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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch., 17 avril 2025, n° 24/00018

BASSE-TERRE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Bestin Realty (SA)

Défendeur :

Claridge (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Robail

Conseillers :

Mme Bryl, M. Mosser

Avocats :

Me Payen, Me Herbiere, Me Bourachot, Me Galland, Me Lacassagne, Me Emanueli

Trib. prox. Saint-Martin-et-Saint-Barthé…

23 février 2016

FAITS ET PROCEDURE

La S.A. BESTIN REALTY, créancière de la S.C.I. CLARIDGE, représentée par son gérant M. [K] [YS], a fait procéder à la saisie immobilière d'une villa située [Adresse 5], dont ladite S.C.I. est propriétaire, laquelle avait été louée à M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS], ci-après désignée 'les époux [YS]', selon bail du 15 septembre 2008 à effet du 1er septembre 2008 ;

Par jugement du 16 septembre 2014, le juge de l'exécution de la chambre détachée de SAINT-MARTIN du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, après avoir tranché les contestations et en l'absence d'enchères, a déclaré la S.A. BESTIN REALTY adjudicataire du bien pour le montant de la mise à prix, soit la somme de 5.700.000 euros ;

Cette décision a été signifiée les 18 et 24 octobre 2014 à la S.C.I. CLARIDGE et aux époux [YS] et, le 24 octobre 2004, à la S.A.R.L. LAUREN. Elle est aujourd'hui irrévocable comme insuceptible de toutes voies de recours ordinaires ;

Par acte d'huissier de justice du 6 décembre 2014, la S.A. BESTIN REALTY a fait délivrer à la S.C.I. CLARIDGE un commandement de quitter les lieux ;

Le 8 juillet 2015, Me [D] [B], huissier de justice, a procédé à l'expulsion des occupants, en présence de la force publique, et dressé un procès-verbal relatant ses diligences, ainsi que l'inventaire des biens meubles garnissant les lieux ;

Le 11 juillet 2015, ce procès-verbal a été dénoncé à la S.C.I. CLARIDGE avec assignation à comparaître devant le juge de l'exécution de la chambre détachée de [Localité 13] pour qu'il soit statué sur le sort des biens ainsi inventoriés ;

Le 12 août 2015, la S.C.I. CLARIDGE et les époux [YS] ont saisi le même juge de l'exécution afin de voir annuler les opérations d'expulsion ;

Les deux instances ont été jointes et, par jugement du 23 février 2016, le juge de l'exécution a :

- annulé la procédure d'expulsion dirigée à l'encontre des époux [YS],

- débouté la S.A. BESTIN REALTY de sa demande tendant à voir statuer sur le sort des meubles, objets de l'inventaire dressé le 8 juillet 2015, et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- enjoint à Me [B], au cas où elle aurait déplacé des meubles et effets personnels des époux [YS], de les remettre, à ses frais, dans la villa qu'ils louaient,

- débouté la S.C.I. CLARIDGE de sa demande de nullité des opérations d'expulsion dirigées à son encontre,

- condamné in solidum Me [B], huissier de justice, et la S.A. BESTIN REALTY à payer à M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] la somme globale de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La S.A. BESTIN REALTY a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 1er mars 2016, et Me [B], par déclaration du 9 mars 2016 ;

Par ordonnance du 5 octobre 2016, le premier président de la cour d'appel a ordonné le sursis à exécution du jugement du juge de l'exécution du 23 février 2016 et condamné les époux [YS] au paiement de la somme de 5.000 euros au profit de la S.A. BESTIN REALTY de Me [D] [B] ;

Par arrêt du 30 avril 2018, la cour d'appel de BASSE-TERRE a :

- déclaré les appels recevables,

- rejeté le moyen tendant à voir déclarer irrecevable la défense des époux [YS],

- infirmé le jugement rendu par le juge de l'exécution le 20 février 2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a validé l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE,

Statuant à nouveau,

- dit que les époux [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la S.A. BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE le 8 juillet 2015,

- ordonné la vente des biens inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion,

- condamné in solidum la S.C.I. CLARIDGE et les époux [YS] à payer à la S.A. BESTIN REALTY la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la S.C.I. CLARIDGE et les époux [YS] à payer à Me [B] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la S.C.I. CLARIDGE et les époux [YS] aux entiers dépens et accordé aux avocats qui en faisaient la demande le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Par arrêt du 27 février 2020, la cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt du 30 avril 2018 en toutes ses dispositions, a remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de BASSE-TERRE autrement composée, en considérant que ladite cour avait violé l'article L 321-4 du Code des procédures civiles d'exécution en retenant, pour juger que les époux [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la société BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la société CLARIDGE, que le contrat de bail venu à expiration le 31 août 2014 n'avait pu se reconduire tacitement du fait de la saisie opérée par la société BESTIN REALTY sur l'immeuble selon commandement du 4 mars 2013, alors que la délivrance d'un commandement valant saisie immobilière n'interdit pas la conclusion d'un bail ou la reconduction tacite d'un bail antérieurement conclu et que le bail, même conclu après la publication d'un tel commandement, est opposable à l'adjudicataire qui en a eu connaissance avant l'adjudication ;

La S.A. BESTIN REALTY a saisi la cour d'appel de renvoi, par déclaration de saisine remise en greffe par la voie électronique le 26 mai 2020 ;

Les consorts [B] et [YS] ont constitué avocats ;

Devant la cour de renvoi, la société BESTIN REALTY concluait aux fins de voir :

- la déclarer recevable en son appel du jugement rendu par le juge de l'exécution du Tribunal de SAINT-MARTIN le 23 février 2016,

- écarter les conclusions d'intimés des époux [YS],

- dire par suite qu'ils étaient réputés s'en tenir à leurs conclusions signifiées devant la cour d'appel de BASSE-TERRE dont l'arrêt avait été cassé,

- confirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré valide l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE,

- l'infirmer pour le surplus,

- juger que les époux [YS] n'avaient aucun droit propre à lui opposer lors de l'expulsion de la société CLARIDGE le 8 juillet 2015,

- en conséquence déclarer régulière l'expulsion des époux [YS], 'occupants sans droit ni titre de la S.C.I. CLARIDGE',

- ordonner la vente des biens de la S.C.I. CLARIDGE inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion au profit de la S.A. BESTIN REALTY,

- débouter les époux [YS] de leur demande de dommages et intérêts,

- condamner in solidum la S.C.I. CLARIDGE et les époux [YS] à payer à la S.A. BESTIN REALTY une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner la suppression des alinéas 1, 4 et 7 de la page 4 et des alinéas 4 et 5 de la page 5 des conclusions adverses,

- condamner in solidum les époux [YS] et la S.C.I. CLARIDGE à payer à la société BESTIN REALTY une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum les époux [YS] et la S.C.I. CLARIDGE aux entiers dépens.

Et vu les articles 15 et 16 du Code de procédure civile,

- écarter les conclusions signifiées par les époux [YS] le 8 janvier 2021 et les pièces 103 à 108-1 communiquées à la même date ;

Les époux [YS] concluaient quant à eux aux fins de voir :

- ordonner la suppression du 3ème alinéa de la page 18, du 4ème alinéa de la page 42 et du 6ème paragraphe débutant par « Alors que M. [YS]... », ainsi que le retrait de la pièce numérotée 1A, des conclusions signifiées le 4 janvier 2021 par la S.A. BESTIN REALTY,

- condamner cette dernière et Me [B] au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral des époux [YS] en raison de propos injurieux, outrageants et diffamatoires,

- recevoir les époux [YS] en leurs écritures,

- dire et juger la S.A. BESTIN REALTY et Me [B] irrecevables et subsidiairement mal fondés en leur appel,

En conséquence,

- confirmer la décision rendue le 23 février 2016 par le juge de l'exécution de [Localité 13] en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner solidairement la S.A. BESTIN REALTY et Me [B] à payer aux époux [YS] une somme de 50.000 euros chacun pour expulsion illégale et abusive,

- condamner la S.A. BESTIN REALTY à payer aux époux [YS] une somme de 100.000 euros pour procédure abusive et une somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la S.A. BESTIN REALTY à une amende civile pour appel abusif,

- condamner conjointement les appelantes aux dépens, dont distraction au profit de Me MALOUCHE, avocat, pour ceux dont il aurait fait l'avance;

Enfin, Mme [D] [B], défenderesse à la saisine, souhaitait voir :

- la recevoir en son appel incident,

- dire et juger bien fondées Mme [B] et la S.A. BESTIN REALTY en leur appel,

- confirmer le jugement du juge de l'exécution du 23 février 2016 en ce qu'il a déclaré valable la procédure d'expulsion diligentée contre la société CLARIDGE,

- infirmer le jugement du juge de l'exécution du 23 février 2016 en ce qu'il a annulé la procédure d'expulsion contre les époux [YS] alors qu'il n'en existe pas,

- infirmer le jugement du juge de l'exécution du 23 février 2016 en ce qu'il a débouté la société BESTIN REALTY de sa demande tendant à voir statuer sur le sort des meubles, objet de l'inventaire dressé le 8 juillet 2015,

- infirmer le jugement du juge de l'exécution du 23 février 2016 en ce qu'il a enjoint à Me [B], au cas où elle aurait déplacé les meubles et les effets personnels des époux [YS], de les remettre, à ses frais, dans la villa,

- débouter les consorts [YS] de l'ensemble de leurs fins, prétentions et conclusions,

- condamner les époux [YS] et la S.C.I. CLARIDGE à verser à Mme [D] [B] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du

Code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Me LACASSAGNE, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Sur ce, la cour d'appel de renvoi, par arrêt contradictoire du 8 mars 2021, a :

- déclaré les conclusions de M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] irrecevables,

- rejeté par conséquent les demandes de la S.A. BESTIN REALTY tendant à voir supprimer certains passages de ces conclusions,

- infirmé le jugement rendu par le juge de l'exécution le 20 février 2016 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a validé l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE,

Statuant à nouveau,

- dit que M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la S.A. BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE le 8 juillet 2015,

- ordonné la vente des biens inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion,

- débouté M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] de leurs demandes de dommages et intérêts et de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la S.C.I. CLARIDGE, M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] à payer à la S.A. BESTIN REALTY la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la S.C.I. CLARIDGE, M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] à payer Me [D] [B] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la S.C.I. CLARIDGE, M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] aux entiers dépens et accordé aux avocats qui en avaient fait la demande le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Les époux [YS]-[V] ont diligenté un nouveau pourvoi à l'encontre, cette fois, de l'arrêt sus-visé du 8 mars 2021 et, par arrêt du 17 mai 2023, la cour de cassation l'a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a dit que M. [YS] et Mme [V] épouse [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer la société BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la société CLARIDGE le 8 juillet 2015 et ordonné la vente des biens inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion, a remis sur ces seuls points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de ce siège autrement composée ;

Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 7 janvier 2024, la S.A. BESTIN REALTY a saisi la cour de renvoi de ce siège, y intimant Mme [P] [V], M. [K] [YS], Mme [D] [B] et la S.C.I. CLARIDGE et y fixant expressément l'objet de cette saisine après cassation comme suit : 'Aux termes de son arrêt en date du 17 mai 2023, la cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a dit que M. [YS] et Mme [V] épouse [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer la société BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la société CLARIDGE le 8 juillet 2015 et ordonné la vente des biens inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion, l'arrêt rendu le 8 mars 2021 entre les parties par la cour d'appel de Basse-Terre et remis sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.' ;

La société BESTIN REALTY, appelante, a été avisée le 25 janvier 2024

de l'orientation de la procédure à bref délai à l'audience du 10 juin 2024, dans la suite de quoi elle a fait signifier la déclaration d'appel et cet avis :

- à la S.C.I. CLARIDGE, par acte de commissaire de justice du 29 janvier 2024,

- à Mme [D] [B], par acte de commissaire de justice du même jour,

- à M. [K] [YS], par acte de commissaire de justice du 30 janvier 2024,

- à Mme [V] épouse [YS], par acte de commissaire de justice du même jour;

Me [D] [B] a constitué avocat par déclaration remise au greffe et notifiée à l'avocat de l'appelant par la voie électronique le 12 février 2024 ;

M. et Mme [YS] ont constitué avocat par déclaration remise au greffe et notifiée aux avocats adverses, par même voie, le 23 février 2024 ;

La S.C.I. CLARIDGE a constitué avocat par déclaration remise au greffe et notifiée aux avocats adverses, par même voie, le 13 mai 2024 ;

La société BESTIN REALTY a remis au greffe ses premières conclusions, par RPVA, le 12 mars 2024 et les a notifiées par même voie aux parties déjà constituées, savoir les consorts [YS] et [B] ; elle les a fait signifier à la société CLARIDGE, alors non encore constituée, par acte de commissaire de justice du 14 mars 2024 ; elle a conclu ensuite à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats des quatre intimés, par RPVA, respectivement les 5 juin 2024 ('conclusions n° 2 en réplique et récapitulatives') et 7 juin 2024 ('conclusions n° 3 en réplique et récapitulatives') ;

Me [B], co-intimée, a remis au greffe et notifié aux conseils des autres parties ses uniques conclusions d'intimée, par la voie électronique, le 2 avril 2024 ;

Les époux [YS] ont quant à eux conclu à quatre reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par RPVA, respectivement les 13 mai 2024, 7 juin 2024 (conclusions dites n° 2 datées du 7 juin 2024), 8 juin 2024 (conclusions dite n° 2 mais datées du 8 juin 2024) et 13 octobre 2024 ('conclusions récapitulatives n° 3 sur renvoi après cassation') ;

La société CLARIDGE a remis au greffe et notifié aux avocats adverses, par voie électronique, ses uniques conclusions le 13 mai 2024 ;

A l'audience du 10 juin 2024 à laquelle l'affaire avait été fixée à bref délai, les parties ont été, à leur demande, mais aussi en raison d'une difficulté dans la composition de la cour, renvoyées à l'audience du 14 octobre 2024 ;

Lors des débats, le conseil de la société BESTIN REALTY a sollicité le rejet des conclusions de dernière minute des consorts [YS] remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 octobre 2024, soit la veille de l'audience à laquelle l'affaire a été retenue, ce à quoi s'est opposé le conseil de ces derniers ;

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1°/ Par ses dernières écritures récapitulatives, remises au greffe le 7 juin 2024, la S.A. BESTIN REALTY, demanderesse à la saisine, conclut aux fins de voir, au visa des articles L321-4, L321-13, R322-64, L321-2, L213-

6 al 1 et 2, R322-4, R433-1 et R315-5 du code des procédures civiles d'exécution, des articles 2 et 7.-1 de la loi du 6 juillet 1989, des articles 1737, 1759, 1131 ancien, 1121 et 1167 ancien du code civil et des arrêts de la 2ème chambre civile de la cour de cassation des 27 février 2020 et 17 mai 2023 :

- la déclarer recevable en son appel du jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de SAINT-MARTIN le 23 février 2016,

- débouter M. et Mme [YS] de leurs demandes :

** infondées en suppression des passages des conclusions de la société BERTIN REALTY,

** tardive et infondée en rejet des débats de la pièce 1A communiquée par cette dernière,

** infondée en condamnation de la même société à leur payer 1 euro de dommages et intérêts au motif de prétendus propos injurieux et diffamatoires,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré valide l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE,

- l'infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- juger que les époux [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la S.A. BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE le 8 juillet 2015,

- en conséquence, déclarer régulière l'expulsion des époux [YS] occupants sans droit ni titre de la S.C.I. CLARIDGE,

- ordonner la vente des biens de la S.C.I. CLARIDGE inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion au profit de la S.A. BESTIN REALTY,

- condamner in solidum la S.C.I. CLARIDGE et les époux [YS] à payer à la S.A. BESTIN REALTY une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter les époux [YS] de leur demande :

** en paiement de la somme de 50 000 euros chacun à titre de dommages et intérêt pour expulsion illégale ou abusive,

** en condamnation de la société BESTIN REALTY à leur payer les sommes de 107000 euros en réparation d'un préjudice de jouissance, de 30 000 euros en réparation d'un préjudice moral et de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société CLARIDGE de toutes ses demandes,

- condamner in solidum les époux [YS] et la S.C.I. CLARIDGE à payer à la S.A. BESTIN REALTY une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Pour l'exposé des moyens proposés par la société BESTIN REALTY au soutien de toutes ces fins, il est expressément référé à ses dernières conclusions ;

2°/ Par leurs propres dernières écritures antérieures à celles du 13 octobre 2024 dont il est demandé le rejet, soit celles qui furent remises au greffe le 8 juin 2024 ('conclusions récapitulatives n° 2 sur renvoi après cassation'), M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS], défendeurs à la saisine, concluent quant à eux aux fins de voir :

'Vu les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881",

'Vu le casier judiciaire vierge de M. [YS] suite à réhabilitation judiciaire et les dispositions des articles 133-11 et 133-16 du code pénal',

- ordonner la suppression des propos injurieux, outrageants et diffamatoires exposés en pages 16 des conclusions signifiées par la société BESTIN le 12 mars 2024 débutant par 'Toutefois il ne peut être laissé sous silence (...)' et se terminant par '(...) de leurs nombreux créanciers', ainsi que le point 56 situé en pages 54 et 55 des

mêmes écritures débutant par 'Il est par ailleurs particulièrement important de souligner (...) et se terminant par '(...) M. [YS] n'a manifestement pas tiré les leçons de ses précédentes condamnations',

- ordonner le rejet des débats de la pièce 1A constituée d'une décision du 4 septembre 1996 de la CEDH ayant trait aux décisions pénales et à leur contenu, ainsi que des pièces 39 à 43 qui sont illisibles,

- condamner la S.A. BESTIN REALTY au paiement de la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice 'oral' des époux [YS] en raison de ses propos injurieux, outrageants et diffamatoires,

'Vu les articles 14-1 et 15 de la loi du 6 juillet 1989"

'Vu les articles 1er à 8 du décret du 10 août 2011"

'Vu les articles 1382 du code civil et 559 du code de procédure civile'

'Vu les dispositions de l'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution'

'Vu le jugement du JEX du tribunal de Saint-Martin en date du 29 avril 2014"

'Vu l'arrêt rendu par la cour de cassation le 27 février 2020"

- recevoir les époux [YS] en leurs écritures,

- déclarer la S.A. BESTIN REALTY et Me [B] irrecevables en leurs demandes, subsidiairement les en débouter,

En conséquence,

- confirmer la décision rendue le 23 février 2016 par le juge de l'exécution de [Localité 13] en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner solidairement la S.A. BESTIN REALTY et Me [B] à payer aux époux [YS] une somme de 50.000 euros chacun pour expulsion illégale et abusive,

- condamner la société BESTIN REALTY à payer aux époux [YS] les sommes suivantes :

** 107 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

** 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

** 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner conjointement les appelantes en tous les dépens, sous distraction au profit de Me BOURACHOT, avocat ;

Il convient de se référer aux susdites conclusions pour un exposé détaillé des moyens proposés par les époux [YS] au soutien de leurs demandes ;

3°/ Par ses conclusions remises au greffe le 2 avril 2024, Mme [D] [B], défenderesse à la saisine, souhaite voir, au visa de l'arrêt de la cour de cassation du 17 mai 2023, des dispositions des articles L322-13, L321-2, L321-4, R322-64 et suivants du code des procédures civiles d'exécution et de celles de l'article 1737 du code civil :

- déclarer recevable son appel incident du jugement querellé,

- confirmer ce jugement en ce qu'il a déclaré valable la procédure d'expulsion diligentée contre la S.C.I. CLARIDGE,

- l'infirmer en ce qu'il a :

** annulé la procédure d'expulsion contre les époux [YS]

** débouté la S.A. BESTIN REALTY de sa demande tendant à voir statuer sur le sort des meubles, objet de l'inventaire dressé le 8 juillet 2015,

** enjoint à Me [B], au cas où elle aurait déplacé les meubles et les effets personnels des époux [YS], de les remettre, à ses frais, dans la villa,

Statuant à nouveau,

- juger que M. [YS] et Mme [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la société BESTIN REALTY lors de la procédure d'expulsion,

- débouter les époux [YS] de l'ensemble de leurs fins, prétentions et conclusions,

- condamner les époux [YS], solidairement avec la société CLARIDGE à verser à Mme [D] [B] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Me LACASSAGNE, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Pour l'exposé des explications et moyens proposés au soutien de ces demandes, il est expressément renvoyé aux conclusions de Me [B] ;

4°/ La S.C.I. CLARIDGE, également défenderesse à la saisine de la cour après cassation, conclut, par ses conclusions remises au greffe le 13 mai 2024, aux énonciations desquelles il est expressément référé pour l'exposé de ses explications et moyens, aux fins de voir, au seul visa de l'article 700 du code de procédure civile :

- débouter la société BESTIN REALTY de toutes demandes à son encontre,

- la condamner reconventionnellement à lui verser une somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

I- Sur la recevablité de la saisine de la cour de renvoi

Attendu qu'aux termes de l'article 1034 du code de procédure civile, à moins que la juridiction de renvoi n'ait été saisie sans notification préalable, la déclaration doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie. Ce délai court même à l'encontre de celui qui notifie ;

Attendu qu'en l'espèce, la société BESTIN REALTY a saisi le 7 janvier 2024 la cour d'appel de renvoi désignée dans un arrêt de cassation partielle rendu le 17 mai 2023, sans, cependant, qu'il soit justifié aux débats de la date à laquelle cet arrêt lui a été notifié ; qu'il y a donc lieu de déclarer cette saisine recevable au plan du délai pour agir;

II- Sur les demandes des époux [YS] au titre de la suppression de 'propos injurieux, outrageants et diffamatoires' contenus dans les conclusions signifiées par la société BESTIN REALTY le 12 mars 2024, au titre du rejet de sa pièce 1A ('décision de la CEDH du 4 septembre 1996") et au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral

Attendu qu'il sera acté que ces demandes n'ont expressément trait qu'aux conclusions de l'appelante du 12 mars 2024, à l'exclusion de ses conclusions postérieures ;

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en sa version en vigueur depuis le 19 novembre 2008 :

- ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux,

- pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts ;

Attendu qu'en application de l'article 133-11 du code pénal :

- iI est interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d'interdictions, déchéances et incapacités effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister la mention dans un document quelconque,

- toutefois, les minutes des jugements, arrêts et décisions échappent à cette interdiction;

Attendu qu'aux termes de l'article L133-16 du même code, la réhabilitation produit les mêmes effets que ceux qui sont prévus par les articles 133-10 et 133-11 ;

Attendu que M. et Mme [YS] demandent le bâtonnage des passages suivants des seules conclusions de la société BESTIN REALTY notifiées le 12 mars 2024 :

- premier passage (page 14 (et non pas 16) des conclusions de l'appelante), commençant par 'toutefois, il ne peut être laissé sous silence qu'il (M. [YS]) a fait l'objet de lourdes condamnations criminelle et correctionnelle pour avoir : (...)' et se terminant par : 'Au surplus, M. et Mme [YS] excellent dans les montages astucieux et souvent répétés en vue de faire échapper leurs biens aux légitimes mesures conservatoires et procédures de saisies immobilières de leurs nombreux créanciers ainsi qu'il va êtrre démontré',

- second passage (point 56, pages 47 et 48, et non pas 54 et 55), commençant par 'Il est par ailleurs particulièrement important de souligner que les époux [YS] sont coutumiers du blocage artificiel de leurs biens au détriment des créanciers. (...)' et se terminant par : 'M. [YS] n'a manifestement pas tiré les leçons de ses précédentes condamnations' ;

Attendu qu'ils demandent en outre le rejet de la pièce 1A de la même appelante, consistant en une décision de la commission européenne des droits de l'homme, deuxième chambre, rendue en chambre du conseil le 4 septembre 1996, par laquelle a notamment été déclarée recevable, sur requête de M. [K] [YS] contre la FRANCE en date du 31 mai 1994, le grief tiré de la durée de la procédure 'criminelle' dont il avait fait l'objet, les époux [YS] exposant à cet égard que cette décision fait précisément référence aux condamnations désormais effacées du casier judiciaire de M. [YS] ;

Attendu que les intimés estiment que ces passages et les informations qu'ils contiennent sont contraires à l'interdiction faite par la loi de faire état de condamnations prononcées contre une personne qui a été, depuis, réhabilitée ; que la société BESTIN REALTY ne conteste pas que M. [YS] ait bénéficié d'une telle réhabilitation ; qu'au premier passage sus-visé, Mme [YS] se voit quant à elle accusée d'avoir usurpé la qualité de médiateur pénal, et ce sans qu'à aucun moment de ses écritures la société BESTIN REALTY n'en fasse la démonstration alors même qu'elle promettait d'y procéder plus loin dans ces écritures, le témoignage du major de gendarmerie de [Localité 12] n'y suffisant pas ; qu'il y a lieu en conséquence d'ordonner la suppression, au sein des conclusions du 12 mars 2024, du premier susdit passage, mais ce, à l'exclusion de la phrase suivante : 'Au surplus, M. et Mme [YS] excellent dans les montages astucieux et souvent répétés en vue de faire échapper leurs biens aux légitimes mesures conservatoires et procédures de saisies immobilières de leurs nombreux créanciers ainsi qu'il va êtrre démontré', puisqu'il n'y a là aucun lien avec les condamnations pénales évoquées plus avant, mais de simples moyens d'ordre civil participant du débat judiciaire devant cette cour de renvoi ; et qu'ainsi, le passage supprimé se terminera par la phrase suivante :

'Quant à Mme [YS] qui (s)'abrite dans la fonction (usurpée comme il sera démontré ci-après) de médiateur pénal, elle a fait l'objet, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire concernant la société Lauren de poursuites en faillite personnelle et d'interdiction de gérer à la requête du procureur de la République de [Localité 6] qui la recherchait vainement en 2016 à [Localité 12], puisqu'elle y était domiciliée alors qu'elle n'y demeurait pas (pièce n° 108)' ;

Attendu que dans la suite de cette suppression, il importe d'écarter des débats la décision de la commission européenne des droits de l'homme rendue le 4 septembre 1996 au profit de M. [YS] contre la FRANCE (pièce 1A de l'appelante), puisque cette décision fait ouvertement et précisément état des condamnations criminelle et correctionnelle désormais fort anciennes et au titre desquelles M. [YS] a été réhabilité ; qu'il sera ajouté à titre superfétatoire que cette décision a été rendue en chambre du conseil, de quoi il résulte qu'elle n'était pas publique, alors même que la société BESTIN REALTY ne dit pas comment elle se l'est procurée ;

Attendu que s'agissant du second passage dont la suppression est demandée, force est de constater que les éléments invoqués juste avant la phrase suivante : 'M. [YS] n'a manifestement pas tiré les leçons de ses précédentes condamnations', sont de nature purement civile, sans lien avec une quelconque condamnation pénale qui aurait fait l'objet d'une réhabilitation ou d'une amnistie ; qu'en effet, les époux [YS] ne s'y voient accusés que de 'blocages artificiels de leurs biens au détriment de leurs créanciers' et ces accusations sont étayées de développements basés sur deux pièces (n° 103 et 104 consistant en des relevés de formalités de publicité foncière), de sorte qu'ils sont exclusifs d'une quelconque connotation diffamatoire et moins encore d'une quelconque prohibition résultant du code pénal ; que ce passage ne mérite donc nullement bâtonnage en application de la loi de 1881 ; qu'en revanche, la dernière phrase sus-rappelée ('M. [YS] n'a manifestement pas tiré les leçons de ses précédentes condamnations') fait manifestement référence, non point à d'éventuelles condamnations purement civiles qui ne sont pas ici invoquées, mais aux condamnations pénales déjà évoquées au titre du premier passage des écritures ci-avant analysé ; qu'il y a donc lieu d'en ordonner également la suppression ;

Attendu que le surplus des demandes de suppression de propos injurieux, outrageants et diffamatoires sera subséquemment rejeté ;

Attendu qu'outre que les époux [YS] demandent la réparation d'un préjudice moral en se bornant à prétendre que les 'allégations calomnieuses et injurieuses' de la société appelante avaient 'un but manifeste de nuire', sans, ainsi, justifier d'un tel préjudice, force est de constater que la société BERTIN REALTY démontre avoir elle-même subi, à l'initiative des sus-nommés époux, au long des nombreuses procédures qui aboutissent au présent arrêt sur renvoi après une deuxième cassation, de graves accusation portées à son encontre en ce qui est de sa probité ; que si de telles accusations, contrairement à l'opinion de l'appelante, n'ont pu justifier les propos ci-avant supprimés de ses conclusions, elles ont participé d'une telle réaction inappropriée, si bien qu'il est manifeste que si les époux [YS] avaient justifié d'un réel préjudice moral, celui-ci aurait été le résultat également de leur propre posture processuelle ; qu'il y a donc lieu de les débouter de leur demande de dommages et intérêts, fût-elle symbolique ;

III- Sur la demande des époux [YS] au titre du rejet des pièces 39 à 43 du dossier de la société BESTIN REALTY, en ce qu'elles sont illisibles

Attendu que l'illisibilité d'une pièce produite aux débats par l'une des parties n'est pas sanctionnée par son rejet en la forme, mais par le constat, au fond, le cas échéant, de son inexploitabilité et, partant, de l'impossibilité de la tenir pour une preuve utile des faits qu'elle aurait pour objet de faire ; qu'il y a donc lieu de débouter les consorts [YS] de leur demande tendant au rejet des débats des pièces 39 à 43 du dossier de la société BESTIN REALTY ;

IV- Sur le fond

IV-1- Sur la portée de la saisine de la cour de renvoi après cassation de l'arrêt du 8 mars 2021

Attendu que l'arrêt partiellement cassé du 8 mars 2021 a fait suite à une première cassation, suivant arrêt de la Haute cour du 27 février 2020, d'un arrêt de cette même cour d'appel, autrement composée, en date du 30 avril 2018 ; que ce dernier avait été cassé en toutes ses dispositions au motif que la cour de cassation avait estimé que la cour d'appel de BASSE-TERRE avait violé l'article L 321-4 du Code des procédures civiles d'exécution en retenant, pour juger que les époux [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la société BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la société CLARIDGE, que le contrat de bail venu à expiration le 31 août 2014 n'avait pu se reconduire tacitement du fait de la saisie opérée par la société BESTIN REALTY sur l'immeuble selon commandement du 4 mars 2013, alors que la délivrance d'un commandement valant saisie immobilière n'interdisait pas la conclusion d'un bail ou la reconduction tacite d'un bail antérieurement conclu et que le bail, même conclu après la publication d'un tel commandement, était opposable à l'adjudicataire qui en avait eu connaissance avant l'adjudication ; qu'il en résulte que la cour régulatrice estime que la conclusion ou le renouvellement ou la reconduction, expresse ou tacite, d'un bail reste possible au cours d'une procédure de saisie immobilière du bien loué, mais que ce bail nouveau, renouvelé ou reconduit n'est opposable à l'adjudicataire que si et seulement s'il en a eu une connaissance certaine ;

Attendu que si, en son arrêt du 8 mars 2021, la même cour d'appel, autrement composée en suite de la cassation totale du 27 février 2020, prenant acte de cette interprétation jurisprudentielle, a considéré que la société saisissante et adjudicataire, BESTIN REALTY, avait été informée à la fois du bail conclu entre la société CLARIDGE et les époux [YS] le 15 septembre 2008 'dont le terme au 31 août 2014 n'était pas mentionné mais qui était au contraire présenté comme conclu pour une durée de 11 années', et de sa reconduction tacite, elle a cependant jugé :

- que les époux [YS] ne pouvaient se prévaloir d'une reconduction tacite régulière en application de la loi du 6 juillet 1989 dès lors que la villa louée n'était pas affectée à leur résidence principale,

- que, dès lors, le bail de 2008 était soumis, à son expiration, aux dispositions de l'article 1737 du code civil, selon lequel le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé,

- et qu'en conséquence, ce bail n'avait pas été régulièrement renouvelé et ne pouvait donc être opposé à la S.A. BERTIN REALTY lors de la procédure d'expulsion ;

Attendu que la cour de cassation, dans son second arrêt de cassation, cette fois partielle, en date du 17 mai 2023, a considéré que la cour avait à tort négligé de rechercher si, au bail de 2008, les parties n'avaient pas entendu déroger aux dispositions de droit commun du louage, et en particulier à celles de l'article 1737 sus-visé, en stipulant une tacite reconduction qu'elle a ainsi estimée parfaitement légale et donc valable dans un bail pourtant soumis au seul code civil ;

Attendu que la cour de cassation n'a donc cassé l'arrêt du 8 mars 2021 qu'en ce que la cour d'appel y avait dit, sans rechercher si le contrat de bail contenait une clause de reconduction tacite à son terme, que les époux [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la société adjudicataire lors de l'expulsion de la société CLARIDGE le 8 juillet 2015 et ordonné par suite la vente des biens meubles inventoriés par l'huissier instrumentaire ;

Attendu qu'il en résulte que la cour de renvoi de ce siège, deuxième du nom dans le litige qui oppose la société CLARIDGE, saisie, et les époux [YS], qui se prétendent locataires de l'immeuble saisi, à la société BESTIN REALTY, saisissante et adjudicataire faute d'enchères, et Me [B], huissier instrumentaire qui a procédé à l'expulsion contestée, doit à nouveau statuer sur les demandes originelles des époux [YS], formées devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, tendant à la fois à voir annuler les opérations d'expulsion diligentées à leur encontre le 8 juillet 2015 et aux mesures subséquentes, étant observé que s'agissant des opérations d'expulsion du même jour à l'encontre de la société CLARIDGE, débiteur saisi, leur validation par le premier juge est désormais irrévocable, aucune cassation n'étant intervenue sur le second arrêt de la cour, en date du 8 mars 2021, en sa disposition par laquelle il n'a pas infirmé le jugement querellé du chef de cette validation, la cour de cassation, dans son arrêt du 17 mai 2023, n'ayant cassé et annulé le susdit second arrêt et remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, que sur la question du droit propre qu'auraient eu ou non les époux [YS] à opposer à la société BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la société CLARIDGE le 8 juillet 2015 et, partant, sur celle de la vente de leurs biens inventoriés au procès-verbal d'expulsion ;

Attendu qu'il s'infère des deux décisions de cassation sus-relatées que ces questions doivent être résolues à l'aune des règles de droit suivantes :

- un bail peut être renouvelé ou reconduit durant la procédure de saisie immobilière relative au bien loué, soit après délivrance du commandement aux fins de saisie,

- un tel bail renouvelé ou reconduit est opposable à l'adjudicataire s'il a été porté à sa connaissance avant l'adjudication,

- la reconduction tacite d'un bail soumis au droit commun du louage peut résulter, par dérogation à l'article 1737 du code civil, d'une stipulation du contrat contraire au principe de non reconduction résultant de cet article ;

IV-2- Sur le droit applicable au bail du 8 septembre 2008 et à sa reconduction

Attendu que nonobstant les motifs de l'arrêt du 8 mars 2021 et le fait qu'il n'ait pas été cassé en ce que la cour y a jugé que les époux [YS] étaient défaillants à rapporter la preuve qu'ils aient jamais habité la villa objet de la location de 2008 de manière effective et habituelle et qu'elle constituait le siège de leurs intérêts familiaux et le centre de leurs activités, les mêmes époux, en leurs conclusions devant cette cour de renvoi après cassation partielle dudit arrêt, maintiennent, à titre subsidiaire, en pages 15 à 30, chapitre A)2), que cette villa était bel et bien leur résidence principale ; mais que si la cour de cassation n'a pas cassé ledit arrêt à raison de ces motifs, elle l'a cassé pour d'autres motifs en ses dispositions qui ont rendu la reconduction du bail de 2008, à effet du 1er septembre 2014, inopposable à la société appelante et remis sur ce point cause et parties dans l'état où elles se trouvaient avant le 8 mars 2021, si bien que dans le cadre de la recherche qui s'impose à elle, en stricte observance des exigences de la Haute cour, de l'opposabilité ou non de cette reconduction à l'adjudicataire, la cour de renvoi de ce siège ne peut manquer de rechercher préalablement si le bail a pu ou non être

reconduit tacitement et, si oui, le fondement juridique d'une telle reconduction ;

Attendu que si les époux [YS] contestent toujours au juge de l'exécution et, partant, à la cour statuant sur appel de la décision de ce dernier, le pouvoir de requalifier le bail litigieux et soutiennent qu'en application de l'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution, ce juge ne peut modifier le dispositif du jugement qui sert de fondement aux poursuites, en l'espèce le jugement d'adjudication du 16 septembre 2014, il convient de constater qu'au dispositif de ce jugement d'adjudication le juge rejette les contestations formulées par les époux [YS], sans évoquer le contrat de bail, de sorte que l'autorité de la chose jugée ne peut être valablement invoquée, qui ne porte que ce qui a été jugé au dispositif des jugements ou ordonnances, et non point sur ses motifs, fussent-ils décisoires ;

Attendu que, surtout, aux termes des dispositions de l'article L 213-6 du même code, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, de quoi il ressort que ce juge, saisi d'une contestation relative à la régularité de la procédure d'expulsion réalisée en exécution d'un jugement d'adjudication, a le pouvoir de statuer sur la validité du contrat de bail grevant le bien qui est opposé à l'adjudicataire à l'occasion de la mesure d'expulsion ;

Attendu qu'il résulte de l'acte qui en est produit (pièce 21 de l'appelante), que le bail consenti le 15 septembre 2008 par la société CLARIDGE aux époux [YS] est qualifié de bail à usage d'habitation et stipule, en son article 3 intitulé « durée et congé », que la location est consentie pour six années commençant à courir le 1er septembre 2008, renouvelable ensuite par tacite reconduction et par période de six ans aux mêmes conditions initiales, faute de congé préalable, et ce moyennant un paiement mensuel de 3.000 euros avec un paiement d'avance des loyers pour les douze premières années avec un forfait pour les charges de 18.000 euros ;

Attendu que nonobstant cette qualification de bail à usage d'habitation, il appartient à la cour de rechercher, face aux contestations à cet égard de la société appelante, sa réelle nature, étant observé que l'occupation d'un logement est une notion de fait que ne présume en rien la nature du bail au titre de laquelle elle intervient ;

Attendu que la société BESTIN REALTY et Me [B], huissier instrumentaire dans le cadre de l'expulsion contestée, soutiennent que les époux [YS] ne vivaient pas ou plus, et ce depuis de nombreuses années, à [Localité 12], siège de la villa louée, et ne l'occupait donc pas, ni elle ni son époux, et en veulent notamment pour preuve le procès-verbal de signification, selon l'article 659 du code de procédure civile, de la mise en demeure faite le 18 octobre 2014 à Mme [YS] de justifier de l'occupation du logement ;

Cet huissier instrumentaire a effectivement mentionné que le nom de Mme [YS] ne figurait pas sur la boîte aux lettres, que le voisin le plus proche, M. [R] [E], lui avait indiqué ne pas avoir vu Mme [YS] depuis deux ans environ, que Mme [XE] [C], une autre voisine, indiquait la même chose en précisant qu'elle vivrait au LUXEMBOURG, que Mme [N] [M], adjointe au président de la collectivité de [Localité 12], et M. [Y] [T], major à la gendarmerie de la même collectivité, interrogés dans le cadre des recherches de vérification d'adresse, déclaraient qu'ils ne connaissaient pas Mme [YS] et enfin que des recherches effectuées au Luxembourg faisaient apparaître une adresse au [Adresse 1] ;

Attendu que, pour tenter de rapporter la preuve de l'occupation de cette villa en qualité de résidence principale, les époux [YS] produisent notamment aux débats :

- une facture d'eau afférente à la villa CLARIDGE du mois d'octobre 2011,

- un avis d'impôt sur le revenu 2015 à l'adresse de cette villa pour un impôt net à payer de 16.203,00 euros, étant précisé que Me [B] a également produit un avis d'impôt 2014 à cette même adresse pour un montant net à payer de 0 euro,

- une 'déclaration des revenus 2016" de Mme [YS] qui s'y domicilie à la villa en cause,

- une impression de la page du site officiel de la collectivité de [Localité 12] en novembre 2014, mentionnant Mme [YS] comme médiateur pénal depuis 2011, cette qualité étant démentie par le capitaine [X], commandant de la gendarmerie de [Localité 12],

- une attestation de M. [J] [F], gérant de la S.A.R.L. Villa management services, déclarant qu'il était chargé de la gestion, de l'entretien, du personnel et des prestataires de service de la villa CLARIDGE depuis le début de l'année 2011 pour le compte des époux [YS] qui y demeuraient et précisant que sur cette période la maison n'avait été louée qu'à deux reprises, cependant que M. [F] a établi une deuxième attestation remise le 7 août 2015 à Me [B], dans laquelle il affirme au contraire que les époux [YS] ne résidaient plus dans la villa depuis la fin de l'année 2013 et qu'il était chargé de réexpédier leur courrier à une boîte postale, de sorte que la valeur probante de sa première attestation s'en trouve éteinte

- une attestation d'assurance du véhicule de M. [YS], mais dont le souscripteur n'était pas ce dernier, mais la S.C.I. CLARIDGE, représentée par lui en sa qualité de gérant,

- une liste de factures d'entretien de la villa de janvier au 31 novembre 2014 établies par la société Villa management services adressées, non pas aux époux [YS] mais à la S.C.I. CLARIDGE,

- une facture de cessation de contrat d'électricité, dont le titulaire était ladite société,

- plusieurs factures d'assurance habitation adressées à la même seule société et non pas aux époux [YS],

- les cartes de membres fondateurs du parti républicain des époux [YS],

- quatre factures tendant à démontrer les frais engagés par les époux [YS] pour se loger après leur expulsion, mais en réalité adressées par le bailleur « les îlets de la plage saint Bath » à M. [A] [Z] « [Adresse 14]»,

- deux certificats médicaux émanant de médecins de [Localité 12] attestant y avoir soigné M. [YS],

- une estimation de retraite mentionnant [Localité 12], mais sans adresse complète et de toute façon postérieure à l'expulsion,

- un passeport de Mme [YS] mentionnant l'adresse de [Localité 12],

- et diverses autres pièces évoquant l'adresse de [Localité 12];

Attendu que ces éléments, pris individuellement ou en leur ensemble, demeurent très insuffisants pour démontrer que la villa CLARIDGE constituait la résidence principale des époux [YS], s'agissant principalement de documents relatifs aux frais d'entretien d'une villa de luxe, en majeure partie pris en charge par la société CLARIDGE et non par eux-mêmes, ou de documents purement déclaratifs de leur part (comme les déclarations fiscales ou avis d'impôt basés sur ces déclarations), et donc insusceptibles, à défaut d'être corroborés par des éléments objectifs qui ne soient pas de leur propre main, de constituer une preuve certaine ;

Attendu qu'il en résulte en tout cas que les époux [YS] n'y justifient d'aucune activité professionnelle à [Localité 12], alors qu'ils sont propriétaires de plusieurs biens immobiliers à [Localité 11] et à [Localité 6], figurant comme siège social des sociétés à vocations immobilières dans lesquelles ils avaient des intérêts ;

Attendu qu'en outre et à l'inverse, des impressions d'écran de plusieurs sites de location de villas de luxe produites par la société BESTIN REALTY et Me [B] révèlent que la villa CLARIDGE était proposée à la location touristique au cours des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, et ce, au long de chacune de ces années, avec un tarif différent selon les saisons, allant notamment de 2.835 euros à 8.629 euros la nuit ou de 22.900 à 60.000 dollars la semaine ;

Attendu que par ailleurs, plusieurs décisions de justice communiquées par la S.A. BESTIN REALTY caractérisent le fait que les époux [YS] se sont domiciliés en 2009 au Luxembourg, aux termes notamment d'un arrêt de la cour de cassation du Grand Duché du Luxembourg du 29 janvier 2009, ou à PARIS, aux termes d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 avril 2010 ;

Attendu qu'il appert de l'ensemble des éléments produits par l'appelante que la villa CLARIDGE représentait davantage, pour les époux [YS], locataires, une source de revenus locatifs saisonniers considérables, qu'une habitation principale, et ce dans un rapport financier hautement rentable, puisqu'il est démontré que, sur la base d'une location de long terme au loyer mensuel de seulement 3 000 euros pour une villa vendue aux enchères publiques, sans enchérisseur, pour cinq millions sept cent mille euros (soit une rentabilité de base dérisoire pour la société CLARIDGE, bailleur, puisque de seulement 0,63 % l'an environ), les époux [YS] tentaient de la louer saisonnièrement à des prix allant de plus de 700 euros par jour a minima à près de 9000 euros par jour ;

Attendu que les époux [YS] échouent par suite à rapporter la preuve qu'ils aient jamais habité de manière effective et habituelle la villa CLARIDGE objet du bail de 2008 reconduit en 2014, et qu'elle constituait le siège de leurs intérêts familiaux et le centre de leurs activités ;

Attendu qu'il en résulte que ce bail était soumis aux dispositions de droit commun du louage de choses, notamment, à son expiration, à celles de l'article 1737 du Code civil, d'une part, et d'autre part et subséquemment, qu'ils ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur du 24 juillet 1994 au 28 mars 2009, au soutien du renouvellement par tacite reconduction du contrat de bail du 15 septembre 2008 ;

IV-3- Sur la demande des époux [YS] tendant à l'annulation de la mesure d'expulsion diligentée à leur encontre et leurs demandes subséquentes en dommages et intérêts

IV-3-a- Sur la mesure d'expulsion

Attendu que la complexité de la procédure émaillée d'un jugement de première instance, de deux arrêts de la cour d'appel de ce siège et de deux arrêts de cassation totale d'abord, puis partielle, impose de rappeler, en exergue de ce chapitre dédié à la validité de la mesure d'expulsion contestée :

- que, créancière de la S.C.I. CLARIDGE, la société BESTIN REALTY a poursuivi la vente forcée d'une villa sise à [Localité 12] lui appartenant, mais prétendument occupée par le gérant de la débitrice, M. [YS], et son épouse, Mme [YS], en vertu d'un bail écrit conclu le 15 septembre 2008 à effet du 1er septembre précédent,

- que, faute d'enchérisseur, le bien a été définitivement adjugé à la société saisissante, et ce par jugement d'adjudication du 16 septembre 2014 valant titre d'expulsion à l'encontre du débiteur saisi en vertu de l'article L322-13 du code des procédures civiles d'exécution,

- que partie saisissante et adjudicataire étaient donc la même personne,

- que celle-ci, par Me [B], huissier de justice, a fait procéder à l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE et de tous occupants de son chef, en ce compris les époux [YS], le 8 juillet 2015, sous réserve de la saisine ultérieure du juge de l'exécution pour régler le sort des biens y trouvés et inventoriés, après avoir délivré à ladite S.C.I. un commandement de quitter les lieux en date du 6 décembre 2014,

- que Me [B] a procédé à cette expulsion en présence de la force publique selon procès-verbal relatant ses diligences avec inventaire des meubles garnissant les lieux établi ce 8 juillet 2015, les deux personnes présentes, Mme [Z] [A] et M. [O] [G] ayant déclaré être en vacances et membres de la famille des époux [YS],

- que ce procès-verbal a été dénoncé à la S.C.I. CLARIDGE le 11 juillet 2015 avec assignation à comparaître devant le juge de l'exécution pour qu'il soit statué sur le sort des biens inventoriés et laissés sur place, cependant que de leur côté les époux [YS] ont saisi le même juge en contestation des opérations d'expulsion, faisant valoir un droit propre en qualité de locataires du bien,

- qu'ils ont plus précisément contesté à la S.A. BESTIN REALTY tout titre pour procéder à leur expulsion et à l'huissier de justice, toute autorisation pour pénétrer dans les lieux, en l'application de l'article L 322-2 du code des procédures civiles d'exécution aux termes duquel, notamment, lorsque les lieux sont occupés par un tiers en vertu d'un droit opposable au débiteur, l'huissier de justice ne peut y pénétrer que sur autorisation préalable du juge de l'exécution à défaut d'accord de l'occupant,

- et qu'au soutien de cette contestation, les époux [YS] se sont prévalu du contrat de bail sus-visé que leur avait consenti la S.C.I. CLARIDGE, en la personne de l'un d'eux, gérant, le 15 septembre 2008 à effet du 1er septembre 2008 pour une durée de six ans renouvelable par tacite reconduction, lequel, arrivé selon eux à son terme le 31 août 2014, avait été, selon eux, tacitement reconduit à compter du 1er septembre 2014 par la S.C.I. CLARIDGE qui était toujours propriétaire des lieux puisque l'adjudication n'était intervenue que le 16 septembre 2014 ;

Attendu qu'aux termes des dispositions des articles L321-2 al 1 et 2 et L321-4 du code des procédures civiles d'exécution :

- l'acte de saisie rend l'immeuble indisponible et restreint les droits de jouissance et d'administration du saisi et celui-ci ne peut ni aliéner le bien ni le grever de droits réels sous réserve des dispositions de l'article L. 322-1 (L321-2 al 1 et 2),

- les baux consentis par le débiteur après l'acte de saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l'acquéreur et la preuve de l'antériorité du bail peut être faite par tout moyen (L321-4) ;

Attendu qu'il a été rappelé ci-avant (cf chapitre V-I) que la cour de cassation, en sa deuxième chambre civile à tout le moins, estime qu'en application des dispositions de cet article L321-4 du code des procédures civiles d'exécution :

- la délivrance d'un commandement valant saisie immobilière n'interdit pas la conclusion d'un bail ou la reconduction tacite d'un bail antérieurement conclu,

- le bail, même conclu après la publication d'un tel commandement, est opposable à l'adjudicataire qui en a eu connaissance avant l'adjudication ;

Attendu qu'il est désormais acquis aux débats que, du fait même du jugement d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE en date du 29 avril 2014, le bail initial du 15 septembre 2008, d'une durée de 6 ans à effet du 1er septembre précédent, en tant qu'il a été conclu antérieurement au commandement de payer délivré par la société BESTIN REALTY le 4 mars 2013, est bien, dans sa période courant du 1er septembre 2008 au 31 août 2014, opposable au créancier poursuivant,devenu adjudicataire du bien saisi ; mais que ce même juge, à la date de sa saisine, ne pouvait avoir en vue la prorogation ou la reconduction tacite de ce bail puisque la date de son échéance n'était pas encore advenue, si bien qu'il ne s'est pas expressément prononcé sur ce point, qu'aucune autorité de chose jugée ne s'en infère donc à cet égard, et que, sur appel du jugement querellé du 23 février 2016 qui, lui, a jugé que cette reconduction était bel et bien intervenue et était opposable à l'adjudicataire, il appartient à cette cour de renvoi d'y statuer;

Attendu que la cour d'appel dont l'arrêt du 8 mars 2021 a été sur ce point cassé, a estimé que le bail du 15 septembre 2008, en tant qu'il n'était soumis qu'aux dispositions de droit commun relatives au louage de choses, notamment celles de l'article 1737 du code civil, n'avait pas été régulièrement renouvelé à la date d'expiration du bail de 2008, soit au 31 août 2014, au motif qu'aux termes de cet article le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé et qu'ainsi aucune reconduction tacite n'était permise ;

Mais attendu qu'en son arrêt de cassation partielle du 17 mai 2023, la Haute cour estime que dans leur contrat de bail, fût-il soumis au seul code civil, bailleur et locataire peuvent valablement, par une stipulation écrite, déroger aux dispositions de l'article 1737 sus-rappelées et prévoir une reconduction tacite ;

Or, attendu qu'il résulte de l'acte de bail à usage d'habitation conclu le 15 septembre 2008 entre la S.C.I. CLARIDGE, bailleur, et M. et Mme [YS]-[V], locataires, produit en pièce 21 du dossier de l'appelante, qu'il contient un article 3 intitulé 'Durée et congé' ainsi libellé : 'La présente location est consentie et acceptée pour une durée de six ans (6 ans) qui commencent à courir le 1er septembre 2008 : renouvelable par tacite reconduction et par période de six ans (6 ans) aux mêmes conditions initiales faute de congé préalable' ;

Attendu que cette clause est parfaitement claire et dénuée d'ambiguïté, qui stipule expressément une reconduction tacite faute de congé préalable ;

Attendu qu'à l'encontre de l'opinion de la société BESTIN REALTY, qui estime que les parties 'n'ont pas entendu contractuellement déroger à l'article 1737 du code civil lors de la signature du bail (...)', la circonstance que ce bail ait été rédigé et signé au visa préliminaire de la loi du 6 juillet 1989 (dans sa version, pour ses dispositions ici en cause, en vigueur du 14 juin 2006 au 19 mai 2011 en suite de la loi modificative du 13 juin 2006, puisque le bail a été conclu en 2008), alors même que, pour les époux [YS] ne pouvoir démontrer avoir eu la villa ainsi louée pour résidence principale, seul le droit commun du louage de choses lui est applicable (ainsi que jugé au chapitre IV-2 supra), ne permet pas d'exclure qu'en application des termes clairs et dénués d'ambiguïté de la clause litigieuse, la commune intention des parties ait été bel et bien de prévoir ladite reconduction tacite ; qu'en effet, l'article 3 qui la stipule clairement et expressément est autonome et n'est de toute façon pas conditionné à l'applicabilité de cette loi de 1989 en sa version en vigueur en 2008 ; que, toujours à l'encontre de l'opinion de l'appelante, cette clause 3 n'est d'ailleurs pas la 'stricte reproduction' des alinéas 2 et 3 de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989, à telle enseigne qu'il n'y est fait nulle référence aux délais du préavis accordés aux bailleur et locataire tels que

fixés par renvoi à l'article 15 I al 2 de cette loi en vigueur en 2008, soit 6 mois pour le premier et 3 mois pour le second, puisqu'au troisième paragraphe de la clause 3 du bail, un délai de préavis de seulement trois mois y est stipulé à la charge du bailleur et de seulement un mois à celle du locataire ; qu'il en résulte que la volonté des parties contractantes y est exprimée de façon claire, sans ambiguïté aucune et de façon autonome par rapport à la loi de 1989 ; que le fait que les parties n'aient pas, lors de la conclusion du bail en 2008, envisagé qu'il pût, sur requalification par le juge, être soumis aux dispositions de droit commun du louage de choses et, partant, à l'article 1737 du code civil qui établit un principe de non-reconductibilité tacite du contrat, et que, dès lors, elles n'aient pas stipulé l'article 3 par dérogation expresse à ce principe, ne permet pas de contredire leur commune intention telle que clairement exprimée par les termes de cet article 3 ; qu'il n'est donc pas permis, au seul soutien des articles 1188 et 1189 al 1 du code civil, de dénaturer les termes de cette clause 3 en lui ôtant toute portée ; qu'en conséquence, cette clause contractuelle est parfaitement valable et doit recevoir application ;

Attendu que la fraude invoquée par l'appelante, en ce qu'elle corrompt tout, n'aurait pu intervenir qu'à la conclusion du bail en 2008, la société BERTIN REALTY indiquant d'ailleurs expressément qu'elle est d'abord fondée selon elle sur le fait que ce bail a été conclu par le gérant de la société propriétaire, CLARIDGE, à son propre profit et au profit de son épouse, quelques jours seulement après la publication, le 5 septembre 2008, et sa dénonciation à la société CLARIDGE le 11 suivant, de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire qu'elle avait été autorisée à réaliser sur la villa litigieuse ; or, attendu qu'il a été constaté ci-avant que par son jugement d'orientation 29 avril 2014, ajourd'hui irrévocable, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE avait validé l'opposabilité de ce bail au créancier poursuivant devenu adjudicataire, si bien qu'il ne peut plus être ici remis en cause en sa validité ; et que, dès lors que sa reconduction tacite à effet du 1er septembre 2014 n'est que le résultat d'une de ses clauses claires, précises et parfaitement régulière et valable, sa mise en oeuvre ne peut être qualifiée de frauduleuse ;

Mais attendu que s'il est manifeste qu'en stricte application de son article 3 et en l'absense de preuve d'un congé qui aurait été préalablement notifié par l'une ou l'autre des parties à ce contrat avant soit le 31 mai 2014 pour le bailleur et avant le 31 juillet 2014 pour le preneur, le bail litigieux a été reconduit tacitement à l'expiration de sa durée initiale de 6 années, soit à effet du 1er septembre 2014, cette reconduction est ainsi intervenue postérieurement à la signification à la société CLARIDGE, débiteur saisi, du commandement aux fins de saisie immobilière du 4 mars 2013 ;

Or, attendu que, selon une jurisprundence très ancienne (Civ. 26 novembre 1929), la tacite reconduction n'entraîne pas prorogation du contrat primitif mais donne naissance à un nouveau contrat, en l'espèce un nouveau bail, si bien qu'en vertu des principes issus de l'article L321-4 du code des procédures civiles d'exécution et de la lecture qu'en fait la cour de cassation, selon lesquels, d'une part, la délivrance d'un commandement valant saisie immobilière n'interdit pas la conclusion d'un bail ou la reconduction tacite d'un bail antérieurement conclu, et, d'autre part, le bail, même conclu après la publication d'un tel commandement, est opposable à l'adjudicataire à la condition qu'il en ait eu connaissance avant l'adjudication, il y a lieu de rechercher si, avant le jugement d'adjudication de la villa CLARIDGE en date du 16 septembre 2014, l'adjudicataire, qui n'est autre que le créancier saisissant, avait eu connaissance de la reconduction, à effet du 1er septembre 2014, du bail du 11 septembre 2008 ;

Attendu que dès lors qu'il ne peut pas être sérieusement demandé à l'adjudicataire de faire la preuve négative, et donc impossible, de ce qu'il

n'aurait pas eu connaissance de cette tacite reconduction, il appartient aux époux [YS], demandeurs à l'opposabilité de leurs prétendus droits locatifs sur l'immeuble saisi, de faire la preuve positive de la connaissance qu'avait la société BESTIN REALTY de ladite reconduction du bail de 2008 ;

Or, attendu que force est de constater que cette preuve ne résulte d'aucune des pièces qu'ils versent aux débats ; qu'en particulier, ainsi que relevé à juste titre par l'appelante, aucun des actes préalables à l'adjudication, savoir le procès-verbal de description (pièce 112 du dossier [YS]), le cahier des conditions de la vente (pièce 113), le procès-verbal d'apposition de placard (pièce 113-bis), ne contient, par essence, puisqu'établis en 2013, soit bien avant l'expiration du bail initial, une quelconque information quant à une reconduction effective, à effet du 1er septembre 2014, du bail de 2008 ; et qu'aucune autre pièce n'est versée aux débats, ni même alléguée, qui ferait la preuve de la connaissance certaine, qui ne peut être confondue avec une simple suspicion ou une simple possibilité, d'une reconduction effective à effet du 1er septembre 2014 ;

Attendu qu'en effet, d'une part, si le cahier des charges de la vente aux enchères publiques était explicite sur la situation locative du bien puisqu'il mentionnait l'existence d'un bail à usage d'habitation pouvant impliquer une reconduction tacite de plein droit en application du droit commun des locations à usage d'habitation résultant de la loi du 6 juillet 1989, de seconde part, s'il résulte du procès-verbal de description des biens établi le 22 avril 2013 par Me [D] [B], dont une copie a été déposée au greffe avec le cahier des charges, que la villa était louée aux époux [YS] en vertu d'un bail à usage d'habitation en date du 15 septembre 2008 pour un loyer mensuel de 3.000 euros, sans autre précision quant à sa durée et, de troisième et dernière part, si ledit procès-verbal de description contenait en annexe la requête aux fins d'autorisation de pénétrer dans le local pour l'établissement de ce procès-verbal, déposée par la S.A. BESTIN REALTY devant le juge de l'exécution, aux termes de laquelle elle exposait que M. [YS], ès qualités de gérant de la société CLARIDGE, lui avait indiqué, en contradiction avec les mentions du susdit procès-verbal, que la villa était occupée par les époux [YS] 'en vertu d'un contrat de bail en date du 15 août 2008 et conclu pour une durée de 11 années entières et consécutives pour un versement unique de 450.000 euros réglé en une fois à la conclusion du contrat' :

- il est acquis aux débats depuis maintenant fort longtemps qu'une telle présentation était erronée, voire mensongère à plus d'un titre, puisqu'il est constant, contrat dûment produit à l'appui (pièce 21), que le seul bail dont disposaient les époux [YS] en qualité de locataires de la villa litigieuse n'avait été conclu et signé que le 15 septembre 2008 (et non le 15 août 2008), mais surtout pour la seule durée de 6 ans (et non de 11 années) à effet du 1er septembre 2008, avec reconduction tacite à défaut de congé préalable, et que le loyer global allégué pour 450 000 euros pour 11 années de location révélait un loyer mensuel de plus de 3 400 euros et non point les 3 000 euros mensuels réellement convenus, de quoi il ressort que le saisissant avait été trompé sur le contenu réel du bail et que, dès lors, il ne peut être tiré d'une telle tromperie qu'il aurait eu connaissance d'une reconduction tacite en 2014, laquelle, à l'aune de cette fausse information, n'avait pas d'objet,

- il n'était en effet nullement question de reconduction tacite en 2014 dans cette information erronée ou mensongère, ce qui d'ailleurs relève d'une logique certaine puisque, si le bail avait été conclu, comme prétendu, pour 11 années, il ne serait parvenu à son terme qu'en 2019, donc bien après la tentative d'expulsion de la société CLARIDGE et de tous occupants de son chef, en sorte que ce bail aurait été à l'évidence opposable à l'huissier instrumentaire et sa cliente, comme conclu avant le commandement aux fins de saisie,

- si, de toute façon, l'adjudicataire a ainsi eu connaissance, avant l'adjudication, de l'existence d'un bail d'habitation conclu en 2008 sous, a priori, le régime de la loi de 1989 qui prévoit une reconduction tacite de plein droit à défaut de congé préalable, soit 6 mois avant son expiration s'il émane du bailleur et 3 ou 1 mois s'il émane du locataire, la connaissance d'une telle possibilité de reconduction tacite ne peut être assimilée à la connaissance d'une reconduction tacite effective, puisque celle-ci pouvait être empêchée par la délivrance d'un congé à l'initiative de l'une ou l'autre des parties au contrat de location,

- en outre, il a été jugé ci-avant qu'en l'absence de preuve de ce que les époux [YS], locataires, aient jamais fixé dans la villa louée leur résidence principale, que ce bail de 2008 ne relevait pas de la loi de 1989 mais du droit commun des contrats de louage de chose qui exclut par principe, en l'article 1737 du code civil, toute reconduction tacite, si bien qu'en l'absence de justification de ce qu'avant l'adjudication la société BESTIN REALTY ait reçu la copie dudit bail qui seule lui aurait permis d'y prendre connaissance de son article 3 stipulant, par dérogation au bail de droit commun finalement ainsi requalifié, une durée de 6 ans reconductible tacitement à son expiration faute de préavis contraire, il n'est pas davantage permis d'induire de la connaissance qu'elle avait de l'existence de ce bail la certitude de sa reconductibilité tacite ;

Attendu que cette analyse des faits de la cause en lien avec le droit applicable tel qu'il résulte notamment des deux arrêts de cassation des 27 février 2020 et 17 mai 2023, n'est nullement contraire, comme le prétendent à tort les époux [YS], aux termes du premier de ces arrêts en ce que la cour de cassation y a jugé que 'le bail, même conclu après la publication d'un (...) commandement est opposable à l'adjudicataire qui en a eu connaissance avant l'adjudication' ; qu'en effet, ce disant, la Haute cour a énoncé un principe selon lequel un bail conclu ou reconduit pendant la procédure de saisie immobilière est valable à la condition qu'il ait été porté à la connaissance de l'adjudicataire avant l'adjudication, d'une part, et, d'autre part, il appartient au juge du fond, soit la cour de céans en l'espèce, de rechercher si bail ou reconduction d'un bail antérieur il y a eu et, si oui, si ce bail et sa reconduction avaient été portés ou non à la connaissance de l'adjudicataire avant l'audience d'adjudication ;

Attendu qu'enfin, c'est à tort que les époux [YS] prétendent que la S.A. BESTIN REALTY a admis l'existence du bail tacitement reconduit en faisant délivrer à Mme [YS], par acte d'huissier en date du 18 octobre 2014 (cf les 5 dernières pages de la pièce 7 des époux [YS]) une 'mise en demeure de justifier de l'occupation du logement' ; qu'en effet, si cette mise en demeure est postérieure à la reconduction tacite ci-avant constatée à la date du 1er septembre 2014, rien, dans cette mise en demeure, ne permet d'en inférer la connaissance qu'aurait eue l'adjudicataire de cette reconduction ; qu'il en résulte même l'exact contraire, ainsi qu'il ressort des premières mentions de cette mise en demeure, celles par lesquelles l'huissier instrumentaire, au nom de l'adjudicataire, se borne à rappeler que suivant bail à usage d'habitation signé le 15 septembre 2008 et ayant pris effet le 1er septembre 2008, Mme [YS] était locataire de la villa litigieuse, que depuis deux ans environ aucun de ses voisins ne l'avait vue dans le logement aux volets constamment fermés et que 'ces divers éléments laiss(ai)ent supposer qu'elle avait quitté les lieux et abandonné ledit logement' ; qu'en effet, loin de pouvoir inférer de ce préambule et, partant, de cet acte, que l'adjudicataire avait connaissance du renouvellement du bail, la cour ne peut qu'y voir une légitime suspicion de ce dernier de ce que le logement était abandonné depuis deux ans environ, soit bien avant la reconduction tacite intervenue le 1er septembre 2014, et, subséquemment, de ce que plus aucun bail d'habitation ne grevait la villa ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments et analyses des faits de la cause que les époux [YS], non plus que la société CLARIDGE, ne font ici la preuve de ce que la société BESTIN REALTY ait eu connaissance, avant le jugement d'adjudication prononcé à son profit, en l'absence d'enchérisseur, le 16 septembre 2014, de la reconduciton tacite, à compter du 1er septembre précédent, du bail conclu

le 15 septembre 2008 pour 6 ans renconductibles à effet du 1er septembre précédent, lequel lui avait été faussement présenté ab initio, via son huissier instrumentaire, Me [B], comme ayant été conclu le 15 août 2008 pour 11 ans ; que, subséquemment, en application des dispositions de l'article L321-4 du code des procédures civiles d'exécution et de la jurisprudence de la cour de cassation à cet égard, le bail ainsi reconduit à effet du 1er septembre 2014 au profit des époux [YS] n'est pas opposable à l'adjudicataire sus-nommée ; qu'en conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en sa disposition par laquelle le juge de l'exécution y a annulé la procédure d'expulsion dirigée à l'encontre des épux [YS] et, statuant à nouveau :

- de dire que M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la SA BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE le 8 juillet 2015,

- et de débouter les époux [YS] de leur demande tendant à l'annulation de la procédure d'expulsion dirigée à leur encontre ;

IV-3-b- Sur le sort des meubles

Attendu qu'à l'encontre de l'assertion en ce sens des époux [YS] en leurs conclusions du 8 juin 2024, page 42, 3ème paragraphe, il ne résulte nullement des écritures de la société BESTIN REALTY et de celles de Me [B] que les meubleset effets personnels seraient à leur disposition, Me [B] se bornant à rappeler la procédure qu'elle a suivie en respect des prescriptions règlementaires, savoir le maintien des biens meubles sur place avec sommation à la partie expulsée d'avoir à les retirer dans le mois, faute de quoi ils seraient vendus aux enchères ou déclarés abandonnés sur décision du juge ;

Attendu que par ailleurs les époux [YS] s'en prétendent propriétaires ;

Attendu cependant qu'il n'est pas contesté que l'acte de propriété de la société CLARIDGE en date du 9 juillet 2001 précise que la villa était vendue meublée ; qu'il n'est pas contesté davantage que le bail du 15 septembre 2008 n'ait été suivi d'aucun état des lieux et qu'à cet égard les parties se soient bornées à faire référence à l'état des lieux établi en 2001 lors de l'achat de la villa par ladite société, de quoi il résulte que ce sont bien les meubles dont cette dernière était propriétaire qui s'y trouvaient lorsque les époux [YS] l'ont prise en location ; qu'il n'est rien produit par ces derniers qui démontrerait qu'à ces meubles en place dès 2001 auraient été substitués ensuite les leurs propres ; que, par ailleurs, ils estiment en être néanmoins désormais seuls propriétaires, en arguant pour ce faire à la fois d'un apport en compte courant d'associés qu'ils auraient fait au profit de la société LAUREN, elle-même associée unique de la société CLARIDGE, et du remboursement 'partiel' 'en nature' de ce compte courant 'par un transfert de propriété des meubles présents dans la villa évalués à la somme de 98 418 euros' ; qu'ils en veulent pour preuve, d'abord, un procès-verbal d'assemblée générale de ladite société LAUREN en date du 12 juillet 2008 qui acterait un abandon à due concurrence, par eux-mêmes, du susdit compte courant, alors même que ce procès-verbal, en ce qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas été publié au RCS compétent, n'a pas date certaine et que, de toute façon, le lien entre un tel abandon et la vente de meubles tel qu'invoqué par les intimés reste très incertains, ce d'autant qu'il est invoqué par ailleurs un échange de mails produit en pièce 37, lequel contient un courriel adressé par '[YS] /mailto:[Courriel 9]/' à '[S], [W]', le 6 août 2008, par lequel son auteur demande à cette dernière de procéder à divers virements, notamment, 'ce jour', au virement d'une somme de 98418 euros à l'ordre de 'SVV D. [L] (...) avec mention 'vente de meubles N° 11530', sans que la cour soit en mesure de déterminer avec exactitude qui sont ces interlocuteurs, que ce soit '[W]' ou 'SVV D.[L]', et si les meubles ainsi visés étaient ou non les meubles de la villa CLARIDGE ; qu'ainsi les époux [YS] échouent-ils à faire la preuve de ce qu'ils seraient propriétaires de ces derniers ; et qu'il y a lieu de considérer que les meubles meublants qui se trouvaient dans la villa lors des opérations de saisie, laissés sur place, appartenaient à la société CLARIDGE et constituent, comme tels, le gage de son créancier ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que société CLARIDGE soit toujours débitrice à l'égard de la S.A. BESTIN REALTY d'une somme de 461.602 euros ; qu'il convient en conséquence :

- d'infirmer le jugement déféré en ce que le juge y a débouté la société BESTIN REALTY de sa demande tendant à voir statuer sur le sort des meubles et enjoint Me [B], huissier de justice, au cas où elle aurait déplacé ces meubles et les effets personnels des époux [YS], à les remettre à ses frais dans la villa louée,

- et, statuant à nouveau, d'ordonner, sur demande en ce sens de la société BESTIN REALTY, la vente desdits meubles ;

IV-3-c- Sur les demandes de dommages et intérêts des époux [YS]

Attendu que dans la continuté de leur demande tendant à l'annulation de la mesure d'expulsion à leur encontre, les époux [YS] formulent à l'encontre de la société BESTIN REALTY et Me [B], huissier, des demandes de dommages et intérêts qu'il convient de distinguer selon qu'elles aient ou non déjà été rejetées par la cour d'appel en son arrêt du 8 mars 2021, puisque cet arrêt n'a été cassé et annulé par la cour de cassation qu'en ses dispositions relatives au droit propre opposé par les époux [YS] à la société BESTIN REALITY lors de l'expulsion de la société CLARIDGE et à la vente des biens inventoriés au PV d'expulsion du 8 juillet 2015 ;

Attendu qu'une première demande consiste en des dommages et intérêts réclamés à la société BESTIN REALTY et Me [B] à hauteur, pour chacun des époux [YS], de 50 000 euros 'pour expulsion illégale et abusive', soit une demande identique à celle qu'a rejetée la cour d'appel en son arrêt du 8 mars 2021, non cassé et donc irrévocable sur ce point, si bien que la cour de renvoi de ce siège n'en est pas saisie valablement et que, dès lors, ces demandes seront, pour ce motif, rejetées ;

Attendu qu'en revanche, il est demandé nouvellement devant cette cour, la condamnation de la seule société BERTIN REALTY à payer à M. et Mme [YS], les sommes suivantes :

- 107 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

Attendu qu'aucune de ces demandes n'était formulée devant la cour qui a rendu l'arrêt du 8 mars 2021, si bien qu'elles n'ont pas été purgées par l'arrêt de cassation partielle de la cour de cassation du 17 mai 2023 et qu'il y a donc lieu d'y statuer ;

Mais attendu que dès lors que la mesure d'expulsion à l'encontre des époux [YS] a été ci-avant validée, la société BESTIN REALTY ne peut se voir imputer de ce chef aucune faute en lien avec les préjudices invoqués, si bien qu'il y a lieu de débouter les sus-nommés intimés de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudices moral et de jouissance ;

V- Sur la demande de la société BESTIN REALTY en dommages et intérêts

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 954 al 1 et 2 du code de procédure civile, en sa version applicable aux appels diligentés avant le 1er septembre 2017 (l'appel de la société BESTIN REALTY à l'encontre du jugement du 23 février 2016 datant du 1er mars 2016) :

- les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées,

- un bordereau récapitulatif des pièces est annexé et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Or, attendu que les longues dernières écritures de la société BESTIN REALTY, si elles contiennent en leur dispositif une demande de dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros formulée à l'encontre des époux [YS], n'évoquent à aucun moment, en leurs parties dénommées 'rappel des faits et de la procédure' et 'discussion', cette demande et les moyens qui la fonderaient ; qu'au surplus, de l'ensemble des incriminations néanmoins proférées par ladite société à l'égard des époux [YS] en ces écritures, il ne ressort aucune faute de leur part en lien avec les faits de la cause et la présente instance, qui serait détachable des moyens légitimement proposés par eux au soutien de leur contestation de l'expulsion litigieuse, et qui serait de nature à avoir causé à la société appelante un préjudice distinct des frais de procédure envisagés ci-après au chapitre des dépens et frais irrépétibles ; que, d'ailleurs, aucun préjudice d'aucune sorte, hors procédural, n'est allégué par la société BESTIN REALTY ; qu'il échet par suite de la débouter de sa demande en dommages et intérêts ;

VI- Sur les dépens et frais irrépétibles

Attendu que la cour de cassation, en son arrêt du 17 mai 2023, n'a pas cassé l'arrêt de cette cour du 8 mars 2021 en ce que, infirmant le jugement querellé du chef des dépens et frais irrépétibles, elle a condamné les époux [YS] aux dépens de première instance et d'appel arrêtés à la date de cet arrêt, et à payer à la société BESTIN REALTY et Me [B] les sommes, respectivement, de 10 000 euros (pour la première) et de 8 000 euros (pour la seconde) au titre des frais irrépétibles arrêtés à cette même date, si bien que la cour de renvoi de ce siège n'en est pas valablement saisie ; qu'en revanche, elle est bel et bien saisie des dépens de l'instance d'appel de renvoi après arrêt de cassation du 17 mai 2023 ;

Attendu que, compte tenu de la succombance des époux [YS] en cette procédure de renvoi après seconde cassation, il y a lieu de leur en imputer les entiers dépens, in solidum, de les débouter par suite de leurs demandes au titre de leurs propres frais irrépétibles, et, en équité, de les condamner, également in solidum, à indemniser la société BESTIN REALTY, mais aussi Me [B], des frais irrépétibles de cette instance à hauteur, respectivement, de 20 000 euros et 10 000 euros ;

Attendu qu'en revanche, la société CLARIDGE, dont l'expulsion de la villa du même nom n'était plus l'objet de la présente instance sur renvoi après cassation, puisque l'arrêt de cette cour du 8 mars 2021 n'a pas été cassé en ce qu'il avait exclu de l'infirmation du jugement querellé sa disposition relative à cette expulsion, ne peut être condamnée, in solidum avec les époux [YS], aux dépens de cette instance, non plus, subséquemment, qu'aux frais irrépétibles de la société BESTIN REALTY et de Me [B] ; qu'il y a donc lieu de débouter ces deux dernières de leurs demandes de ces chefs ;

Attendu qu'enfin, la société BESTIN REALTY n'a pas succombé en cette instance sur renvoi après cassation et n'est pas ici condamnée aux dépens, si bien que la société CLARIDGE ne peut qu'être elle-même

déboutée de sa demande à son encontre fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Dit recevable, au plan du délai pour agir, la saisine par la société anonyme BESTIN REALTY, de la cour d'appel de renvoi désignée par la cour de cassation en son arrêt de cassation partielle du 17 mai 2023,

- Rejette comme tardives les conclusions de dernière minute remises au greffe par le conseil de M. et Mme [YS], par voie électronique, le 13 octobre 2024 et dit par suite que leurs dernières conclusions recevables sont celles qui ont été remises au greffe le 8 juin 2024,

- Ordonne la suppression, au sein des conclusions de la société BESTIN REALTY remises au greffe le 12 mars 2024, des passages suivants :

1°/ le passage de la page 14 commençant par 'toutefois, il ne peut être laissé sous silence qu'il (M. [YS]) a fait l'objet de lourdes condamnations criminelle et correctionnelle pour avoir : (...)' et se terminant par : 'Quant à Mme [YS] qui (s)'abrite dans la fonction (usurpée comme il sera démontré ci-après) de médiateur pénal, elle a fait l'objet, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire concernant la société Lauren de poursuites en faillite personnelle et d'interdiction de gérer à la requête du procureur de la République de [Localité 6] qui la reecherchait vainement en 2016 à [Localité 12], puisqu'elle y était domiciliée alors qu'elle n'y demeurait pas (pièce n° 108)',

2°/ la dernière phrase du point 56, page 48 des mêmes conclusions : 'M. [YS] n'a manifestement pas tiré les leçons de ses précédentes condamnations' ;

- Rejette des débats la pièce 1A du dossier de la S.A. BESTIN REALTY, consistant en la décision de la commission européenne des droits de l'homme rendue le 4 septembre 1996 sur requête de M. [YS] c/ FRANCE n° 24239/94,

- Rejette le surplus des demandes de M. et Mme [YS] en suppression de passages desdites conclusions,

- Déboute M. et Mme [YS] de leur demande tendant au rejet des débats des pièces 39 à 43 du dossier de la société BESTIN REALTY,

- Déboute M. et Mme [YS] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 1 euro,

Statuant dans les limites du renvoi après cassation ordonné par la cour de cassation en son arrêt du 17 mai 2023,

- Infirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE le 20 février 2016 en ses dispositions par lesquelles il a :

** annulé la procédure d'expulsion dirigée à l'encontre des époux [YS],

** débouté la S.A. BESTIN REALTY de sa demande tendant à voir statuer sur le sort des meubles objet de l'inventaire dressé le 8 juillet 2015,

** enjoint à Me [B], au cas où elle aurait déplacé les meubles et effets personnels des époux [YS], de les remettre à ses frais dans la villa qu'ils louent,

Statuant à nouveau sur ces trois points,

- dit que M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] n'avaient aucun droit propre à opposer à la SA BESTIN REALTY lors de l'expulsion de la S.C.I. CLARIDGE le 8 juillet 2015,

- déboute par suite les époux [YS] de leur demande tendant à l'annulation de la procédure d'expulsion dirigée à leur encontre,

- Ordonne la vente des biens inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion et l'inventaire du 8 juillet 2015,

Y ajoutant,

- Déboute M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudices moral et de jouissance,

- Déboute la société BESTIN REALTY de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre des époux [YS],

- Condamne in solidum M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] à payer à la S.A. BESTIN REALTY la somme de 20.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en réparation des frais irrépétibles de la procédure sur renvoi après deuxième cassation,

- Condamne in solidum M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] à payer Me [D] [B] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en réparation des frais irrépétibles de la procédure sur renvoi après deuxième cassation,

- Déboute la société CLARIDGE et les époux [YS] de leurs propres demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la société BESTIN REALTY et Me [D] [B] de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles dirigées contre la société CLARIDGE,

- Condamne in solidum M. [K] [YS] et Mme [P] [V] épouse [YS] aux entiers dépens de l'instance sur renvoi après deuxième cassation et accorde à l'avocat qui en a fait la demande le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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