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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 17 avril 2025, n° 23/01247

LYON

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

M. Seitz, M. Gauthier

Avocats :

Me Bonnet-Saint-Georges, Me Robelin, SELARL Neo Droit

TJ Lyon, ch. 3 cab. 03 C, du 24 nov. 202…

24 novembre 2022

Selon acte du 08 juin 2010, M. [G] [I] a acquis de M. et Mme [S] un fonds de commerce de bar-restauration situé [Adresse 1] à [Localité 6], qu'il exploite en entreprise individuelle.

Les locaux d'exploitation ont donné lieu à bail commercial consenti le 1er avril 1997 par M. [Z] [N], puis renouvelé les premier avril 2006 et premier avril 2015. Le contrat de bail renouvelé conclu le 13 mars 2006 définit la consistance des lieux loués dans les termes suivants : ' Un local situé au rez-de-chaussée d'une superficie d'environ 65 m2 comprenant un magasin, deux pièces à la suite, une terrasse et un petit jardin sur cour '.

M. [I] a fait édifier une véranda de 46 mètres carrés dans la cour de l'immeuble.

Selon compromis du 09 mai 2022, M. [I] a cédé son fonds de commerce à M. et Mme [T], sous la condition suspensive de l'accord du bailleur.

Par courrier d'avocat du 18 mai 2022, les consorts [Y] [N] épouse [A] et [L] [A], venant aux droits de M. [Z] [N], ont refusé leur accord, en faisant connaître que la cave et la véranda n'entraient pas dans le périmètre du bail commercial et que l'attestation de conformité de la véranda n'avait pas été communiquée ensuite des travaux.

Par assignation signifiée le 23 septembre 2022, M. [G] [I] a fait citer M. et Mme [A] à comparaître à date fixée devant le tribunal judiciaire de Lyon, afin :

- de recevoir l'autorisation judiciaire de céder le fonds aux époux [T],

- d'entendre juger que la cave et la cour-terrasse entraient dans le périmètre du bail commercial,

- d'entendre condamner les bailleurs à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 2.145 euros à titre de remboursement des provisions sur charge versées entre 2000 et 2022,

- de recevoir l'autorisation de suspendre le règlement des charges jusqu'à communication par le bailleur des justificatifs afférents.

Par jugement du 24 novembre 2022, le tribunal judiciaire a :

- débouté M. [I] de ses demandes tendant à être autorisé à céder son droit au bail commercial à M. et Mme [T] dans le cadre de la cession de son fonds de commerce, à entendre juger que la cave et la cour/terrasse font partie de l'assiette du bail commercial et de sa demande de condamnation de M. et Mme [A] à lui régler des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de leur refus abusif à la cession ;

- condamné M. et Mme [A] à payer à M. [I] la somme de 1.560 euros au titre du remboursement des provisions sur charges versées en 2020 et 2021 ;

- condamné M. [I] aux dépens qui seront recouvrés par Me Philippe Comte, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné M. [I] à payer à M. et Mme [A] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes.

M. [G] [I] a relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 16 février 2023.

***

Aux termes de ses écritures récapitulatives déposées le 15 septembre 2023, l'appelant demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

l'a débouté de ses demandes tendant à être autorisé à céder son droit au bail commercial à M. et Mme [T] dans le cadre de la cession de son fonds de commerce, à entendre juger que la cave et la cour/terrasse font partie de l'assiette du bail commercial et de sa demande de condamnation de M. et Mme [A] à lui régler des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de leur refus abusif à la cession,

l'a condamné aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Philippe Comte, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

l'a condamné à payer à M. et Mme [A] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a rejeté le surplus des demandes,

statuant à nouveau :

- le dire et juger recevable et bien-fondé en ses conclusions d'appelant, et y faire droit,

- débouter les consorts [A] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

sur la cession du bail accompagnant la cession du fonds de commerce :

- constater le caractèe non justifié et abusif du refus que lui opposent les consorts [A],

- l'autoriser en conséquence à céder son droit au bail commercial,dans le cadre d'une cession de son fonds de commerce telle que celle envisagé avec les consorts [T],

sur l'assiette du bail commercial :

- constater que la cave constitue un local accessoire au local principal donné à bail commercial,

- juger que la cave fait partie de l'assiette du bail commercial,

- constater que la cour/terrasse constitue un local accessoire au local principal donnéà bail commercial,

- juger que la cour/terrasse fait partie de l'assiette du bail commercial,

sur les dommages et intérêts :

- condamner les consorts [A] à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réaration du préudice réultant de leur refus abusif de cession,

dans l'hypothèse où la cour considèrerait pour une raison quelconque qu'elle ne peut autoriser la cession du droit au bail :

- condamner les consorts [A] à lui verser la somme de 145.000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de la cession de son fonds,

dans l'hypothèse où la cour ferait droit à sa demande d'inclure la cave, et/ou la cour/terrasse dans l'assiette du bail :

- condamner les consorts [A] à l'indemniser en raison de la perte de valeur de son fonds, pour un montant égal à la différence entre la valeur initiale du fonds (comprise entre 240.000 et 250.000 euros) et sa valeur actuelle,

- désigner un expert chargé de déterminer la valeur actuelle du fonds de commerce,

sur les frais et dépens :

- condamner les consorts [A] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [A] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions récapitulatives déposées le 14 février 2024, M. et Mme [A] demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon,

- rejeter en totalité les demandes de M. [I],

- condamner M. [I] à leur payer la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Philippe Comte, avocat, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

***

Il est référé aux conclusions des parties, ainsi qu'aux développement ci-après, pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 15 octobre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 06 février 2025. Le délibéré a été prorogé au 17 avril2025.

MOTIFS

Sur l'inclusion de la cave dans le périmètre du bail commercial :

Vu l'article L. 145-1 du code de commerce ;

Vu l'article L. 145-60 du même code ;

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

M. [I] fait valoir que la cave contenant le matériel de distribution des pressions du débit de boissons et le groupe froid de l'établissement s'avère indispensable à l'exploitation de son commerce.

Il précise également :

- que cette cave est affectée à l'usage commercial par le règlement de copropriété, à l'instar du local d'exploitation,

- qu'elle n'était accessible à l'origine que depuis le local principal, via une trappe située derrière le bar,

- qu'elle contient le système de chauffage au gaz du local, avec lequel elle partage le même réseau électrique.

Il en déduit qu'elle constitue l'accessoire du local commercial au sens de l'article L. 145-1 du code de commerce et qu'il convient en conséquence de juger qu'elle entre dans le périmètre du bail.

M. [I] ajoute que telle a d'ailleurs été l'intention des parties au contrat de bail, en se prévalant en la matière de différentes attestations.

Les époux [A] répliquent que la cave n'a jamais été incluse dans l'assiette de la location, et qu'elle n'a été occupée qu'en raison d'une simple tolérance, non créatrice de droit et non susceptible de donner lieu à prescription acquisitive. Ils contestent que la cave puisse être considérée comme un accessoire du local commercial alors qu'elle est quasiment de même surface et que les divers ouvrages de froid et de pression y ont été installés en l'absence de toute autorisation de leur part.

Ils soutiennent que l'action visant à faire reconnaître la cave comme un accessoire au local commercial se heurte en tout état de cause à la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce.

Sur ce :

L'action exercée par M. [I] se fonde en partie sur les dispositions de l'article L. 145-1 du code de commerce. Elle se trouve soumise en tant que telle au délai de prescription de l'article L. 145-60 du code de commerce.

Ce délai biennal a commencé à courir à la date à laquelle les consorts [A] ont fait connaître au preneur que la cave n'entrait pas dans le périmètre du bail, soit à compter du courrier du 25 octobre 2021 lui indiquant 'le lot 2 de la copropriété qui correspond à la cave ne fait pas partie du bail...'.

Il n'était donc pas expiré à la date du 23 septembre 2022 à laquelle M. [I] a assigné les bailleurs visant la reconnaissance judiciaire de l'inclusion de la cave dans le périmètre du bail.

La prescription alléguée n'est donc pas encourue.

Aux termes de l'article L. 145-1 du code de commerce, le statut des baux commerciaux s'étend aux ' baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal'.

Ces dispositions ont pour seul objet de déterminer les baux auxquels ce statut d'ordre public est applicable, mais ne permettent point d'étendre le périmètre d'une location à des parties d'immeubles sur lesquelles elle n'a pas été consentie, quand même revêtiraient-elles un caractère accessoire au local pris à bail.

L'action ne peut donc prospérer sur le fondement de l'article L. 145-1 du code de commerce.

M. [I] demeure cependant habile à se prévaloir de l'intention alléguée des parties de faire entrer la cave dans le périmètre du bail. L'action correspondante se trouve implicitement, mais nécessairement, fondée sur les dispositions de l'article 1134 ancien du code civil. Il lui appartient dans ce cadre de faire la preuve de l'intention prêtée aux parties.

Le contrat de bail renouvelé conclu le 13 mars 2006 dispose que les lieux loués s'entendent 'd'un local situé au rez-de-chaussée d'une superficie d'environ 65 m2 comprenant un magasin, deux pièces à la suite, une terrasse et un petit jardin sur cour'. Il ne fait nulle mention de la cave, constitutive d'un lot de copropriété distinct.

Il résulte cependant de l'attestation de Mme [D] [N] épouse [R], soeur de Mme [A], que 'la cave étant reliée au local commercial par un escalier intérieur formant un seul lot pour la location, la régie Rolin-Baison [rédactrice du bail renouvelé de 2006 en qualité de mandataire de M. [Z] [N]] n'a pas jugé bon de les dissocier sur le bail', et que 'le local a toujours été loué sous cette forme depuis le début de l'achat initial de M. [N]'.

Or, Mme [N] est particulièrement au fait de la gestion de l'immeuble, dont elle a reçu une partie des lots en donation partage de son père, qu'elle a vendus dans le cadre d'une opération de cession globale réalisée en 2020 en accord avec sa soeur, à l'occasion de laquelle l'acquéreur a renoncé à l'achat des lots 13 (local commercial) et 2 (cave litigieuse) en raison des contestations élevées par M. [I].

Mme [F], ancienne exploitante du fonds pour la période 2005 à 2010 atteste dans le même sens que Mme [N], en expliquant que ' la régie n'avait pas noté la cave sur le bail, celle-ci faisant partie du fonds de commerce'.

L'intention ainsi prêtée au bailleur de louer la cave comme partie intégrante du local commercialse trouve au demeurant corroborée par la configuration même des lieux, puisque le système de chauffage desservant le rez-de-chaussée, les frigos et le matériel de pression des boissons se trouvent situés dans la cave, que celle-ci n'était en 2006 accessible que par une trappe située dans le local principal, et qu'elle constitue la seule cave étant affectée à l'usage commercial dans le règlement de copropriété.

La preuve est suffisamment rapportée, en pareilles circonstances, de la commune intention des parties à la souscription du bail renouvelé de 2006 d'inclure la cave litigieuse dans le périmètre de la location.

Il convient en conséquence de réformer le jugement critiqué et de juger que la cave participe de l'assiette du bail.

Sur l'inclusion de la cour dans le périmètre du bail commercial :

Vu l'article L. 145-1 du code de commerce ;

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

Vu l'article 1713 du même code ;

M. [I] soutient au visa de l'article L. 145-1 du code de commerce, que la 'cour/terrasse' de l'immeuble constitue un accessoire indispensable à l'exploitation du fonds, pour conclure à son incorporation dans le périmètre du bail commercial. Il précise notamment que la privation de la cour empêcherait l'accès des personnes à mobilité réduite au restaurant.

Il soutient également que M. [Z] [N] lui a conféré un droit de jouissance exclusif sur la cour et de la terrasse, évoqué dans l'acte par lequel il a acquis le fonds de commerce en 2010.

M. et Mme [A] contestent en retour qu'un droit de jouissance ait été accordé à M. [I] sur la cour, en se prévalant sur ce point d'une analyse du Cridon datant de l'année 2020 aux termes de laquelle le bailleur ne pouvait transmettre à M. [I] plus de droit qu'il n'en disposait sur cette partie commune de l'immeuble.

Ils ajoutent que M. [I] entretient une confusion entre le 'jardin privatif et la terrasse' mentionnés au bail de 2006 et le reste de la cour, qui n'est jamais entrée dans le périmètre du bail. Ils font observer que le plan produit aux débats différencie parfaitement ces différents espaces.

Sur ce :

Il a été précédemment dit pour droit que l'article L. 145-1 du code de commerce a pour seul objet de déterminer les baux auxquels ce statut d'ordre public est applicable et ne permettent point d'étendre le périmètre d'une location à des parties d'immeubles sur lesquelles elle n'a pas été consentie, quand même revêtiraient-elles un caractère accessoire au local pris à bail.

La demande ne peut donc être accueillie sur ce fondement.

Cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que M. [I] apporte la démonstration de ce que les parties ont étendu étendre le périmètre de la location à la cour de l'immeuble.

Il convient à cet égard de rappeler que le bail du 13 mars 2006 portait sur 'un local situé au rez-de-chaussée d'une superficie d'environ 65 m2 comprenant un magasin, deux pièces à la suite, une terrasse et un petit jardin sur cour'.

Le plan de la copropriété constituant la pièce 18 des intimés révèle que le petit jardin sur cour situé à l'arrière du local principal d'exploitation se distingue du reste de la cour.

Il résulte au demeurant d'une note du Cridon en date du 16 juillet 2020 que le règlement de copropriété définit la cour de l'immeuble comme une partie commune, sur laquelle il ne confère aucun droit de jouissance privative à quelque copropriétaire que ce soit, et qu'il la distingue expressément du jardin sur cour constituant le lot 24 de la copropriété, appartenant aux consorts [A].

Aucun élément ne permet en revanche de retenir que la terrasse mentionnée au contrat de bail serait incluse dans le jardin privatif sur cour et ne s'entendrait pas plutôt de tout ou partie de la cour.

Il ressort à cet égard de l'acte notarié du 25 mai 2010, par lequel M. [I] a acquis le fonds de commerce des époux [S], que le mandataire de gestion de M. [Z] [N] a adressé au notaire instrumentaire un courrier indiquant : ' nous attirons tout particulièrement l'attention de l'acquéreur sur l'utilisation de la terrasse. A savoir qu'il est accordé la jouissance exclusive de la cour et de la terrasse (à l'exception de la partie réservée à l'occupant du rez-de-chaussée) sous réserve que celui-ci [le preneur à bail commercial] en assume l'entretien et qu'aucune nuisance ne soit apportée aux occupants de l'immeuble'.

Mme [D] [N] épouse [R], soeur de Mme [A], confirme par attestation l'existence de ce 'droit de jouissance'. Elle indique en effet : 'en 2004, nous avons donné la jouissance exclusive de la cour à M. [S] [ancien exploitant du fonds et vendeur de M. [I]] qui en contre-partie l'a remise en état pour en faire une terrasse pour son commerce, ce qui a été fait. M. [I] reprenant le commerce a continué à l'exploiter. Cette cour a toujours été exploitée sous forme de terrasse depuis de très nombreuses années et non comme une cour commune. Les locataires n'y avaient pas accès'.

Ces attestations concordantes démontrent que les parties au contrat de bail :

- ont fait entrer courant 2004, la cour commune dans le périmètre de la location, à charge pour le preneur d'en assurer l'entretien, le tout sous couvert d'un 'droit de jouissance exclusive',

- que cette volonté a été confirmée par le bailleur en 2010, à l'occasion de la vente du fonds de commerce à M. [I].

Quoique le syndicat des copropriétaires fût seul en mesure de conférer un droit de jouissance privative sur la cour commune, cette circonstance ne prive point la commune volonté des parties de portée pour ce qui concerne leurs rapports mutuels, étant rappelé le bail sur la chose d'autrui n'est pas nul ou réputé non écrit, mais produit effet entre les parties au contrat, en demeurant inopposable au propriétaire de la chose louée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de juger que la cour se trouve incluse dans le périmètre du bail, à l'exception de la partie réservée à l'occupant du local d'habitation en rez-de-chaussée.

Sur le bien-fondé du refus d'agrément opposé par M. et Mme [A] au projet de cession :

Vu l'article L. 145-16 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-387du 22 mars 2012 ;

M. [I] fait valoir qu'en raison de la contestation relative à l'inclusion de la cave et de la cour dans le périmètre du contrat de bail, il s'est gardé de faire état de celles-ci comme participant du domaine de la location dans le compromis de cession du 09 mai 2022, en informant les acquéreurs de la difficulté.

Il ajoute avoir également informé les acquéreurs de la non-conformité de la véranda.

Il considère que M. et Mme [A] ne pouvaient en conséquence invoquer la nécessité de régler au préalable le sort de la cave, de la cour et de l'absence de certificat de conformité de la véranda pour s'opposer à la cession du fonds de commerce, dans la mesure où les acquéreurs acceptaient de l'acquérir en pleine connaissance de cause des contestations afférentes.

Il ajoute que les bailleurs ne pouvaient s'emparer de bonne foi de l'absence alléguée de bail sur la cour, alors qu'ils lui avaient expressément conféré un droit de jouissance exclusive sur cette partie d'immeuble. Il estime que la mauvaise foi dont ils ont fait preuve en la matière justifie que leur refus de consentir à la cession soit qualifié d'abusif.

Il soutient également que l'avenant du 14 janvier 2013 ne l'obligeait point à corriger la non-conformité de la véranda dans un délai contraint, que ses bailleurs ne lui ont jamais demandé de réaliser les travaux idoines et qu'ils ont consenti au contraire au renouvellement du bail au 1er avril 2015, ce dont il déduit qu'ils ne pouvaient lui opposer l'absence de conformité de bonne foi pour s'opposer à la cession du fonds de commerce.

Les époux [A] répliquent que M. [I] ne pouvait laisser croire au cessionnaire que la cave ne faisait pas l'objet de revendications de leur part, alors que sa restitution avait été sollicitée de longue date. Ils considèrent que M. [I] a contracté de mauvaise foi et que cette circonstance constituait un motif légitime de s'opposer à la cession du fonds de commerce.

Ils ajoutent que M. [I] ne détient aucun droit sur la cour de l'immeuble et qu'il ne saurait en conséquence octroyer aux époux [T] plus de droit qu'il n'en disposait lui-même sur cette partie commune de l'immeuble.

Ils font valoir que M. [I] est informé de la non-conformité de la véranda depuis 2011 et s'est abstenu de réaliser les travaux de mise aux normes, malgré leurs demandes.

Il considèrent que la non-conformité des installations génère un problème de sécurité et qu'il leur était en conséquence loisible de refuser toute cession avant la réalisation des travaux de reprise.

Sur ce :

En vertu de l'article L. 145-16 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au bail renouvelé de 2006, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ou au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel sont nulles, quelle qu'en soit la forme.

Il est cependant admis que la clause dite d'agrément, par laquelle les parties soumettent la cession de bail intervenant dans le cadre d'une vente de fonds à l'agrément du bailleur ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 145-16 du code de commerce. Le bailleur ne saurait cependant refuser l'agrément sans justifier d'un motif légitime, dont la pertinence se trouve soumise au contrôle judiciaire.

Le contrat de bail renouvelé conclu le 13 mars 2006 prévoit en l'espèce que le preneur 'ne pourra céder son droit au bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise, qui devra avoir obtenu au préalable et par écrit l'agrément du bailleur. Il restera tenu, solidairement avec l'acquéreur, au respect des obligations du présent bail jusqu'à son expiration'.

Pour s'opposer par courrier d'avocat en date du 18 mai 2022 à la cession du fonds de M. [I] aux époux [T], M. et Mme [A] ont fait valoir que 'deux points restent encore à être réglés :

- d'une part la question de la cave et de la cour qui ne font pas partie de l'assiette du bail,

- d'autre part, l'attestation de conformité relative à la construction de la véranda qui n'a jamais été fournie par le preneur'.

Le motif tiré de ce que la cave et la cour ne font pas partie de l'assiette du bail ne revêt pas de caractère légitime, dans la mesure où il procède d'une affirmation dont les bailleurs n'ignorent pas qu'elle est erronée.

Le motif tiré de l'absence d'attestation de conformité renvoie à la véranda construite par M. [I] dans le courant de l'année 2011 et non point à la construction élevée par l'ancien exploitant (mentionnée dans le bail renouvelé du 13 mars 2006), dont l'acte de cession de fonds de commerce du 25 mai 2010 précise en page 5 qu'elle a été détruite.

Ce motif se trouve explicité par les termes d'un précédent courrier du 19 novembre 2021, auquel renvoie le refus d'agrément du 18 mai 2022.

Aux termes de ce courrier le bailleur précisait qu'il était nécessaire de régler la question de l'obtention de l'attestation de conformité 'afin d'éviter toute difficulté avec les futurs acquéreurs'. Les intimés ajoutent dans le cadre de la présente instance que les non-conformités de la véranda générerait un risque sur la sécurité des occupants.

Or, la véranda installée par M. [I] a fait l'objet d'un avenant au contrat de bail du 14 janvier 2013 indiquant :

- que le preneur a été autorisé à la construire par clause particulière, sous réserve de l'obtention de toutes les autorisations administratives nécessaires,

- que le bailleur prend acte de sa construction effective selon les plans et autorisations administratives jointes en annexe,

- que le preneur n'ayant pas fourni l'attestation de conformité des travaux, celui-ci ainsi que ses cessionnaires éventuels s'engagent à prendre en charge tous travaux nécessaires de mise en conformité.

Il est acquis que la construction n'est pas conforme, ce que M. [I] reconnaît expressément dans ses écritures. Cette non-conformité tient au fait que la gaine d'extraction des fumées se situe en bord de véranda alors qu'il convenait de la déplacer contre la façade du bâtiment principal (1), ainsi qu'à l'absence de parements en bois contre la véranda (2), tel que cela ressort du courriel adressé par M. [I] à M. [B] [A] le 11 avril 2022 et du compromis de cession de fonds de commerce du 09 mai 2022.

L'examen de ce compromis révèle que l'existence et la nature des non-conformité ont été portées à la connaissance des acquéreurs, ainsi que les termes de l'avenant de 2012 les obligeant à réaliser les travaux de remise aux normes, ce dont ils ont déclaré faire leur affaire.

Il résulte par ailleurs du courriel adressé par Mme [D] [N] (soeur de Mme [A]) à M. [I] le 26 juillet 2011 relativement à la prise en charge des frais de déplacement du conduit de cheminée, du courriel adressé le 11 avril 2022 par M. [I] à M. [B] [A] (fils de Mme [A]) et des propres écritures des intimés (p.16) que la non-conformité de l'installation est connue des parties depuis l'année 2011.

Aucun élément ne permet enfin d'affirmer que les non-conformités poseraient un problème de sécurité, non plus qu'il n'existe de preuve d'une quelconque demande de mise en conformité émanant des bailleurs en amont du projet de cession.

Ayant eu connaissance des non-conformités de l'ouvrage dès avant de la signature de l'avenant sans exiger quelque régularisation que ce soit en amont de la cession et ayant pris le soin d'étendre l'obligation de réaliser les travaux idoines à tout cessionnaire du fonds, les bailleurs ne pouvaient légitimement s'emparer de l'absence d'attestation de conformité ou invoquer le risque de difficultés avec les acquéreurs pour s'opposer à la cession, alors que:

- ils n'avaient jusqu'alors pas considéré la régularisation comme urgente,

- les cessionnaires avaient acheté en parfaite connaissance de ce que l'avenant de 2015 les obligeait à effectuer les travaux afférents, de sorte qu'il n'existait aucune ambiguité à cet égard,

- l'obligation ainsi transférée permettait au bailleur d'obtenir la régularisation de la situation à la première demande, nonobstant la cession du fonds,

- l'existence d'un problème de sécurité n'est nullement démontré.

Il convient en conséquence de juger que les époux [A] se sont opposés à la cession sans motif légitime et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande d'autorisation de cession aux consorts [T].

La cour ne saurait en revanche, autoriser par anticipation une autre cession alors que les conditions n'en sont pas connues et que l'acquéreur et sa solvabilité demeurent indéterminés. Il ne sera donc pas fait droit à la demande correspondante.

Sur les demandes de dommages-intérêts :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

M. [I] fait valoir que le refus injustifié de consentir à la cession a considérablement nui à sa santé mentale et l'a privé de la possibilité de se retirer de la vie active ensuite de la vente du fonds.

Il soutient avoir droit :

- à l'indemnisation de la perte de chance de céder son fonds, dans l'hypothèse où la cour considérait qu'elle ne peut autoriser la cession,

- à l'indemnisation de la perte de valeur du fonds dans l'hypothèse où la cour autoriserait au contraire la cession.

Les époux [A] estiment que les préjudices allégués ne sont pas démontrés et que le lien causal entre l'état dépressif de M. [I] et le refus d'autoriser la cession n'est pas établi, non plus d'ailleurs que la réalité de cet état.

Sur ce :

En refusant sans motif légitime d'agréer le projet de cession de fonds présenté en 2022, M. et Mme [A] ont empêché M. [I] de se retirer, comme tout commerçant, pour vivre sur le produit de la vente.

Cette circonstance a exposé M. [I] à un préjudice moral et d'agrément considérable, qu'il convient de réparer à hauteur de 25.000 euros.

Il n'est pas établi en revanche que l'état dépressif de M. [I] soit en lien avec le refus d'agréer la cession.

M. [I] n'apporte aucune preuve d'une diminution de la valeur de son fonds depuis 2022 et la cour ne saurait pallier sa carence en la matière par une mesure d'expertise judiciaire. Il y a donc lieu de rejeter la demande indemnitaire formée au titre de la perte de valeur du fonds.

Sur les frais irrépétibles et les dépens de l'instance :

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

M. et Mme [A] succombent à l'instance d'appel. Il convient en conséquence d'infirmer les dispositions du jugement critiqué relatives aux frais irrépétibles et aux dépens et de condamner les intimés aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direatc au profit de Me Philippe Comte, avocat, sur son affirmation de droit.

L'équité commande de les condamner par ailleurs à payer à M. [I] la somme de 4.000 euros en indemnisation des frais non répétibles du procès et de rejeter leur propre demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

- Infirme le jugement prononcé le 24 novembre 2022 entre les parties par le tribunal judiciaire de Lyon, en ce qu'il a :

débouté M. [G] [I] de ses demandes tendant à être autoriser à céder son droit au bail à M. et Mme [T] dans le cadre de la cession de son fonds de commerce, à entendre juger que la cave et la cour/terrasse font partie de l'assiette du bail commercial et à obtenir indemnisation du refus abusif de cession,

condamné M. [G] [I] aux frais irrépétible et aux dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :

- Juge que la cave constituant le lot n° 2 de la copropriété entre dans l'assiette du bail commercial,

- Juge que la cour/terrasse de l'immeuble entre dans le périmètre du bail commercial, à l'exception de la partie réservée à l'occupation du local d'habitation sis en rez-de-chaussée;

- Juge que le refus d'agréer la cession du fonds de commerce envisagée avec les époux [T] ne se fonde sur aucun motif légitime et revêt un caractère abusif ;

- Rejette la demande visant à l'autorisation par anticipation d'une nouvelle cession du fonds de comerce ;

- Condamne M. [L] [A] et Mme [Y] [N] à payer à M. [G] [I] la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- Condamne M. [L] [A] et Mme [Y] [N] aux dépens de première instance et d'appel ;

- Condamne M. [L] [A] et Mme [Y] [N] à payer à M. [G] [I] la somme de 4.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles ;

- Rejette le surplus des demandes.

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