa signature et celle de M.[H], sous la mention du nom de celui-ci et du cachet AJ Conseil-Management (pièce 1-5 [Z]), et un courrier adressé par M.[H], avec l'en-tête d'AJ Conseil en date du 20 avril 2014, lui confirmant la souscription du contrat du 14 avril 2014 relatif au 'Rouleau de la Bastille du Marquis de [D]' (pièce 68 [Z]).

De plus, il justifie par la production d'un extrait du BODACC du 30 novembre 2014 de ce que la société AJ Conseil a été radiée le 23 juin 2015, à la suite de la cession de son fonds de commerce au mois de novembre 2014 à la Sasu AJ Conseil, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux sous le numéro 805 119 641 dont M.[H] est le président (pièce 105 [Z]).

22- Il résulte de ces éléments que M. [Z] a bien souscrit les investissements litigieux par l'intermédiaire de la société AJ Conseil prise en la personne de M.[H], que le moyen développé par la société Zurich selon laquelle cette société n'avait pas d'existence légale au jour des investissements litigieux doit être écarté, dès lors qu'il s'agit en réalité de la même société, soit AJ Conseil, dont seule la dénomination sociale avait changé, passant du statut de Sarl à celui de Sasu.

23- M.[Z] verse ensuite aux débats la police d'assurance souscrite par un dénommé [T] [B] exerçant sous la dénomination AJ Conseil auprès de la société Zurich Insurance en date du 28 septembre 2015, à effet au premier janvier 2016, couvrant sa responsabilité civile professionnelle en qualité de conseil en gestion de patrimoine et conseil en investissements financiers (pièces 50 et 51 [Z]).

Si M.[Z], ainsi que l'objecte la société Zurich ne produit pas la police d'assurance souscrite par M.[H], il démontre néanmoins que M.[H] était le dirigeant de la société AJ Conseil, et que la société Zurich était bien l'assureur de la société AJ Conseil lors de la survenance du dommage, éléments qui constituent un commencement de preuve du contrat liant M.[H] à la société Zurich.

24- En conséquence, M.[Z], qui peut rapporter l'existence du contrat d'assurance par tous moyens, établit que la société Zurich Insurance était bien l'assureur de la société AJ Conseil, par l'intermédiaire de laquelle les contrats ont été souscrits, au moment de la survenance du dommage.

Le premier moyen, tiré du défaut de qualité à défendre de la société Zurich Insurance sera donc rejeté.

25- La société Zurich Insurance articule ensuite un second moyen, tenant au défaut d'intérêt à agir de M.[Z], faute pour celui-ci de justifier d'un préjudice certain.

26- Selon les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, 'l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention'.

Il est constant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son succès (Civ.2ème, 6 mai 2004, n°02-16.314).

27- C'est en conséquence à juste titre que le juge de la mise en état a considéré que M.[Z] justifiait d'un intérêt à agir dès lors qu'il sollicitait des dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter, et en réparation d'un préjudice moral causé à l'occasion de deux investissements souscrits auprès de M.[H] exerçant sous l'enseigne AJ Conseil.

L'ordonnance du juge de la mise en état qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la société Zurich et du défaut d'intérêt à agir de M.[Z], sera donc confirmée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [Z].

28- La société Zurich soutient que l'action engagée par M.[Z] est prescrite, au motif que s'agissant d'une prescription quinquennale, le point de départ du manquement au devoir de mise en garde d'information et de conseil s'analysant en la perte de chance de n'avoir pas contracté, s'appécie au jour de la signature du contrat, en l'espèce les 14 et 16 avril 2014.

Elle fait valoir qu'à cette date M.[Z] aurait dû faire procéder à une évaluation des oeuvres au jour de la conclusion du contrat, et qu'il était en mesure de se convaincre de l'absence de garantie de rachat de celles-ci.

29- M.[Z] réplique que le point de départ de la prescription quinquennale ne peut être fixé à la date du contrat litigieux, dès lors qu'il n'a pu prendre conscience du dommage dont il entend être indemnisé pour perte de chance qu'à l'occasion de la procédure collective de la société Aristophil.

Sur ce

30- Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, 'les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

31- En l'espèce, l'application de la prescription quinquennale n'est pas discutée, seul le point de départ du délai de prescription faisant débat.

32- Il incombe à la société Zurich Insurance, qui l'invoque, de rapporter la preuve de la prescription de l'action de M.[Z].

33- Il est constant que s'agissant d'un dommage invoqué consécutif à un manquement à une obligation d'information, de mise en garde et de conseil et consistant en une perte de chance de ne pas contracter, le dommage est constitué au jour de la conclusion du contrat, mais le point de départ du délai de prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la date à laquelle la victime a connaissance ou aurait dû avoir connaissance dudit dommage.

Dans la mesure où l'action a été introduite le 13 février 2020, toute connaissance du dommage antérieure au 13 février 2015 impliquerait sa prescription.

34- Pour retenir que l'action de M.[Z] n'était pas prescrite, le juge de la mise en état a considéré que le point de départ de l'action ne pouvait correspondre à la date de conclusion des contrats litigieux, les 14 et 16 avril 2014, M.[Z] n'ayant pu prendre conscience du dommage, soit la surévaluation des oeuvres acquises auprès de M.[H], qu'à l'occasion de la procédure collective de la société Aristophil, le contraignant à formaliser une déclaration de créance de ce chef auprès du mandataire judiciaire, et qu'il ne pouvait être reproché à M.[Z] de ne pas avoir été suffisamment informé par la presse nationale, le juge de la mise en état relevant en outre la complexité de l'opération pour un non professionnel.

35- Si plusieurs articles de presse écrite ont en effet relayé l'information de l'ouverture d'une enquête préliminaire, au demeurant en principe secrète, pour pratiques commerciales trompeuses et escroquerie à l'encontre de la société Aristophil, en l'espèce des articles parus dans Les Echos, Le Point, et le Monde le 8 décembre 2014 (pièces 2-1 et 2-3 société Zurich), ceux-ci ne peuvent être retenus comme point de départ du délai de prescription, dès lors que M. [Z] n'avait aucune obligation de se tenir informé par la lecture de la presse écrite, même nationale, qu'il n'est de surcroît ni soutenu ni établi que l'information ait été relayée par les médias radiophoniques et télévisuels.

En conséquence, la société Zurich n'établit pas qu'au mois de décembre 2014 au plus tard, M. [Z] a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage.

36- En revanche, le courrier en date du 27 février 2015 du mandataire judiciaire de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Aristophil adressé à M. [Z], et qu'il a reconnu avoir reçu, permet de considérer qu'à cette date il avait ou aurait dû avoir connaissance de la déconfiture de la société Aristophil, et par conséquent de son dommage (pièce 18 [Z]).

Il en résulte qu'à la date du 13 février 2020, l'action de M.[Z] engagée à l'encontre des défendeurs n'était pas prescrite.

37- L'ordonnance entreprise, qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M.[Z] à l'encontre des défendeurs, doit donc être confirmée.

Sur les mesures accessoires.

38- En application de l'article 639 du code de procédure civile, il convient de statuer sur les dépens exposés devant les juridictions du fond, c'est-à-dire le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux, la cour d'appel de Bordeaux et la présente cour autrement composée.

Ceux-ci seront supportés par la société Zurich Insurance, qui versera par ailleurs à M. [Z] la somme de 2500 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel formé par la société Zurich Insurance à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du 15 juin 2021,

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 15 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Zurich Insurance aux entiers dépens des instances poursuivies devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux, la cour d'appel de Bordeaux et la présente cour autrement composée,

Condamne la société Zurich Insurance à payer à M. [G] [Z] la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, Président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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