CA Bordeaux, 2e ch. civ., 17 avril 2025, n° 21/06763
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ranchere (SAS)
Défendeur :
Ranchere (SAS), CMR (SASU), Auige (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boudy
Conseillers :
Mme Defoy, Mme de Vivie
Avocats :
Me Rousseau, SCP Cornille-Fouchet, Me Peltier, Me Bertin, Me Garrigue-Vieuville, SCP Casanova - Maingourd - Thai Thong
FAITS ET PROCÉDURE :
01. Le 11 avril 2011, le maire de [Localité 7] a accordé à la Société par actions simplifiée Ranchere l'autorisation de réaliser un lotissement de 86 lots sur 109 669m², dénommé [Adresse 5].
02. La maîtrise d'oeuvre des travaux d'aménagement a été confiée à la Sarl Auige qui a sous traité l'étude géologique et hydrogéologique à la Sarl Cerag.
03. La réalisation des travaux de voirie et réseaux divers et d'assainissement a été confiée à la Société par actions simplifiée unipersonnelle CMR.
04. Se plaignant de différents désordres affectant les voiries, l'ASL du lotissement [Adresse 5] a obtenu, par ordonnance de référé du 16 décembre 2013, la désignation d'un expert en la personne de M. [C]. L'expert a déposé son rapport le 30 avril 2019, après que ses opérations aient été étendues à la Sarl Auige, puis à la commune de [Localité 7] et à la Sasu CMR. Il a confirmé l'existence de désordres concernant le réseau des eaux usées, des eaux pluviales, la dégradation d'éléments de voirie et des non finitions concernant la voirie et les espaces verts.
05. Par actes des 15 et 17 juin 2020, l'ALS du lotissement [Adresse 5] a assigné la Sas Ranchere et la Sarl Auige devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin d'obtenir une indemnisation et l'achèvement du lotissement. Par acte du 16 juillet 2020, la Sas Ranchere a appelé en intervention forcée la Sasu CMR aux fins de garantie. Les instances ont été jointes le 4 août 2020.
06. Par acte des 14 et 15 janvier 2021, la Sarl Auige a appelé en intervention forcée la Sarl Cerag et la commune de [Localité 7] aux fins de garantie. Les instances ont été jointes le 29 janvier 2021.
07. Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la Sarl Auige,
- rejeté la fin de non-recevoir invoquée par la Sas Ranchere et déclaré recevable l'action formée par l'ASL [Adresse 5],
- condamné in solidum la SAS Ranchere et la Sarl Auige à payer à l'ASL [Adresse 5] les sommes suivantes:
- 23 988 euros TTC au titre des désordres affectant les réseaux d'assainissement eaux usées,
- 857 702,26 euros TTC au titre des désordres affectant les réseaux d'assainissement des eaux pluviales,
- 25 896,82 euros au titre de la dégradation des voiries,
- dit que ces sommes seront indexées sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 30 avril 2020 date du dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date de mise à disposition du présent jugement,
- condamné in solidum la Sas Ranchere et la Sarl Auige à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 40 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- condamné la Sas Ranchere à payer à l'ASL L[Adresse 5] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- débouté l'ASL [Adresse 5] de sa demande d'indemnisation des frais engagés pour la conservation des ouvrages et faire constater les désordres,
- ordonné à la Sas Ranchere d'achever ces travaux de voiries et espaces verts dans un délai de six mois qui ne commencera à courir qu'à compter de la notification qui lui sera faite de la réception des travaux de reprise des dommages,
- prononcé une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour, passé ce délai de six mois et pendant une durée de six mois,
- dit que la somme de 193 272,24 euros TTC versée sur le compte Carpa du bâtonnier de Bordeaux ne sera déconsignée qu'au terme d'un délai de deux mois après justification par la Sas Ranchere auprès de l'ASL [Adresse 5] de certificat de conformité des travaux délivrés par la mairie de [Localité 7],
- condamné la Sarl Auige à relever intégralement indemne la Sas Ranchere des condamnations précédentes prononcés au profit de l'ASL [Adresse 5] au titre des dégradations liées au réseau des eaux usées et eaux pluviales et à hauteur de 10% au titre des dégradations de voiries,
- condamné la société CMR à relever indemne la Sarl Auige des condamnations précédentes prononcées à hauteur de 70% au titre des eaux usées, à hauteur de 30% au titre des eaux pluviales et à hauteur de 90% au titre des dégradations des voiries,
- condamné la Sarl Auige à relever indemne la SAS Ranchere des condamnations prononcées au profit de l'ASL [Adresse 5] au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 80%.
- dit que la Sarl Auige et la Sasu CMR supportent chacune pour moitié la charge de la condamnation précédente au titre du préjudice de jouissance,
- rejeté la demande d'opposabilité à la commune de [Localité 7] du présent jugement,
- débouté la Sas Ranchere de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'image,
- rappelé que la présente décision est de droit, assortie de l'exécution provisoire,
- condamné in solidum la Sas Ranchere et la Sarl Auige à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance qui comprendront notamment les frais de référé et d'expertise,
- dit que la Sas Ranchere sera garantie à hauteur de 90% des frais irrépétibles et des dépens par la Sarl Auige et la société CMR qui dans leurs rapports entre elles supporteront respectivement cette charge à hauteur de 2/3 pour la Sarl Auige et d'1/3 pour la société CMR,
- débouté les autres parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.
08. La Sas Ranchere a relevé appel du jugement le 9 décembre 2021. La déclaration d'appel a été signifiée le 28 janvier 2022 à la commune de [Localité 7] qui n'a pas constitué avocat Les conclusions d'appelant ont été signifiées le 16 février 2022 à la commune de [Localité 7] qui n'a pas constitué avocat.
09. La Sarl Auige a relevé appel du jugement le 22 décembre 2021.
10. Par ordonnance du 28 avril 2022, la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a notamment rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par les sociétés Ranchere et Auige.
11. Par ordonnance du 21 septembre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a :
- dit n'y avoir lieu à ordonner la radiation du rôle de l'affaire,
- statué sans dépens et sans faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
12. Par avis de jonction du 18 novembre 2022 le dossier RG n°21/07006 a été joint au dossier RG n°21/06763.
13. Par ordonnance du 25 octobre 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a :
- déclaré irrecevable la demande présentée par la Sarl Auige et la Sas Ranchere tendant à obtenir l'instauration d'un complément d'expertise,
- rejeté les autres demandes présentées par la Sarl Auige et la Sas Ranchere,
- condamné la Sarl Auige à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Auige à payer à la société CMR la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Auige au paiement des dépens de l'incident.
14. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 juin 2022, la Sas Ranchere ( appelant principal) demande à la cour, sur le fondement des articles 1217 et 1792 du code civil:
- de dire et juger qu'elle est recevable dans son appel,
- de dire et juger que les conditions de sa garantie décennale ne sont pas réunies sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil pour prononcer sa condamnation sur ce fondement en ce qui concerne les désordres affectant les réseaux d'assainissement EU et EP ainsi que les dégradations de voirie,
- de dire et juger que l'ASL [Adresse 5] ne peut se prévaloir d'un préjudice de jouissance qu'il appartient aux seuls colotis de faire falloir et que, en tout état de cause, elle n'a commis aucune faute susceptible de mettre à sa charge une quelconque indemnisation de ce chef,
- de dire et juger qu'en ce qui concerne l'achèvement des travaux de finition non réalisés, les circonstances du litige font obstacle à l'exécution en nature de l'obligation dont elle est débitrice et donner acte à cette dernière de ce qu'elle ne s'oppose pas à la déconsignation des sommes actuellement entre les mains du Bâtonnier de Bordeaux à hauteur de 193 272,24 euros au profit de l'ALS [Adresse 5] en réparation de l'inexécution de son obligation,
- de dire et juger qu'elle démontre la réalité d'un préjudice d'image lié aux fautes multiples des société Auige et CMR devant donner lieu à son indemnisation,
en conséquence,
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il
- l'a condamnée in solidum avec la Sarl Auige à payer à l'ASL [Adresse 5] les sommes suivantes :
- 23 988 euros TTC au titre des désordres affectant les réseaux d'assainissement eaux usées,
- 857 702,26 euros TTC au titre des désordres affectant les réseaux d'assainissement eaux pluviales,
- 25 896,82 euros TTC au titre des dégradations des voiries,
- dit que ces sommes seront indexées sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 30 avril 2020 date du dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date de mise à disposition du présent jugement,
- l'a condamnée in solidum avec la Sarl Auige à payer à L'ASL Le [Adresse 5] la somme de 40 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- l'a condamnée à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- lui a ordonné d'achever ces travaux de voieries et espaces verts dans un délai de 6 mois qui ne commencera à courir qu'à compter de la notification qui lui sera faite de la réception des travaux de reprise des dommages,
- a prononcé une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour, passé ce délai de 6 mois et pendant une durée de 6 mois,
- dit que la somme de 193 272,24 euros TTC versée sur le compte Carpa du
Bâtonnier de Bordeaux ne sera déconsignée qu'au terme d'un délai de deux mois après justification par elle auprès de l'ASL [Adresse 5] du certificat de conformité des travaux délivrés par la mairie de [Localité 7],
- l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'image,
- l'a condamnée in solidum avec la Sarl Auige à payer à L'ASL [Adresse 5] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance qui comprendront notamment les frais de référé et d'expertise,
- débouté les autres parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
y ajoutant,
- de lui donner acte qu'elle consent au profit de l'association syndicale à la déconsignation de la somme de 193 272,24 euros au titre des travaux de parfait achèvement des éléments communs, et dire et juger qu'ils devront être remployés à cet effet sous réserve de la responsabilité de l'association syndicale,
- de condamner la Sarl Auige et CMR à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation de l'intégralité de ses préjudices,
- de condamner la Sarl Auige et CMR à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre au titre des réseaux EU / EP, des dégradations de voirie et du préjudice de jouissance de l'ASL [Adresse 5] et au profit de quelque autre partie que ce soit,
- de condamner les parties succombantes à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise et, en tout état de cause condamner les sociétés Auige et CMR à la garantir à hauteur de l'intégralité des condamnations prononcées sur ce fondement,
- de condamner toutes parties succombantes en cause d'appel à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
15. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 février 2025, l'ASL [Adresse 5] ( intimée et appelante incidente) demande à la cour, sur le fondement des articles 1217 et 1792 et suivants du code civil, R 4416 du code de l'urbanisme :
- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 novembre 2021,
- de l'infirmer partiellement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de voir condamner Ranchere et la Sarl Auige au versement de la somme de 48 369, 43 euros TTC au titre des frais engagés par elle pour conserver les ouvrages et faire constater les désordres,
statuant à nouveau,
- de condamner in solidum la Sarl Ranchere, la Sarl Auige à lui verser la somme de 955 956, 51 euros TTC se décomposant comme suit :
- 23 988 euros TTC au titre de la reprise des désordres affectant le réseau EU,
- 857 702, 26 euros TTC au titre de la reprise des désordres affectant les réseaux EP,
- 25 896, 82 euros TTC au titre de la dégradation des voiries,
- 48 369, 43 euros TTC au titre des frais engagés par elle pour conserver les ouvrages et faire constater les désordres,
- de juger que les sommes ci dessus seront indexées sur l'indice BT01 entre le 30 avril 2020, date du dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir avec comme indice de base l'indice BT01 du mois d'avril 2020 et comme indice multiplicateur celui en vigueur à la date de l'arrêt à intervenir,
- de condamner in solidum les mêmes à lui verser la somme de 40 000 euros au titre de la réparation du préjudice de jouissance,
- de condamner la société Ranchere à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de la réparation du préjudice de jouissance ( absence d'espace vert),
- de condamner la société Ranchere à achever les travaux du lotissement [Adresse 5] et lui livrer conformes et exempt de vice, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé le délai de six mois suivant la notification de la réception des travaux de reprise des dommages par la société Ranchere,
- de juger que la somme de 193 272, 24 euros TTC, versée sur le compte Carpa de M. le Bâtonnier de Bordeaux ne pourra être déconsignée au terme du délai de deux mois que sur justification par la société Ranchere auprès d'elle du certificat de conformité des travaux délivré par la mairie de [Localité 7],
subsidiairement, sur ce point et si l'inexécution de son obligation de résultat est jugée définitive,
- de condamner la société Ranchere à lui verser la somme de 193 272, 24 euros TTC à titre de dommages et intérêts réparatoires et moratoires pour défaut d'achèvement des travaux dans le délai convenu,
- de débouter la Sas Ranchere ainsi que toute partie adverse de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
- dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à la municipalité de [Localité 7],
- de débouter la société Ranchere et les sociétés intimées et appelantes incidentes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de débouter la société Auige de sa demande d'expertise,
- de condamner in solidum la société Ranchere et toute partie succombante à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais d'expertise de M. [C].
16. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 février 2025, la Sasu CMR, intimée et appelante incidente (en charge des lots 1 et 2 relatifs à la voirie) demande à la cour, sur le fondement des articles 1231-1, 1240 et 1792 du code civil:
- de débouter les sociétés Auige et la société Ranchere de leurs demandes,
- de débouter les sociétés Auige et la société Ranchere, ainsi que l'ASL [Adresse 5] de leurs appels incidents, en ce qu'ils sont dirigés à son encontre,
- de juger irrecevable la demande de relevé indemne formée par la société Ranchere à l'égard de la société Auige, pour la première fois dans ses conclusions d'appelant n°2,
- de confirmer le jugement rendu le 9 novembre 2021, en ce qu'il a :
- débouté l'ASL [Adresse 5] de sa demande au titre des frais engagés pour la conservation des ouvrages,
- débouté la société Ranchere de sa demande d'indemnisation de son préjudice d'image,
- d'infirmer le jugement rendu le 9 novembre 2021, en ce qu'il a mis à sa charge une part de l'indemnisation allouée à l'ASL au titre des désordres affectant les réseaux EU/EP, des dégradations de voirie, de son préjudice de jouissance, des frais irrépétibles et des dépens,
et statuant à nouveau,
- dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue au titre des désordres affectant les réseaux EU/EP, condamner la Sarl Auige à la garantir et la relever intégralement indemne de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au titre de ces désordres, au profit de quelque partie que ce soit,
- de juger en tout état de cause que les sommes éventuellement allouées au titre des travaux de réparation des réseaux EP le seront en HT,
- de rejeter toute demande formée par quelque partie que ce soit à son encontre au titre de la dégradation des voiries, des frais engagés par l'ASL pour conserver les ouvrages et faire constater les désordres, du préjudice de jouissance de l'ASL, des travaux d'achèvement du lotissement et du préjudice subi par la Sas Ranchere,
subsidiairement,
- de condamner la Sarl Auige à la garantir et à la relever intégralement indemne de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre, au profit de quelque partie que ce soit,
- de débouter la Sarl Auige de toute demande formée à son encontre,
- de condamner toute partie succombante à lui payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
17. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2025, la Sarl Auige (appelante) demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- l'a condamnée in solidum avec Sas Ranchere à payer à l'ASL [Adresse 5] les sommes suivantes :
- 23 988 euros TTC au titre des désordres affectant les réseaux d'assainissement eaux usées,
- 857 702,26 euros TTC au titre des désordres affectant les réseaux d'assainissement eaux pluviales,
- 25 896,82 euros TTC au titre des dégradations des voiries,
- dit que ces sommes seront indexées sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 30 avril 2020 date du dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date de mise à disposition du présent jugement,
- l'a condamnée in solidum avec la Sas Ranchere à payer à L'ASL [Adresse 5] la somme de 40 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- l'a condamné à relever intégralement indemne la Sas Ranchere des condamnations précédentes prononcées au profit de l'ASL [Adresse 5] au titre des dégradations liées au réseau Eaux usées et Eaux pluviales et à hauteur de 10 % au titre des dégradations de voieries,
- condamné la société CMR à la relever indemne des condamnations précédentes prononcées à hauteur de 70 % au titre des Eaux Usées, à hauteur de 30 % au titre des Eaux Pluviales et à hauteur de 90 % au titre des dégradations des voiries,
- l'a condamnée à relever indemne la SAS Ranchere des condamnations prononcées au profit de l'ASL [Adresse 5] au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 80 %,
- dit qu'elle et la Sasu CMR supporteront chacune pour moitié la charge de la condamnation précédente au titre du préjudice de jouissance,
- l'a condamnée in solidum avec la Sas Ranchere à payer à l'ASL Le [Adresse 5] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance qui comprendront notamment les frais
de référé et d'expertise,
- dit que la Sas Ranchere sera garantie à hauteur de 90 % des frais irrépétibles et des dépens par elle et la société CMR qui dans leurs rapports entre elles supporteront respectivement cette charge à hauteur de 2/3 pour elle et d'1/3 pour la société CMR,
- débouté les autres parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en conséquence,
- d'ordonner un complément d'expertise judiciaire, dès lors que la solution réparatoire préconisée par l'expert judiciaire n'est pas adaptée et contraire à la loi des eaux,
- de désigner tel expert qu'il plaira aux fins de dresser un rapport d'expertise complémentaire,et notamment :
- de s'approprier les données de l'expertise [C] pour pouvoir les utiliser tout ou partie dans l'exécution de la présente mission,
- de compléter les données de l'expertise [C], notamment sur la base des données hydrauliques et météorologiques ; en fournir une analyse et en exposer les conséquences sur les causes et origines du sinistre,
- de se prononcer sur l'impact de l'absence de noues et de raccordement à leur exutoire dans la survenance du sinistre,
- de se prononcer sur la nécessité et la pertinence de finaliser les travaux de drainage tels qu'ils étaient prévus avant d'être interrompus par l'expertise judiciaire,
- de se prononcer sur leur faisabilité,
- en cas d'avis négatif sur la pertinence de ces travaux, proposer une solution alternative de drainage et d'évacuation des eaux pluviales susceptible de répondre aux besoins du lotissement, en ayant préalablement consulté les autorités administratives sur sa faisabilité,
- de se prononcer sur l'entretien et/ou la maintenance de la solution réparatoire retenue dans la perspective du projet de rétrocession des parties communes du lotissement à la commune de [Localité 7],
- de fixer le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert désigné,
subsidiairement,
- de juger que la solution réparatoire concernant les eaux pluviales préconisée par l'expert judiciaire est impossible à mettre en 'uvre, faute de pouvoir recueillir l'autorisation des autorités administratives habilitées pour ce faire,
- de juger qu'elle n'a commis aucun manquement de nature à engager sa responsabilité,
- de débouter toutes parties formulant toutes demandes de condamnation à son encontre que ce soit à titre principal ou au titre d'un quelconque recours en garantie,
- de condamner la société Ranchere et la société CMR à la relever indemne de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre,
- de confirmer la décision rendue quant aux chefs du jugement non critiqués dans le cadre de la présente instance,
- de condamner tout succombant, au besoin in solidum, au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1e instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise.
18. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025.
MOTIFS :
19. Dans le cadre du présent litige, l'ASL Le [Adresse 5], désormais propriétaire du lotisement du même nom, recherche la responsabilité décennale du lotisseur, la société Ranchère et de la société en charge de la maîtrise 'oeuvre, la société Auige; à raison des désordres d'inondation s'étant produit à plusieurs reprises à la suite d'épiisodes pluvieux. La société CMR, en charge quant à elle de la réalisation des travaux de voirie, du terrassement et de la réalisation des réseaux d'assainissement des eaux pluviales et des eaux usées, été appelée en la cause par la sociiété Ranchère. L'ASF [Adresse 5] met en lien ces difficultés notamment avec une défaillance du système d'évacuation des eaux pluviales. Elle se plaint également d'un dysfonctinonement du système d'assainissement des eaux usées, de défauts affectant la voirie et de non finitions.
Sur la demande d'indemnisation concernant le réseau d'assainissement des eaux usées et des eaux pluviales,
20. L'article 1792 du code civil permet au maître de l'ouvrage de rechercher la responsabilité de plein droit des constructeurs, dès lors qu'il se trouve en présence de dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
21. En l'espèce, les sociétés Ranchere et Auige contestent le jugement déféré qui a retenu leur responsabilité sur le fondement de la garantie décennale et les a condamnées in solidum à payer à l'ASL Le [Adresse 5] la somme de 23 988 euros TTC au titre des désordres affectant le réseau d'assainissement des eaux usées et celle de 857 702, 26 euros au titre des désordres affectant les réseaux d'assainissement des eaux pluviales.
22. Pour ce qui est tout d'abord du réseau d'assainissement des eaux usées, les sociétés appelantes contestent l'existence d'un dommage décennal, au vu des constatations de l'expert, qui en réalité s'est saisi selon elles d'une inspection télévisuelle non contradictoire pour retenir l'existence d'éventuels désordres futurs et considérer à tort que le vice y afférent se révélera dans toute son ampleur dans le délai décennal, et ce, alors même que la réception des travaux est intervenue le 4 avril 2012 et qu'à l'évidence ce réseau ne présente toujours pas de dysfonctionnement.
23. Tout d'abord, il revient de reprendre les conclusions expertales qui indiquent 'qu'il n'y a priori pas de problème sur le réseau des eaux usées et la station de refoulement qui a fait l'objet d'une validation, après travaux par La Lyonnaise des Eaux le 7 septembre 2011. En réalité, ce n'est qu'à l'issue d'une inspection télévisuelle réalisée à la demande de l'ASL [Adresse 5] qu'a été révélée la présence de déformations verticales, d'une fissure longitudinale avec infiltration, de dégradations de surface, de dépôts adhérents et de nombreux flashes'. Au total, cette inspection a permis de relever 8 anomalies, telles que décrites en page 46 du rapport de M. [C], pour lesquelles la société Mallet a établi un devis chiffrant les travaux à la somme de 19 900 euros HT.
24. Si l'existence d'anomalies affectant le réseau d'assainissement n'est pas sérieusement contestable, au vu de l'inspection télévisuelle sus-évoquée, il appert néanmoins qu'a aucun moment l'expert n'a relevé l'existence de désordres de nature décennale affectant ce réseau. Si les anomalies constatées, peuvent laisser augurer de la survenance de désordres futurs, il n'a nullement été démontré par l'expert que ces désordres futurs étaient susceptibles de se révéler dans le délai d'épreuve de dix ans.
Preuve en est d'ailleurs à ce titre qu'aucun désordre affectant le réseau des eaux usées ne s'est encore manifesté à ce jour, alors que la réception des travaux est intervenue le 4 avril 2012.
25. Il s'ensuit qui'en l'absence de démonstration de l'existence d'un désordre présentant un caractère de gravité décennale affectant le réseau des eaux usées, la responsabilité décennale des locateurs d'ouvrage ne peut être engagée. Le jugement déféré qui avait condamné in solidum à ce titre la société Ranchère et la société Auige à payer à l'ASL Bois Le Lagüe la somme de 23 988 euros TTC sera donc infirmé et l'ASL [Adresse 5] déboutée de son action.
26. Les sociétés appelantes critiquent également le jugement entrepris qui les a condamnées in solidum sur le fondement de la responsabilité décennale à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 857 702, 26 euros TTC au titre de la réfection du réseau des eaux pluviales, en retenant que ce dernier présentait des malfaçons d'exécution (défaut de capacité des tranchées draînantes, contre-pentes des drains, un non-respect des diamètres) et également un vice de conception dans la mesure où les drains étaient dans la nappe une partie de l'année et que globalement, il ne fonctionnait pas correctement et n'était pas conforme aux dispositions de la loi sur l'eau.
27. L'expert en a conclu qu'il s'agissait d'un désordre important dans la mesure où les routes pouvaient être impraticables à cause des inondations et que certains espaces privatifs pouvaient être fortement touchés.
28. Pour autant, les sociétés Ranchere et Auige soutiennent que leur responsabilité décennale ne peut être engagée car la gravité du vice n'est pas caractérisée par l'existence des deux événements qualifiés de majeurs par l'expert, à savoir ceux intervenus les 20 juin 2013 et le 30 janvier 2014, ainsi que par l'inondation de moindre importance du 26 juillet 2019. Elles ajoutent que durant les sept années durant lesquelles se sont déroulées les opérations d'expertise, aucun désordre de cette nature n'a été constaté et signalé.
29. Sur ce point, il convient de relever que le premier épisode pluvieux et ses conséquences sont attestés par un constat d'huissier en date du 20 juin 2013, particulièrement circonstancié et comportant des photos à l'appui qui indique que certains terrains privatifs du lotissement ainsi que de nombreuses allées ont été totalement ou partiellement inondées. Pour les deux autres phénomènes pluvieux, il n'est produit aucun élément de nature à établir l'ampleur des inondations invoquées. L'ASL [Adresse 5] produit en outre des photographies datées par ses soins relatives à des épisodes pluvieux ayant eu lieu en février 2016, en novembre 2019 et en septembre 2022 dont l'impact s'est avéré manifestement limité, les allées du lotissement bien que partiellement inondées, restant parfaitement praticables.
30. Il résulte de ce qui précède que seul l'événement pluvieux du 20 juin 2013 a conduit à rendre partiellement impraticables les allées du lotissement. Par la suite, ce phénomène ne s'est pas reproduit et nonobstant la survenance d'autres épisodes pluvieux, le système d'évacuation des eaux pluviales a correctement joué son office puisque les allées du lotissement sont restées accessibles. Il s'ensuit qu'au vu des éléments de preuve produits par l'ASL Le [Adresse 5], il n'existe aucune impropriété à destination du système d'évacuation des eaux pluviales, qui a correctement fonctionné depuis 2013. Les conclusions de l'expert tendant à dire qu'il existe un désordre important, dans la mesure ou les routes peuvent être impraticables et certains espaces privatifs fortement touchés, est critiquable dès lors qu'au cours des sept années durant lesquelles s'est déroulée l'expertise, il n'a jamais constaté la matérialité des faits et que l'épisode pluvieux du 20 juin 2013 reste manifestement un événement isolé, d'une exceptionnelle intensité, de sorte qu'il n'est pas acquis en outre qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre les vices d'exécution et de conception relevés par l'expert et les désordres consécutifs à cet épisode pluvieux exceptionnel.
31. Ainsi, l'absence de récurrence du phénomène d'inondation des allées du lotissement et donc d'impraticabilité de ces dernières en cas d'épisode pluvieux conduit à écarter la responsabilité décennale des sociétés Ranchere et Auige de ce chef. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum lesdites sociétés à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 857 702, 26 euros TTC. Statuant à nouveau de ce chef, la cour ne pourra que débouter L'ASL [Adresse 5] de sa demande de condamnation de ses adversaires au titre de la responsabilité décennale.
Sur la demande de complément d'expertise formée par la société Auige,
32. La demande de la société Auige tendant à solllciter un complément d'expertise, au motif que la solution technique proposée par l'expert judiciaire M. [C] pour réparer les désordres constatés ne serait pas conforme aux dispositions concernant la loi sur l'eau devient de facto sans objet dès lors que la responsabilité décennale de celle-ci a été écartée au titre des désordres affectant le système d'assaisnissement des eaux usées et d'évacuation des eaux pluviales.
Sur les dégradations concernant les voiries,
33. Les sociétés Ranchere et Auige contestent sur ce point le jugement déféré qui les a condamnées in solidum à payer à L'ASL [Adresse 5] la somme de 25 896, 82 euros TTC au titre de la dégradation des voiries, considérant que les conditions propres à engager leur responsabilité décennale n'est pas établie.
34. L'expert judiciaire a relevé à ce titre que ces dégradations sont de deux types : certaines seraient liées aux malfaçons imputables aux entreprises chargées de la réalisation des travaux, d'autres seraient liées aux dégradations occasionnées par les colotis à l'occasion de leurs propres travaux de construction. En tout état de cause, ces désordres sont qualifiés de minimes par l'expert judiciaire et ne présentent pas de risques immédiats quant à la solidité ou la sécurité des personnes.
35. Il s'ensuit que les désordres en cause ne peuvent être qualifiés de décennaux comme indiqué dans le jugement entrepris, dès lors que l'ouvrage en cause n'est pas atteint dans sa solidité et qu'aucune impropriété à destination ne peut être relevée le concernant. Dans ces conditions, le jugement déféré, qui a retenu la responsabilité décennale des constructeurs sera infirmé et l'ASL [Adresse 5] sera déboutée de ses demandes indemnitaires formées de ce chef, en application de l'article 1792 du code civil.
Sur les non façons
36. Pour ce qui est des travaux inachevés, le tribunal a condamné la société Ranchere à achever ces travaux de voirie et d'espaces verts dans un délai de six mois qui ne commencera à courir qu'à compter de la notification qui lui sera faite de la réception des travaux de reprise des dommages et sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour passé ce délai de six mois et pendant une durée de six mois.
37. Les premiers juges ont également dit que la somme de 193 272, 24 euros TTC versée sur le compte Carpa du Bâtonnier de Bordeaux ne sera déconsignée qu'au terme d'un délai de deux mois après justification par la SAS Ranchere auprès de L'ASL [Adresse 5] du certificat de conformité délivré par la maire de [Localité 7].
38. La matérialité des non façons alléguées n'est pas sérieusement contestable, au vu du rapport d'expertise judiciaire. A ce titre, l'expert judiciaire a effectivement indiqué que le chantier n'avait pas été achevé. Il a noté un aspect d'abandon au niveau du foirail. Il a relevé l'absence de finition d'éléments de voirie, la nécessité de terminer les trottoirs, de réaliser les plantations, les espaces verts et de terminer les embellissements concernant la place centrale du lotissement.
39. De plus, la société Ranchere, en sa qualité de lotisseur, ne conteste pas ces absences de finition qu'elle est tenue de réparer au titre de son obligation de résultat. Pour autant, elle s'oppose à l'exécution de cette obligation en nature, telle qu'elle lui a été prescrite par le tribunal, faisant valoir tout d'abord qu'une telle demande s'oppose au principe de prohibition des demandes nouvelles en cause d'appel. En effet, elle expose qu'une telle demande n'a jamais été soutenue devant les juges de première instance, de sorte qu'elle devra être déclarée irrecevable au stade de l'appel.
40. Un tel moyen toutefois ne pourra qu'être écarté par la cour, dès lors qu'une telle demande a déjà été formée en première instance. De plus, il résulte de l'article 565 du code de procédure civile que les demandes ne sont pas nouvelles si elles tendent aux mêmes fins. Or, tant la demande indemnitaire formée au titre des travaux inachevés que celle concernant l'exécution en nature des mêmes travaux, ont une finalité unique à savoir la terminaison du chantier. Il en résulte que la demande de l'ASL [Adresse 5] tendant à voir condamner la société Ranchere à terminer le chantier est parfaitement recevable.
41. Par ailleurs, la société Ranchere ne peut valablement conclure à l'irrecevabilité d'une telle demande sur le fondement de la concentration des moyens, en arguant de ce que l'ASL [Adresse 5] a fondé ses prétentions sur des moyens nouveaux relevant du droit de la vente et notamment de l'obligation de délivrance conforme, en application des articles 1604 et suivants du code civil, dès lors qu'à aucun moment le lotisseur n'a visé ces dispositions pour conclure à la terminaison du chantier par l'exécution en nature de son obligation par la société Ranchère. De plus, ce principe de la concentration des moyens, qui impose au défendeur, dès la première instancen de présenter l'ensemble des moyensle qu'il estime de nature à justifier le rejet total ou partiel de ses prétentions s'applique au défendeur, alors que L'ASL [Adresse 5] était demanderesse en première instance.
42. Sur le fond, la société Ranchere s'oppose à l'exécution en nature de ses obligations, demandant que les sommes actuellement consignées entre les mains du Bâtonnier de Bordeaux soient allouées à L'ASL [Adresse 5]. Tout d'abord, elle soutient qu'en sollicitant dans son acte introductif d'instance des dommages et intérêts et non l'exécution provisoire, l'ASL du [Adresse 5] a implicitement mais nécessairement renoncé à l'exécution de l'obligation d'achèvement en nature, de sorte que sa demande d'exécution est aujourd'hui irrecevable. De plus, elle fait valoir que l'autorisation de lotir qui lui a été consentie le 11 avril 2011 est devenue caduque, en application des articles R424-17 et suivants du code de l'urbanisme. Par ailleurs, elle souligne qu'elle ne pourra procéder aux travaux de finition que sous réserve de la réalisation des travaux de reprise et que par conséquent l'exécution de l'obligation en nature lui incombant présente un caractère particulièrement aléatoire.
43. Ces moyens seront également écartés par la cour car à aucun moment l'ASL Le [Adresse 5], en formulant une demande indemnitaire, n'a renoncé au bénéfice d'obtenir l'exécution en nature des travaux, après avoir délivré une mise en demeure. De plus, même si l'autorisation de lotir conférée à l'ASL est devenue caduque, il n'est pas démontré que cette exécution en nature sera impossible, faute pour la société Ranchere d'obtenir les autorisations administratives requises. Il en résulte que l'ASL est parfaitement en droit d'obtenir sur le fondement de l'article 1221 du code civil la condamnation sous astreinte de la société Ranchere à terminer les travaux dans les conditions prévues par le jugement entrepris, qui sera confirmé à l'exception du point de départ du délai de six mois pour l'exécution des travaux qui commencera à courir à compter de la signification du présent arrêt. Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a subordonné la déconsignation de la somme de 193 272, 24 euros versée sur le compte Carpa du Bâtonnier de Bordeaux à la délivrance du certificat de conformité délivré par la mairie de [Localité 7], après l'exécution des travaux.
Sur les frais engagés par L'ASL [Adresse 5] en vue de la conservation des ouvrages
44. L'ASL [Adresse 5] sollicite dans le cadre d'un appel incident l'infirmation du jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Ranchere et de la société Auige à lui payer la somme de 48 369, 43 euros TTC au titre des frais qu'elle a engagés pour conserver les ouvrages et faire constater les désordres. Elle explique à ce titre qu'elle a été contrainte, au regard des désordres constatés, de procéder à des réparations urgentes.
45. Si l'expert a fait effectivement référence à ce chef de préjudice en page 53 de son rapport, retranscrivant un dire de Maître [W] du 10 octobre 2019, il appert que c'est par des motifs adaptés et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que l'ASL [Adresse 5] ne s'était pas expliqué sur la réalité et la matérialité de ce préjudice. Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté l'ASL [Adresse 5] d'une telle demande.
Sur le préjudice de jouissance,
46. La société Ranchère et la société Auige concluent à la réformation du jugement déféré qui les a condamnées in solidum à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 40 000 euros au titre de la privation de jouissance consécutive aux désordres allégués. La société Ranchère s'oppose également au jugement entrepris qui l'a condamnée seule cette fois à payer 10 000 euros à l'ASL [Adresse 5] pour le fait d'avoir été privée d'espaces verts.
47. Les sociétés appelantes contestent le bien fondé d'une telle condamnation faisant valoir que le préjudice de jouissance auquel s'est référé le tribunal est un préjudice qui n'a pas été subi par L'ASL [Adresse 5] elle-même, mais par les colotis eux-mêmes, de sorte que l'ASL devra être déboutée de ses prétentions de ces chefs.
48. Sur ce point, force est de constater que les sociétés Ranchère et Auige ne pourront être condamnées à indemniser un quelconque préjudice consécutif aux désordres allégués affectant les réseaux d'eau et les éléments de voirie, puisque leur responsabilité décennale a été écartée de ce chef. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
49. Pour le surplus, il est acquis que l'ASL [Adresse 5] a pour objet d'être propriétaire et de gérer les espaces communs du lotissement et en particulier les espaces verts. Elle a donc subi un préjudice personnel et direct du fait du défaut de réalisation de ces aménagements. Eu égard à la durée particulièrement longue durant laquelle ont perduré ces inachèvements, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Ranchere à payer ce chef la somme de 10 000 euros à l'ASL [Adresse 5].
Sur les actions récursoires,
50. Il résulte de ce qui précède que seule la société Ranchere a été reconnue responsable de l'existence des non façons constatées, de sorte qu'elle ne pourra exercer aucune action récursoire contre les autres parties.
51. Pour le surplus, l'ensemble des partages de responsabilité retenus au titre des diverses actions récursoires sera infirmé, la responsabilité décennale des sociétés Ranchere et Auige ayant été écartée. La société CMR sera en conséquence mise hors de cause.
Sur le préjudice d'image invoqué par la société Ranchere,
52. La société Ranchère critique le jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande indemnitaire dirigée contre les sociétés Auige et CMR, faisant valoir qu'elle a subi un préjudice d'image conséquent du fait de la présente affaire qui a porté atteinte à sa crédibilité. Elle sollicite donc à ce titre la condamnation de ses adversaires à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.
53. La cour ne pourra toutefois que débouter la société Ranchere d'une telle demande, le préjudice d'image allégué n'étant étayé par aucun élément objectif. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes,
54. Les dispositions prises en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens seront infirmées.
55. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
56. Pour le surplus, chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a ordonné à la société Ranchere d'achever les travaux de voirie et des espaces verts dans un délai de six mois, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai pendant six mois, en ce qu'il a dit que la somme de 193 272, 24 euros versée sur le compte Carpa du Bâtonnier de Bordeaux ne sera déconsignée qu'au terme d'un délai de deux mois après justification par la société Ranchère auprès de l'ASL [Adresse 5] du certificat de conformité des travaux délivré par la mairie de [Localité 7], en ce qu'il a débouté l'ASL [Adresse 5] de sa demande indemnitaire au titre des frais engagés pour la conservation des ouvrages, en ce qu'il a condamné la société Ranchere à payer à l'ASL [Adresse 5] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice de jouissance et en ce qu'il a débouté la société Ranchere de sa demande au titre du préjudice d'image,
Statuant à nouveau pour le surplus et y ajoutant,
Déboute L'ASL [Adresse 5] de ses demandes indemnitaires fondées sur la responsabilité décennale et dirigées contre la société Ranchere et la société Auige,
Dit que la demande de complément d'expertise formée par la société Auige est devenue sans objet,
Dit que le délai d'exécution des travaux relatifs aux non finitions commencera à courir à compter de la signification de la présente décision,
Déboute les parties de leurs actions récursoires et met hors de cause la société CMR,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera les dépens qu'elle a exposés du fait de la présente procédure.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.