CA Limoges, ch. soc., 17 avril 2025, n° 24/00383
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Immobanques (SAS)
Défendeur :
Interregionale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jeorger-Le Gac
Conseillers :
Mme Plenacoste, Mme Voisin
Avoués :
Me Debernard-Dauriac, Me Toulouse
Avocats :
Me Latapie-Sayo, SELARL Avoc'Arènes, SELARL LX Limoges
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 24 avril 2018, la société Immobanques, anciennement 'J'emprunte moins cher', représentée par son directeur général M. [H], a signé un bail commercial avec Mme [O] épouse [K] portant sur un local commercial d'environ 45 m2 situé au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 13] , cadastré section BP [Cadastre 6], pour une durée de neuf ans à compter du 1er mai 2018 jusqu'au 30 avril 2027, en contrepartie d'un loyer mensuel de 850 ' (HT) outre provision sur charges de 25 '.
Un arrêté de péril a été rendu le 5 décembre 2018 par le maire de [Localité 13] concernant l'ensemble immobilier mitoyen, sis [Adresse 3], complété par un nouvel arrêté du 9 avril 2019, mettant en demeure le propriétaire d'exécuter les réparations et mesures indispensables à préserver les bâtiments contigus.
Le 17 avril 2019, l'ensemble immobilier sis [Adresse 3] et [Adresse 11] à [Localité 13], cadastré section BP [Cadastre 7] et [Cadastre 8], a fait l'objet d'un compromis de vente entre les époux [L] et la société Interregionale [Adresse 15] Société Anonyme d'HLM (ci-après [Adresse 15]).
Par actes en date des 25 avril et 2 mai 2019, la société [Adresse 15] a assigné les propriétaires des immeubles mitoyens, dont les époux [K], devant le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Brive-la-Gaillarde aux fins d'expertise préalable aux travaux de réhabilitation. Cette expertise a été ordonnée et confiée à M. [E] par ordonnance du 23 mai 2019 du juge des référés.
L'expert a déposé son rapport le 29 décembre 2019. Il a conclu notamment que la démolition prévue de l'immeuble situé [Adresse 3] endommagerait inévitablement l'immeuble voisin situé [Adresse 2] et aurait des effets sur ses éléments, déjà en équilibre instable.
Suite à ce rapport, la société [Adresse 15] s'est rapprochée des époux [K] et a signé avec eux le 16 janvier 2020 un compromis de vente portant sur l'immeuble situé [Adresse 2].
La société [Adresse 15] a sollicité le 16 avril 2020 un permis de construire portant sur la démolition des bâtiments situés n°14 et [Adresse 3], et leur reconstruction en un seul immeuble. Ce permis a été délivré le 9 Juin 2020 par le maire de [Localité 13].
Par un arrêté de péril n°2020/3606 du 24 août 2020, le maire de [Localité 13] a reporté le délai d'exécution des travaux de démolition de l'immeuble [Adresse 3] de trois mois, soit au 14 novembre 2020.
Par acte de vente du 27 octobre 2020, la société [Adresse 15] a acquis la propriété de l'immeuble situé au [Adresse 2]. Elle a fait signifier le 30 octobre 2020 à la société Immobanques:
- une lettre du 28 octobre 2020 contenant notification du changement de propriétaire de l'immeuble [Adresse 2] et l'informant des risques importants d'effondrement de l'immeuble ;
- la résiliation à la date du 30 avril 2021 du bail commercial signé le 24 avril 2018 , soit au terme de la période triennale en cours.
Par un nouvel arrêté n°2020-4859 du 17 novembre 2020, le maire de [Localité 13] a mis en demeure les propriétaires, occupants et locataires de l'immeuble [Adresse 2] de ne plus pénétrer ou habiter dans l'immeuble à compter du 11 janvier 2021. Cet arrêté a été signifié par la société [Adresse 15] à la société Immobanques par courrier du 7 décembre 2020, portant également précision que la démolition de l'immeuble [Adresse 3] serait effectuée du 18 au 22 janvier 2021.
Par courrier de son conseil du 11 décembre 2020, la société Immobanques a contesté la validité du congé délivré et a sollicité le paiement d'une indemnité d'éviction.
Finalement, le 19 décembre 2020, la société Immobanques a quitté le local pris à bail sis [Adresse 2].
Les immeubles n°14 et [Adresse 3] ont été démolis en janvier 2021, puis ont fait l'objet d'une reconstruction achevée sur l'année 2022.
Par acte du 10 mai 2022, la société Immobanques a assigné la société [Adresse 15] devant le Tribunal judiciaire de Brive-la-Gaillarde aux fins d'annulation du congé qui lui a été signifié le 30 octobre 2020 et condamnation au paiement de la somme de 123 433 ' au titre de l'indemnité totale d'éviction, de 20.000 ' pour résistance abusive et de 5.000 ' pour préjudice moral.
Dans le cadre de l'instance, par conclusions notifiées le 15 novembre 2022, la société [Adresse 15] a offert à la société Immobanques de se positionner sur la location d'un local d'une surface de 50 m2 au rez de chaussée au sein de l'immeuble nouvellement reconstruit, étant précisé que cette offre était valable pour trois mois. La société Immobanques ne s'est pas positionnée sur la location proposée.
Par jugement du 3 mai 2024, le Tribunal judiciaire de Brive-la-Gaillarde a :
- débouté la SAS IMMOBANQUES de sa demande de voir déclarer nul le congé qui lui a été signifié le 30 octobre 2020 par la SA D'HLM INTERREGIONALE [Adresse 15],
- débouté la SAS IMMOBANQUES de sa demande de voir condamner la SA D'HLM INTERREGIONALE [Adresse 15] à lui payer la somme de 123.433 ' au titre de l'indemnité d'éviction,
- débouté la SAS IMMOBANQUES de sa demande de voir prononcer la résiliation aux torts exclusifs de la SA D'HLM INTERREGIONALE [Adresse 15] du bailleur et de la voir condamner à lui payer la somme de 123.433 ' en réparation du préjudice subi,
- débouté la SAS IMMOBANQUES de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SA D'HLM INTERREGIONALE [Adresse 15] pour résistance abusive et en réparation de son préjudice moral,
- Condamné la SAS IMMOBANQUES à payer à la SA D'HLM INTERREGIONALE [Adresse 15] la somme de 2.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la SAS IMMOBANQUES de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SAS IMMOBANQUES aux dépens,
- Rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire et qu'il n'y a pas lieu de l'écarter.
Le Tribunal Judiciaire a retenu que la SA D'HLM INTERREGIONALE [Adresse 15] avait valablement délivré le congé à la SAS IMMOBANQUES et que, en application de l'article 145-17 du Code de commerce, il n'était pas dû d'indemnité d'éviction, l'immeuble loué ne pouvant plus être occupé sans danger en raison de son état, et ce avant même la délivrance du congé puisque le preneur avait été informé par la mairie de Brive-la-Gaillarde dès le premier semestre 2020, puis par la bailleur lui-même au moment de la délivrance du congé. En outre, la SAS IMMOBANQUES n'avait pas fait valoir son droit de priorité prévue à l'article 145-17 II du Code de commerce.
Par déclaration du 27 mai 2024, la société Immobanques a interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures du 26 août 2024, la société Immobanques demande à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SAS IMMOBANQUES
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire de BRIVE du 3 mai 2024
En conséquence,
- prononcer la résiliation du bail du 24 avril 2018 aux torts exclusifs du bailleur,
- condamner la SA d'HLM INTERRÉGIONALE [Adresse 15] à payer à la SAS IMMOBANQUES la somme de 123 433 ' en réparation du préjudice subi,
Subsidiairement
- annuler le congé signifié le 30 octobre 2020 à la SAS IMMOBANQUES par acte de Me [F] commissaire de justice,
- En conséquence, prononcer la résiliation du bail du 24 avril 2018 aux torts exclusifs du bailleur
- condamner la SA d'HLM INTERRÉGIONALE [Adresse 15] à payer à la SAS IMMOBANQUES la somme de 123 433 ' en réparation du préjudice subi,
Plus subsidiairement
- condamner la SA d'HLM INTERRÉGIONALE [Adresse 15] à payer à la SAS IMMOBANQUES la somme de 123 433 ' au titre de l'indemnité totale d'éviction (indemnité principale majorée des indemnités annexes) avec intérêts à compter de l'assignation
En toute hypothèse,
- ordonner la capitalisation des intérêts
- condamner la SA d'HLM INTERRÉGIONALE [Adresse 15] à payer à la SAS IMMOBANQUES la somme de 20 000 ' pour résistance abusive et 5 000 ' pour préjudice moral.
- condamner la SA d'HLM INTERRÉGIONALE [Adresse 15] à payer à la SAS IMMOBANQUES la somme de 5 000 ' sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Immobanques fait valoir que la société [Adresse 15] a manqué à son devoir de délivrance, le programme de construction ayant été engagé sans attendre les effets du congé donné au 30 avril 2021. Elle soutient, à ce titre, que l'état d'abandon de l'immeuble résulte d'un défaut d'entretien ancien des bailleurs, engageant leur responsabilité et dont la société [Adresse 15] ne saurait s'exonérer. Elle indique que l'information donnée quant à la dangerosité de l'immeuble ne dispense pas davantage le bailleur d'indemniser son locataire, d'autant que cette information n'a été donnée que tardivement, ne lui permettant pas de mettre en demeure le bailleur de prendre les mesures conservatoires s'imposant. Elle estime avoir été maintenue dans l'ignorance de l'état d'abandon de l'immeuble par les anciens bailleurs et la société [Adresse 15] pour des raisons purement financières et que, dans ces conditions, elle doit être indemnisée du préjudice subi par la perte de son fonds de commerce, en lien causal avec les manquements du bailleur.
A titre subsidiaire, elle soutient que le congé délivré le 30 octobre 2021 est nul car formalisé dans un document intitulé 'résiliation anticipé du bail', signé par les époux [K] qui n'avaient cependant plus la qualité pour donner congé, ayant vendu leur bien immobilier à la société [Adresse 15] le 27 octobre 2021. Elle indique que l'erreur sur l'identité du bailleur est de nature à priver le congé de tout effet et rappelle que le preneur n'a pas à justifier de grief. En second lieu, elle soutient que le congé donné est nul en l'absence de droit de priorité offert au preneur pour louer dans l'immeuble reconstruit, en application de l'article L145-18 du Code de commerce. Elle indique que l'offre formalisée par le bailleur en cours de procédure (novembre 2022) ne peut régulariser ce manquement. Elle soutient, enfin, que le congé est nul car les dispositions de l'article L 145-9 du Code de commerce n'ont pas été rappelées et qu'il a été délivré sur des motifs équivoques. Elle rappelle, en outre, que la nullité du congé prononcée pour insuffisance de motivation ne prive pas le preneur de son droit à indemnité d'éviction.
Si la cour ne retenait pas la nullité du congé, elle soutient qu'une indemnité d'éviction reste due en toute hypothèse. Elle souligne que l'arrêté du 17 novembre 2020 portant interdiction d'entrer et d'habiter l'immeuble [Adresse 2] est intervenu postérieurement à la délivrance du congé et ne préconisait qu'une évacuation temporaire. La poursuite de son activité était ainsi possible et le danger a été créé par les propriétaires des deux immeubles litigieux aux droits desquels vient la société [Adresse 15].
Aux termes de ses dernières écritures du 28 octobre 2024, la société Interrégionale [Adresse 15] Société Anonyme d'HLM demande à la cour de :
- Confirmer la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Brive le 3 mai 2024.
Quoi faisant,
- Débouté de la société IMMOBANQUES dans l'entier de ses demandes, fins et conclusions.
- Condamner la société IMMOBANQUES à payer et porter 3000 ' au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE et la condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société [Adresse 15] fait valoir qu'elle n'a pas manqué à son obligation de délivrance et conteste toute collusion avec les anciens propriétaires, soulignant au contraire avoir cherché des solutions en découvrant l'état de ruine de l'immeuble pris à bail par la société Immobanques, remettant en cause son projet initial qui ne concernait au départ que l'immeuble sis [Adresse 3] et engageant des frais supplémentaires. Elle indique que la société Immobanques n'a pu se maintenir dans les lieux jusqu'à la fin de son congé en raison de l'arrêté municipal pris car l'immeuble menaçait de s'écrouler et que cette société a été dûment informée en amont de l'état de l'immeuble et de sa démolition.
Elle conteste la nullité du congé et soutient ne pas être redevable d'une indemnité d'éviction au profit de la société Immobanques, en application de l'exception prévue à l'article L145-17 du Code de commerce. Elle explique que, tout au long de l'année 2020, des propositions de nouveaux locaux ont été formulées par la mairie à la société Immobanques, que cette société savait parfaitement que l'immeuble était en ruine et allait être détruit mais n'a pas voulu l'entendre, préférant l'offre d'une indemnité à la protection des salariés et clients. Elle ajoute que la réinstallation de la société Immobanques était envisageable, qu'une proposition lui a été soumise dès août 2020, que la société ne s'est pas manifestée ultérieurement alors qu'elle avait connaissance que le rez-de-chaussée du nouvel immeuble était à destination commerciale et n'a pas donné de suite à la proposition de réservation d'un local qui lui a été formulée le 15 novembre 2022. Elle estime ainsi s'être montrée particulièrement conciliante avec la société Immobanques et que cette dernière ne peut tirer avantage de son propre choix de rester dans de nouveaux locaux, relevant en outre que ces locaux lui sont sous-loués par une entreprise du même groupe.
Elle rappelle, enfin, qu'il s'agisse du préjudice pour défaut de délivrance ou d'indemnité d'éviction, que les dommages-intérêts s'apprécient au regard du préjudice subi et que la société Immobanques aurait tout au plus subi un préjudice de 5066.20 ' + 791 ' correspondant à son coût de déménagement et d'installation de ses enseignes non reprises.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera relevé que, dans le cadre de la présente procédure d'appel, la société Immobanques articule ses prétentions en résiliation du bail commercial aux torts du bailleur en invoquant, à titre principal, le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et, à titre subsidiaire, la nullité du congé délivré par la bailleur. En première instance, la société Immobanques avait inversement formulé ses prétentions. Le juge de première instance avait débouté la société Immobanques de sa demande en nullité du congé et, en raison de la validité de ce congé, déclaré sans objet la demande subsidiaire en résiliation pour manquement à l'obligation de délivrance.
Le caractère principal ou subsidiaire des demandes s'imposant au juge (Cass., ass. plén., 29 mai 2009, no 07-20.913), la cour d'appel examinera les demandes de l'appelante telles que formulées dans le dispositif de ses conclusions.
Sur la demande de résiliation du bail commercial pour manquement du bailleur à son obligation de délivrance
Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1°de délivrer au preneur la chose louée,
2°d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée,
3°d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
L'obligation de délivrance suppose que le bien livré au preneur soit conforme à sa destination contractuelle.
L'article 1720 du même code ajoute que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et qu'il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.
Le bail commercial conclu le 24 avril 2028 entre Mme [K] et la société 'J'EMPRUNTE MOINS CHER' est conforme à ces dispositions légales en mettant à la charge du bailleur les travaux résultant de l'article 606 du code civil (page 3- paragraphe 'charges-impôts-taxes et redevance'). Il est précisé au paragraphe 'Dépenses d'entretien et de réparations'(page 4) que le bailleur prendra à sa charge:
'-les dépenses relatives aux grosses réparations relevant de l'article 606 du Code civil réalisées dans les lieux loués ou dans l'immeuble dans lequel ils se trouvent,
- dès lors qu'elles relèvent de grosses réparations de l'article 606 du Code civil: les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en accessibilité et en conformité avec la réglementation, réalisés dans les lieux loués ou l'immeuble dans lequel ils se trouvent,
- les dépenses pour travaux d'embellissement et d'amélioration qui n'excèdent pas le coût du remplacement à l'identique et qui relèvent de l'article 606 du Code civil'.
Enfin, le paragraphe 'travaux dans l'immeuble et réparations' (page 5) mentionne que 'le preneur souffrira, quelle que gêne qu'ils causent, les réparations, les reconstructions, surélévations et travaux quelconques qui seront exécutés dans l'immeuble. Conformément à l'article 1724 du code civil, si ces répérations et travaux durent plus de 21 jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé'.
En l'espèce, l'état de vétusté de l'immeuble mitoyen, sis [Adresse 3], a justifié un arrêté de péril du 5 décembre 2018 du Maire de [Localité 13] en raison de la persistance de désordres mettant en cause la sécurité publique, relevés dans un rapport d'avis technique du 13 juillet 2017 (rapport SOCOTEC), à savoir : risque de chute de la cheminée sur le trottoir et d'ardoises, charpente en bois se dégradant avec risque de pousser vers l'extérieur de la façade fragilisée et d'entraîner son effondrement sur le domaine public. Il a ainsi été enjoint au propriétaire de l'immeuble, M. [L], d'effectuer les travaux de réparation et/ou démolition nécessaires. Cet arrêté de péril a été suivi d'un nouvel arrêté du 9 avril 2019 de mise en demeure d'exécution des travaux dans un délai de deux mois.
Le bien immobilier sis [Adresse 3] a été vendu par les époux [L] à la société [Adresse 15] suivant compromis de vente du 17 avril 2019 et, afin d'exécuter les travaux prévus dans l'arrêté de péril du 5 décembre 2018, la société [Adresse 15] a saisi préalablement le Juge des référés afin de faire établir, par expertise, un état des lieux des immeubles mitoyens aux fins de mise en sécurité.
Le rapport d'expertise du 29 décembre 2019 que, suite à la visite de l'immeuble sis [Adresse 2], de nombreux désordres ont été relevés par l'expert (défaut d'entretien et d'étanchéité de la toiture, importante dégradation des parois et revêtements, effondrement du plancher bas dans une pièce de l'extension et dans un réduit) et nécessiteraient pour certains de classer l'immeuble comme inhabitable. Répondant à sa mission, l'expert a relevé que le mur séparatif entre les immeubles n°14 et [Adresse 3] était constitué de colombages bois dans lesquels étaient pris les éléments porteurs de chaque bâtiment. Il était ainsi indispensable de procéder à sa stabilisation puis à la désolidarisation des éléments avant de les enlever. Il paraissait inévitable que la démolition de l'immeuble sis [Adresse 3] endommage l'ouvrage commun aux deux immeubles et ait des effets sur les éléments déjà instables dans l'immeuble sis [Adresse 2]. L'expert soulignait que ce bâtiment étant occupé en rez-de-chaussée, le maître d'ouvrage 'devra impérativement avant la démolition mettre en demeure le propriétaire de se rapprocher de la mairie pour obtenir un arrêté de fermeture du local durant la durée des démolitions'.
S'agissant des locaux occupés par la société Immobanques, l'expert judiciaire mentionne que l'espace a fait l'objet de travaux récents, qu'il n'a pas constaté de désordres mais tout l'intérieur ayant été habillé par des doublages et plafond, il n'a pu être vu l'état des structures.
Suite à cette expertise, la société [Adresse 15] s'est rapprochée des époux [K] et un compromis de vente de l'immeuble sis [Adresse 2] a été conclu le 16 janvier 2020, sous condition suspensive d'obtention par l'acquéreur d'un permis de construire, comprenant préalablement démolition partielle des constructions existantes, avant le 15 septembre 2020, pour la réalisation sur le bien de l'opération suivante 'construction d'un immeuble comprenant sur trois niveaux, avec logements d'habitation et surface commerciale'. Le permis de construire a été obtenu le 9 Juin 2020 par le maire de [Localité 13]. La vente a été conclue par acte du 27 octobre 2020.
La société Immobanques allègue ne pas avoir été informée des travaux nécessaires résultant de l'état de l'immeuble dont elle est locataire et de l'immeuble mitoyen, et de l'incidence sur son occupation des lieux loués. Cette absence d'information alléguée est toutefois contredite par:
- l'information donnée, par mail du 4 février 2020 par Mme [Y] (société [Adresse 15]) à M. [T] (directeur régional de la société Immobanques) que la démolition de l'immeuble sis °16, exigée par arrêté de péril, pouvait avoir des incidences sur l'immeuble attenant et que, pour ces raisons, la société [Adresse 15] s'était rapprochée des époux [K] pour maîtriser les deux fonciers et les conséquences en découlant. Les travaux de démolition devaient s'effectuer avec des bâtiments libres de toute occupation en raison des risques trop importants encourus. Pour ces raisons, des solutions de relocations avaient été proposées à la société Immobanques par la mairie de [Localité 13],
- la visite de trois locaux commerciaux sis pour deux [Adresse 5] et pour le dernier au [Adresse 14] en présence de Mme [A] (responsable agence Immobanques), propositions restées sans réponse. Les services de la mairie de [Localité 13] ont également organisé entre une réunion entre les différentes parties le 5 octobre 2020, en raison des inquiétudes en matière de sécurité pour les personnes, mais la société Immobanques ne s'est pas présentée (courrier du 28 octobre 2020 du Conseiller municipal en charge du service Politiques de l'habitat reprenant les diligences effectuées auprès de la société Immobanques, mail du 16 octobre de Mme [J], chef de service Politiques de l'habitat),
- l'information donnée par mail du 27 août 2020 par Mme [J] à M. [T] que la société [Adresse 15] était prête à étudier les conditions d'un retour sur site après reconstruction. Il était demandé à la société Immobanques de faire connaître ses besoins en termes de surfaces, configuration, équipement, location et/ou vente, besoin de relogement ou non. Dès réception des besoins, une proposition serait faite par la société [Adresse 15]. L'attention était attirée sur l'urgence de la situation quant aux risques d'éboulement de l'immeuble [Adresse 3].
Il sera, en outre, relevé qu'un arrêté de péril a été affiché sur l'immeuble mitoyen, les photographies réalisées dans le cadre de l'expertise montrant également la présence de barrières pour empêcher l'accès à l'immeuble.
Une fois propriétaire de l'immeuble, la société [Adresse 15] a signalé de nouveau à la société Immobanques les risques importants d'effondrement de l'immeuble objet du bail commercial, accolé à l'immeuble [Adresse 3], frappé d'un arrêté de péril. Il était réitéré la nécessité pour la société Immobanques de déménager, devant les risques humains encourus par le personnel de la société et les clients (courrier du 28 octobre 2022 signifié par acte du 30 octobre 2022). Il était joint le procès-verbal de constat d'huissier constatant les désordres sur les deux immeubles. Pour le [Adresse 2], l'huissier avait constaté:
- au rez-de-chaussée derrière le local occupé par la banque que le plancher s'est effondré en partie dans la cave, des pierres et plaques au sol se sont effondrées,
- le mur contigu au n°16 comporte de très importantes traces d'infiltrations et d'humidité,
- les encadrements de portes de l'immeuble sont vrillés, et au dessus des portes des fissures apparaissent,
- dans le grenier, le mur contigu au n°16 est un simple mur en torchis, en partie effondré à l'intérieur du n°16.
Par arrêté du 17 novembre 2020, le Maire de [Localité 13], suite à l'arrêté de péril du 5 décembre 2018 et considérant que la démolition du [Adresse 3] peut entraîner des désordres sur le [Adresse 2], a mis en demeure le propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 2] de ne plus entrer dans l'immeuble et de faire cesser toute occupation à compter du 11 Janvier 2021. Les occupants, locataires étaient tenus de ne pas pénétrer et habiter dans l'immeuble à compter du 11 Janvier 2021.
Cet arrêté était communiqué le 7 décembre 2020 à la société Immobanques, avec réitération de demande de quitter les lieux avant la date fixée dans l'arrêté.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le départ des lieux loués de la société Immobanques s'est imposé suite à l'arrêté du 17 novembre 2020 du Maire de [Localité 13], qui n'est pas du fait du bailleur. En parallèle, des travaux ont été engagés par le bailleur, au titre des grosses réparations mises à sa charge, l'état de vétusté et l'imbrication des éléments porteurs des deux immeubles n°14 et 16 de l'[Adresse 12] nécessitant des travaux de démolition et reconstruction. Le bail commercial prévoit que ces travaux réalisés par le bailleur s'imposent au locataire.
L'état dégradé de l'immeuble résulte d'un défaut d'entretien manifestement ancien des propriétaires. Toutefois, jusqu'à son départ des lieux, la société Immobanques a disposé d'un local en bon état, conforme à l'exercice de son activité commerciale et sa volonté de se maintenir dans les lieux témoigne d'une absence d'impact sur son activité. La société Immobanques ne s'est pas manifestée auprès du bailleur aux fins de réintégrer ses locaux à l'issue des travaux réalisés.
Dans ces conditions, il n'est pas établi de manquement à l'obligation de délivrance justifiant la résiliation du bail aux torts du bailleur. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société Immobanques de sa demande à ce titre, ainsi que de sa demande d'indemnisation.
Sur la nullité du congé signifié le 30 octobre 2020 à la société Immobanques
Conformément aux dispositions de l'article L145-9 du Code de commerce, par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux commerciaux ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l'effet d'une notification faite six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l'événement prévu au contrat.
S'agissant d'un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l'expiration de l'une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l'alinéa premier ci-dessus.
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Des cas particuliers de refus de renouvellement du bailleur sont prévus notamment aux articles L145-17 et L 145-18.
Ainsi, l'article L145-17 énonce que :
I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ; 2° S'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d'insalubrité reconnue par l'autorité administrative ou s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état. II.-En cas de reconstruction par le propriétaire ou son ayant droit d'un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux, le locataire a droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit, sous les conditions prévues par les articles L. 145-19 et L. 145-20.
L'article L145-18 énonce, quant à lui, que le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-14.
Il en est de même pour effectuer des travaux nécessitant l'évacuation des lieux compris dans un secteur ou périmètre prévu aux articles L. 313-4 et L. 313-4-2 du code de l'urbanisme et autorisés ou prescrits dans les conditions prévues audits articles.
Toutefois, le bailleur peut se soustraire au paiement de cette indemnité en offrant au locataire évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent.
Le cas échéant, le locataire perçoit une indemnité compensatrice de sa privation temporaire de jouissance et de la moins-value de son fonds. Il est en outre remboursé de ses frais normaux de déménagement et d'emménagement.
Lorsque le bailleur invoque le bénéfice du présent article, il doit, dans l'acte de refus de renouvellement ou dans le congé, viser les dispositions de l'alinéa 3 et préciser les nouvelles conditions de location. Le locataire doit, dans un délai de trois mois, soit faire connaître par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception son acceptation, soit saisir la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article L. 145-58.
Si les parties sont seulement en désaccord sur les conditions du nouveau bail, celles-ci sont fixées selon la procédure prévue à l'article L. 145-56.
* En l'espèce, un courrier de résiliation anticipée du bail commercial a été signifié par la société [Adresse 15] à la société Immobanques par acte du 30 octobre 2020. Il est mentionné dans ce document que 'par la présente, Monsieur [R] [K] et Mme [I] [O], avec l'accord de la société INTERREGIONALE [Adresse 15], donnent congé à la société J'EMPRUNTE MOINS CHER pour la date du 30 avril 2021, soit au terme de la période triennale en cours'.
Au jour de la délivrance du congé, soit le 30 octobre 2020, les époux [K] n'étaient plus propriétaires de l'immeuble loué par la société Immobanques. Le congé délivré encourt ainsi la nullité du fait du défaut de capacité juridique des auteurs. Toutefois, à l'égard du locataire, il s'agit d'une irrégularité de forme nécessitant la démonstration d'un grief. Dans le cas présent, la société [Adresse 15] a fait signifier le même jour à la société Immobanques le courrier de résiliation et une lettre l'informant du changement de propriétaire. Ainsi, en dépit de la mention erronée dans l'acte de résiliation des époux [K], la société Immobanques était suffisamment en mesure d'identifier son bailleur et d'engager les actions qu'il estimait utiles.
Il n'est ainsi pas démontré de grief et la nullité du congé sera écartée pour défaut de capacité juridique des précédents propriétaires.
Le congé doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il a été donné et cette obligation de motivation s'applique également au congé délivré en application de l'article L. 145-18 pour reconstruire l'immeuble existant, lequel doit contenir des précisions suffisantes sur l'opération envisagée par le bailleur.
Il est mentionné dans le courrier de résiliation que 'le congé est effectué dans le cadre de la réalisation du programme de constriction d'un immeuble immobilier su trois niveaux, après démolition des bâtiments existants, conformément aux dispositions de l'article L145-18 du Code de commerce'. Le délai légal de six mois était laissé au locataire pour quitter les lieux.
Si le bailleur a ainsi visé un congé sur le fondement de l'article L145-8 du Code de commerce, il a modifié en cours d'instance ce motif, lui substituant le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction de l'article L145-7 du Code de commerce.
Le bailleur peut toujours invoquer des motifs qui se sont révélés après le congé, soit qu'ils résultent de faits postérieurs au congé, soit que le bailleur n'ait pu les connaître au moment du congé (Civ. 3e, 27 févr. 1991).
Après délivrance du congé, un arrêté du 17 novembre 2020 concernant l'immeuble loué à été pris par le Maire de [Localité 13]. Ainsi, considérant que la démolition de l'immeuble sis [Adresse 3], concernant lequel un arrêté de péril a été prononcé, pouvait entraîner des désordres sur l'immeuble sis [Adresse 2], le maire a mis en demeure le propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 2] de ne plus entrer dans l'immeuble et de faire cesser toute occupation à compter du 11 Janvier 2021. Les occupants, locataires étaient tenus de ne pas pénétrer et habiter dans l'immeuble à compter du 11 Janvier 2021.
Cet arrêté était communiqué le 7 décembre 2020 à la société Immobanques, avec réitération de demande de quitter les lieux avant la date fixée dans l'arrêté.
Postérieurement à la délivrance du congé, une décision de l'autorité administrative est venue signifier la dangerosité de l'occupation de l'immeuble loué et en réglementer l'accès. Les conditions de l'article L145-17 sont ainsi remplies. La société Immobanques n'a pas fait valoir son droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit (article L 145-17 II), y compris suite à la formalisation d'une proposition dans les conclusions de la société [Adresse 15] en première instance.
La nullité du congé sera écartée pour défaut de motifs.
Le courrier de résiliation reproduit les dispositions des articles L 145-14, L145-17, L 145-18, L 145-19 et L145-20 du Code de commerce.
Le jugement de première instance sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société Immobanques de sa demande de nullité du congé signifié le 30 octobre 2020. En outre, dans le cas de refus de renouvellement du bail au motif de l'article L145-17 du Code de commerce, le bailleur n'est tenu au paiement d'aucune indemnité. Le jugement de première sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Immobanques de sa demande d'indemnité d'éviction.
Sur la demande de dommages-intérêts de la société Immobanques pour résistance abusive
En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
En l'espèce, et eu égard à la solution du litige, il n'est pas démontré de caractère abusif des refus opposés par la société [Adresse 15] aux demandes de la société Immobanques.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société Immobanques de cette demande.
Sur la demande de dommages-intérêts de la société Immobanques pour résistance abusive
La société Immobanques ne justifie d'aucun comportement fautif de la société [Adresse 15] au soutien de sa demande, ni d'aucun préjudice particulier qui en résulterait.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société Immobanques de cette demande.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Immobanques succombant à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens.
Il est équitable de la condamner à payer à la société [Adresse 15] la somme de 2.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement du 3 mai 2024 du Tribunal judiciaire de Brive-la-Gaillarde en toutes ses dispositions,
CONDAMNE la société Immobanques aux dépens,
CONDAMNE la société Immobanques à payer à la société Interregionale [Adresse 15] Société Anonyme d'HLM la somme de 2.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.