CA Rennes, 4e ch., 17 avril 2025, n° 24/03399
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Armatures de Normandie (SAS)
Défendeur :
Legendre Loire (SAS), Centre hospitalier universitaire
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Desalbres
Conseillers :
Mme Malardel, M. Belloir
Avocats :
Me Huc, Me Vaills, Me Collet-Ferre, Me Samson
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Les sociétés Armatures de Normandie et Legendre Loire ont toutes deux pour activité les travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre de bâtiment.
Dans le cadre de la construction du centre hospitalier universitaire de [Localité 4] (le CHU de [Localité 4]), la société Legendre Loire a confié à la société Armatures de Normandie la réalisation d'une prestation de fourniture et pose des radiers sur les bâtiments H et I de l'hôpital, suivant contrat de sous-traitance en date du 12 avril 2023.
Le CHU, maître d'ouvrage, a missionné la société Soderec en qualité de maître d'ouvrage délégué.
Le 30 août 2023, les parties ont conclu un avenant n°1 portant sur des prestations complémentaires.
La société Legendre Loire a estimé que la société Armatures de Normandie s'est révélée défaillante dans l'exécution de sa prestation de fourniture et pose des armatures causant selon elle un retard important et l'exposant ainsi à des pénalités de retard. Par courrier recommandé du 6 octobre 2023, elle l'a mise en demeure de livrer sous huitaine le solde des armatures.
Le 16 octobre 2023 s'est tenue une réunion contradictoire d'avancement.
Le 1er novembre 2023, la société Legendre Loire a proposé un projet d'avenant n°2 que la société Armatures de Normandie a refusé de signer.
Par courriel en date du 6 février 2024, la société Legendre Loire a demandé à la société Armatures de Normandie de quitter le chantier.
Le 15 février 2024, il a été constaté par commissaire de justice que des armatures métalliques provenant d'une autre société étaient entreposées sur le chantier.
La procédure de conciliation entreprise n'ayant pas abouti, la société Armatures de Normandie a, par actes des 29 mars et 3 avril 2024, assigné la société Legendre Loire et le CHU de Nantes devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes afin d'obtenir la cessation du trouble illicite dont elle estime être victime, la condamnation de l'entrepreneur principal à reprendre les relations contractuelles et le paiement par ceux-ci de diverses sommes.
Par ordonnance contradictoire du 28 mai 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes a :
- dit que la note en délibéré de la société Legendre Loire reçue postérieurement à l'audience du 23 avril 2024 pour communication de la pièce n°9 'Proposition devenant n°2 du 01.11.23 Mail + Avenant',
- débouté la société Legendre Loire de sa demande de caducité de l'assignation délivrée le 3 avril 2024,
- constaté l'existence de contestations sérieuses,
- jugé irrecevables au titre de la procédure en référé les conclusions au fond produites par la société Armatures de Normandie,
- renvoyé les parties à se pourvoir au fond comme il appartiendra,
- condamné la société Armatures de Normandie à payer à la société Legendre Loire et au CHU de [Localité 4] la somme de 1 000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- condamné la société Armatures de Normandie aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à 74,63 euros TTC.
La société Armatures de Normandie a relevé appel de cette décision le 7 juin 2024.
L'avis de fixation à bref délai du 10 juillet 2024 a fixé la clôture et l'examen de l'affaire au 17 décembre 2024 conformément aux articles 904-1 et 905 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2024, la société par actions simplifiées Armatures de Normandie demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :
- a constaté l'existence de contestations sérieuses,
- a jugé irrecevables au titre de la procédure en référé ses conclusions au fond,
- a renvoyé les parties à se pourvoir au fond comme il appartiendra,
- l'a condamnée à payer à la société Legendre Loire et au CHU de [Localité 4] la somme de 1 000 euros chacune, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont les frais de greffe liquidés à 74,63 euros TTC, et statuant de nouveau :
- de la déclarer parfaitement recevable en ses demandes sollicitées en référé, - de déclarer que la rupture brutale et illicite des relations commerciales avec la société Legendre Loire est exclusivement imputable à cette dernière, - de constater qu'elle était seule titulaire du contrat de sous-traitance pour la fourniture et pose des radiers, ferraillage et la superstructure des bâtiments H et I du CHU de [Localité 4], dès lors, elle était parfaitement fondée à solliciter la cessation du trouble manifestement illicite et par conséquent, le rétablissement et la poursuite des relations contractuelles avec la société Legendre Loire dans le cadre du contrat de sous-traitance pour la fourniture et pose des radiers, ferraillage et la superstructure des bâtiments H et I du CHU de [Localité 4] et l'injonction de reprendre sans délai les relations contractuelles avec elle sous astreinte,
- d'ordonner l'application du paiement direct de la maîtrise d'ouvrage au bénéfice du sous-traitant agréé et irrégulièrement évincé, et par conséquent, enjoindre le CHU de [Localité 4], de reprendre sans délai le règlement des prestations restant dues à son égard,
- de condamner la société Legendre Loire, solidairement avec le CHU de [Localité 4], à lui verser les sommes restants dues au titre des travaux réalisés et non réglés au 29 février 2024, à savoir la somme totale de 178 626,73 euros, se décomposant comme suit :
- 167 752,32 euros au titre du solde des travaux engagés et réalisés arrêté au 29 février 2024,
- 10 874,41 euros au titre du solde de la retenue de garantie,
- de juger la société Legendre Loire est entièrement responsable des préjudices qu'elle a subis,
- de condamner la société Legendre Loire à lui verser en réparation intégrale des préjudices économique et moral causés :
- gains manqués (perte de marge sur coût variable) : 187 975 euros,
- coûts induits : 39 106 euros,
- perte de la valeur du fonds de commerce : 524 404 euros,
- préjudice moral et d'image : 5 000 euros,
- condamner la société Legendre Loire au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions en date du 2 septembre 2024, le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 4] demande à la cour de :
- à titre principal :
- juger qu'il est recevable et bien fondé à demander à la cour d'appel de réparer l'omission de statuer commise par le juge des référés près le tribunal de commerce de Nantes et d'y faire droit en se déclarant incompétente au profit du tribunal administratif de Nantes pour connaître de toute demande de paiement direct formulée contre lui par la société Armatures de Normandie,
A titre subsidiaire :
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté l'existence de contestations sérieuses, et juger irrecevables au titre de la procédure de référé les conclusions de la société Armatures de Normandie,
- en toutes hypothèses, condamner toute partie succombant à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
Les conclusions du 9 septembre 2024 déposées par la SAS Legendre Loire ont été déclarées irrecevables par ordonnance du président de la présente chambre du 28 octobre 2024. Cette irrecevabilité s'étend également aux conclusions déposées postérieurement par celle-ci le 17 décembre 2024. Il sera ajouté que les deux dossiers de plaidoirie déposés devant la cour contenant les pièces produites au soutien de ses écritures seront écartés des débats.
MOTIVATION
Sur les demandes présentées à l'encontre du CHU de [Localité 4]
Le CHU de [Localité 4] fait justement observer que le premier juge a omis de statuer sur l'exception d'incompétence qu'il a soulevée dans ses dernières conclusions déposées en première instance, ne renvoyant les parties à mieux se pourvoir qu'au fond. Il soutient que le présent litige relève de la juridiction administrative.
L'appelante n'a pas répondu sur ce point dans ses dernières écritures.
Les éléments suivants doivent être relevés :
En raison de l'appel formé par la SAS Armatures de Normandie à l'encontre de l'ordonnance critiquée, la présente cour est compétente pour statuer sur l'omission de statuer.
Aux termes des dispositions de l'article 75 du Code de procédure civile, s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
L'article 76 du Code de procédure civile énonce que, sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas.
Devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.
La SAS Armatures de Normandie a été acceptée par le CHU de [Localité 4], dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, en qualité de sous-traitant de la société Legendre Loire.
Une procédure de paiement direct des factures du sous-traitant par le CHU de [Localité 4], via son maître d'ouvrage délégué, a été mise en place.
L'appelante demande qu'il soit enjoint au CHU de [Localité 4] de reprendre sans délai le règlement des prestations restant dues à son égard et réclame le versement de la somme totale de 178 626,73 euros correspondant aux travaux réalisés et non réglés à la date du 29 février 2024 et au solde de la retenue de garantie.
Or, seule la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges en matière de paiement direct du sous traitant dès lors que le contrat a pour objet l'exécution d'un marché de travaux publics.
Il convient dès lors de compléter la décision entreprise et de renvoyer les parties à mieux de pourvoir conformément aux dispositions de l'article 81 du Code de procédure civile.
Sur les demandes présentées à l'encontre de la SAS Legendre Loire
En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. Ce texte a vocation à s'appliquer dans l'hypothèse où les conclusions de l'intimée ont été déclarées irrecevables (2ème Civ., 10 janvier 2019, n°17-20.018).
Sur la demande au titre de la rupture abusive
Le juge des référés a considéré que la demande présentée par la SAS Armatures de Normandie tendant à constater la rupture brutale et illicite des relations commerciales avec la SAS Legendre Loire qui serait exclusivement imputable à cette dernière se heurtait à une contestation sérieuse et relevait dès lors d'une procédure au fond.
L'appelante conteste cette décision en soutenant que le juge des référés peut statuer sur sa demande nonobstant l'existence d'une contestation sérieuse. Elle estime démontrer l'existence d'une situation d'urgence et d'un dommage imminent provoqués par la rupture brutale des relations commerciales de la part de l'entrepreneur principal. Elle réclame le paiement des sommes dues en exécution du chantier et du montant du solde de la retenue de garantie.
L'article 872 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon les dispositions de l'article 873 du Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article 442-1 du Code de commerce dispose que :
'I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
- 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
- 2° De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
- 3° D'imposer des pénalités logistiques ne respectant pas l'article L. 441-17 ;
- 4° De pratiquer, à l'égard de l'autre partie, ou d'obtenir d'elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention mentionnée à l'article L. 441-4 en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence;
- 5° De ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément à l'article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d'un contrat dans le respect de la date butoir prévue à l'article L. 441-3.
II.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.
En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
III.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne proposant un service d'intermédiation en ligne au sens du règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne, de ne pas respecter les obligations expressément prévues par le même règlement.
Toute clause ou pratique non expressément visée par ledit règlement est régie par les autres dispositions du présent titre.
L'appelante intervient en qualité de sous-traitante de la SAS Legendre Loire depuis l'année 2022 au sein de quatre chantiers, dont celui de l'hôpital de [Localité 4]. Aucune relation commerciale antérieure n'est démontrée.
La rémunération tirée des contrats conclus avec l'entrepreneur principal apparaît importante au regard de son chiffre d'affaires. C'est ainsi que ces marchés ont généré, au titre de l'exercice du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, un chiffre d'affaires de 1 096 770,44 euros HT sur un montant total de 1 775 771,71 euros HT. Ces sommes étaient légèrement inférieures l'année précédente.
Alors que les travaux de la SAS Armatures de Normandie se déroulaient au sein du chantier du CHU de [Localité 4], celle-ci a reçu le 6 février 2024 un courriel de la part de la SAS Legendre Loire. Ce message précisait que les deux parties s'étaient préalablement entretenues téléphoniquement et ajoutait que 'nous avons convenu ensemble d'un départ de vos effectifs (...), soit le 9 avril 2024". Il est également fait état d'un paiement d'une situation de travaux, de la réalisation par l'entrepreneur principal des travaux devant être achevés ainsi que de retenues 'côté Legendre'.
Le 9 février 2024, l'appelante a obtenu du tribunal de commerce de Rouen l'ouverture d'une procédure de conciliation dans le but de négocier avec la SAS Legendre Loire. Cette mesure a été prorogée à plusieurs reprises. Les suites ne sont pas connues.
Suivant un constat d'un commissaire de justice du 15 février 2024, des armatures métalliques provenant d'une société Loire Océan Armatures ont été aperçues sur le chantier.
Pour constater l'existence d'une contestation sérieuse tirée des raisons qui ont motivé la décision de la SAS Legendre Loire, il convient se se référer au contenu du courriel que celle-ci a adressé le 29 février 2024 à son sous-traitant. Dans ce message, elle lui formule de nombreux griefs, s'agissant :
- de l'insuffisance des justificatifs produits sur les quantités livrées nonobstant des demandes réitérées en cours de chantier ;
- de l'existence d'une mise en demeure délivrée le 6 octobre 2023, soit quatre mois avant la décision de rupture, en raison de retards de livraison des armatures attendues de près de cinq semaines ;
- de comportements dilatoires et insultants envers elle, notamment l'envoi au CHU d'un courrier dans lequel elle dénonce des malfaçons cachées ou un 'gain au dépend de l'ouvrage', attitude dont elle estime qu'elle pouvait atteindre son image ;
- d'un désaccord financier sur le coût de la prestation du sous-traitant.
En raison de ce différend, la SAS Legendre Loire a proposé un avenant à la SAS Armatures de Normandie qui limitait l'intervention de cette dernière à la pose des armatures, l'entrepreneur principal reprenant la gestion de leur fourniture et de leur livraison. Cette modification contractuelle n'a pas été acceptée par le sous-traitant.
Il existe ainsi une contestation sérieuse quant aux causes de la rupture du contrat qui sont susceptibles d'être motivées par l'inéxécution de la part de la SAS Armatures de Normandie de ses obligations contractuelles envers la SAS Legendre Loire.
Le trouble illicite qui permet au juge des référés de statuer même en présence d'une contestation sérieuse n'est pas suffisamment caractérisé dans la mesure où l'entrepreneur principal dispose du droit de mettre fin sans préavis au contrat après avoir notifié antérieurement à son cocontractant des griefs et autres reproches quant à la qualité de sa prestation et les modalités de son exécution, reproches qu'il lui a exposés tant lors d'un entretien téléphonique antérieur à la rupture que dans son courriel du 29 février 2024. En l'état, il ne peut lui être reproché d'avoir agi conformément aux modalités définies au point II in fine de l'article du Code du commerce susvisé.
L'appelante soutient que la condamnation de la SAS Legendre Loire à reprendre les relations contractuelles est également fondée sur la nécessité de prévenir un dommage imminent, s'agissant des importantes difficultés de trésorerie rencontrées du fait de sa dépendance économique envers son entrepreneur principal.
La SAS Legendre Loire n'est en rien responsable du fait qu'une grande partie du chiffre d'affaires de la SAS Armatures de Normandie provient de leurs relations commerciales récentes, étant toutefois rappelé qu'aucun élément comptable antérieur à l'année 2022 n'est versé aux débats. La situation de dépendance économique dans laquelle elle s'est placée vis à vis de l'entrepreneur principal, à hauteur de près de 68% de son chiffre d'affaires, n'est pas imputable à ce dernier.
Le dommage imminent allégué n'est pas suffisamment caractérisé, l'appelante n'invoquant d'ailleurs pas le risque d'une procédure collective à venir en raison de la fragilisation de sa situation financière consécutive à son retrait du marché.
Quant à l'absence d'information du CHU des événements relatés ci-dessus que celui-ci a reconnue dans ses conclusions déposées devant le juge des référés avant le 23 avril 2024, soit très peu de temps après la rupture des relations commerciales, seul le maître d'ouvrage peut estimer que cette situation lui cause un grief et se retourner éventuellement contre la SAS Legendre Loire afin d'obtenir des explications sur ce point et une régularisation de la situation le cas échéant.
Enfin, l'appelante admet elle-même dans ses dernières conclusions que, compte tenu du délai écoulé, de l'avancement du chantier du CHU de [Localité 4] confié à un autre sous-traitant, la demande de reprise des relations contractuelles 'semble pratiquement parlant difficilement envisageable' (p15).
Ces éléments motivent en conséquence le rejet de la demande présentée par la société sous-traitante.
Sur les demandes en paiement
Les parties ont convenu de fixer la rémunération de la SAS Armatures de Normandie à la somme de 650 000 euros HT (cf avenant n°1).
Il doit être constaté à la lecture des dernières conclusions de l'appelante que celle-ci réclame à l'encontre de la SAS Legendre Loire le paiement, et non le versement d'une provision que seul le juge des référés est en capacité d'octroyer, des sommes de :
- 167 752,32 euros au titre du solde des travaux engagés et réalisés, montant arrêté au 29 février 2024 ;
- 10 874,41 euros au tire du solde de la retenue de garantie.
Le tribunal de commerce a estimé que cette prétention se heurtait à une contestation sérieuse, faisant ainsi droit à l'argumentation développée par l'entrepreneur principal. Il a notamment pris en considération les griefs formulés par la SAS Legendre Loire dans ses courriers adressés à son sous-traitant 'et pour lequels la SAS Armatures de Normandie ne produit aucune réponse'.
Il doit être constaté que l'appelante ne fait aucunement référence à ces écrits dans ses dernières écritures et n'y répond dès lors pas.
Il sera rappelé en outre que l'intimée, dans son courriel du 29 février 2024 précité, faisait état de véritables avances de trésorerie consenties à son sous-traitant sans être cependant précis sur les sommes déjà payées à son sous-traitant.
Aucun élément comptable authentifié notamment par la maîtrise d'oeuvre et validé par le maître d'ouvrage n'est versé aux débats pour connaître les sommes déjà versées et celles encore dues à la SAS Armatures de Normandie, cette dernière se contentant de produire un tableau qu'elle a elle-même élaboré.
En conséquence, la demande de condamnation de la SAS Legendre Loire se heurte à une contestation sérieuse de sorte que l'ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.
S'agissant des demandes présentées en réparation intégrale du préjudice tant économique que moral, il doit être répondu qu'elles ne présentent pas un caractère provisionnel comme le Code de procédure civile l'impose, qu'un simple rapport d'expertise amiable, certes régulièrement versé aux debats, n'est pas suffisant pour chiffrer les conséquences économiques de la situation décrite ci-dessus, faute d'être corroboré par d'autres éléments de preuve et qu'enfin, au regard de la contestation sérieuse quant aux motifs et au bien fondé de la rupture contractuelle, il n'est pas à ce stade établi que la SAS Legendre Loire a commis une faute susceptible d'entraîner sa condamnation à indemniser son ancienne partenaire commerciale.
Il convient dès lors de confirmer le rejet des prétentions financières formulées par l'appelante.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
En cause d'appel, il y a lieu de condamner la SAS Armatures de Normandie au paiement au CHU de [Localité 4] de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l'article 463 du Code de procédure civile ;
- répare l'omission de statuer affectant l'ordonnance rendue le 28 mai 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes (Affaire n° 2024002827) ;
- Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
- Confirme pour le surplus l'ordonnance rendue le 28 mai 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes ;
Y ajoutant ;
- Condamne la SAS Armatures de Normandie à verser au Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 4] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne la SAS Armatures de Normandie au paiement des dépens d'appel.