CA Limoges, ch. soc., 17 avril 2025, n° 24/00164
LIMOGES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Aiga (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jeorger-le Gac
Conseillers :
Mme Plenacoste, Mme Voisin
Avocats :
Me Pleinevert, Me Gros, Me Parillaud
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [X] a été embauché par la société [Localité 4] Piscines, spécialisée dans la construction de piscines, en qualité de conducteur de travaux à compter du 1er janvier 1991. Suivant décision d'assemblée générale ordinaire du 28 décembre 1995, il est devenu gérant associé de cette société à compter du 1er janvier 1996, puis suivant décision d'assemblée générale ordinaire du 6 janvier 2004, il a été nommé en qualité de président de la société, étant précisé qu'il percevrait une rémunération égale à celle qui lui avait été octroyée en qualité de gérant de la société sous sa forme ancienne.
Le 5 mai 2017, M. [X], en sa qualité de Président de la société [Localité 4] Piscines, a vendu le fonds de commerce de la société à la société Holding [F] [T], dont M. [T] est devenu le gérant.
Le même jour, M. [X] a été embauché à compter du 6 mai 2017 par contrat de travail à durée indéterminée par la société [Localité 4] Piscines en qualité de conducteur de travaux, pour une rémunération mensuelle brute de base calculée pour 151,67 heures mensuelles de 2 500 euros, et pour une durée de travail de 35 heures hebdomadaires. Le contrat était soumis aux dispositions de la convention collective nationale du bâtiment-cadre.
Le 13 décembre 2021, M. [T] a vendu le fonds de commerce de la société [Localité 4] Piscines à la société Aiga, représentée par M. [N], qui a repris le contrat de travail de M. [X] aux mêmes conditions.
Du 20 juin 2022 au 15 juillet 2022, M. [X] a été placé en arrêt maladie.
Le 27 juillet 2022 et les 1er, 2 et 3 août 2022 des courriers ont été adressés par l'employeur à M. [X] relatifs respectivement :
-à l'absence de mise en place des mesures de sécurité individuelle et collective de l'ensemble des biens et personnes sur les chantiers, et lui a rappelé qu'il est garant de la sécurité des ouvriers sur les chantiers;
-à un relâchement au niveau du port de ses chaussures de sécurité sur son lieu de travail depuis la fin de son arrêt maladie ;
-à son comportement agressif et délétère depuis son retour d'arrêt maladie, et la remise en cause des ordres reçus par la direction, ainsi qu'un refus d'utiliser son téléphone professionnel le 1er août ;
-à ce qu'il aurait parlé à certaines personnes de son entourage du fonctionnement interne de l'entreprise, en violation de son obligation de discrétion.
Par courrier du 8 août 2022, la société [Localité 4] Piscines a adressé à M. [X] un avertissement au motif que ce dernier n'aurait pas informé son employeur des mesures à prendre afin d'assurer la sécurité individuelle et collective de l'ensemble des biens et des personnes sur les chantiers.
Par courrier de son conseil du 9 août 2022, M. [X] a informé la société [Localité 4] Piscine de certaines irrégularités concernant son contrat de travail et a demandé la régularisation de son augmentation de salaire, actée en avril 2022, son affiliation à l'organisme PROBTP, la restitution de son véhicule de service constituant un avantage acquis, ainsi que des rappels de salaire relatifs à 120 heures supplémentaires impayées. Il a contesté les reproches de son employeur concernant les règles de sécurité sur les chantiers et souligné l'absence d'outils de travail adéquats.
Par courrier du 2 septembre 2022, la société AIGA a adressé à M. [X] une convocation à un entretien préalable fixé le 16 septembre 2022 et l'a mis à pied à titre conservatoire. Par deux courriers des 11 et 15 septembre 2022, la société AIGA a reporté l'entretien préalable au 23 septembre 2022, puis au 27 septembre 2022.
L'entretien préalable s'est tenu le 27 septembre 2022, et le salarié s'y est présenté accompagné de M. [I], conseiller du salarié, qui en a établi un compte rendu sommaire.
Par lettre recommandée du 26 octobre 2022, M. [X] a été licencié pour faute grave aux motifs suivants :
- un non-port des chaussures de sécurité le 9 août 2022 ;
- la découverte par l'employeur durant ses congés estivaux de dossiers 'inconnus' dans le bureau administratif qui n'étaient pas enregistrés ,
- l'absence de réponse à des appels reçus sur son téléphone d'entreprise ;
- la communication à des clients de délais de livraison intenables ;
- un comportement non professionnel ;
- la découverte postérieure à l'entretien préalable de prestations réalisées par le salarié qui n'ont pas été facturées aux clients, sans l'aval de la direction ;
- la critique des décisions prises par M. [N] et de ses capacités de direction.
Par requête du 30 novembre 2022, M. [X] a saisi le Conseil de prud'hommes de Brive aux fins de contester son licenciement.
Le 15 décembre 2022, la société AIGA a déposé une déclaration de cessation des paiements, et par jugement du tribunal de commerce de Bergerac du 21 décembre 2022, elle a été placée en procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 21 juin 2023, le Tribunal de commerce a converti cette procédure en liquidation judiciaire et a nommé Me [O] [V] en qualité de liquidateur.
Par jugement du 12 février 2024, rectifié par jugement du 11 mars 2024, le Conseil de prud'hommes de Brive a :
- Dit et jugé que les faits de harcèlement moral dénoncés par Monsieur [X] ne sont pas caractérisés ;
- A titre principal, dit et jugé que la nullité du licenciement n'est pas retenue;
- A titre subsidiaire, jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse de licenciement;
- Dit et jugé que M. [X] ne démontre pas les manquements de la SAS AIGA à son obligation de sécurité ;
- Dit et jugé que la remise des documents de fin de contrat 15 jours après le départ de M. [X] de la société ne lui a pas causé aucun préjudice;
- Dit et jugé que le non-respect des minima conventionnels n'est pas suffisamment démontré;
- Dit et jugé que l'accomplissement des heures supplémentaires par M. [X] n'est pas prouvé.
En conséquence
- Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS AIGA au titre de la créance salariale de M. [X] les sommes suivantes de:
- 762,38 ' au titre du remboursement de la somme payée par ALLIANZ
- 10.404 ' au titre de l'indemnité de préavis (3 mois)
- 1.040 ' au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
- 33.909,34 ' au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 6.340,90 ' au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire
- 634,09 ' au titre de l'indemnité de congés payés y afférent
- 10.404' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 2.500 ' à titre d dommages et intérêts pour défaut d'obtention du certificat de congés payés
- Enjoint à la SCP [G] [V], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SAS AIGA de remettre à Monsieur [X] l'attestation pôle emploi rectifiée et conforme au jugement à intervenir.
- Dit qu'il n'y a pas lieu à statuer sur l'article 700 du code de procédure civile
- Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir
- Dit et jugé que le jugement à intervenir ne sera opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3] que dans la limite légale de sa garantie
- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Le Conseil de prud'hommes a retenu en substance, s'agissant du harcèlement moral allégué, que les faits invoqués par M. [X], pris dans leur ensemble, révélaient une relation conflictuelle avec son employeur mais ne laissaient pas présumer de harcèlement moral. S'il a ainsi rejeté la demande de nullité du licenciement, le Conseil de prud'hommes a, en revanche, retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il a été prononcé plus d'un mois après la première date fixée pour l'entretien préalable, les deux reports successifs étant du fait de l'employeur.
Par déclaration du 6 mars 2024, l'organisme CGEA de [Localité 3] a interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures du 5 novembre 2024, l'AGS-CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :
- Donner acte au CGEA de [Localité 3] de ce qu'il est appelé en intervention forcée, conformément aux dispositions de l'article L 625-3 du Code de Commerce ;
- En tirer toutes conséquences de droit ;
- Lui donner acte de ce qu'il ne peut être condamné au paiement d'une somme quelle qu'elle soit ;
- Lui donner acte de ce qu'il ne peut être tenu au-delà des limites légales de sa garantie, conformément aux dispositions des articles L. 3253-6, L. 3253-8, L.3253-13 et suivants, L. 3253-17 et D 3253-1 à D 3253-5 du Code du Travail ;
- Lui donner acte de ce qu'il ne pourra être amené à avancer le montant principal des créances, constatées et fixées, appréciées éventuellement avec des intérêts de droit obligatoirement arrêtés au jour du jugement d'ouverture, qu'entre les mains du mandataire liquidateur et dans la limite des articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants, L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du Travail ;
- Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte des salariés, à un des 3 plafonds définis à l'article D.3253-5 du Code du travail, étant précisé en l'espèce qu'il s'agit du plafond 6 ;
Sur le fond,
- Déclarer l'appel du CGEA de [Localité 3] recevable et fondé ;
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié le licenciement de M. [X] comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
- Débouter M. [X] de sa demande et déclarer son licenciement pour faute grave fondé ;
- Le débouter, en conséquence, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire et rejetant toutes conclusions contraires aux présentes,
- Confirmer la qualification du licenciement de M. [X] en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuses ;
- Infirmer, néanmoins, le montant de l'indemnité légale de licenciement eu égard à son ancienneté en excluant la période de 21 ans durant laquelle il a été gérant de la société [Localité 4] PISCINES ;
- Ramener son ancienneté à 10 ans et 10 mois ;
- Infirmer le quantum de ladite indemnité qui ne saurait dépasser la somme de 9500,00';
- Réformer le jugement sur le montant des dommages et intérêts au visa de l'article L 1235-3 du Code du Travail et de l'ordonnance du 22 septembre 2017 eu égard aux effectifs de l'entreprise ;
- Fixer au maximum à la somme de 8 670,00 ' le montant des dommages et intérêts auquel il pourrait prétendre ;
- Le débouter en tout état de cause de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d'obtention du certificat de congés payés sauf à en minorer le quantum ;
- Exclure cette créance expressément de la garantie de l'AGS conformément aux dispositions de l'article L 3253-8 du Code du Travail ;
- Statuer ce que de droit sur les autres créances, sous réserve pour M. [X] de justifier de son salaire de référence ;
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement en ses autres dispositions et, notamment, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, nullité de licenciement, travail dissimulé, licenciement intervenu dans des conditions vexatoires, manquement à l'obligation de sécurité, et dommages et intérêts sur congés payés acquis ;
- Statuer ce de droit pour le surplus.
Au soutien de ses prétentions, l'AGS-CGEA de [Localité 3] fait valoir la limitation de sa garantie au plafond 6 eu égard aux éléments du contrat de travail de M. [X]. Elle soutient que le licenciement de M. [X] pour faute grave est bien-fondé au regard des griefs qui lui sont reprochés, à savoir refus du port des vêtements de sécurité, manquements dans l'enregistrement des dossiers, refus d'utiliser le téléphone portable professionnel, absence de professionnalisme vis à vis des chantiers. Elle indique que le conseil de prud'hommes a justement écarté les demandes non fondées de dommages-intérêt au titre du harcèlement, de la nullité du licenciement, d'un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur et d'une remise tardive des documents.
S'agissant des créances, elle soutient que le montant de l'indemnité de licenciement de M. [X] a été incorrectement calculé en première instance, et devra être limité à 9 500,00 ' environ, l'ancienneté du salarié ne comprenant pas la période durant laquelle il a été gérant de la société (21 ans en l'espèce), mais uniquement une ancienneté du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1996, puis du 5 mai 2017 au 26 octobre 2022. Concernant le montant de dommages et intérêts attribués à M. [X] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle indique que le barème de l'article L1235-3 du code du travail à appliquer est celui correspondant à une entreprise de moins de 11 salariés, soit un montant limité à 8 670 ', d'autant que M. [X] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice particulier. Enfin, s'agissant des dommages et intérêts alloués pour défaut d'obtention du certificat de congés payés, elle indique ne pas être tenue à garantie, ce poste de préjudice résultant directement d'une faute ou négligence de l'employeur. Elle sollicite que M. [X] soit débouté de sa demande et, à titre subsidiaire, que le quantum soit réduit à 1.500 euros, le Conseil de prud'hommes ayant statué ultra petita sur ce point.
Aux termes de ses dernières écritures du 30 juillet 2024, la SCP [G] [V], es qualité de mandataire judiciaire de la société AIGA, demande à la cour de :
- Donner acte à la SCP [G] [V] ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS AIGA, de ce qu'elle ne peut faire l'objet d'aucune condamnation, et qu'il appartient, le cas échéant, à la Cour de fixer une ou plusieurs créances au bénéfice de M. [X], à charge pour le mandataire, à défaut de liquidités, de transmettre au CGEA de BORDEAUX un relevé de demande d'avance ;
Sur le fond,
- Statuer ce que le droit sur l'appel limité du CGEA de [Localité 3] ;
- Donner acte à la SCP [G] [V] de ce qu'elle s'y associe en tout point ;
A titre principal,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié le licenciement de M. [X] comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- Retenir que la qualification du licenciement pour faute grave était fondée ;
- Débouter, en conséquence, M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire et si la Cour confirmait la qualification du licenciement retenue par les premiers juges :
- Infirmer la décision entreprise sur le montant de l'indemnité légale de licenciement, en ce qu'elle a été calculée sur la base d'une ancienneté de 21 ans, alors que celle-ci ne saurait dépasser 10 ans et 10 mois ;
- Infirmer le jugement sur le quantum de ce poste, qui ne saurait dépasser 9 500,00 ' ;
- Infirmer, de même, le jugement en ce qu'il a alloué à M. [X] la somme de 10404,00' de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et limiter au visa de l'article L 1235-3 du Code du Travail et l'ordonnance du 22 septembre 2017 à l'équivalent de 2,5 mois de salaire ce poste ;
- Infirmer le jugement sur le poste des dommages et intérêts pour défaut d'obtention du certificat de congés payés, en ce que le Conseil a statué ultra petita ;
- Statuer ce que de droit sur l'éventuelle garantie de l'AGS sur ce poste ;
- Donner acte à la SCP [G] [V] de ce qu'elle s'en remet à droit sur les mérites de l'appel du CGEA pour le surplus.
Au soutien de ses prétentions, la SCP [G] [V], es qualité de mandataire judiciaire de la société AIGA, fait valoir que le licenciement de M. [X] pour faute grave est bien-fondé au regard des griefs qui lui sont reprochés et conteste les demandes de dommages et intérêts présentées par le salarié. Elle reprend également l'argumentaire de l'AGS CGEA de [Localité 3] concernant les créances au titre de l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts alloués pour défaut d'obtention du certificat de congés payés.
Aux termes de ses dernières écritures du 21 janvier 2025, M. [X] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 12 février 2024, sauf en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société AIGA :
- La somme de 762.38 ' au titre du remboursement de la somme payée à ALLIANZ et 2.500 ' à titre de dommages et intérêts pour défaut d'obtention du certificat de congés payés ;
Et en conséquence :
- Dire et juger M. [X] bien-fondé pour l'ensemble de ses prétentions ;
- Prendre acte de l'intervention du CGEA;
- Dire et juger que M. [X] a subi des faits de harcèlement moral ;
- A titre principal Dire et juger que le licenciement pour faute grave est nul en raison de faits de harcèlement moral ;
- A titre subsidiaire, le juger sans cause réelle et sérieuse
- Dire et juger que la société AIGA a manqué à son obligation de sécurité ;
- Dire et juger que la société AIGA a remis tardivement les documents de fin de contrat;
- Dire et juger que la société AIGA n'a pas respecté les minima conventionnels ;
- Dire et juger que M. [X] a effectué des heures supplémentaires ;
- En conséquence, Fixer la créance de M. [X] dans la liquidation judiciaire conduite par Me [O] [V], es-qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes
- 41.616 ' à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- 83.232 ' à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul
- A défaut, 69.360 ' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 33 909.34 ' au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 10 404.00 ' au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 040.40 ' bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
- 6.340,90 ' bruts au titre de la mise à pied à titre conservatoire
- 634,09 ' bruts au titre des congés payés y afférent
- 5.000 ' à titre de dommages et intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires
- Remboursement de la somme de 762,38 ' payée à ALLIANZ
- 5 000.00 ' à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
- 1 500.00 ' au titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat
- 2 056.42 ' bruts au titre d'un rappel de salaire au titre des minimas conventionnel
- 205.64 ' bruts au titre des Congés payés y afférant
- 4 079.25 ' bruts au titre d'un rappel d'heures supplémentaires
- 407.92 ' bruts au titre des Congés payés y afférant
- 2.500 ' à titre de dommages et intérêts à défaut de justifier des démarches entreprises pour le paiement par la caisse des congés payés acquis sur la période 2022/2023
- 20 808 ' au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé
- Ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée
- Dire et juger que le jugement à venir sera opposable au CGEA qui devra garantir à M. [X] le paiement des sommes susvisées, en application des dispositions des articles L3253-6 et suivants du Code du travail.
Au soutien de ses prétentions, M. [X] fait valoir que l'ensemble de ses demandes peuvent être garanties par l'AGS, en ce qu'il s'agit de dommages et intérêts ou de rappels de salaire en relation avec l'exécution ou la rupture du contrat de travail.
Il soutient que son licenciement est intervenu dans un contexte de harcèlement moral de l'employeur à compter de la reprise de la société [Localité 4] Piscine par la société Aiga, ce harcèlement se matérialisant par des reproches sur ses initiatives et son travail, une volonté de lui nuire en ne lui donnant pas les moyens d'exercer correctement ses mission et notamment:
- le refus de lui verser son augmentation de salaire actée en avril 2022 ;
- une affiliation tardive auprès de l'organisme de prévoyance PROBTP, après relances ;
- le retrait abusif de son véhicule de fonction durant son arrêt maladie, sans préavis, et son absence de restitution à l'issue de cet arrêt, ce qui a modifié son contrat de travail ;
- la reprise de son téléphone professionnel l'ayant privé de ses contacts clients ;
- la remise d'un courrier le 1er août 2022, aux termes duquel l'employeur prétend de manière infondée qu'il n'aurait pas mis en place les 'mesures adéquate afin d'assurer la sécurité individuelle et collective de l'ensemble des biens et des personnes sur les chantiers', cette obligation revenant à la société [Localité 4] Piscines en sa qualité d'employeur, et ne faisant pas partie de sa fiche de poste ;
- la publication d'une offre d'emploi correspondant à son poste le 9 juin 2022, démontrant que l'employeur cherchait à le licencier par tout moyen ;
- un acharnement démontré par la remise de quatre courriers de reproches datés respectivement des 1er, 2, 3 et 8 août 2022, réceptionnés tous le 10 août suivant, ces reproches étant infondés et destinés uniquement à lui nuire ;
- l'imposition de congés du 16 août au 4 septembre 2022 inclus, lesdits congés ne lui ayant été rémunérés que tardivement suite à un retard de déclaration de l'employeur.
Il indique que ce harcèlement moral justifie la nullité de son licenciement et ses demandes d'indemnisation subséquentes.
Il soutient que son licenciement pour faute grave est nul puisqu'il lui a été notifié plus d'un mois après la date initialement fixée pour son entretien préalable. Au demeurant, il conteste les griefs allégués par son employeur qui ne sont pas avérés, voire mensongers et qui ne lui sont pas imputables. Il assure avoir fait preuve de professionnalisme, rappelant son ancienneté à son poste, sa parfaite connaissance des clients et la satisfaction qu'il donnait à son poste.
Concernant le calcul de son indemnisation, il soutient que son ancienneté doit inclure la période durant laquelle il a été gérant de la société [Localité 4] Piscine, les parties ayant convenu d'une reprise d'ancienneté, comme cela figure sur les fiches de paie. Il rappelle que la date d'ancienneté figurant sur le bulletin de salaire vaut présomption de reprise et relève en outre que, sur les documents de fin de contrat qui lui ont été remis, il est mentionné une période d'emploi salarié du 1er janvier 1991 au 26 octobre 2022.
Il indique être fondé dans ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, pour remise tardive des documents de fin de contrat et travail dissimulé. Il sollicite, en outre, le versement de rappels de salaire en ce qu'il aurait été payé en dessous du minima conventionnel sur les années 2021 et 2022. Il demande, enfin, le paiement de 17,5 jours de congés payés acquis à la date de son licenciement, et dit avoir effectué quatre heures supplémentaires par semaine à partir du 1er décembre 2021.
L'affaire a été fixée à l'audience du 10 février 2025, à laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 24 février 2025, avec rabat de l'ordonnance de clôture et fixation de la clôture au 19 février 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera relevé que l'appel ne porte pas sur la disposition, non contestée par les parties, du jugement du 12 février 2024, rectifié par jugement du 11 mars 2024, du Conseil de prud'hommes de Brive ayant fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société AIGA la somme de 762.38 ' au titre du remboursement de la somme payée à ALLIANZ.
Cette disposition est ainsi définitive et il ne sera statué par la cour d'appel que sur les autres dispositions querellées du jugement.
Sur la demande de nullité du licenciement
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément à l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 ou L. 1153-1 le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Enfin, conformément à l'article L1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
* En l'espèce, M. [X] allègue divers agissements de son employeur, après la cession du fonds de commerce à la société Aiga en décembre 2021, laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Il invoque, en premier lieu, la contestation systématique de ses initiatives et des reproches incessants de ne pas se conformer à ses initiatives. A ce titre, il produit:
- un courrier du 25 juillet 2022 remis par [E] [N] faisant part de difficultés constatées sur les chantiers de construction de piscines en termes de sécurité, des demandes formulées auprès de M. [X] pour connaître ses besoins pour mettre en place les mesures adéquates afin d'assurer cette sécurité et de l'absence de réponses apportées. Une fiche de poste était jointe à ce courrier, rappelant que parmi les missions figurait la garantie individuelle et collective de la sécurité des ouvriers sur le chantier,
- un courrier du 1er août 2022 remis par [E] [N] faisant part du relâchement constaté au niveau du port des EPI dans la mesure où chaque matin il avait constaté que M. [X] effectuait les chargements et déchargements de véhicule en espadrilles, rappelant qu'il s'agissait d'un manquement aux règles de sécurité,
- un courrier du 2 août 2022 remis par [E] [N] faisant état de l'insubordination, du manque de respect et du comportement agressif de M. [X] à l'encontre de son employeur: refus d'exécuter le travail demandé, souhait clairement formulé de faire 'couler' la boîte, refus d'utiliser le téléphone portable remis par l'entreprise. Il est également mentionné un rendez-vous organisé à l'initiative de l'employeur dans un souci d'apaisement, afin d'échanger sur les difficultés, mais qui ne s'est pas avéré concluant,
- un courrier du 3 août 2022 remis par [E] [N] et rappelant à M. [X] son obligation de discrétion alors qu'il pouvait faire état à l'extérieur du fonctionnement de l'entreprise et des futurs projets.
Une avertissement était adressé à M. [X] le 8 août 2022 pour défaut de réponse aux demandes de l'employeur quant aux mesures à prendre afin de garantir la sécurité individuelle et collective sur les chantiers (en référence au courrier du 25 juillet 2022).
La multiplication des reproches faits par l'employeur à M. [X] sur une très courte période, à savoir quatre courriers en une semaine, questionne une focalisation excessive sur le travail du salarié. Il sera toutefois observé que deux courriers concernent des manquements aux règles de sécurité, sur lesquelles l'employeur doit nécessairement se montrer vigilant et réactif. Si M. [X] soulève le caractère imprécis des reproches formulés et rappelle que l'obligation de sécurité pèse en premier lieu sur l'employeur, sa mission le conduit toutefois à décliner à son niveau les règles de sécurité, s'agissant notamment des équipements de sécurité. L'employeur lui laissait ainsi l'opportunité de solliciter, le cas échéant, des outils de travail adéquats.
En outre, à l'issue de ces courriers, l'employeur a adressé un avertissement le 8 août 2022 à M. [X], replaçant ainsi les difficultés relevées quant à la relation de travail dans le cadre du pouvoir disciplinaire et ouvrant une possibilité de contestation, dont le salarié s'est d'ailleurs saisi par courrier du 9 août 2022 de son Conseil.
M. [X] invoque une volonté délibérée de l'évincer de l'entreprise dont témoignerait la publication le 9 juin 2022 d'une offre d'emploi pour un poste de 'directeur de site pisciniste'. Le profil de ce poste, axé sur une activité commerciale, ne correspond toutefois pas à celui de M. [X] qui, en sa qualité de conducteur de travaux, s'occupe de la partie gros 'uvre et gestion de chantiers, comme l'atteste [F] [T], précédent gérant de la société (attestation du 12 mai 2023).
S'agissant des congés payés de l'été 2022, M. [X] indique avoir été informé par la société [Localité 4] Piscines que ses congés d'été auraient lieu du 16 août au 4 septembre 2022 inclus, sans précisions sur la conformité de ces dates avec les souhaits qu'il avait alors émis ou la date à laquelle il avait lui-même déposé ses congés.
Cet élément ne démontre pas une intention délibérée de l'employeur de lui nuire, tout comme le retard pris sur le versement du complément de l'augmentation de salaire (bulletin de salaire du mois d'avril 2022) ou l'affiliation à la mutuelle pro BTP, qui restent des incidents ponctuels et auxquels l'employeur a remédié.
S'agissant de la mise à disposition d'un véhicule de service, le contrat de travail de M. [X] du 5 mai 2017 prévoit article 7 'permis de conduire et véhicule automobile' que pour l'accomplissement de ses fonctions et compte tenu des déplacements professionnels à effectuer, 'M. [X] pourra être amené à utiliser les véhicules appartenant à la SARL [Localité 4] Piscines. M. [X] s'engage à utiliser les véhicules de la société uniquement dans l'exercice de ses fonctions. En aucun cas il ne pourra être fait une utilisation privative des véhicules de la SARL [Localité 4] Psicines'.
Il résulte d'une attestation de [F] [T], précédent gérant de la société [Localité 4] Piscines, que M. [X] bénéficiait d'un véhicule de service lui permettant de se rendre sur les différents chantiers étant donné son poste au sein de l'entreprise. D'un commun accord entre l'employeur et le salarié, M. [X] a toujours bénéficié du droit de rentrer du chantier à son domicile avec le véhicule de service (attestation de M. [T] du 20 décembre 2021).
Aucun avenant au contrat de travail n'a toutefois été conclu et le contrat de travail prévoit expressément l'absence d'utilisation privative des véhicules de la société [Localité 4] Piscines.
Dans ces conditions, l'absence de mise à disposition d'un véhicule de service au profit de M. [X] s'inscrit dans l'application des dispositions du contrat de travail.
S'agissant du téléphone portable, M. [X] allègue d'une reprise de son téléphone portable professionnel durant sa période d'arrêt maladie et de la perte de l'ensemble de ses contacts. Il produit une convention de mise à disposition d'un téléphone portable datée du 1er août 2022 et signée par les parties. Aucun élément ne démontre que l'employeur aurait délibérément privé M. [X] de ses contacts professionnels, alors-même qu'il lui remet de nouveau un téléphone professionnel. M. [X] n'évoque en outre pas ce grief dans le courrier de son Conseil du 9 août 2022.
M. [X] produite de nombreuses attestation de clients témoignant de leur pleine satisfaction de leur relation commerciale et d'une relation plus difficile avec le nouveau gérant, M.[N]. Ces attestations n'apportent pas d'éléments utiles s'agissant du harcèlement invoqué par M. [X], sauf à confirmer l'existence de tensions dans la relation entre ce dernier et le nouveau dirigeant de la société.
* Au vu de l'ensemble des éléments soumis à la cour, pris dans leur ensemble, il n'est pas matériellement établi de conditions de travail ou d'agissements de l'employeur de M. [X] pouvant laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera ainsi confirmé sur ce point, ainsi que sur le rejet subséquent de la demande de nullité du licenciement et de la demande de dommages-intérêts.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'article L.1232-2 du code du travail énonce que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
L'article L.1332-2 du code du travail énonce dans son 4ème alinéa que la sanction ne peut intervenir moins d'un jour franc, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
Ce texte est applicable en matière de licenciement disciplinaire.
Selon une jurisprudence constante, le licenciement prononcé plus d'un mois après la tenue de l'entretien préalable est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc. 21 mars 2000 n°98-40345 ou Soc. 27 mai 2009 n°08-42001). En outre, si le report de l'entretien préalable est effectué à l'initiative de l'employeur, ce délai court à compter de la date prévue pour l'entretien initial (Soc., 20 mai 2014, pourvoi n° 12-28.04).
En l'espèce, M. [X] ayant été régulièrement convoqué à un entretien préalable fixé le 16 septembre 2022, la sanction devait intervenir au plus tard le 16 octobre 2022.Les deux reports successifs de l'entretien au 23 puis au 27 septembre 2022 sont à l'initiative de l'employeur et ne résultent pas d'un empêchement du salarié.
En conséquence, le licenciement, qui est intervenu le 26 octobre 2022 soit postérieurement au délai maximal d'un mois, se trouve privé de cause réelle et sérieuse. Le jugement du Conseil de prud'homme sera ainsi confirmé.
Sur les conséquences financières du licenciement de M. [X]
Sur l'ancienneté de M. [X]
La date d'ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur à rapporter la preuve contraire (Soc. 21 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.054 ; Soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 17-19.381). L'employeur est en droit de rapporter la preuve contraire, qui n'est pas établie par l'absence de mention de reprise d'ancienneté au contrat de travail (Soc., 9 mars 2016, pourvoi n° 15-10.990).
L'ancienneté reprise est toutefois celle résultant d'un travail salarié. L'employeur renverse ainsi la présomption de reprise d'ancienneté dès lors qu'est établie l'absence de qualité de salarié pour la période concernée (Soc., 17 mai 2018, pourvoi n 17-11.644).
En l'espèce, le contrat de travail du 5 mai 2017 de M. [X] ne mentionne pas de reprise d'ancienneté. Le certificat de travail établi par la société [Localité 4] Piscines et les bulletins de salaire de M. [X] mentionnent toutefois une date d'ancienneté au 1Er janvier 1991, soit une ancienneté de 31 ans et 9 mois à la date du licenciement le 26 octobre 2022.
Cependant, il est produit par le mandataire liquidateur et l'AGS-CGEA les décisions d'assemblée générale ordinaire du 28 décembre 1995 et du 6 janvier 2004 établissant qu'à compter du 1er janvier 1996, M. [X] est devenu gérant associé de la société, puis qu'à compter du 6 janvier 2004, il a été nommé en qualité de président de la société. Durant la période du 1er janvier 1996 au 6 mai 2017, M. [X] n'était pas titulaire d'un contrat de travail mais a exercé un mandat social.
La présomption de reprise de l'ancienneté résultant des mentions des bulletins de paie est ainsi renversée et sera retenue une ancienneté de M. [X] du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1996 et du 5 mai 2017 au 26 octobre 2022, soit 10 ans et 6 mois.
Le jugement de première instance sera ainsi réformé sur ce point.
Sur l'indemnité de licenciement
Conformément aux dispositions de l'article L1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
L'article R 1234-1 précise que l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.
Le mandataire liquidateur et l'AGS-CGEA de [Localité 3] critiquent l'absence de justification fournie par M. [X] quant au montant du salaire de référence qu'il chiffre à 3.468 euros, mais ne produisent pour autant aucun élément établissant un autre montant et réalisent d'ailleurs leurs calculs sur la base de ce salaire. Un salaire de référence de 3.468 euros sera ainsi retenu.
M. [X] ayant une ancienneté de 10 ans et 6 mois, le montant de l'indemnité de licenciement sera fixé à la somme de 9.634 euros, correspondant au calcul suivant: 1/4x10(ans) x3.468 +1/3x10/12 (10 mois comprenant le délai de préavis)x3.468 euros. Cette somme sera portée sur l'état des créances de la société AIGA .
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Conformément aux dispositions de l'article L1235-3 du Code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau figurant dans l'article.
Compte tenu de l'ancienneté de M. [X] dans l'entreprise, des montants minimaux et maximaux compris entre 2,5 et 10 mois de salaire brut, et d'une base de salaire mensuel brut de 3.468 euros, le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10.404 euros. Cette somme sera portée sur l'état des créances de la société AIGA .
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Conformément aux dispositions de l'article L1234-5 du Code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
Le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 10.404 euros (3 mois x 3.468 euros) et à la somme de 1.040,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente. Cette somme sera portée sur l'état des créances de la société AIGA .
Sur la rémunération correspondant à la mise à pied à titre conservatoire
Le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a fixé, sur une base de salaire mensuel brut de 3.468 euros pour M. [X], la somme due 6.340,90 euros brut au titre des salaires pendant la mise à pied du 2 septembre 2022 au 26 octobre 2022, outre la somme de 634,09 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente. Cette somme sera portée sur l'état des créances de la société AIGA .
Sur la demande de dommages-intérêts de M. [X] pour procédure vexatoire
Il résulte de l'article 1240 du code civil que le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation (Soc 4 octobre 2023, N°21-20.889).
En l'espèce, au jour de sa mise à pied à titre conservatoire, M. [X] ne justifie pas de circonstances vexatoires ayant accompagné la rupture, hormis celle résultant de sa mise à pied conservatoire pour laquelle il a été indemnisé. Il ne justifie pas d'un préjudice distinct de la perte de son emploi et ne développe d'ailleurs pas de moyens spécifiques à sa demande dans ses conclusions.
En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en qu'il a débouté M. [X] de sa demande indemnitaire.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité
Conformément aux dispositions de l'article L4121-1 du Code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En l'espèce, M. [X] fait valoir l'absence de mise en place de règles de sécurité par l'employeur et l'absence de fourniture de matériel nécessaire pour travailler en sécurité. Il ne produit toutefois aucun élément au soutien de ses allégations, étant en outre observé qu'il n'a pas répondu à la demande de son employeur, par courrier du 25 juillet 2022, de lui faire part de ses besoins pour mettre en place les mesures adéquates en termes de sécurité sur les chantiers.
En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en qu'il a débouté M. [X] de sa demande indemnitaire.
Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat
Conformément aux dispositions de l'article R1234-9 du Code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.
En l'espèce, M. [X] invoque une transmission des documents de fin de contrat par courrier recommandé du 8 novembre 2022, entraînant un différé dans la prise en charge de l'indemnisation de Pole Emploi. Il ne justifie toutefois pas du préjudice qu'il allègue quant à ce délai de prise en charge, limité à 15 jours.
En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en qu'il a débouté M. [X] de sa demande indemnitaire.
Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut d'obtention du certificat de congés payés
Conformément aux dispositions de l'article D3141-9 du Code du travail , l''employeur qui adhère à une caisse de congés payés, par application de l'article L. 3141-32, délivre au salarié, en cas de rupture du contrat de travail, un certificat justificatif de ses droits à congé compte tenu de la durée de ses services.
En l'espèce, comme retenu par le Conseil de prud'hommes, M. [X] a acquis 2,5 jours de congés payés du mois d'avril 2022 au 26 octobre 2022. Le moyen soulevé par l'AGS-CGEA et le mandataire liquidateur quant à une décision rendue ultra petita par le Conseil de prud'hommes n'est pas établi alors qu'il ressort des motifs du jugement que M. [X] a sollicité le paiement de dommages-intérêts d'un montant de 2.500 euros.
Le jugement de première instance sera confirmé en qu'il a fixé l'indemnisation de M. [X] à la somme de 2.500 euros. Cette somme sera portée sur l'état des créances de la société AIGA .
Sur la demande de rappels de salaires
Sur le non-respect du salaire minima conventionnel
Il ressort des dispositions du contrat de travail de M. [X], concordantes avec les mentions figurant sur ses bulletins de salaire que la convention collective applicable est la convention collective nationale des cadres du bâtiment.
Au titre des salaires minima conventionnels, il résulte de l'avenant n° 73 du 21 janvier 2021 relatif aux appointements minimaux au 1er février 2021 et de l'avenant n° 74 du 20 janvier 2022 relatif aux appointements minimaux au 1er février 2022, sur la base de 39h/semaine que les salaires minima pour le coefficient 108, correspondant à celui mentionné sur les bulletins de salaire de M. [X] de décembre 2021 à octobre 2022 sont de 3.364 euros au 1er février 2021 et 3.468 euros au 1Er février 2022.
L'article 8, relatif à la rémunération minimal, de la convention collective nationale relative aux appointements minima des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment et des travaux publics du 30 avril 1951dispose que les appointements minima sont les appointements mensuels au-dessous desquels un ingénieur, assimilé ou cadre ne peut être rémunéré. Dans ce minimum, sont comprises toutes les majorations qui auraient été accordées antérieurement à la date de la présente convention soit en application de décisions prises dans le cadre de la réglementation en vigueur, soit sous forme de primes, allocations, indemnités ou gratifications fixes ayant le caractère de fait d'un complément de salaires y compris l'allocation dite du treizième mois, à l'exception des allocations destinées à encourager la famille ou la natalité.
M. [X] effectue toutefois ses calculs au titre du non-respect du salaire minima en se fondant uniquement sur la base de salaire brut, insuffisant pour permettre d'apprécier la non-conformité de sa rémunération à la rémunération minimale conventionnelle, ramenée sur la base de 35h.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [X].
Sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, le contrat de travail de M. [X] prévoit qu'il accomplira ses fonctions dans le cadre d'un horaire de travail à temps complet, soit 35h par semaine, réparties selon l'horaire en vigueur dans l'entreprise, lequel est susceptible d'être modifié.
M. [X] soutient que l'horaire collectif de l'entreprise était fixé à 39 heures hebdomadaires, avec les horaires de travail suivants: 8h-12h / 12h30-16h30 du lundi au jeudi et 8h-12h/12h30-15h30 le vendredi. Pour autant, il ne produit aucun élément établissant qu'il aurait réalisé les horaires qu'il allègue.
Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande.
Sur l'indemnisation au titre de la violation de l'interdiction de travail dissimulé
La demande de M. [X] au titre des heures supplémentaires ayant été rejetée, le jugement de première instance sera confirmé en qu'il a débouté M. [X] de sa demande indemnitaire.
Sur la rectification de l'attestation Pôle Emploi
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a enjoint au mandataire liquidateur de remettre à M. [X] l'attestation Pôle Emploi rectifiée, sans qu'il ne soit justifié d'ordonner une astreinte assortissant cette injonction.
Sur la garantie de l'AGS-CGEA
Conformément aux dispositions de l'article D3253-5 du Code du travail, le montant maximum de la garantie prévue à l'article L. 3253-17 est fixé à six fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage.
Ce montant est fixé à cinq fois ce plafond lorsque le contrat de travail dont résulte la créance a été conclu moins de deux ans et six mois au moins avant la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, et à quatre fois ce plafond si le contrat dont résulte la créance a été conclu moins de six mois avant la date du jugement d'ouverture.
Il s'apprécie à la date à laquelle est due la créance du salarié et au plus tard à la date du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire.
En l'espèce, les sommes allouées à M. [X] seront garanties par l'AGS-CGEA de [Localité 3] dans les limites du plafond 6 applicable à la date de la rupture de son contrat de travail. En outre, la présente décision est opposable à l'AGS-CGEA dans les limites prévues aux articles L 3253-8 du code du travail.
La seule demande spécifique formulée par l'AGS CGEA au titre de l'exclusion de sa garantie porte sur la créance pour défaut d'obtention du certificat de congés payés. Elle résulte toutefois d'une inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles. En conséquence, la garantie sera due par l'AGS-CGEA de [Localité 3].
Sur les dépens
M. [X] succombant principalement à l'instance, il doit être condamnée aux dépens d'appel.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement querellé du 12 février 2024, rectifié par jugement du 11 mars 2024, du Conseil de prud'hommes de Brive en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS AIGA au titre de la créance salariale de M. [X] les sommes suivantes de:
- 10.404 ' au titre de l'indemnité de préavis (3 mois)
- 1.040 ' au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
- 33.909,34 ' au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 6.340,90 ' au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire
- 634,09 ' au titre de l'indemnité de congés payés y afférent
- 10.404' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 2.500 ' à titre d dommages et intérêts pour défaut d'obtention du certificat de congés payés,
Statuant à nouveau,
DIT que la créance de M. [X] sera portée sur l'état des créances de la société AIGA à hauteur des sommes suivantes :
- 10.404 ' au titre de l'indemnité de préavis
- 1.040 ' au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
- 9.634 ' au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 6.340,90 ' au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire
- 634,09 ' au titre de l'indemnité de congés payés y afférent
- 10.404' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 2.500 ' à titre d dommages et intérêts pour défaut d'obtention du certificat de congés payés,
CONFIRME pour le solde le jugement déféré,
Y ajoutant,
DIT que les sommes allouées à M. [X] seront garanties par l'AGS CGEA de [Localité 3] dans les limites du plafond 6 applicable à la date de la rupture de son contrat de travail,
DIT que la présente décision est opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3] dans les limites prévues aux articles L 3253-8 du code du travail,
DIT que la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 3] sera due au titre de la créance pour défaut d'obtention du certificat de congés payés,
CONDAMNE [J] [X] aux dépens.