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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 17 avril 2025, n° 21/06484

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Generali IARD (SA)

Défendeur :

Generali IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

Mme Defoy, Mme de Vivie

Avocats :

Me Guespin, Me Fleury, Me Saint-Jevin, SCP Interbarreaux d'Avocats Guespin et Associés, SELAS Defis Avocats, SELARL Saint-Jevin

TJ Localité 5, hors JAF, JEX, JLD, J. EX…

9 septembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

01. Monsieur [I] [N] et Madame [V] [O] ont fait construire une maison d'habitation sur le terrain dont ils sont propriétaires à [Localité 7]. Le chantier a été déclaré ouvert le 18 juillet 2006.

02. M. [H] [S] a réalisé les travaux de décapage du terrain, d'implantation de l'ouvrage avec réalisation des fondations, de mise en oeuvre de libage en parpaings creux, de remblaiement, ainsi que de mise en oeuvre d'un polyane et d'un isolant et a procédé au coulage d'un radier de 12 cm d'épaisseur. Ces travaux ont été tacitement réceptionnés le 11 août 2006.

03. Les travaux concernant le reste de la construction, dont la maçonnerie, les travaux d'embellissement et la charpente ont été réalisés par M. [N] en auto-construction.

04. Le chantier a été déclaré achevé le 27 septembre 2007.

05. M. [N] et Mme [O] ont constaté des fissures à divers endroits de leur maison, ce qui les a conduits à réaliser une déclaration de sinistre auprès de leur assurance habitation le 19 juillet 2012 et à actionner la compagnie Générali Iard, en sa qualité d'assureur de M. [S].

06. Une expertise amiable a été réalisée, dont le rapport a été déposé le 1er juillet 2013.

07. Par ordonnance du 20 octobre 2016, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire. Le rapport d'expertise a été remis le 19 janvier 2018.

08. Par acte des 4 et 10 septembre 2019, M. [N] et Mme [O] ont assigné M. [S] et la société Générali Iard, son assureur, devant le tribunal de grande instance de Libourne.

09. Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Libourne a :

- dit que la garantie de la Sa Générali Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle, est due,

- fixé la part de responsabilité des maîtres d'ouvrage M. [N] et Mme [O] à 25%,

- déclaré M. [S] responsable des dommages retenus à hauteur de 75%,

- condamné la Sa Générali Iard à garantir M. [S] son assuré, étant précisé que la garantie s'appliquera dans les termes et les limites de la police souscrite, soit une franchise totale de 1 700 euros pour l'ensemble des dommages retenus, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens,

- condamné in solidum M. [S] et la Sa Générali Iard à payer à M. [N] et Mme [O] la somme de 44 998, 50 euros HT au titre des travaux de reprise,

- dit qu'aux sommes exprimées hors taxe, s'ajoutera la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution,

- condamné in solidum M. [S] et la Sa Générali Iard à payer à M. [N] et Mme [O] la somme de 487, 50 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,

- rejeté les demandes contraires ou plus amples formées par les parties,

- condamné in solidum M. [S] et la Sa Générali Iard à payer à M. [N] et Mme [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [S] et la société Générali Iard aux entiers dépens.

10. La SA Générali Iard a relevé appel total du jugement le 25 novembre 2021.

11. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 juillet 2022, la Sa Générali Iard demande à la cour, sur le fondement des articles 1231-1 (1147 ancien) et 1792 du code civil, 9, 15, 16, 699 et 700 du code de procédure civile, 1104 du code civil et L. 112-6 du code des assurances :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il retient la responsabilité contractuelle de M. [S] au titre des désordres allégués par les consorts [N] / [O] et en conséquence, retient la mobilisation de sa garantie responsabilité contractuelle,

statuant à nouveau,

- de juger que les consorts [N] / [O] ne rapportent pas la preuve d'une faute de M. [S] en lien de causalité avec les préjudices allégués,

- de juger par suite que la responsabilité de M. [S] n'est pas engagée,

- de débouter les consorts [N] / [O] de leurs demandes formulées à son encontre,

subsidiairement,

- de juger que la responsabilité de M. [S] doit être limitée à 5%, tandis que la responsabilité prépondérante de M. [N] est fixée à 95%,

- de limiter les condamnations à son encontre à 5% du montant des préjudices réclamés, correspondant à la part de responsabilité de son assuré,

- de juger qu'elle est bien fondée à faire valoir l'exclusion de garantie des travaux de reprise de l'assuré, ainsi que des frais de dépose/ repose et de juger en conséquence que sa garantie RC dommages matériels n'est pas mobilisable en l'espèce,

- de débouter M. [S] de l'ensemble de ses prétentions formées à son encontre,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il retient l'application d'une franchise contractuelle unique de 1 700 euros,

statuant à nouveau,

- de juger qu'elle est bien-fondée à opposer à son assuré, M. [S] et aux consorts [N] [O] qui revendiquent le bénéfice de la police, les franchises contractuelles suivantes dues au titre de la mobilisation de la police RC n°AA487761 :

- dommages matériels : 10 % des dommages, minimum 800 euros, maximum 4 000 euros,

- dommages immatériels : 10 % des dommages, minimum 3 200 euros, maximum 8 000 euros,

- débouter les consorts [N] [O] et M. [S] de leur demande de confirmation du jugement en ce qu'il la condamne à garantir M. [S] dans les termes et limites de la police souscrite, avec application d'une franchise de 1 700 euros pour l'ensemble des dommages retenus, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il la condamne in solidum avec M. [S] à verser la somme de 2 500 euros aux consorts [N] [O] au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens,

statuant à nouveau,

- de condamner les consorts [N] [O] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à la prise en charge des entiers dépens,

- de confirmer le jugement en ce qu'il ne retient pas la prétendue nature décennale des désordres et écarte la mobilisation de sa garantie RCD,

- de confirmer le jugement en ce qu'il limite l'indemnisation du préjudice matériel à la somme de 59 998 euros HT et de débouter les consorts [N] [O] qui sollicitent la prise en compte de devis surévalués non justifiés,

- de confirmer le jugement en ce qu'il déboute les consorts [N] [O] de leur demande au titre du préjudice moral,

- de confirmer le jugement en ce qu'il limite l'indemnisation du préjudice de jouissance à la somme de 487,50 euros,

- de débouter les consorts [N] [O] et M. [S] de toutes les demandes plus amples ou contraires formées à son encontre.

12. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 5 août 2022, M. [N] et Mme [O] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1147 ancien du code civil :

- de confirmer le jugement rendu le 9 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a :

- dit que la garantie de la Sa Générali Iard en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle est due,

- condamné la Sa Générali Iard à garantir M. [S] son assuré, étant précisé que la garantie s'appliquera dans les termes et les limites de la police souscrite, soit une franchise totale de 1 700 euros pour l'ensemble des dommages retenus, en ceux compris les frais irrépétibles et les dépens,

- condamné in solidum M. [S] et la Sa Générali Iard à payer à M. [N] et Mme [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [S] et la société Générali Iard aux entiers dépens,

- l'infirmer pour le surplus,

statuant à nouveau,

- de juger que M. [S] a commis une faute à l'origine des désordres qu'ils allèguent

- de juger que M. [S] est entièrement responsable des désordres qu'ils allèguent,

- de débouter la compagnie d'assurance Générali Iard de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions d'appel incident partiel,

en conséquence,

- de condamner in solidum M. [S] et la compagnie Générali Iard à leur payer la somme de 146 315, 22 euros au titre du préjudice matériel,

- de condamner in solidum M. [S] et la compagnie Générali Iard à leur payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- de condamner in solidum M. [S] et la compagnie Générali Iard à leur payer la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral subi,

- de condamner in solidum M. [S] et la compagnie Générali Iard à leur payer la somme 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner in solidum M. [S] et la compagnie Générali Iard aux entiers dépens.

13. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 mai 2022, M. [S] demande à la cour, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants, 1792 et suivants du code civil :

à titre principal,

- de dire et juger que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'une faute de sa part qui soit en lien causal direct et certain avec le préjudice qu'ils allèguent,

- de dire et juger que les fautes de M. [N] sont seules à l'origine des désordres,

en conséquence,

- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il l'a condamné à indemniser M. [N] et Mme [O] de leurs préjudices,

et statuant à nouveau,

- de débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions formées à son encontre,

subsidiairement,

- de dire et juger qu'au regard de la responsabilité prépondérante de Monsieur [N] il doit supporter 95% des conséquences du sinistre, l'assiette des condamnations étant constituée du préjudice matériel tel qu'évalué par l'expert judiciaire,

en conséquence,

- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a retenu que la part de sa responsabilité s'élevait à 75%,

statuant à nouveau,

- de limiter toute éventuelle condamnation à son encontre à la somme de 3 332, 39 euros,

- de débouter les demandeurs de leurs demandes plus amples ou contraires,

en tout état de cause,

- de dire et juger que les désordres affectant l'ouvrage, de nature évolutive, présentent un caractère décennal,

en conséquence,

- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a retenu que les désordres n'étaient pas de nature décennale,

statuant à nouveau,

- de dire et juger que les désordres affectant l'ouvrage sont de nature décennale,

- de condamner la compagnie Générali à le garantir et le relever indemne de toute éventuelle condamnation, en application de la police construction n° AA296767 à effet au 1er février 2003,

très subsidiairement, si le caractère décennal des désordres n'était pas retenu,

- de confirmer le jugement du tribunal de Libourne en ce qu'il a condamné la compagnie Générali à le garantir dans les termes et limites de la police souscrite,

avec application d'une franchise de 1 700 euros pour l'ensemble des dommages retenus, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens,

en toute hypothèse,

- de condamner la compagnie Générali au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire.

14. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025.

MOTIFS :

Sur la responsabilité de M. [S] et de M. [N],

15. Dans le cadre du présent appel, la compagnie Generali Iard critique le jugement déféré qui a retenu sa garantie, en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de M. [S] et l'a condamnée in solidum avec son assuré à payer à M. [N] et à Mme [O] la somme de 44 998 euros HT en réparation des désordres constatés.

16. Pour ce faire, la compagnie Generali Iard fait valoir qu'aucune faute ne peut être reprochée à M. [S] présentant un lien de causalité avec le dommage. Elle estime que les griefs retenus à son encontre par le tribunal, à savoir de n'avoir pas vérifié la nature du terrain avant de réaliser les fondations et de ne pas avoir procédé à la pose d'un drain périphérique dans un terrain argileux ne sont pas fondés, le respect de telles prescriptions relevant de la compétence de la maîtrise d'oeuvre d'exécution et de conception incombant à M. [N], ce d'autant plus que ce dernier est intervenu comme locateur d'ouvrage pour la réalisation du lot VRD. Elle ajoute toutefois que si la cour estimait devoir entrer en voie de condamnation à son encontre, il conviendrait de limiter sa part de responsabilité à 5%, le surplus incombant à M. [N].

17. Les maîtres de l'ouvrage pour leur part soutiennent que contrairement à ce que tente de faire croire la compagnie Generali Iard, M. [S] a bien commis une faute présentant un lien de causalité direct avec les préjudices allégués. Ils lui ont confié, en sa qualité de professionnel, la réalisation des fondations de leur maison et celui-ci ne peut valablement soutenir qu'il est intervenu en tant que simple tâcheron. Il lui incombait à ce titre de réaliser et de dimensionner les fondations en fonction de la nature du terrain et d'effectuer une étude de sol avant l'exécution des travaux, ce que manifestement il n'a pas fait, une telle abstention étant de nature à engager sa responsabilité civile contractuelle.

18. Ils soutiennent par ailleurs qu'aucune faute ne saurait être imputée à M. [N] et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir procédé à la pose d'un drain, qui n'était pas exigé par les normes au moment de la réalisation des travaux et qui en tout état de cause n'aurait pas permis d'éviter l'apparition des fissures, ce d'autant plus qu'il n'a pas la qualité de professionnel de la construction. Selon les consorts [N] [O] le dommage est exclusivement la conséquence de la réalisation de fondations inadaptées à la consistance du sol, aucune faute ne pouvant par ailleurs être imputée à M. [N].

19. M. [S], pour sa part, conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu sa responsabilité au titre de son obligation de résultat concernant la réalisation des fondations et de son devoir de conseil, s'agissant de la pose d'un drain visant à détourner l'eau des fondations. Il rappelle qu'il est intervenu sur le chantier en qualité de simple tâcheron, et ce, sous la responsabilité de M. [N], qui s'est réservé la maîtrise d'oeuvre et qui doit être qualifié de professionnel, dès lors qu'il s'est engagé à construire seul le reste de son habitation.

20. En ce qui concerne les désordres, leur matérialité a été confirmée par l'expert judiciaire. Il a noté dans son rapport que l'ensemble de l'enduit de la maison était affecté de micro-fissures. Il a précisé que ces dernières n'étaient pas transversantes et n'affectaient pas à ce jour l'intérieur de la maison. Selon lui, l'origine de ces micro-fissures provient du fait que les fondations de la construction en semelles filantes, réalisées par l'entreprise [H] [S] sur un terrain argileux, sensible, baignent dans de l'eau d'infiltration qui remplit les tranchées creusées en leur temps par l'entreprise [S]. Le fait qu'aucun drain n'ait été mis en place autour de ces fondations empêche l'évacuation de cette eau et crée ainsi de légers mouvements des semelles filantes qui reposent sur une argile sensible au retrait gonflement.

21. Au vu des constatations susvisées, il appert que le désordre dont s'agit ne présente pas un caractère décennal, dès lors que les fissures constatées, qualifiées de non-transversantes, ne portent pas atteinte à la solidité de l'immeuble ni n'en affectent la destination. Leur caractère évolutif ne permet toutefois pas de dire qu'elle auront atteint un degré de gravité suffisant dans le délai décennal. La responsabilité des locateurs d'ouvrage ne pourra dans ces conditions qu'être engagée au titre de la responsabilité contractuelle après réception, en application de l'ancien article 1147 du code civil et sera subordonnée à la démonstration d'une faute imputable à chacun des intervenants à l'acte de construire présentant un lien de causalité direct et certain avec le dommage.

22. A ce titre, l'expert judiciaire a retenu à bon droit que M. [S] a commis une faute, en s'abstenant de réaliser une étude de sol, ce qui a conduit à construire des fondations inadaptées avec la nature argileuse du sol, sujette au processus de retrait gonflement. Il a retenu également que M. [N], qui avait souhaité réaliser lui-même le reste des travaux d'infrastructures de VRD et de finition, avait omis de poser des drains périphériques autour de la maison, qui se seraient avérés nécessaires en vue de l'écoulement et de l'évacuation des eaux.

23. Il résulte de ce qui précède qu'en s'abstenant de réaliser une étude de sol, alors qu'il avait été spécialement chargé, en sa qualité de professionnel, de réaliser les fondations de l'immeuble, sur un sol de surcroît argileux et particulièrement sensible au processus de retrait gonflement, M. [S] a commis une faute qui se trouve directement en lien avec le dommage constaté. Il ne peut à ce titre valablement soutenir qu'il est intervenu comme un simple tâcheron, alors qu'il disposait d'une totale autonomie dans la réalisation des fondations et qu'il n'était pas subordonné à M. [N], qui pour sa part, s'était chargé des autres lots de construction et s'était réservé la maîtrise d'oeuvre du lot VRD. A ce dernier titre, M. [N] n'a pas préconisé la mise en place d'un drain pour éviter que les fondations ne baignent dans l'eau, ce qui a pour effet de provoquer de légers mouvements des semelles filantes. Cette abstention est donc également mais dans une moindre mesure à l'origine du dommage.

24. Il s'ensuit que tant la responsabilité civile contractuelle de M. [S] que celle de M. [N] sera engagée, au vu des désordres constatés et dans les proportions retenues par le tribunal, au regard du caractère prépondérant de la faute de M. [S] ayant consisté à ne pas réaliser une étude de sol préalable.

Sur la garantie de la société Generali Iard,

25. La société d'assurance appelante critique le jugement entrepris qui a retenu sa garantie aux termes de la police responsabilité civile AA487761, qui a pris effet au 1er février 2003 et a été résiliée le 1er janvier 2017, de telle sorte qu'elle couvre la période de réclamation.

26. Elle soutient qu'il résulte des conditions générales N°EE3B2 que le volet responsabilité civile n'a pas à couvrir la reprise de la prestation de l'assuré. Elle rappelle qu'une telle exclusion est classique, la garantie responsabilité civile étant en l'espèce une garantie des dommages causés aux tiers et non une garantie de la responsabilité contractuelle de l'assuré.

27. Il ressort effectivement du contrat d'assurance souscrit par M. [S] et plus particulièrement des conditions générales N°EE3B21B qui sont rattachées à la police d'assurance RC N°AA487761 que sont exclues les conséquences dommageables et les frais que l'assuré ou toute autre personne a engagés lorsqu'ils ont pour objet 'le remboursement, le remplacement, la réparation, l'achèvement, la mise au point, le parachèvement, l'installation des produits ou travaux y compris le coût de ces produits ou travaux exécutés par l'assuré ou les sous-traitants ou toute personne agissant pour leur compte et qui se sont révélés défectueux, même si la défectuosité ne concerne qu'une de leur composante ou partie qu'il s'agisse de frais correspondant à la prestation initiale ou de ceux qui se révèlent nécessaires à l'exécution de l'obligation consistant à fournir une prestation exempte de vices ou défectuosités'.

28. Une telle clause qui tend à exclure du champ de la garantie les prestations exécutées par l'assuré est parfaitement usuelle et valable, puisqu'elle ne prive pas d'effet la police d'assurance concernée qui en réalité a vocation à s'appliquer s'agissant des dommages causés aux tiers par les travaux de l'assuré. En outre, la compagnie Generali Iard fait valoir une autre exclusion de garantie relative aux frais de pose et de dépose, qui est également applicable au cas d'espèce.

29. Pour s'opposer à l'application de ces exclusions de garantie, M. [S] soutient que la compagnie Generali Iard,i a pris la direction du procès, en mandatant un conseil unique pour représenter leurs intérêts communs lors des opérations d'expertise judiciaire et a par la même renoncé à toutes les exceptions dont elle avait connaissance, comme prévu par l'article L113-17 du code des assurances.

30 Toutefois, cette disposition n'est applicable que si l'assureur n'a pas émis de réserve aux fins d'écarter la présomption de renonciation à l'exception dont il a connaissance. Or, en l'espèce, force est de constater, à la lecture du courrier adressé par le conseil de la Compagnie Generali Iard à M. [S] le 18 août 2016 que 'son intervention s'effectue sous les plus expresses réserves de droit et de garantie et que la compagnie Generali Iard prendra une position définitive sur l'application du contrat au plus tard à la réception du rapport de l'expertise judiciaire'.

31. Il résulte de ce qui précède que la compagnie Generali Iard a émis des réserves précises tendant à écarter la présomption de renonciation à toutes les exceptions de garantie, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'elle a pris la direction du procès. Dans ces conditions, les exclusions de garantie susvisées s'avèrent parfaitement applicables de telle manière que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu la garantie de la compagnie Generali Iard qui sera écartée par la cour.

Sur l'indemnisation des préjudices subis,

32. Dans le cadre d'un appel incident, les consorts [N] [O] contestent la solution réparatoire retenue par le premier juge, ainsi que le montant des dommages et intérêts leur ayant été alloués au titre de leur préjudice matériel à hauteur de 44 998, 50 euros HT et demandent de voir condamner leurs adversaires à leur payer la somme de 146 315, 22 euros à ce titre.

33. Au soutien d'une telle prétention, ils font valoir que les fissures dont s'agit présentent un caractère évolutif à moyen et long terme et qu'il est nécessaire, non seulement de poser des micropieux sous l'ensemble des murs porteurs de l'habitation, mais également au niveau de la terrasse située à l'arrière de la maison. Ils estiment également qu'il est nécessaire que le coût des travaux de remise en état soit réactualisé afin de les replacer dans la situation où ils se seraient trouvés si l'acte dommageable ne s'était pas produit. Dans ces conditions, ils demandent à la cour de retenir le devis de la société Temsol à hauteur de 146 315, 22 euros qui seul inclut la reprise par micropieux de la terrasse.

34. La compagnie Generali Iard sollicite sur ce point la confirmation du jugement entrepris, considérant que les sommes réclamées ce jour par les consorts [N] [O] s'avèrent excessives et que la hausse du coût des matériaux ne saurait justifier une majoration de l'indemnisation accordée à hauteur de 55%.

35. A ce titre, l'expert judiciaire indique que la solution réparatoire consiste à mettre en oeuvre des micropieux sous l'ensemble de l'habitation. Il a retenu pour le faire le devis de la société Foreo pour la somme de 59 998 euros HT, ce qui suppose en définitive le règlement d'une somme de 65 997, 80 euros TTC avec application d'un taux de TVA de 10%. Il précise que le devis Temsol de 72 252 euros HT, soit 79 447, 20 euros TTC, qui prévoit la réalisation d'une longrine BA et la reprise par micropieux de la terrasse n'est pas utile, dès lors que la terrasse ne présente pas de désordres visibles à ce jour.

36. Dans ces conditions, dès lors que les maîtres de l'ouvrage ne rapportent pas la preuve de la nécessité technique de reprendre la terrasse, il y a lieu de retenir le devis de la société Foreo à hauteur de la somme de 59 998, HT. Après partage de responsabilité, M. [S] ne pourra qu'être condamné à payer aux consorts [N] [O] la somme de 44 998, 50 euros HT de sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

37. Pour tenir compte toutefois de l'évolution des prix depuis le 11 janvier 2018, date du devis, il sera fait application sur cette somme de l'indice BT01 du coût de la construction.

38. S'agissant du préjudice de jouissance, il a été évalué dans le cadre du jugement déféré, à la somme de 487, 50 euros, correspondant à 75% de la somme de 650 euros relative au préjudice global. Les consorts [N] [O] demandent sur ce point l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. [S] à leur payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

39. Pour ce faire, ils rappellent que les travaux de reprise supposent la mise en place de micropieux extérieurs, mais également intérieurs et que certaines pièces de leur habitation ne seront plus par conséquent utilisables. Ils considèrent en outre que ce préjudice sera d'autant plus important que les travaux risquent de durer plus de deux mois puisqu'ils s'exécuteront en deux phases, les travaux d'embellissement ne pouvant être réalisés qu'un an après la pose de micropieux.

40. Au regard de la durée des travaux évaluée à deux mois, de leur nécessaire exécution par phases, comprenant d'abord la pose des micropieux, puis la réparation des désordres esthétiques, de l'impossibilité pour les maîtres de l'ouvrage durant ces travaux de jouir de l'entièreté de leur domicile, il y a lieu de fixer le préjudice de jouissance des consorts [N] [O] à la somme globale de 1500 euros, dont 1125 euros à la charge de M. [S].

41. Pour ce qui est du préjudice moral, les maîtres de l'ouvrage critiquent à ce titre le jugement entrepris qui les a déboutés de leur demande formée de ce chef, considérant qu'un tel préjudice n'était pas démontré.

42. Pour conclure sur ce point à l'infirmation du jugement déféré, les consorts [N] [O] exposent que, confrontés durant plusieurs années à la présence de ces fissures, ils ont vécu dans l'inquiétude permanente de leur aggravation. Ces éléments toutefois s'avèrent insuffisants pour caractériser un préjudice moral, l'impact psychique de ces désordres n'étant matérialisé par aucun élément objectif.

Sur les autres demandes,

43. Les dispositions prises en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens seront infirmées.

44. M. [S] sera condamné aux entiers dépens de la procédure et devra régler en outre la somme 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile aux consorts [N] [O].

45. Les consorts [N] [O] devront pour leur part régler la somme de 1000 euros à la compagnie Generali Iard.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré, sauf s'agissant de la garantie de la compagnie Generali Iard, de l'indexation du préjudice matériel, du quantum du préjudice de jouissance et des dispositions prises en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Met hors de cause la compagnie GeneraIi Iard,

Dit que les sommes allouées au titre du préjudice matériel seront indexées sur l'indice BT01 du coût de la construction depuis la date du dépôt du rapport d'expertise jusqu'à la date du paiement effectif.

Condamne M. [S] à payer aux consorts [N] [O] la somme de 1125 euros au titre du préjudice de jouissance

Condamne M. [H] [S] à payer à M. [I] [N] et à Mme [V] [O] la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure cvile,

Condamne M. [I] [N] et Mme [V] [O] à payer à la compagnie Generali Iard la somme de 1000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [S] aux entiers dépens de la procédure.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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