Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 17 avril 2025, n° 22/00076

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. P.

Défendeur :

Expedia France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

M. Figerou, Mme de Vivie

Avocats :

Me Beneteau, Me Fonrouge, Me Robert

TJ Angoulême, 4e ch., du 29 oct. 2021, n…

29 octobre 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

1- M.[P] [B] et Mme [U] [B] ont signé auprès de l'agence Expédia France un bon de commande pour un montant de 2 145,62 euros en date du 17 octobre 2019, portant sur un séjour vol inclus pour deux personnes en Russie.

A la suite de cette commande, ils ont effectué une demande de e-visa électronique.

Ne disposant pas de visas touristiques, M.et Mme [B] se sont vus refuser l'accès à l'embarquement lors du départ à Roissy.

Reprochant à la société Expédia un défaut d'information, ils ont sollicité amiablement le remboursement intégral de leur séjour.

2- Par acte du 13 novembre 2020, M. [B] a assigné la société Expédia France devant le tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 3 564,69 euros au titre du préjudice financier, de la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral, et la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral de Mme [B] outre 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement du 29 octobre 2021, le tribunal judiciaire d'Angoulême a:

- débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

M. [B] a relevé appel du jugement le 5 janvier 2022.

3- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 juin 2023, M. [B] demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 954 du Code de procédure civile, L 111-1, 1° et suivants du Code de la consommation, R 211-4 alinéa 6 du Code du tourisme et 1112-1 du Code civil, ainsi que L.211-16 et suivants du code du tourisme:

- de débouter la société Expédia de l'intégralité de ses demandes,

- d'infirmer le jugement attaqué,

en conséquence,

- de condamner la société Expédia à lui payer la somme de 7 064,69 euros en ce compris :

- 3 564,69 euros au titre de son préjudice financier,

- 3 500 euros au titre de son préjudice moral,

- de condamner l'Agence Expedia à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

4- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 février 2025, la société Expédia demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 9, 31, 32, 542, 559, 910-4, 914 et 954 du code de procédure civile, les articles L.211-17 et R.211-4 du code du tourisme et l'article 1231-3 du Code civil:

à titre principal,

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Angoulême le 29 octobre 2021, en ce qu'il a débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour d'appel de Bordeaux jugeait qu'elle a commis une faute engageant sa responsabilité,

- de débouter M. [B] de ses demandes de dommages et intérêts,

en toutes hypothèses,

- de condamner M. [B] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2025.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le respect des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

5- La société Expedia soutient que le jugement doit être confirmé pour non-respect des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Elle prétend que, d'une part, les conclusions de l'appelant ne contiennent pas l'énoncé des chefs de jugement critiqués, et que, d'autre part, elles ne développent aucun moyen visant à l'infirmation du jugement.

6- M.[B] réplique qu'il a respecté les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il ne peut lui être reproché l'absence des chefs de jugement critiqués, la simplicité et la clarté du dispositif ne permettant aucune équivoque quant à l'objet de l'appel qu'il a interjeté.

Il précise ensuite qu'il a formé appel du jugement étant insatisfait des motifs retenus par le premier juge, et que son argumentation reste sensiblement similaire à celle de première instance.

Sur ce,

7- Selon les dispositons de l'article 954 du code de procédure civile, "les conclusions comprennent l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions...

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion...

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance".

Il est admis que la déclaration d'appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqué délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel, quand les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif, de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel. Lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision, (Civ.2ème, 14 septembre 2023, n°20-18.169 P).

8- En l'espèce, aux termes du dispositif de ses conclusions d'appelant, M.[B] sollicite:

" d'infirmer le jugement attaqué,

en conséquence,

- de condamner la société Expédia à lui payer la somme de 7 064,69 euros en ce compris :

- 3 564,69 euros au titre de son préjudice financier,

- 3 500 euros au titre de son préjudice moral".

La déclaration d'appel formée par M. [B] mentionne quant à elle "appel total en ce qu'il a débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes, dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens".

9- La déclaration d'appel formée par M.[B] visant l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, il lui était loisible de solliciter dans le dispositif de ses conclusions la seule réformation du jugement critiqué, sans reprendre les chefs de dispositif critiqués.

10- Par ailleurs, la cour d'appel relève que M. [B] ne se borne pas à se référer à ses conclusions de première instance, mais détaille les moyens qu'il invoque, de sorte que ses conclusions respectent les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de la société Expedia.

11- M.[B] soutient que la société Expedia était tenue à son égard d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du service proposé, relative aux conditions applicables en matière de passeports et de visas.

Il précise que s'il avait su que le e-visa délivré par les autorités russes ne permettait pas de transit à l'aéroport de Moscou, et que pour cette raison, il leur aurait été refusé un embarquement lors du départ à Roissy, son épouse et lui n'auraient jamais passé la commande précitée.

12- La société Expedia réplique qu'elle a suffisamment rempli son obligation d'information, qu'elle avait attiré l'attention de M. [B] sur le fait qu'il devait être en possession d'un visa touristique pour effectuer son séjour, et qu'il ne peut lui être reproché le fait que les époux [B] n'ont pas pris la peine de lire les informations mises à leur disposition.

Sur ce,

13- Selon les dispositions de l'article L.111-1 1° du code de la consommation, le vendeur professionnel est tenu envers le consommateur, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service proposé.

L'article R.211-4 alinéa 6 du code du tourisme précise que l'organisateur doit apporter au voyageur les informations relatives aux conditions applicables en matière de passeports et de visas, y compris la durée approximative d'obtention des visas, ainsi que des renseignements sur les formalités sanitaires et sur le pays de destination.

L'article 1112-1 du code civil prévoit quant à lui que le débiteur de l'obligation d'information doit informer son cocontractant de toute information dont l'importance est déterminante pour le consentement de ce dernier.

14- En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. et Mme [B] ont réservé par l'intermédiaire de l'agence Expedia, un séjour pour deux personnes à [Localité 6], comprenant les billets aller-retour Paris-Saint-Pétersbourg en vol direct à l'aller, et en transit par Moscou au retour (pièce 1 [B]),

15- Or, la société Expedia verse aux débats le récapitulatif de la réservation en ligne adressée à M.[B] portant la mention "Veillez à apporter tous les papiers nécessaires (par ex. passeport, visa, permis de transit). Pour en savoir plus, rendez-vous sur notre page Visas et documents de voyage. Pour des infos pratiques sur votre destination, visitez la page Conseils aux voyageurs de France Diplomatie" (pièce 1 Expedia).

16- Le moyen développé par M. [B] selon lequel il n'aurait pas été informé de ce qu'un e-visa était insuffisant pour transiter par Moscou, ne résiste pas à la lecture de la page du site internet de la société Expedia, et du site France Diplomatie, que M. [B] avait été invité à consulter, et ce de manière aisée, au moyen de liens hyper textes fournis par l'intimée.

D'une part, la page du site Internet d'Expedia précise clairement qu'il est nécessaire de disposer d'un visa touristique pour entrer sur le territoire russe (pièce 4 Expedia).

D'autre part, la page du site France Diplomatie informe les voyageurs dans la rubrique "Conseils aux voyageurs " de ce qu'un visa est nécessaire pour séjourner ou transiter sur le territoire russe. Si elle précise effectivement que" les ressortissants français ont désormais la possibilité de se rendre à [Localité 6] et dans la région de [Localité 5] ainsi que dans la région de [Localité 4] munis d'un visa électronique", elle mentionne également bien "ATTENTION: le visa électronique n'est valable que pour les villes et les régions précitées" (pièce 5 Expedia).

17- Enfin, la société Expedia produit ses conditions générales de vente aux termes desquelles il est conseillé aux voyageurs, toujours en cliquant sur un lien hypertexte, de consulter son site internet ou celui du site diplomatie.gouv (pièce 8 Expedia).

18- L'argument développé ensuite par M. [B] selon lequel la société Expedia aurait dû l'informer des conséquences du défaut d'obtention d'un visa touristique est inopérant en l'espèce, dès lors qu'il ressort de ce qui précède qu'un visa touristique était nécessaire pour transiter en Russie hors les régions précitées ou [Localité 6] et que dès lors, il était clair que le défaut de visa touristique entraînait de fait l'impossibilité de transiter en Russie sans visa touristique.

19- Il ressort de l'ensemble de ces éléments, du récapitulatif de la réservation adressée à M. [B], des conditions générales de vente, lesquelles à chaque fois attirent l'attention du consommateur sur la nécessité de se munir des documents de voyage appropriés, et mettent à sa disposition des liens pour le renvoyer vers des informations détaillées et précises, que la société Expedia a rempli son obligation d'information à l'égard de M. [B] liée à ses documents de voyage.

En conséquence, le jugement qui a débouté M. [B] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, et de son préjudice moral sera confirmé, étant précisé à titre surabondant que les demandes de M. [B] tendant à la réparation du préjudice de son épouse, laquelle n'est pas partie à la porcédure, sont en tout état de cause irrecevables.

Sur les mesures accessoires.

20- M. [B], partie perdante, supportera les dépens de la procédure d'appel et sera condamné à payer à la société Expedia France la somme de 1500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [B] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne M. [P] [B] à payer à la société Expedia France la somme de 1500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site