CA Pau, ch. soc., 17 avril 2025, n° 23/00080
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Panofrance (SAS)
Défendeur :
Panofrance (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cautres-Lachaud
Conseillers :
Mme Sorondo, Mme Pacteau
Avocats :
Me Fauthoux, Me Petriat, Me Blüm, Me Peruilhe, SELAS Barthélemy Avocats, SCP Barthélemy Avocats
EXPOSÉ du LITIGE
M. [B] [K] a été embauché, à compter du 17 janvier 2011, par la société Wolseley France Bois et Matériaux, en qualité d'attaché technico-commercial, selon contrat à durée indéterminée à temps complet.
La société Bois et Matériaux est venue aux droits de la société Wolseley France Bois et Matériaux et, par avenant du 6 avril 2018, M. [K] a été promu, à compter du 1er mai 2018, chef de dépôt statut cadre, niveau VII échelon A coefficient 410 de la convention collective du négoce des matériaux de construction.
Par avenant du 17 décembre 2018, il est devenu directeur d'agence, niveau VII échelon A coefficient 410.
Par courrier du 20 septembre 2019, la société Bois et Matériaux a notifié un avertissement au salarié.
Le 27 octobre 2020, la société Panofrance, venue aux droits de la société Bois et Matériaux, a convoqué M. [K] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé le 3 novembre 2020.
Le 10 novembre 2020, M. [K] a été licencié pour faute grave.
Le 4 novembre 2021, il a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une contestation du licenciement.
Par jugement du 9 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Tarbes a':
- dit et jugé le licenciement de M. [B] [K] causé par une faute grave,
- débouté M. [B] [K] de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamné à verser à la Sasu Panofrance une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamné aux éventuels dépens.
Le 6 janvier 2023, M. [B] [K] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 5 avril 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [B] [K] demande à la cour de':
- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [K] à l'encontre du Jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Tarbes le 09 décembre 2022,
- Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau :
- A titre principal :
. Dire et juger que la prescription des faits fautifs est acquise.
En conséquence,
- Dire et juger que le licenciement pour faute grave prononcé par la Sas Panofrance à l'encontre de M. [K] est dénué de cause réelle et sérieuse,
- A titre subsidiaire :
. Dire et juger que la faute grave n'est pas établie à l'encontre de M. [K],
. Dire et juger que le licenciement pour faute grave prononcé par la Sas Panofrance à l'encontre de M. [K] est dénué de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Fixer le salaire de référence à 3 616,88 euros bruts mensuels,
- Condamner la Sas Panofrance à verser à M. [K] les sommes suivantes :
. 8 816,14 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 10 850,64 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 108,50 euros bruts à titre de congés payés et afférents,
. 32 551,92 euros nets, soit 9 mois de salaire, à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Dire que les sommes allouées à M. [K] porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts,
- Condamner la Sas Panofrance à payer à M. [K] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 juillet 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Panofrance demande à la cour de':
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal-fondées,
- Confirmer intégralement le jugement attaqué,
En tout état de cause,
- Débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant :
- Condamner M. [K] à verser à la société Panofrance la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner M. [K] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
1° Sur la prescription des faits fautifs
M. [K] fait valoir que les factures mentionnées dans la lettre de licenciement datent de plus de deux mois et que la preuve de la connaissance moins de deux mois avant l'engagement de leur procédure n'est pas rapportée.
L'employeur invoque la découverte le 2 octobre 2020 par M. [E], directeur de l'unité Sud, de la fourniture de marchandises à la société ADB suivant facture du 4 septembre 2020 sans paiement préalable alors qu'elle ne bénéficiait d'aucun crédit et fait valoir qu'il s'est écoulé ensuite moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.
Selon l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. La prise en compte d'un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s'il s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.
Le délai de deux mois s'apprécie du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié, étant précisé que c'est à l'employeur qu'incombe la charge de la preuve qu'il n'a eu cette connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire.
La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :
« A la suite de l'entretien qui s'est tenu le 3 novembre 2020, avec M. [C] [E], Directeur d'Unité et au cours duquel vous êtes venu seul, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave, pour le motif suivant':
Non-respect délibéré de la procédure de factures au comptant': livraison de marchandise à des clients, en indiquant le paiement comptant, alors même qu'aucun paiement ni acompte de la marchandise n'ont été effectués par le client. Ceci entraîne ainsi une augmentation fictive des chiffres de l'agence, sans aucune garantie de paiement.
Le 2 octobre 2020, [C] [E], directeur d'unité, rencontre le client ADB puis échange avec le service de crédit interne de l'entreprise, dans le but d'obtenir un crédit à hauteur de 10.000 ' pour ce client.
Ce même jour, il s'aperçoit à l'agence de [Localité 8] d'un BLO existant avec ce client. Après vérification sur le stock auprès du responsable d'exploitation, il manque effectivement 120 panneaux sous la référence 534699.
Lors de l'entretien, vous avez reconnu la facturation et la livraison de produits en date du 4 septembre 2020 sans règlement préalable. Vous avez justifié avoir agi ainsi pour être à jour des facturations des marchandises livrées, comme vous saviez que le Directeur d'Unité avait un rendez-vous commercial avec ce client le 2 octobre 2020. En outre, vous avez avoué détourner la procédure en faisant une commande de stocks pour pouvoir livrer les clients bloqués par le service de crédit interne et ne pas être bloqué par les procédures internes. En effet, au moment de la commande du client ADB, celui-ci n'avait pas d'autorisation de crédit interne puisqu'elle n'a été accordée que le 7 octobre 2020. Vous avez donc livré comptant un client qui n'a pas payé comptant.
Ensuite, le 21 octobre 2020, après échange avec [Z] [J], contrôleuse de gestion, sur la réunion qu'elle venait d'avoir avec le service de crédit interne de l'entreprise, le Directeur d'Unité est alerté des dérives importantes qui s'accumulent sur les comptes au comptant de l'agence de [Localité 8] dont vous êtes le Directeur. En effet, bon nombre de paiements indiqués comme comptants ne figurent pas sur les comptes réels de l'agence.
Après plusieurs vérifications jusqu'à la date du 3 novembre 2020, le Directeur d'Unité fait le constat suivant':
La société Castillon doit la somme de 1.478,75 ', dont la plus ancienne facture date de décembre 2019.
La société SDM est quant à elle redevable de la somme de 3.520,62'' et ce depuis le mois de mars 2020, à la suite de plusieurs factures différentes dont la première date de décembre 2019.
Le client Fort Nicole doit la somme de 4.370,09 ' à la suite de plusieurs factures émises sans paiement depuis le mois d'octobre 2019. Le client Passette doit la somme de 729,32 ' depuis le mois de décembre 2019 à la suite d'un premier versement de seulement 400 ' sur une facture totale d'un montant de 1.129 '.
Depuis le mois de mai 2020, les sociétés Marques, Cerver et Dutter doivent respectivement les sommes de 1.207,38 ', 205,76 ' et 157,99 '.
Depuis le mois de juin 2020, les clients Serres Georges et Fédération de chasse doivent respectivement les sommes de 80,64 ' et 92,88 ' après règlement d'une partie de leur facture, mais pas de la totalité sans que l'on en connaisse les raisons.
Depuis le mois de juillet 2020, le client SCI Boulodrome nous est redevable de la somme de 6.406,12 '. Pour ce client, vous n'avez d'ailleurs aucune commande, ni aucun acompte alors qu'il s'agit comme vous l'avez-vous-même écrit sur la facture manuellement d'un client de la société [D], actuellement en liquidation judiciaire.
Depuis le mois d'août 2020, les clients Ortega Fabrice et Tiny house occitane doivent respectivement les sommes de 2.738,03 ' et 199,96 '.
Depuis le mois de septembre 2020, les clients Manu Alves, et Sylvain Ruillier doivent respectivement les sommes de 156 ' et 102,44 '.
Depuis le mois d'octobre 2020, de nouveau vous avez facturé le client Manu Alves sans qu'il ne procède au paiement de ses factures précédentes, pour une somme totale de 380,92''.
Ce même mois d'octobre 2020, vous avez également livré sans paiement comptant Thomasette Sierra, et Hôtel Le Picors, qui nous sont redevables respectivement de 1.760,36 ' et 1.609,27 '.
Au total, vous avez livré depuis plusieurs mois des clients en indiquant un paiement comptant alors qu'ils nous sont redevables de la somme de 25.196,53 '.
Vos agissements sont inacceptables. Cela signifie que depuis plus d'un an, vous livrez des marchandises à des clients sans qu'ils ne paient jamais comptant, malgré ce que vous indiquez sur les factures et cela ne vous a pas empêché de continuer à les livrer d'autres marchandises sans l'assurance d'aucun paiement de leur part. A aucun moment, vous ne semblez alerté par l'ampleur des sommes dues par les clients.
Lors de l'entretien, vous avez reconnu l'ensemble des faits reprochés. Vous avez reconnu livrer des marchandises en indiquant un paiement comptant sur la facture alors que vous n'avez encaissé aucun paiement au moment de la livraison, ni même plusieurs mois après.
Votre comportement ne correspond pas à ce que nous sommes en droit d'attendre d'un Directeur d'Agence, et notamment de la rigueur et de l'exemplarité dans l'application des procédures internes de l'entreprise. En agissant ainsi, vous avez détourné les procédures de l'entreprise au profit des clients sans avoir l'assurance d'aucun paiement des marchandises.
En qualité de Directeur d'Agence, vous êtes pourtant le garant de la bonne gestion du point de vente et du respect des procédures internes.
En qualité de Directeur d'Agence, vous êtes également le garant du recouvrement des créances clients. Compte tenu ensuite des nombreuses créances clients, vous auriez dû réagir et organiser vous-même le premier niveau d'intervention en réalisant des relances téléphoniques, en vous déplaçant physiquement pour rencontrer le client. La rapidité du recouvrement est primordiale. Pourtant, vous n'avez aucunement agi face à ces situations, et vous avez laissé perdurer la situation en l'état pendant plusieurs mois sans réagir, en continuant même parfois à les livrer d'autres marchandises, laissant ainsi le risque client se dégrader davantage.
Compte tenu de votre délégation de pouvoir, c'est vous, en qualité de Directeur d'Agence, qui avez la responsabilité de veiller au respect dans les relations avec les clients de l'agence, de la réglementation applicable en matière de facturation et de la fixation des délais de paiement, ainsi qu'au respect des règles relatives au paiement en espèces.
En agissant ainsi, vous avez enfreint les règles fondamentales de procédure interne de l'entreprise et entaché toute la confiance que nous portions en vous. Vous n'avez pas exécuté votre contrat de travail de manière loyale contrairement à ce qui vous est demandé.
Pourtant, vous savez pertinemment, et ce notamment compte tenu de votre ancienneté, que conformément aux règles présentes dans les fondamentaux ' achats ' stocks ' ventes': «'tout enlèvement de marchandise au comptant doit faire l'objet d'une facturation immédiate et d'un règlement immédiat. Aucun restant dû n'est donc toléré.'»
Ces règles avaient d'ailleurs été rappelées en juin 2019 lors du Comité de l'unité sud, dont vous faites partie, à la suite du licenciement d'un directeur d'agence de cette unité pour des faits similaires. Vous savez donc également quelles sont les sanctions prises par l'entreprise en cas d'irrespect de ces règles fondamentales. Vous aviez d'ailleurs été pointé à l'occasion de ce comité d'unité puisque vous ne respectiez déjà pas correctement ces procédures.
Votre comportement est d'autant plus inacceptable que vous avez ensuite été averti par écrit pour des faits similaires le 20 septembre 2019 à la suite de nouvelles fautes découvertes. Force est de constater que vous n'en avez aucunement tenu compte et avez même de nouveau recommencé vos agissements quelques mois plus tard sans jamais les arrêter. Vos fautes n'ont cessé de perdurer dans le temps.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise s'avère impossible. Votre licenciement prend donc effet dès notification de [ce] courrier, sans indemnité de préavis ni de licenciement'».
Il en ressort qu'il est reproché au salarié l'émission de factures au comptant sans paiement corrélatif concernant les clients ADB (en fait ADB Batitoit), société Castillon, société SDM, Fort Nicole, Passette, société Marques, Cerver, Dutter Serres Georges, Fédération de chasse, SCI Boulodrome, Ortega Fabrice, Tiny House Occitane, Manu Alves, Sylvain Ruillier, Thomasette Sierra et Hôtel Le Picors. La facture au client ADB Batitoit est indiquée comme datant du 4 septembre 2020 et est donc antérieure de moins de deux mois à la convocation du 27 octobre 2020 à l'entretien préalable. L'employeur produit en pièce 14 notamment un document au 3 novembre 2020 constitué d'une liste de clients, avec pour chacun, le détail de la facturation le concernant, des avoirs, règlements par chèque ou par carte bancaire et le solde positif ou négatif le concernant,'ainsi qu'un document intitulé «'liste des restants dus au 3/11/2020'»,'et il résulte de ces pièces que les factures concernant les clients autres que la société ADB visés dans la lettre de licenciement s'échelonnent entre le 2 octobre 2019 et le 21 octobre 2020 sans qu'il s'écoule jamais deux mois entre deux factures. Des faits fautifs identiques auraient donc été réitérés à compter du premier, daté du 2 octobre 2019, jusqu'au dernier, daté du 21 octobre 2020, sans qu'il ne s'écoule jamais deux mois entre deux faits fautifs. Dès lors, aucun de ces faits n'est prescrit.
2° Sur la faute grave
En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.
Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Suivant l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute incombe à l'employeur.
Il est au préalable à observer qu'il est mentionné dans la lettre de licenciement que le salarié a reconnu tous les faits fautifs lors de l'entretien préalable mais il n'est produit aucun élément de nature à établir que tel a été le cas que ce soit avant l'entretien préalable, lors de celui-ci ou postérieurement.
Il est versé aux débats':
- par l'employeur, le courrier de notification de l'avertissement du 20 septembre 2019': il commence par l'indication du motif suivant «'Non-respect délibéré des procédures de crédit client permettant de pouvoir continuer à livrer de la marchandise à des clients bloqués par le service de crédit interne sans aucun paiement entraînant une augmentation fictive des chiffres de l'agence sans aucune garantie de paiement au moment de la livraison'» et il en résulte qu'a été reprochée au salarié l'émission de factures envers trois clients (Didier Delord, Fourcade Charpente et Sarl Menuiserie des Gaves) avec l'indication d'un paiement comptant alors qu'il n'a pas été effectué de paiement lors des livraisons, étant précisé que ces clients figuraient sur le logiciel de saisie des factures comme étant «'bloqué GERREC'»'; il est précisé que le salarié a utilisé une facturation «'en BLO'» qui permet de facturer un client «'bloqué GERREC'» à condition qu'il paie avant ou au moment de la livraison', et également que le salarié a admis lors de l'entretien préalable à la sanction avoir procédé ainsi pour pouvoir facturer des contremarques (marchandises pour lesquelles l'entreprise n'a pas de stock et effectue une commande spécifique à un fournisseur) pour lesquelles il n'avait pas pris d'acompte alors que s'agissant de clients bloqués GERREC, il aurait dû demander un acompte total au moment de la commande';
Le salarié a donc été sanctionné pour avoir facturé au comptant sans recevoir aucun paiement des clients dont il savait qu'ils ne bénéficiaient plus d'un crédit auprès de la société. Il est à noter que l'employeur indique ce qu'il en est de la facturation de contremarques à des clients bloqués GERREC mais ne dit rien de la facturation de contremarques concernant les autres clients, et qu'il n'est donc pas permis de déterminer, s'agissant d'un client non bloqué GERREC facturé au comptant, s'il doit ou non verser un acompte ou la totalité du prix lors de la commande ou payer ultérieurement, lors de l'enlèvement, lors de la livraison ou à réception de la facture.
- par l'employeur, une attestation du 3 mars 2022 de M. [C] [E], directeur de l'unité Sud de la société, suivant laquelle il a découvert début octobre 2020 lors d'une visite chez un client que ce client était livré de marchandises sans les payer au préalable alors que ne bénéficiant plus d'une ligne de crédit auprès de l'entreprise, il devait payer avant d'être livré'; il poursuit que des contrôles ont été réalisés en octobre et novembre 2020 relativement au respect des procédures clients et notamment des procédures de crédit, qui ont amené la découverte de factures datant de 2019 et 2020 de marchandises livrées et non réglées pour un montant de 25.196,53 ''; il indique qu'il était impossible à l'entreprise de procéder à des encaissements au motif que les clients n'avaient en leur possession aucun document («'pas de bons de livraison signés) et que ces clients «'n'étant pas en compte'» soit pour défaut de paiement soit parce que leur compte était suspendu, le salarié «'passait par des factures au comptant sans encaisser'»';
Il est à observer qu'il n'a pas été reproché au salarié dans la lettre de licenciement d'avoir détourné les procédures de crédit ni d'avoir émis des factures au comptant au profit de clients «'n'étant pas en compte'» ou dont le compte était suspendu pour défaut de paiement mais d'avoir émis des factures au comptant sans recevoir de paiement, l'employeur invoquant une règle suivant laquelle «'tout enlèvement de marchandise au comptant doit faire l'objet d'une facturation immédiate et d'un règlement immédiat'» et précisant «'[qu']'aucun restant dû n'est donc toléré'».
- par l'employeur, une attestation du 8 mars 2022 de Mme [Z] [J], contrôleuse de gestion, qui relate qu'a été portée à son attention lors d'une «'conf call'» [conférence téléphonique] recouvrement d'une facture émise à l'égard de la SCI Boulodrome pour solder celle d'un client [D], atteste d'un restant dû au comptant de 98 K' début novembre qu'elle considère comme particulièrement important («'nous avons atteint des sommets'»), ainsi que de la découverte de trois commandes «'passées en BLO'» les 1er, 14 et 30 octobre 2020, qui doivent être impérativement payées comptant et pour lesquelles aucun paiement n'avait été enregistré au 3 novembre 2020, et de la découverte par M. [E] d'une commande en BLO non réglée mais livrée au client ADB au 2 octobre 2020, et fait enfin état de la facturation via un compte comptant PA4X0 de clients bloqués GEREC et cite pour exemple le client CASAT BOIS.
Il est à observer qu'il n'est pas imputé au salarié dans la lettre de licenciement de manquements relativement à la facturation en «'BLO'» ou aux procédures de crédit client comme lors de l'avertissement du 20 septembre 2019, ni indiqué dans la lettre de licenciement que le client ADB'Batitoit était bloqué GERREC mais que lors d'une facturation et d'une livraison en date du 4 septembre 2020, il n'avait pas d'autorisation de crédit interne et que celle-ci lui a été accordée le 7 octobre 2020. De même, le solde restant sur la facturation au comptant est mentionné dans la lettre de licenciement comme étant de 25.196,53 ' et non de 98.000 '.
- par l'employeur, quatre pages d'un document dont deux d'en-tête qui permettent de déterminer qu'il s'agit d'un document présenté ou produit lors d'une réunion de la région ou unité Sud à [Localité 9] le 18 juin 2019'(pièce 15) ;
La troisième page comporte un en-tête «'Charges': suivi des restants dus et respect des procédures'» puis un paragraphe «'III.12'Restants dû comptant'» dans lequel il est indiqué':
«'Tout enlèvement de marchandise au comptant doit faire l'objet d'une facturation immédiate et d'un règlement immédiat (hors clients en compte facturés mensuellement). Aucun restant dû n'est donc toléré.
Le Directeur d'Agence est également le garant du recouvrement des créances clients. Il organise le premier niveau d'intervention (relances téléphoniques/déplacements) auprès des clients débiteurs avec son équipe'».
Il est ensuite fait des observations relativement aux actions à mener par le directeur d'agence (contrôle et analyse des restants dus, remontée au directeur d'agence des difficultés de recouvrement, participation à des «'Calls recouvrement mensuels'») puis mentionné que les services centraux mettent à la disposition des agences des documents aux fins de traitement des incidents de recouvrement.
La quatrième page comporte un en-tête «'restants dus comptants': vigilance sur les pratiques': rappel sur le BLO'» qui est suivi d'un tableau qui mentionne, pour chacune des agences de [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 6], le nombre total de «'BLO'» et le nombre de «'BLO'» par client, ainsi que le montant total des BLO et son montant total par client. D'après ce tableau, l'agence de [Localité 8] a 23 «'BLO'» d'un montant total de 26.088 ' là où les agences de [Localité 7] et de [Localité 6] en ont un chacune d'un montant respectivement de 2.041 ' et de 741 '. Ce tableau est suivi d'une mention en gras «'BLO': type de bon pour facturer et encaisser un client bloqué. L'encaissement doit être immédiat dès la sortie de marchandise. Ce bon ne doit pas être utilisé pour livrer avec un bon d'enlèvement/de préparation.'»
L'employeur invoque cette réunion du 19 juin 2019 dans la lettre de licenciement mais il n' établit pas que M. [K] y a participé ni qu'il a été rendu destinataire du document produit en pièce 15 ni d'aucun autre document relatif à la «'procédure de factures au comptant'» dont il lui est imputé le non-respect dans la lettre de licenciement.
En outre, cette pièce indique ce qu'il en est de «'l'enlèvement de marchandise au comptant'» mais ne dit rien de ce qu'il en est lorsque la marchandise est livrée et non enlevée, et les parties produisent quatre factures (2 concernant ADB Batitoit et 2 concernant la SCI Boulodrome) au bas desquelles figurent la même mention dactylographiée «'Réserve de propriété': Hors le cas où le paiement est intégralement effectué avant la livraison, les marchandises sont affectées d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur'», ainsi qu'un petit encadré sur lequel sont dactylographiés le numéro de la facture et sa date, destiné à être découpé et remis au vendeur avec le paiement puisqu'y figure la mention «'Papillon à joindre à votre règlement, Merci'» et qu'il est délimité par une ligne de pointillés au début de laquelle est représenté un ciseau ouvert. Il est à en déduire à tout le moins que la société Panofrance a envisagé le cas d'une réception de la facture par le client lors de la livraison ou dès après celle-ci et de son paiement consécutif à la livraison, par exemple par chèque envoyé par courrier. Pour autant, le salarié admet dans ses conclusions que suivant la procédure interne «'au comptant'», «'les clients non autorisés à procéder à un paiement différé (crédit) doivent nécessairement régler leur commande 'au comptant', c'est-à-dire au plus tard à la livraison'».
L'employeur invoque également la délégation de pouvoirs annexée à l'avenant du 6 avril 2018 au contrat de travail, faisant valoir qu'elle prévoit, en matière de gestion commerciale, qu'il appartient au salarié de veiller «'au respect, dans les relations avec les clients du dépôt, de la réglementation applicable en matière de facturation et de fixation des délais de paiement'». Cela ne dit pour autant rien des conditions de vente et des procédures internes de l'entreprise.
- par l'employeur trois documents'informatiques (en pièce 14) :
. le premier est une liste de clients, avec pour chacun, le détail de la facturation le concernant, des avoirs, règlements par chèque ou par carte bancaire et le solde positif ou négatif le concernant'; le mouvement le plus récent est un chèque du 3 novembre 2020'; il en résulte un solde général de 67.965,25 ' dû à l'entreprise le 3 novembre 2020 ;
. le second est intitulé «'liste des restants dus au 3/11/2020'»'et est suivi de deux listes de factures, avec mention pour chaque facture du nom du client, du numéro de la facture, de sa date, de sa date d'échéance, qui est systématiquement la même que celle de la facture, de son montant,'le cas échéant d'un montant au crédit, du solde dû et échu'et, pour la plupart des factures, d'un commentaire'qui est relatif à la fourniture ou non des marchandises («'marchandise non enlevée au'[date] » ou «'marchandise non livrée au'[date] » ou «'marchandise livrée le [date]'» ou «'marchandise enlevée'»), et/ou au paiement (notamment «'facture due'» «'chèque à remettre le [date]'; «'chèque à encaisser feu vert client'» «'chèque en attente'» «'chèque encaissé le 3/11/2020'» «' payé le 3/11/2020'») ; le solde total mentionné dû afférent à la première liste est de 6.021,32 ' et celui afférent à la seconde liste est de 46.888,68 ''; sous la seconde liste, a été ajoutée une mention dactylographiée «'restant dus 15.790,04 depuis le mois de mai 2020. Dont Boulodrome qui s'avère être M. [N] [D] client en LJ [liquidation judiciaire]''»';
. le troisième comprend cinq impressions écran réalisées le 4 novembre 2020 d'un fichier informatique «'opérations non soldées'»'d'un compte «'PA4X0 COMPTANT'»'avec l'indication d'un solde de 14.358,83 ' ; y figurent des opérations au crédit ou au débit concernant les clients société Castillon (3), société SDM (2), Menuiserie des Gaves (6), Fort Nicole (4), Casat Bois dans le Bâtiment (1), Tiny House Occitane (1), Birlouez (1), Marques Loïc (1), société Magicbus (1), Cerver (1), Abeilles Santé (1), Olivier Dutter (1), Boulet Sébastien (1), Gillet (1), Monget (1) et Fabre Gilles (1), Monto Grégory Barra (2), Pyrénées Bois (2), Passette Sébastien (1)';
Il y a été porté une mention dactylographiée « restants dus BM au 4 11 2020 11'669,91'» et plusieurs mentions manuscrites dont l'une «'RECAP restant dus Bois & Matériaux'» suivie d'une liste de noms de clients (Castillon, SDM, Fort Nicole, Passette, Marques Loïc, Cerver, Dutter) avec pour chacun, l'indication d'un restant dû'et, le cas échant, les additions et soustraction permettant de l'obtenir; le montant total est de 11.669,91 '';
Aucun de ces documents ne mentionne, comme indiqué sur la lettre de licenciement, un restant dû de 25.196,53 ' sur des ventes au comptant et ils ne permettent pas de déterminer un restant dû de ce montant.
Le client ADB Batitoit n'est mentionné sur aucun de ces documents.
Le témoignage de Mme [J] suivant lequel les clients facturés en compte PA4X0 (3ème document) étaient «'bloqués GERREC'» n'est corroboré par aucun document.
Les clients société Castillon, société SDM, Passette, société Marques, Cerver, Dutter, Fédération de chasse, SCI Boulodrome, Ortega Fabrice, Tiny House Occitane, Sylvain Ruillier et Hôtel Le Picors figurent sur le premier document et le solde qui y est mentionné les concernant correspond au montant mentionné dans la lettre de licenciement. Les clients Fort Nicole, Serres Georges, Alves Manu et Sierra Thomasette figurent sur le premier document mais le solde mentionné les concernant est différent du montant restant dû indiqué dans la lettre de licenciement.
Parmi les clients mentionnés dans la lettre de licenciement et figurant sur le premier document, sept ne figurent pas dans le second document (société Castillon société SDM, société Marques, Cerver, Dutter, Passette Sébastien).
S'agissant des clients qui figurent dans les deux premiers documents :
Fort Nicole':
. dans le premier document, sont mentionnées cinq factures des 2/10/2019, 16/10/2019, 11/05/2020, 26/5/2020, 7/08/2020 respectivement de 278,20 ', 2.714,93 ', 966,80 ', 410,16 ' et 2.169,99 ', et deux avoirs des 15/11/2019 et 18/09/2020 respectivement de 744,15 ' et 735,40 '';
. dans le second document, sont mentionnés
la facture du 7/08/2020, puis l'indication de son montant en débit, en crédit celle du montant de l'avoir du 18/09/2020 et le commentaire «'marchandise non enlevée au 7/8/2020'»';
l'avoir du 15/11/2019 avec l'indication de son montant au crédit et le commentaire manuscrit «'avoir sera à décompter à la fre [facture] de la Mdise [marchandise] à enlever';
Il n'est mentionné aucune facture avec en commentaire «'marchandise livrée'» ou «'marchandise enlevée'»
Serres Georges
. dans le premier document sont mentionnés une facture du 19/06/2020 de 483,84 ', un règlement du 27/07/2020 de 403,20 ' et un solde de 80,64 '';
. dans le second document, la facture ci-dessus est mentionnée, avec le commentaire «'a payé le HT . Solde facture due TVA'»';
Fédération de chasse
. dans le premier document, est mentionnée une facture du 19/06/2020 de 92,88'';
. dans le second document, cette facture est mentionnée, avec le commentaire «'marchandise livrée le 22/06. Facture due'»';
SCI Boulodrome :
. dans le premier document sont mentionnées une facture du 10/07/2020 et deux autres du 15/07/2020, d'un montant de 709,36 ', 556,86 ' et 5.139,90 ' ;
. dans le second document de la pièce 14, sont mentionnées ces trois factures, avec à chaque fois le commentaire «'marchandise enlevée facture due'»';
Concernant ce client, l'employeur produit les factures de 709,36 ' et 5.139,90 ' qui sont à en-tête de la SCI Boulodrome Thierry'et à la rubrique «'mode de règlement'», il est indiqué «'au 10/07/2020 Reste à payer'» et «'au 15/07/2020 Reste à payer'». Sur la première, il a été porté à la main les mentions «'facturation prévue au départ à [D] (ancien compte), transformée en comptant vu avec le client pour nous éviter un impayé suite à LJ'[liquidation judiciaire]» puis «'tu peux m'en dire plus stp sur ces 3 factures'''Cela ne dit rien à (mot ou nom illisible)'» puis «'vu M. [N] J'aurai du nouveau jeudi 17/09'» puis «'[O] = 1 dirigeant de [D] - livré non payé'».
Il en résulte que des ventes à crédit à un client en compte [D] portant sur des marchandises destinées à un chantier de la SCI Boulodrome ont été, compte tenu de la liquidation judiciaire du client en compte [D] et pour parer le risque d'impayé, facturées à la SCI Boulodrome, et le fait que Mme [J] atteste que c'est lors d'une conférence téléphonique recouvrement qu'elle en a été informée tend à caractériser que c'est le salarié qui l'en a avisé.
Ortega Fabrice :
. dans le premier document, sont mentionnés 3 factures des 17/07/2020, 4/08/2020 et 20/08/2020, respectivement de 4.840,75 ', 2.048,99 ' et 231,84 ', un avoir de 3.436,55 ' du 29/09/2020, et un règlement du 29/07/2020 de 947 ' par chèque';
. dans le second document, il est mentionné le numéro de la facture du' 17/07/2020, suivie de l'indication d'une date de facture et d'une échéance le 20/08/2020, puis en débit un montant qui correspond au montant total des trois factures mentionnées dans le premier document, en crédit un montant qui correspond au montant total de l'avoir et du règlement mentionnés sur ce document, et le commentaire «'PB D'ACOMPTE SUPERIEUR A FRES [factures]'»';
Tiny House Occitane :
. dans le premier document, sont mentionnées trois factures dont 2 du 14/08/2020 de 90,05 ' et 109,91 ' et une du 31/08/2020 de 13,83 '';
. dans le second document, sont mentionnées les deux factures du 14/08/2020 figurant dans le premier document, et le commentaire «'marchandise livrée le 17/08 mais litige'»';
Alves Manu:
. dans le premier document, sont mentionnées cinq factures dont une du 4/09/2020, trois du 5/10/2020 et une du 6/10/2020, d'un montant de 156 ', 102 ', 77,47 ', 41,47 ' et 159,98 '';
. dans le second document, sont mentionnées les trois factures du 5/10/2020 et celle du 6/10/2020, et, pour chacune, le commentaire «'marchandise enlevée facture due'»';
Ruillier Sylvain :
. dans le premier document, il est mentionné une facture du 30/09/2020 de 102,44 '';
. dans le second document, est mentionnée la même facture avec le commentaire «'marchandise livrée le 1/10 facture due'»';
Sierra Thomasette :
. dans le premier document, il est mentionné une facture du 12/10/2020 de 1.760,36 '';
. dans le second document, est mentionnée cette facture avec le commentaire «'marchandise livrée le 30/10. Facture due'»';
Hôtel Le Picors :
. dans le premier document, il est mentionné une facture du 21/10/2020 de 1.609,27 '';
. dans le second document, il est mentionné cette facture avec le commentaire «'marchandise livrée le 22/10 facture due'»';
De nombreux clients figurant sur le premier document comme ayant un solde débiteur ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement, et figurent sur le second document avec un commentaire «'marchandise non enlevée'», marchandise non livrée'».
Alors que les griefs sont contestés, que nombre de clients ayant un solde débiteur ne doivent en réalité rien parce qu'ils n'ont pas enlevé la marchandise ou n'ont pas été livrés, les factures ne sont pas produites, hormis deux concernant la SCI Boulodrome, ni surtout les bons d'enlèvement ou de livraison ni aucun élément permettant d'établir de façon certaine l'enlèvement ou la livraison et, concernant huit des clients mentionnés dans la lettre de licenciement (société Castillon, société SDM, société Marques, Cerver, Dutter, Passette Sébastien et Fort Nicole), il n'est rien indiqué de l'enlèvement ou de la livraison des marchandises, sauf s'agissant de Fort Nicole pour laquelle il est mentionné que l'une des factures en cause n'a pas encore donné lieu à enlèvement.
Le client Serres Georges est indiqué comme devant la TVA de 49,27 ' d'une facture, le client Tiny House Occitane est indiqué comme devant 213,79 ' sur trois factures dont deux litigieuses. Concernant le client Ortega Fabrice, indiqué comme devant 2.738,03 ', il est mentionné le règlement d'un acompte supérieur aux factures, et les factures au comptant de la SCI Boulodrome ont été émises pour parer un risque d'impayé résultant de la liquidation judiciaire du client initial.
- concernant ADB Batitoit':
. par l'employeur, la copie d'une facture n° 2051241 du 4 septembre 2020, d'un montant de 5.927,11'' (pièce 9) ; à la rubrique «'mode de règlement'», il est mentionné virement au 4/09/2020'»'; la copie étant de mauvaise qualité, il n'est pas possible d'identifier exactement les marchandises mais seulement de déterminer qu'elles consistent en des panneaux OSB d'une seule sorte et des dalles'd'une seule sorte ;
. par l'employeur, trois impressions écran,'(pièces 10, 11 et 12)':
Celle en pièce 10 date du 20 octobre 2020, est intitulée «'Visualisation clients Données de synthèse'» et à la rubrique «'Blocage client'», il est indiqué «'Client bloqué GERREC'», sans mention d'aucune date'; ce document n'établit donc pas que ADB Batitoit était «'bloqué GERREC'» le 4 septembre 2020';
Celle en pièce 11 date du 20 octobre 2020, et est intitulée «'Lignes de commande de vente'». Y figurent un n° de commande (HE44468), une indication «'TpCde BLO Livraison (blo)'», et 4 lignes de quatre produits différents (PX OSB3 KRONOPLY3, DALLE OSB3 KRONOPLY3 à un prix de 4,96 '/m2, DALLE OSB3 KRONOPLY3 à un prix de 6,9 '/m2 et DALLE OSB3 CE2+) avec l'indication pour chacun d'un nombre d'unités et d'un prix net au m2';
Cette pièce n'est pas, comme allégué par la société Panofrance, un bon de livraison, et il est certain que les marchandises qui y sont mentionnées ne sont pas exactement les mêmes que celles objet de la facture du 4 septembre 2020 puisqu'elles consistent en des panneaux OSB et en quatre sortes de dalles.
Celle en pièce 12 date du 20 octobre 2020, est intitulée «'Lettrage manuel des comptes auxiliaires'» et y figurent une facture n° 02051241 du 4 septembre 2020 de 5.927,11 ', un avoir n° 02052565 du 10 septembre 2020 de 2.083,22 ' et une facture n° 02053306 du 11 septembre 2020 de 358,80 '';
. par le salarié, des mails échangés avec ADB'Batitoit :
le 9 septembre 2020, les mails ont pour objet «'facture Montaigu'»': M. [X], «'binôme ATC'» de l'agence de [Localité 8], indique adresser à ADB Batitoit une facture correspondant à un enlèvement d'OSB réalisé le 9 septembre 2020, puis ADB Batitoit indique «'Pas de pièce jointe'», puis M. [X] répond «'Cordialement'» mais sans joindre aucune pièce à son mail';
le 17 septembre 2020, des mails ayant pour objet «'Facture de septembre 2020'de contremarques»': Mme [T], assistante commerciale et administrative de l'agence de [Localité 8], indique adresser à ADB une facture de septembre de contremarques'que le salarié a facturées ; ADB Batitoit répond n'avoir pris que 2 palettes d'OSB15, soit 120 panneaux, et demande de régulariser'; le salarié répond que la régularisation a été faite via un avoir n° FE62375 et une refacturation n° FE62406 et que le client a 60 panneaux réservés sur le stock de l'agence';
le 17 septembre 2020, des mails ont pour objet «'Facture Montaigu'»': ADB Batitoit indique au salarié que 358,80 ' restent à payer, qu'il lui reste en avoir 1.724,42 ', qu'il est nécessaire d'envoyer les factures avant de relancer les clients, qu'elle prendra la dernière palette d'OSB dès que possible et que «'pour les dalles on verra'», puis le salarié répond faire le nécessaire pour que «'tout soit le plus lisible possible et qu'il n'y ait pas ou plus d'ambiguïtés'», puis ADB Batitoit confirme qu'elle passera prendre la dernière palette de panneaux';
le 2 octobre 2020, des mails ont pour objet «'Facture Montaigu'»': le salarié adresse à ADB une facture «'régularisant les 2 palettes d'OSB enlevées le 9/09/20'» et pour lesquelles il indique qu'un virement est attendu, et poursuit qu'il va adresser par un autre mail le récapitulatif des mouvements de facturation sur septembre';
le mardi 27 octobre 2020, le salarié adresse à ADB Batitoit un mail ayant pour objet «'Panneaux OSB 15 mm'», par lequel il indique communiquer une facture de panneaux OSB 15 mm et en demande le paiement par virement «'au crédit avant lundi'»'; est jointe à ce mail une facture n° 2075884 du 27 octobre 2020 de 1.041,61 ''portant sur 60 panneaux OSB3 KRONOPLY3 et sur laquelle figurent les mentions «'stock en attente enlèvement'» et, à la rubrique «'mode de règlement'»': « virement au 27/10/2020 Reste à régler'»';
. par le salarié, un accusé de réception d'un ordre de virement du 27 octobre 2020'de 1.041,61 ' au bénéfice de la société Panofrance (pièce 9) ; la référence qui y est mentionnée, «'PANOFRANCE F/2075884'»,'correspond à la facture visée par le salarié dans son mail du 27 octobre 2020';
Dans ses conclusions, l'employeur fait valoir que ADB Batitoit était «'bloqué GERREC'» mais les pièces ci-dessus n'établissent pas que tel était le cas le 4 septembre 2020 et dans la lettre de licenciement, cela n'est pas invoqué ni un manquement aux règles de crédit, et il est indiqué que le salarié a reconnu la facturation et la livraison de produits en date du 4 septembre 2020 sans règlement préalable et que ce client s'est vu accorder un crédit postérieurement. Les pièces ci-dessus tendent à établir que cette facture du 4 septembre 2020 portait sur des contremarques, qui ont été enlevées pour partie le 9 septembre 2020 et pour partie postérieurement, pour lesquelles il a été vu que les indications figurant dans l'avertissement du 20 septembre 2019 permettent de déterminer qu'elles doivent donner lieu au paiement d'un acompte d'un montant égal à leur prix s'agissant des clients ne bénéficiant plus de crédit mais qu'il n'est rien dit concernant les autres clients. Alors en outre que seul un fait volontaire peut constituer une faute, les pièces ci-dessus caractérisent une difficulté tenant au défaut de communication effective au client d'une facture du 9 septembre 2020. Enfin, il n'est visé aucun restant dû dans la lettre de licenciement, le client ADB Batitoit ne figure pas dans les documents produits par l'employeur comme ayant un solde débiteur au 3 novembre 2020 et d'après les échanges de mails produits par le salarié, le client ADB Batitoit a effectivement acheté à la société Panofrance des panneaux OSB qu'il a enlevés en deux fois et a réglé le 27 octobre 2020 les panneaux enlevés en second lieu qui ne l'avaient pas été jusqu'alors puisqu'ils sont mentionnés sur une facture du même jour comme «'stock en attente enlèvement'». Il résulte de ces éléments qu'aucun manquement n'est avéré concernant ce client.
- par le salarié une note du 11 décembre 2019 destinée à un salarié ([M] [V]) relative à une livraison à intervenir le lendemain au client «'SDM'»': «'Pas de déchargement de marchandise sans moyen de règlement en face, à remise immédiate. Comme vu par téléphone le 11/12/2019 avec M. [G].'»';
- par le salarié, un accusé de réception d'un ordre de virement du 27 octobre 2020 de 1.041,61 ' de la société ADB au bénéfice de Panofrance';
- par le salarié, des photographies d'un tableau conférence qui attestent d'une réunion de l'agence de [Localité 8] le 17 décembre 2019 portant notamment sur les «'paiements et procédures'» à propos desquels il est écrit':'«'Livraison sans paiement': Fini ou Sanction'», puis «'Acompte obligatoire'» suivi de «'Audit'!'» «'Limiter les chèques'» «'Priorité virement/CB [carte bleue] sur les gros montants'»';
- par le salarié, une attestation du 11 mai 2022 de M. [S] [A], ancien directeur de l'agence de [Localité 10], qui vante la gestion du salarié, son efficacité en matière de recouvrement, dit avoir été choqué par son licenciement et indique que M. [E] semblait avoir dès sa prise de fonction un grief extra-professionnel à l'égard du salarié ;
S'agissant d'un salarié d'une autre agence que celle de [Localité 8], même élu au CSE, il n'est pas caractérisé qu'il est à même d'attester de quoi que ce soit concernant les faits imputés au salarié, et il ne fait que donner son avis relativement aux relations du salarié avec son supérieur hiérarchique sans l'étayer en rien.
- par l'employeur, deux attestations des 4 et 11 juillet 2022 du directeur de l'agence de [Localité 7] et de l'ancien directeur de l'agence de [Localité 5] qui vantent les qualités et l'intégrité professionnelles de M. [E]';
- par le salarié, un document intitulé «'convention 2020 Panofrance Unité Sud'» qui n'amène rien relativement aux faits de la cause';
Au vu de ces éléments, le licenciement est motivé par des manquements du salarié aux procédures internes à l'entreprise en matière de facturation au comptant mais il n'est pas permis de déterminer quelles sont exactement les procédures internes en cause. Par ailleurs, il a été retenu l'absence de tout manquement concernant la société ADB Batitoit, et même à considérer les clients Serres Georges, Tiny House Occitane, Ortega Fabrice et SCI Boulodrome pour lesquels un restant dû sur une facturation au comptant est avéré ou paraît l'être (Ortega Fabrice), soit il est minime (Serres Georges qui reste devoir la TVA de 80,64 '), soit il résulte d'un litige et également minime (Tiny House Occitane pour 213,79 '), soit il s'agit d'un client qui aurait remis un acompte (peut-être par chèque) supérieur au prix, soit il résulte de circonstances particulières s'agissant de la liquidation judiciaire d'un entrepreneur client initial suivie de la facturation du client de celui-ci en connaissance de cause de l'employeur (SCI Boulodrome) pour parer un risque d'impayé. Il en résulte que n'est pas établie l'existence d'un manquement d'une gravité telle à justifier même un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
3° Sur les conséquences financières de l'absence de cause réelle et sérieuse
En application de l'article 3.7.1.2 de la convention collective nationale des salariés du négoce des matériaux de construction, la durée du préavis ou délai-congé, hormis le cas de faute grave ou de faute lourde, est de :
- 1 semaine pour les cadres ayant une ancienneté dans l'entreprise inférieure à 6 mois ;
- 1 mois pour les cadres ayant une ancienneté dans l'entreprise de 6 mois à 1 an';
- 3 mois pour les cadres ayant une ancienneté dans l'entreprise de 1 an ou plus. Ce délai est justifié par la nécessité pour un cadre de finaliser les projets en cours, du temps de recrutement d'un remplaçant et de lui transmettre les consignes et savoir-faire nécessaires à l'accomplissement de sa mission d'encadrement et également du temps globalement accru pour un cadre afin de retrouver un nouvel engagement.
Celle des parties qui n'observe pas le préavis doit à l'autre une indemnité égale au salaire dû pour la durée du préavis restant à courir.
Compte tenu d'un salaire brut de 3.600 ', la société Panofrance sera condamnée à payer au salarié une indemnité compensatrice de 10.800 ' (3.600 X 3) ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 1.080 '.
En application des articles L.1234-9 et R.1234-1 à R.1234-5 du code du travail, et compte tenu d'une ancienneté de 10 ans et d'un salaire de référence de 3.616,88 ' déterminé au vu de la moyenne des rémunérations d'août à octobre 2020 [(3.600 X 2 + 3.650,64) / 3], le salarié a droit à une indemnité de licenciement de 9.042,20 ', (3.616,88 / 4 X 10). Dans la limite de sa demande, la société Panofrance sera condamnée à lui payer la somme de 8.304,69 '.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en l'absence de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris, s'agissant d'un salarié tel M. [K], dont l'ancienneté était de 9 ans à la date du licenciement et qui était employé par une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés, entre 3 mois et 9 mois de salaire brut.
Compte tenu des circonstances du licenciement et des éléments justifiés au dossier relativement à la situation du salarié (âgé de 37 ans lors du licenciement, en chômage jusqu'en mai 2021, pas d'élément postérieur), il lui sera alloué des dommages et intérêts de 21.701,28 ' (soit 6 mois).
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2021, date de la convocation de la société Panofrance devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Tarbes, s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de l'indemnité légale de licenciement, et à compter du présent arrêt s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En application de ces dispositions, il sera ordonné le remboursement par la société Panofrance à France Travail des indemnités de chômage versées à M. [K] à compter de son licenciement, dans la limite de 4 mois d'indemnités de chômage.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il est fait droit à l'appel de M. [K], de sorte que les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens seront infirmées et la société Panofrance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [K] la somme de 2.500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Tarbes,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Dit le licenciement de M. [B] [K] sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Panofrance à payer à M. [B] [K] les sommes de':
- 10.800 ' à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.080 ' indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 8.304,69 ' à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 21.701,28 ' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les sommes ci-dessus portent intérêts au taux légal, à compter du 8 novembre 2021 s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de l'indemnité légale de licenciement, et à compter du présent arrêt s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne le remboursement par la société Panofrance à France Travail des indemnités de chômage servies à M. [B] [K] à compter du jour du licenciement et dans la limite de quatre mois d'indemnité,
Condamne la société Panofrance aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Panofrance à payer à M. [B] [K] la somme de 2.500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.