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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 17 avril 2025, n° 23/01509

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. E

Défendeur :

V C APS AUTOMOBILE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fouchard

Conseillers :

M. Gauvin, Mme Reaidy

Avocats :

Me Polycarpe, Me Alonso, SELARL MLB Avocats

TJ Albertville, du 7 sept. 2023, n° 23/0…

7 septembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [C], négociant automobile, a vendu le 26 mai 2022 à M. [E] [R] un véhicule de marque Renault modèle Laguna II, converti à l'éthanol, mise en circulation en 2001 et affichant un kilométrage de 118 900 km. Le prix était de 4 500 euros.

Se plaignant du fait qu'un voyant d'alerte s'allumait, M. [E] [R] a fait réparer le véhicule auprès d'un concessionnaire Renault le 8 août 2022 pour un prix de 757,30 euros. M. [E] [R] se disant victime d'une nouvelle panne le 10 octobre 2022, faisait diligenter une expertise amiable à l'issue de laquelle était diagnostiqué un problème sur la boîte de vitesses automatique.

Par acte du 14 février 2023, M. [E] [R] faisait assigner M. [V] [C] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Albertville qui se déclarait incompétent au profit du tribunal judiciaire statuant sans représentation obligatoire.

Par jugement contradictoire rendu le 7 septembre 2023, le tribunal judiciaire d'Albertville a :

- débouté M. [E] [R] de ses demandes au titre des vices cachés,

- débouté M. [E] [R] de sa demande d'expertise judiciaire,

- condamné M. [E] [R] à payer à M. [V] [C] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté l'exécution provisoire,

- condamné M. [E] [R] aux dépens.

Par déclaration du 19 octobre 2023, M. [E] [R] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [E] [R] demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre des vices cachés et de l'expertise, l'a condamné à régler à M. [V] [C] la somme de 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a constaté l'exécution provisoire et l'a condamné aux dépens,

Et, statuant de nouveau,

- constater qu'il a tenté de résoudre amiable le litige ;

Avant dire droit :

- ordonner une expertise judiciaire et confier l'expertise à tel Expert qu'il plaira avec mission habituelle en la matière,

Sur le fond :

- dire et juger que le véhicule de type LAGUNA II était entaché d'un défaut de conformité au moment de la conclusion du contrat de vente,

- dire et juger que le véhicule de type LAGUNA II est également affecté d'un vice caché et prononcer la résolution du contrat de vente,

- condamner M. [E] [R] à lui rembourser à Monsieur [R] les sommes suivantes ;

4 500 euros, en remboursement du prix de vente,

859,70 euros, au titre des frais de réparation du véhicule

1 000 euros en remboursement du préjudice de jouissance subi puisque le véhicule est hors d'état de fonctionnement, depuis le 01 août 2022,

800 euros, au titre du préjudice moral

948 euros, correspondant aux frais d'expertise,

- condamner M. [V] [C] au paiement de la somme de 3 500 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [V] [C] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Maita Polycarpe, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [V] [C] demande à la cour de :

- constater que M. [E] [R] n'apporte aucun argument ou élément de nature à justifier une remise en cause du jugement déféré,

Par conséquent,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- condamner M. [E] [R] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl MLB Avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande d'expertise avant dire droit

L'article 144 du code de procédure civile dispose que des mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause si le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer. Il est constant, en jurisprudence, qu'il ne s'agit là pour le juge que d'une simple faculté et que l'appréciation de l'utilité d'une mesure d'instruction relève du pouvoir souverain des juges du fond.

En l'espèce l'appelant reconnaît lui-même qu'il apporte des éléments de preuve au soutien de ses prétentions (conclusions p. 12 : 'une expertise, des factures d'achat et de réparation, des échanges entre les parties, des attestations de témoins'). M. [E] [R] se plaint de ce que le tribunal a estimé, pour rejeter sa demande d'expertise, que ces preuves étaient insuffisantes et que le prix du véhicule ne justifiait pas la mesure demandée. Ainsi, il est en réalité établi que le tribunal s'est estimé suffisamment informé pour ne pas avoir à ordonner une mesure d'expertise tout en considérant que les éléments fournis ne permettaient pas à l'intéressé de faire la preuve qui lui incombe de ce que ces demandes sont fondées.

La même appréciation sera apportée par la cour, laquelle peut fonder sa décision sur l'ensemble des pièces produites par les intéressés sans avoir en plus à solliciter une expertise judiciaire. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [R] de sa demande d'expertise.

2. Sur le défaut de délivrance conforme

M. [E] [R], sur le fondement des dispositions du code de la consommation, se plaint d'avoir acquis un véhicule dont la reprogrammation à l'éthanol n'était pas homologuée, ce défaut d'homologation n'ayant pas été annoncé par le vendeur. Il rappelle que c'est le vendeur lui-même qui a fait procéder à cette installation en recourant à un tiers. Il en déduit que le véhicule vendu n'était pas conforme à la législation française. M. [E] [R] ajoute que, selon l'expert, l'absence de la mention idoine sur le certificat d'immatriculation ('FE') est caractéristique d'un défaut de conformité, présent lors de la vente. Il dit encore que l'expert souligne qu'il a acquis un véhicule pouvant fonctionner à l'éthanol alors que son certificat d'immatriculation porte mention d'un fonctionnement à l'essence et que, de fait, il ne fonctionnait pas à l'éthanol mais uniquement avec du carburant essence sans plomb 95.

M. [V] [C], se fondant sur les dispositions du code civil, expose que le bien livré est en tous points conforme au bien vendu, notamment en ce qu'il dispose de toutes les caractéristiques exposées dans l'annonce publiée sur le site 'Le bon coin'. Il souligne que l'acheteur avait parfaitement connaissance de la non-homologation du système à l'éthanol dès lors que la carte grise ne faisait pas mention de l'installation. Il rappelle que le contrôle technique n'a pas relevé de problème lié à la présence d'un système à l'éthanol alors que la carte grise mentionnait seulement un carburant à l'essence sans plomb. Il ajoute que le fait de monter une reprogrammation 'Stage 1E85" telle que réalisée sur le véhicule en cause ne fait pas partie des modifications techniques notables pour lesquelles le code de la route impose un changement de certificat d'immatriculation.

Sur ce :

L'article L. 217-3 du code de la consommation dispose que : 'Le vendeur délivre un bien conforme au contrat ainsi qu'aux critères énoncés à l'article L. 217-5.

Il répond des défauts de conformité existant au moment de la délivrance du bien au sens de l'article L. 216-1, qui apparaissent dans un délai de deux ans à compter de celle-ci.'.

Selon l'article L. 217-4 du code de la consommation : 'Le bien est conforme au contrat s'il répond notamment, le cas échéant, aux critères suivants :

1° Il correspond à la description, au type, à la quantité et à la qualité, notamment en ce qui concerne la fonctionnalité, la compatibilité, l'interopérabilité, ou toute autre caractéristique prévues au contrat ;

2° Il est propre à tout usage spécial recherché par le consommateur, porté à la connaissance du vendeur au plus tard au moment de la conclusion du contrat et que ce dernier a accepté ;

3° Il est délivré avec tous les accessoires et les instructions d'installation, devant être fournis conformément au contrat ;

4° Il est mis à jour conformément au contrat.'.

L'article L. 217-5 alinéa 1 précise encore que : 'I.-En plus des critères de conformité au contrat, le bien est conforme s'il répond aux critères suivants :

1° Il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien de même type, compte tenu, s'il y a lieu, de toute disposition du droit de l'Union européenne et du droit national ainsi que de toutes les normes techniques ou, en l'absence de telles normes techniques, des codes de conduite spécifiques applicables au secteur concerné'.

En l'espèce il ressort de l'annonce publiée, d'une facture, ainsi que des propres déclarations du vendeur que le véhicule litigieux est équipé d'un kit de conversion à l'éthanol (pièces appelant n°19, 2, 7). Le rapport d'expertise amiable, contradictoirement versé aux débats (pièce appelant n°18), explique que le véhicule est 'censé fonctionner avec un carburant éthanol E85". Il en résulte que le véhicule litigieux est bien équipé, comme annoncé, d'un dispositif devant lui permettre de rouler avec du carburant à l'éthanol. Il n'est, en outre, pas démontré par l'acheteur que la question du caractère homologué ou non de l'installation était entrée dans le champ contractuel. Au surplus l'absence d'homologation du kit lui-même n'est pas établie, seule l'absence de modification de la carte grise étant avérée, laquelle ne démontre pas, par elle-même, que l'installation est non-homologuée ou hors d'état de fonctionner. La cour relève encore que l'expert se contente de noter que : 'les caractéristiques présentes sur le certificat d'immatriculation au niveau du carburant utilisable sur le véhicule ne correspondent pas aux critères prévus par la législation pour un véhicule modifié, censé fonctionner avec un carburant éthanol E85". Il ne précise en aucun cas que l'installation ne fonctionne pas ou n'est pas homologuée. Enfin aucun élément versé au dossier ne permet d'étayer la prétention de M. [E] [R] selon laquelle le véhicule ne fonctionne pas à l'éthanol : à ce titre le duplicata de la facture de réparation (pièce n°4) fait mention d'un sonde 'Lambda' ce qui est insuffisant à démontrer le défaut de fonctionnement à l'éthanol ; la facture du garage Renault ne comporte par ailleurs pas d'autres détails (pièce n°3).

Il convient dès lors de débouter M. [E] [R] de ses demandes fondées sur le défaut de délivrance conforme.

3. Sur le vice caché

M. [E] [R] précise que l'annonce pour la vente du véhicule indiquait que ce dernier était en parfait état de fonctionnement et qu'il ignorait le caractère défectueux du système de reprogrammation à l'éthanol et de la boîte de vitesses. Il en déduit que son véhicule est affecté d'un vice caché. Il estime que ce vice est nécessairement antérieur à la vente compte tenu de la proximité entre sa révélation et la vente elle-même et que, selon l'expert, il existait au moins en germe à ce moment. Il dit encore que le vice rend le véhicule impropre à sa destination dans la mesure où il se trouve hors fonctionnement.

M. [V] [C] expose que l'expert n'a pas relevé l'existence d'un dysfonctionnement du kit éthanol qui ne relèverait que des seules affirmations de M. [E] [R]. Pour ce qui concerne la boîte de vitesses, il précise que M. [E] [R] a roulé plus de 4 500 kilomètres après la vente, qu'avant la vente le passage au contrôle technique n'a révélé aucune anomalie quant cet élément. Il dit encore que la preuve qu'un dysfonctionnement de ce dernier soit apparu quelques jours après la vente n'est pas démontré, le diagnostic réalisé en août 2022 n'ayant pas révélé de problème. Il relève encore que cette question n'est absolument pas évoquée dans le courrier de M. [E] [R] en date de septembre 2022 et que l'expert expose son ignorance de la cause de la défectuosité de la pièce en question. Il rappelle encore que le garage Renault est intervenu sur la boîte de vitesses en août 2022 alors qu'aucun problème la concernant l'était signalé (vidange et dépose de la jauge) : le désordre est donc, pour le vendeur, apparu postérieurement.

Sur ce :

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il est constant que la garantie des vices cachés suppose, pour être mise en oeuvre, que l'acheteur démontre cumulativement l'existence :

- d'un vice rendant la chose impropre à son usage ou qui en diminue tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou alors à moindre prix,

- d'un vice caché, c'est-à-dire dont l'acquéreur non professionnel n'a pu se convaincre lui-même par un examen normal de la chose,

- d'un vice antérieur à la vente.

En l'espèce M. [E] [R] se plaint d'un dysfonctionnement du kit éthanol. Or, comme cela a été jugé ci-dessus, il ne produit aucune pièce à l'appui de cette prétention de nature à monter la réalité d'un dysfonctionnement de la carburation à l'éthanol.

M. [E] [R] se plaint également d'un problème affectant la boîte de vitesses. Ce problème est constaté par l'expert et non contesté par M. [V] [C]. Pour autant, il n'est pas démontré que ce dysfonctionnement existait, même en germe au moment de la vente. En effet les courriers adressés par M. [E] [R] à M. [V] [C] les 12 et 22 août 2022 (pièces n°6 et 7) ne mentionnent, pour le premier, qu'un 'voyant moteur au tableau de bord' - ce qui ne permet pas de connaître la nature ou la gravité du problème - et un 'système antipollution défaillant' - qui n'a pas de lien avec la boîte de vitesse - et, pour le second, que la question de l'éthanol. En outre, le diagnostic établi par un garage Renault en juillet 2022 (pièce n°4) ne mentionne pas de problème sur la boîte de vitesse. Cette problématique n'apparaît pour la première fois que sur un diagnostic datant d'octobre 2022 (pièce n°11) et alors même que le garage Renault est intervenu au mois d'août pour procéder à la vidange de la boîte de vitesse avec dépose et repose de la jauge, sans qu'aucun problème n'ait été alors signalé. Dès lors, l'antériorité du vice n'est pas démontrée. Pour le surplus, la cour rappelle que le véhicule litigieux a été mis en circulation pour la première fois en 2001 et qu'il affiche un kilométrage relativement élevé au moment de la vente ce qui peut impliquer une usure normale mais importe de certaines pièces telles que la boîte de vitesses.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [R] de l'ensemble de ses demandes au titre de la garantie contre les vices cachés.

4. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [E] [R] qui succombe sera tenu aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl MLB Avocats par application de l'article 699 du code de procédure civile. Il sera, dans le même temps, débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.

Il n'est pas inéquitable de faire supporter par M. [E] [R] partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par M. [V] [C]. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera condamné à lui payer une nouvelle somme de 1 000 euros au même titre en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [E] [R] de l'ensemble de ses demandes fondées sur la délivrance conforme,

Condamne M. [E] [R] aux dépens d'appel, la Selarl MLB Avocats étant autorisée à recouvrer directement auprès de lui ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Déboute M. [E] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [E] [R] à payer à M. [V] [C] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 17 avril 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

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