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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 17 avril 2025, n° 23/00644

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. E, Mme X

Défendeur :

Garage Gaillard (SARL), Établissement Perier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fouchard

Conseillers :

M. Gauvin, Mme Reaidy

Avoués :

SCP Brunet-Debaines, SARL Ballaloud et Associes, SELARL LX Grenoble-Chambery

Avocats :

Me Fillard, Me Falconnet, SELARL Avelia

TJ Thonon-les-Bains, du 20 févr. 2023, n…

20 février 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 avril 2018, M. [E] [X] a acquis auprès de M. [Z] [T] un véhicule d'occasion de marque Jeep, modèle Wrangler, contre un prix de 13 000 euros. Le véhicule mis en circulation le 10 octobre 2007 affichait alors un kilométrage de 191 566 km.

Se plaignant de dysfonctionnements affectant son véhicule et plus particulièrement la boîte à vitesses, M. [E] [X] a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan la désignation d'un expert, par ordonnance du 3 juillet 2019, afin d'identifier les problèmes, d'en rechercher l'origine et de dire s'ils étaient apparents ou cachés pour un acheteur profane normalement diligent et s'ils rendaient la voiture impropre à son usage.

L'expert a déposé son rapport le 10 mai 2021.

Par actes du 21 juin 2021, M. [E] [X] et Mme [D] [H] son épouse, ont fait assigner M. [Z] [T], la société Garage Gaillard, la société Parc Maintenance et la société Etablissements Perier devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains aux fins de condamnation en paiement du prix des réparations du véhicule, outre des dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 20 février 2023, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

- prononcé la mise hors de cause de la société Parc Maintenance,

- rejeté les demandes de M. [E] [X] et Mme [D] [H] contre M. [Z] [T], la société Garage Gaillard et la société Etablissements Perier,

- condamné M. [E] [X] et Mme [D] [H] aux dépens, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Falconnet,

- condamné M. [E] [X] et Mme [D] [H] à payer la somme de 2 000 euros à M. [Z] [T], à la société Garage Gaillard et à la société Etablissements Perier au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 18 avril 2023, M. [E] [X] et Mme [D] [H] ont interjeté appel de la décision contre toutes parties sauf la société Parc Maintenance.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [E] [X] et Mme [D] [H] demandent à la cour de :

- les recevoir en leur appel,

- infirmer la décision déférée

Statuant à nouveau,

- débouter M. [Z] [T], la société Garage Gaillard et la société Etablissements Perier de leurs demandes,

- condamner M. [Z] [T] et la société Etablissements Perier à leur payer :

- 9 649,09 euros au titre du montant des réparations engagées et restant à effectuer sur le véhicule,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Garage Gaillard au paiement des mêmes sommes,

- condamner les requis au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Z] [T], la société Garage Gaillard et la société Etablissements Perier aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise

- les condamner aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [Z] [T] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- juger qu'est remplacé dans le dispositif du jugement 'Madame [D] [X] née [H]' par 'Madame [D] [X] née [H]'

- juger M. [E] [X] et Mme [D] [H] mal fondés en leur appel,

- débouter M. [E] [X] et Mme [D] [H] de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre lui,

Y ajoutant,

- condamner in solidum M. [E] [X] et Mme [D] [H] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Lionel Falconnet avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Garage Gaillard demande à la cour de :

- débouter les époux [X] de l'intégralité de leur appel, autant irrecevable que mal fondé,

- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute de nature a faire retenir sa responsabilité dans les désordres évoqués,

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a mise hors de cause,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- condamner les époux [X] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [X] en tous les dépens avec distraction au profit de la Sarl Balalloud et associés conformément a l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Etablissements Perier demande à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant

- la mettre hors de cause en ce qu'elle n'a aucune responsabilité dans les désordres constatés sur le véhicule litigieux,

- débouté les époux [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétention à son égard comme étant injustifiées et non fondées,

- condamner les époux [X] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile, outre l'ensemble des frais et dépens de l'instance.

L' ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande en garantie des vices cachés contre M. [Z] [T] et société Etablissements Perier

M. [E] [X] et Mme [D] [H] exposent que le véhicule, dont M. [Z] [T] était en réalité le troisième propriétaire, est bien impropre à son usage dans la mesure où il ne peut pas être utilisé dans sa fonction 4x4 en raison d'un défaut affectant la boîte à vitesses. Ils ajoutent qu'ils doivent procéder au remplacement de la boîte à vitesses ainsi qu'a celui de la courroie de distribution alors que, pour cette dernière, la vente annonçait le contraire. Ils estiment ainsi devoir exposer, a minima, des frais de 7 700 euros pour un véhicule acheté 14 000 euros et prétendent que, s'ils avaient connu cette information, ils n'auraient pas acheté le véhicule ou alors à moindre prix. La défaillance est, selon eux, apparue 48 heures après l'achat. Ils disent avoir accepté le remplacement du volant moteur et de l'embrayage pour un coût de plus 2 300 euros. Ils insistent sur le fait qu'ils sont profanes et disent que si M. [E] [X] a pu exercer une activité de négoce en véhicules il n'est ni réparateur ni mécanicien. Ils disent enfin n'avoir apporté que des modifications d'ordre esthétique sur le véhicule.

M. [Z] [T] explique que le rapport d'expertise mentionne que le véhicule n'est pas impropre à sa destination puisqu'il roule et qu'aucun défaut lié au passage des vitesses n'a été relevé lors de l'essai réalisé au cours de la deuxième réunion. Il rappelle que le véhicule affichait lors de l'expertise un kilométrage de 190 273 km et que, concernant l'origine des désordres, l'expert a retenu une usure normale au regard du kilométrage et l'âge du véhicule. Il dit encore que le volant moteur a été démonté par la société Parc Maintenance, en réalité spécialiste du pneumatique, et que l'huile de la boîte à vitesses est non conforme aux exigences du constructeur. Il souligne que, pour sa part, il n'a jamais eu à entretenir la boîte à vitesses et dit enfin qu'il n'est pas professionnel de l'automobile contrairement à l'acheteur et n'avait aucune connaissance des éventuels vices pouvant affecter la voiture et qu'au surplus les coûts évoqués par M. [E] [X] et Mme [D] [H] ne sont pas justifiés.

La société Etablissements Perier explique qu'elle n'est intervenue qu'en qualité d'intermédiaire dans le cadre d'un contrat de dépôt-vente et n'a donc jamais eu la qualité de propriétaire du véhicule. Elle indique n'avoir effectué aucune opération d'entretien ou de réparation sur le véhicule litigieux et souligne que l'expert a conclu que l'entretien par l'ancien propriétaire a été fait 'a minima' notamment pour une intervention sur la boîte à vitesses faite par une société spécialisée dans les pneumatiques. Elle rappelle qu'il y a eu utilisation d'une huile non-conforme et que M. [E] [X] est lui-même professionnel de l'automobile en tant que vendeur de véhicules d'occasion. Elle dit encore que l'âge du véhicule, son kilométrage, ainsi que la présence d'un attelage assez marqué étaient connus de l'acheteur.

Sur ce :

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il est constant que la garantie des vices cachés suppose, pour être mise en oeuvre, que l'acheteur agisse contre une personne qui a la qualité de vendeur (direct ou au travers d'une chaîne de vente) et démontre l'existence :

- d'un vice rendant la chose impropre à son usage ou qui en diminue tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou alors à moindre prix,

- d'un vice caché, c'est-à-dire dont l'acquéreur non professionnel n'a pu se convaincre lui-même par un examen normal de la chose,

- d'un vice antérieur à la vente.

A titre liminaire il convient de noter que l'acheteur, à l'origine de la sollicitation d'une expertise judiciaire, ne verse pas aux débats le rapport concernant cette expertise.

S'agissant de la société Etablissements Perier, M. [E] [X] et Mme [D] [H] ne versent aucune pièce de nature à démontrer à quel titre elle aurait pu intervenir dans la vente. Il résulte en revanche des pièces versées par la société Etablissements Perier que celle-ci n'est intervenue qu'au titre d'un dépôt-vente (pièce n°1) et que la vente a bien été conclue entre l'ancien propriétaire, M. [C] [M] et M. [Z] [T] (pièce n°2). Cette vente a eu lieu le 22 décembre 2016 alors que le véhicule litigieux affichait un kilométrage de 169 870 km. La société Etablissements Perier a rappelé à M. [E] [X] par courrier du 10 mai 2019 (pièce n°4) qu'elle n'était pas intervenue en qualité de vendeur, mais dans le cadre d'un dépôt-vente conclu avec le vendeur. Ainsi, M. [E] [X] et Mme [D] [H] n'apportent pas la preuve de ce que la société Etablissements Perier serait intervenue en qualité de vendeur dans la chaîne des ventes. Par conséquent, et par substitution de motifs en ce qui concerne cette société, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] [X] et Mme [D] [H] formées contre elle.

S'agissant de M. [Z] [T], la qualité de vendeur n'est pas contestée et se trouve établie par les éléments versés aux débats (pièce appelant n°5). Les conclusions de l'expert judiciaire sont que :

- le véhicule présente une boîte à vitesses usée qui devra être remplacée ;

- le kilométrage du véhicule est un kilométrage où les opérations curatives sont fréquentes ;

- la durée de vie d'une boîte à vitesses dépend de l'utilisation faite du véhicule par le ou les conducteurs ; le véhicule litigieux a été utilisé comme véhicule de traction pour une remorque compte tenu de l'usure du crochet amovible de remorquage ;

- il y eu utilisation d'une huile boîte à vitesses non conforme n'étant pas la cause des problèmes rencontrés mais étant une cause aggravante ;

- les problèmes mis en évidence n'étaient pas identifiables pour un acheteur profane normalement diligent ; toutefois l'âge du véhicule, son kilométrage et le style du véhicule n'étaient pas inconnus de l'acheteur ;

- le véhicule n'est pas impropre à sa destination puisqu'il roule même depuis la mise en évidence des problèmes ; l'expert n'a constaté aucun défaut en général lors de l'essai et en particulier aucun problème lors du passage des vitesses ;

- la boîte à vitesses ne requiert pas d'entretien particulier ; l'usure a pu être accentuée par le déséquilibre du volant moteur non remplacé lors du changement du disque d'embrayage à 153 612 km ;

- le véhicule n'est pas impropre à sa destination.

Il en résulte que le défaut constaté est une usure de la boîte à vitesses, élément qui ne suppose pas d'entretien particulier et qui a pu être aggravée par l'utilisation d'une huile non adaptée. Toutefois, comme l'a relevé le tribunal, il est clairement établi que le véhicule n'est pas impropre à son usage. Il a d'ailleurs roulé plus de 11 600 kilomètres entre la première et la dernière réunion d'expertise et 31 796 kilomètres depuis l'achat par M. [E] [X]. L'expert qui a essayé le véhicule précise n'avoir remarqué aucun problème lors du passage de vitesse. Si les appelants disent que la voiture ne peut pas être utilisée dans sa fonction 4x4 ils n'en apportent pas la démonstration. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées par M. [E] [X] et Mme [D] [H] contre M. [Z] [T]. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

2. Sur les demandes en responsabilité contractuelle contre la société Garage Gaillard

M. [E] [X] et Mme [D] [H] estiment que la société Garage Gaillard qui est intervenue pour une opération d'entretien engage sa responsabilité contractuelle dans la mesure où elle est intervenue sur la boîte à vitesses sans détecter les problèmes dont cette dernière était affectée.

La société Garage Gaillard précise qu'elle n'est jamais intervenue sur la boîte à vitesses mais uniquement pour un entretien périodique avec remplacement des plaquettes de frein avant et contrôle des niveaux et pour le remplacement du frein à main.

Sur ce :

La société Garage Gaillard produit aux débats deux factures montrant qu'elle a été en lien contractuel avec le vendeur, M. [Z] [T] et qu'elle est intervenue sur le véhicule litigieux. La première est en date du 9 octobre 2017 et concerne un entretien de type vidange du moteur outre le contrôle de différents niveaux. Aucune opération mécanique n'a été faite sur la boîte à vitesses ou l'un de ses éléments. Le contrôle des niveaux n'implique en aucun cas une opération mécanique puisqu'il se fait par l'intermédiaire des jauges et qu'en l'occurrence il n'est pas noté que le niveau d'huile de la boîte à vitesses a dû être refait (pièce n°3). La seconde date du 27 février 2018 et concerne le changement de frein à main et d'un veilleuse ce qui n'implique aucune opération sur la boîte à vitesses (pièce n°4).

Par conséquent M. [E] [X] et Mme [D] [H] échouent à démontrer que la société Garage Gaillard engagerait une quelconque responsabilité contractuelle s'agissant de l'usure de la boîte à vitesses du véhicule litigieux telle qu'elle a été relevée par l'expert. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] [X] et Mme [D] [H] à l'encontre de la société Garage Gaillard.

3. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [E] [X] et Mme [D] [H] qui succombent seront tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ceux d'appel, pour la société Garage Gaillard, au profit de la Selarl Ballaloud et associés et, pour M. [Z] [T], au profit de Me Lionnel Falconnet avocat par application de l'article 699 du code de procédure civile. Ils seront, dans le même temps, déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.

Il n'est pas inéquitable de faire supporter par M. [E] [X] et Mme [D] [H] tout ou partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par M. [Z] [T], la société Garage Gaillard et la société Etablissements Perier en première instance et en appel. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il les a condamnés à payer à chacun d'eux la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ils seront condamnés in solidum à leur payer à chacun une nouvelle somme de 1 000 euros au même titre en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à dire qu'il convient d'y lire 'Madame [D] [X] née [H]' au lieu de 'Madame [D] [X] née [H]',

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [E] [X] et Mme [D] [H] aux dépens d'appel la Selarl Ballaloud et Me Lionnel Falconnet, avocat, étant autorisés à recouvrer directement auprès d'eux ceux d'appel dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision,

Déboute M. [E] [X] et Mme [D] [H] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [E] [X] et Mme [D] [H] à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel la somme de 1 000 euros à :

- la société Garage Gaillard,

- la société Etablissements Perier

- M. [Z] [T].

Ainsi prononcé publiquement le 17 avril 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

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