Livv
Décisions

CA Rouen, ch. soc., 22 avril 2025, n° 24/01633

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/01633

22 avril 2025

N° RG 24/01633 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JUYP

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 22 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE ROUEN du 04 Avril 2024

APPELANTE :

Madame [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Emilie BLAVIN de la SELARL EB AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.R.L. CONSORTIUM SOINS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Julien DETTORI, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 Mars 2025 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 19 mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 avril 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 22 Avril 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Consortium Soins ( la société ou l'employeur) a pour activité la vente de matériels et équipements médicaux ou se rapportant aux soins de la personne ainsi que l'accompagnement de personnes par le biais de prestations de services effectuées à domicile.

Mme [F] (la salariée) a été engagée par la société en qualité de chargée de communication-marketing par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 août 2021.

Une clause de non concurrence était prévue au sein du contrat de contrat de travail.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de négoce et prestations de services médico techniques.

Par lettre du 8 décembre 2021, Mme [F] a notifié à l'employeur sa démission.

Le 9 décembre 2021, la société a pris acte de la démission et a notifié à Mme [F] l'activation de sa clause de non-concurrence en lui rappelant qu'elle bénéficiait à ce titre d'une contrepartie financière égale à 15% de sa rémunération mensuelle brute hors primes, commissions et avantages.

La relation contractuelle a pris fin le 8 janvier 2022 au terme du préavis.

A compter de cette date, Mme [F] a perçu la contrepartie financière de son obligation de non-concurrence.

En août 2022, la société a été informée que Mme [F] travaillait pour la société Aunor Santé intervenant dans son secteur d'activité.

Par lettre du 12 août 2022, la société Consortium soins a mis Mme [F] en demeure de cesser immédiatement ses fonctions au sein de la société Aunor Santé et de lui faire parvenir la somme forfaitaire égale à la rémunération de ses six derniers mois de salaire en application de l'article 19 de son contrat de travail.

Le 26 septembre 2022, Mme [F] a répondu qu'elle n'entendait pas donner une suite favorable à cette demande.

Le 12 septembre 2022, la société Consortium soins a fait délivrer à la société Aunor Santé une sommation interpellative concernant la situation de Mme [F] dont il résultait que cette dernière travaillait effectivement pour ladite société depuis le 10 janvier 2022 en qualité de déléguée commerciale.

Par requête du 6 décembre 2022, la société Consortium Soins a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen aux fins de voir juger la violation de la clause de non-concurrence ainsi qu'en demandes d'indemnités.

Par jugement du 4 avril 2024, le conseil de prud'hommes de Rouen a :

- dit que la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de la salariée était valide,

- débouté Mme [F] de sa demande de nullité de ladite clause,

- jugé que Mme [F] avait violé la clause de non-concurrence,

- condamné Mme [F] à verser à la société Consortium Soins les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence : 12 499, 98 euros

remboursement de l'indemnité de non-concurrence : 4 125 euros brut

dommages et intérêts pour le préjudice distinct : 3 000 euros

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 500 euros

- débouté Mme [F] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution du jugement sauf pour les décisions exécutoires de droit à titre provisoire dans les conditions de l'article R1454-28 du code du travail,

- condamné Mme [F] aux dépens.

Le 3 mai 2024, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement.

La société Consortium Soins a constitué avocat par voie électronique le 20 mai 2024.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 1er juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme [F] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit la clause de non-concurrence valide, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité de ladite clause, en ce qu'il a jugé qu'elle avait violé la clause de non-concurrence ainsi qu'en ce qu'il l'a condamnée au paiement de différentes sommes,

Statuant à nouveau,

- juger nulle la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail et, subsidiairement juger qu'elle lui est inopposable,

- débouter la SARL Consortium Soins de ses demandes, fins et conclusions

A titre infiniment subsidiaire,

- juger manifestement excessive l'indemnité contractuelle prévue et la réduire à de biens plus justes proportions,

En tout état de cause,

- débouter la société Consortium Soins de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, - condamner la société à lui régler une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, la société Consortium Soins demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a donné gain de cause et l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- juger que Mme [F] a violé la clause de non-concurrence insérée dans à l'article 19 de son contrat de travail,

En conséquence,

- interdire à Mme [F] de poursuivre son activité au sein de la société Aunor Santé et ce, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la décision à intervenir,

- condamner Mme [F] à lui verser les sommes suivantes avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :

dommages-intérêts pour non-respect de la clause de non concurrence : 12 499,98 euros

remboursement de l'indemnité de non-concurrence : 4 125 euros bruts

dommages-intérêts au titre du préjudice distinct : 3 000 euros

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [F] à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 19 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la validité de la clause de non concurrence

La salariée considère que la clause de non concurrence insérée au sein de son contrat de travail n'est pas licite en ce qu'elle ne remplit pas les conditions de validité posées par la jurisprudence.

Elle soutient que la clause ne répond pas à la condition de protection des intérêts légitimes de l'entreprise rappelant que durant sa période d'embauche au sein de la société Consortium Soins elle a été en formation jusqu'au mois d'octobre 2021 puis a exercé ses missions sur le terrain en bénéficiant d'un accompagnement à compter de novembre 2021 jusqu'à sa démission le 8 décembre suivant.

Elle considère en outre que la clause est disproportionnée et porte une atteinte excessive à sa liberté de travail ainsi qu'à sa vie personnelle et familiale puisque tant les activités prohibées ( activités principales et activités accessoires) que le secteur géographique concerné (7 départements au total) ne lui permettent pas de retrouver un emploi conforme à sa fonction de déléguée pharmaceutique et à ses compétences.

En dernier lieu, elle soutient que la contrepartie financière est manifestement dérisoire et équivaut à une absence de contrepartie puisque l'indemnité de 15% de son salaire moyen brut calculée hors primes, commissions et avantages équivaut à une somme mensuelle de 343,75 euros brut, congés payés compris. Elle constate que la clause de non concurrence met en revanche à sa charge une indemnité de 6 mois de salaire soit 12 499,98 euros alors même que la somme qu'elle aurait perçu au cours des 12 mois serait limitée à 3 093,75 euros.

La société soutient pour sa part que la clause de non concurrence est licite en ce qu'elle est indispensable à la protection de ses intérêts légitimes et proportionnée eu égard à l'atteinte à la liberté de travailler de la salariée. Elle indique qu'en sa qualité de chargée de communication, la salariée avait accès à l'ensemble des données relatives aux clients de l'entreprise, qu'elle échangeait régulièrement avec eux et, ce, y compris durant sa période de formation. La société indique que postérieurement au départ de la salariée, son chiffre d'affaires n'a cessé de diminuer ; qu'elle a été informée du fait que Mme [F] continuait à se faire passer pour une salariée de l'entreprise et qu'elle a mis en place une campagne de dénigrement à son encontre.

Elle expose que la contrepartie financière n'est pas dérisoire rappelant qu'elle est conforme à la jurisprudence qui a validé une contrepartie financière de 12,88 % des salaires de la dernière année complète d'activité.

Sur ce ;

Pour être valable, la clause de non concurrence doit, à peine de nullité, cumulativement :

. être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, notamment au regard de l'activité réellement exercée par l'employeur et de la nature de l'emploi occupé par le salarié ;

. protéger la liberté de travail du salarié, en limitant dans le temps et dans l'espace son champ d'application et en prenant en compte les spécificités de son emploi ;

.imposer à l'employeur, quel que soit le mode de rupture du contrat, le versement d'une contrepartie financière.

En l'espèce, le contrat de travail de Mme [F] prévoyait en son article 19 les dispositions suivantes :

' En cas de rupture du présent contrat, pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, Mme [F] [R] s'interdit de s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant en tout ou partie une activité semblable ou similaire à celle de l'entreprise Consortium Soins.

Cette interdiction est limitée à la durée de 12 mois, à compter de la date de rupture effective du contrat et au secteur géographique suivant: régions Picardie et Haute Normandie et départements limitrophes. Pendant la durée d'interdiction, Mme [F] [R] percevra une contrepartie pécuniaire mensuelle égale à 15% de sa rémunération moyenne brute hors primes, commissions et avantages.

En cas de violation de cette interdiction, Mme [F] s'expose au paiement d'une indemnité forfaitaire, égale à la rémunération de ses 6 derniers mois d'activité, sans préjudice du droit pour l'entreprise de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation du préjudice subi.

L'entreprise pourra cependant libérer Mme [F] [R] de l'interdiction de concurrence et, par la même, se dégager du paiement de l'indemnité prévue en contrepartie, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation. Mme [F] [R] sera alors informée par lettre recommandée avec avis de réception.'

Sur la condition de protection des intérêts légitimes de la société

La clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise qui en bénéficie.

Le préjudice susceptible d'être subi par l'employeur s'apprécie à la mesure des fonctions du salarié en tenant compte, notamment, de son savoir-faire ou des informations stratégiques auxquelles l'intéressé a pu avoir accès ou encore des liens privilégiés noués avec la clientèle.

Une clause de non-concurrence est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise dès lors que la formation reçue au cours du contrat est propre à permettre le développement d'une activité concurrentielle à son détriment après la cessation du contrat, ce qui présente pour elle un risque sérieux.

En l'espèce, la société a pour activité le secteur spécialisé de la vente de matériels et équipements médicaux ainsi que l'accompagnement de personnes par le biais de prestations de services effectuées à domicile.

La salariée a été embauchée en qualité de chargée de communication marketing, statut agent de maîtrise. Il résulte de sa fiche de poste qu'elle était au titre de ses fonctions principales chargée de la communication et au titre de ses fonctions secondaires, qu'elle exerçait en qualité de technicienne, logisticienne en prestation de santé.

La société soutient sans être utilement contredite, qu'en raison de ses fonctions, la salariée avait accès à l'ensemble des données relatives aux clients.

La société verse en outre des éléments tendant à établir que postérieurement à sa démission, la salariée a entretenu une confusion quant à son appartenance à la société, a tenu des propos inadaptés auprès de certains clients de l'entreprise.

Mme [F] exerçait au sein de la société des fonctions qui lui ont donné une parfaite connaissance des clients de la société, des attentes spécifiques de ceux-ci mais également de la stratégie commerciale et tarifaire de son ancien employeur.

Il ressort ainsi qu'elle avait un contact privilégié avec les clients de la société, qu'elle avait accès à des informations commerciales et économiques de la société ainsi qu'à l'identité des partenaires et clients de l'entreprise.

La société Consortium Soins, dont le domaine d'activité était spécialisé, disposait ainsi d'un intérêt légitime à protéger ses parts de marchés vis à vis de ses concurrents directs en interdisant à son ancienne salariée de reprendre un emploi dans le même domaine d'activité.

Sur la limitation dans l'espace de la clause

Pour être valable, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l'espace de manière à permettre au salarié d'exercer une activité après la rupture de son contrat de travail.

La clause ne doit pas empêcher le salarié de trouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.

En l'espèce, la limite temporelle d'une année fixée à la salariée n'apparaît pas d'une durée excessive eu égard à la nécessité d'assurer la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.

Cette clause est géographiquement limitée aux régions Picardie et Haute Normandie et départements limitrophes, ce qui recouvre les départements de l'Eure et de la Seine Maritime, de la Somme, de l'Aisne et de l'Oise ainsi que ceux du Calvados, de l'Orne, de l'Eure et Loir, des Yvelines, de Seine et Marne et du Val d'Oise.

La société soutient sans être utilement contredite que la seule expérience professionnelle de la salariée dans le domaine d'activité des produits médicaux avant son embauche résultait d'un engagement d'un mois en qualité de représentante commerciale pharmaceutique pour le compte de la société Handi-Pharm ; qu'auparavant, la salariée exerçait en qualité de représentante, commerciale et déléguée pour des sociétés qui oeuvraient dans des secteurs distincts.

La salariée ne produit aucune pièce relative à sa qualification ainsi qu'à ses expériences professionnelles.

Il résulte de son profil Linkedin qu'elle a préalablement à son embauche par la société Consortium Soins travaillé pour le compte d'entreprises spécialisées dans le sport, le bien-être, l'univers du bureau, les bijoux.

Au regard de ces éléments, Mme [F] n'était ainsi pas empêchée de travailler au motif que les limitations de la clause de non concurrence lui permettaient suffisamment de travailler soit dans le secteur des prestations à domicile et de la vente de produits médicaux mais en dehors des départements mentionnés soit au sein d'une entreprise qui n'avait pas pour activité la vente de matériels et équipements médicaux ainsi que l'accompagnement de personnes par le biais de prestations de services effectuées à domicile.

Sur la contrepartie financière

Une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail équivaut à une absence de contrepartie.

En l'espèce, la contrepartie financière est fixée à 15% de la rémunération moyenne brute hors primes, commissions et avantages accordée à la salariée soit à la somme mensuelle de 312,49 euros (15% de 2083,33 euros) et, ce, pendant une durée de 12 mois, soit la somme totale de 3 749,99 euros.

En cas de violation de cette même clause, une indemnité forfaitaire égale à la rémunération des 6 derniers mois d'activité de la salariée est mise à sa charge soit la somme de 12 499,98 euros.

S'il existe une disproportion entre le montant de la contrepartie financière et le montant de l'indemnité forfaitaire mise à la charge de la salariée, la cour constate que sur la période de 12 mois, le montant de la contrepartie financière correspond à 6,6 mois de salaire, que les pièces produites aux débats ne démontrent pas que la salariée ait perçu au cours de la relation contractuelle des primes, commissions et avantages qui ont majoré de façon significative son salaire, de sorte qu'il est jugé que le montant de la contrepartie financière, au regard des limitations géographique et temporelle prévues, de l'emploi occupé n'était pas dérisoire.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de juger licite la clause de non concurrence insérée au contrat de travail de la salariée.

2/ Sur la violation de la clause de non concurrence

La société soutient que la salariée a violé la clause de non concurrence. Elle indique que Mme [F] a été embauchée à compter du 10 janvier 2022 par la société Aunor Santé en qualité de déléguée commerciale et, ce, après un entretien d'embauche intervenu en décembre 2021 alors qu'elle était toujours salariée de la société Consortium Soins.

La société expose que la salariée occupe chez son nouvel employeur un poste similaire à celui précédemment occupé, qu'elle a maintenu une ambiguïté en se présentant comme toujours salariée de la société Consortium Soins et qu'elle a détourné une partie de sa clientèle, débauché certains partenaires commerciaux.

En dépit d'une mise en demeure adressée le 12 août 2022, la société indique que la salariée n'a pas mis un terme à son activité.

La société verse aux débats ses derniers bilans aux fins d'établir l'existence d'une baisse importante de son chiffre d'affaires ( 855 722 euros au 30 juin 2021 contre 608 369 euros au 30 juin 2022) qu'elle explique en partie par l'attitude déloyale de la salariée qui a détourné une partie de ses clients.

La société demande que la salariée soit condamnée à lui rembourser les sommes versées au titre de la clause de non concurrence, à lui verser l'indemnité forfaitaire prévue au contrat de travail ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice distinct et qu'il lui soit enjoint de cesser son activité professionnelle au sein de la société Aunor Santé sous astreinte de 150 euros par jour.

La société s'oppose à la réduction du montant de l'indemnité forfaitaire au vu du préjudice subi et de l'absence de démonstration du caractère excessif de la clause par la salariée.

Mme [F], après avoir rappelé que l'indemnité contractuellement prévue est une clause pénale qui peut être réduite, soutient pour sa part que le montant de celle-ci est manifestement excessif en ce qu'elle n'a été salariée de son précédent employeur que durant 4 mois et que l'entreprise ne justifie d'aucune préjudice.

Sur ce ;

La violation de l'interdiction de non concurrence est caractérisée lorsque le salarié exerce une activité hors les limites fixées par la clause, qu'il s'agisse des limites temporelles ou géographiques ou des limites liées à l'exercice de l'activité concurrente.

C'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve d'une éventuelle violation de la clause de non-concurrence par le salarié. La violation d'une clause de non-concurrence n'est caractérisée qu'à la condition que les actes de concurrence soient matérialisés.

Pour déterminer s'il y a eu violation de l'interdiction de non-concurrence, la portée de la clause doit s'apprécier par rapport à l'activité réelle de l'entreprise.

La clause du contrat prévoyant une indemnité en cas de non respect de la clause de non concurrence étant une clause pénale, cette indemnité est susceptible d'être réduite par le juge, si elle est manifestement excessive, en application de l'article 1231-5 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.

Le juge qui fixe la pénalité au montant forfaitaire prévu par le contrat juge par là-même que son montant n'est pas excessif et n'est pas tenu de motiver spécialement sa décision.

En cas de réduction, le juge doit préciser en quoi la clause est manifestement excessive.

En l'espèce, pour caractériser la concurrence de Mme [F], la société verse aux débats :

- le profil Linkedin publié par Mme [F] à la date du 2 octobre 2023 qui mentionne qu'elle est toujours salariée de la société Consortium Soins depuis août 2021 soit depuis 2 années et 3 mois,

- la sommation interpellative délivrée le 22 septembre 2022 à la société Aunor Santé aux termes de laquelle il est indiqué que Mme [F] a été embauchée au sein de l'entreprise à compter du 10 janvier 2022 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de déléguée commerciale sur le ressort de [Localité 5] à la suite d'un entretien qui s'est déroulé courant décembre 2021,

- des informations sur la société Aunor Santé venant aux droits de la société Soins Chez Soi 76 aux fins d'établir que la société oeuvre sur le même secteur d'activité,

- la copie d'un compte rendu d'incident au terme duquel une salariée de la société Consortium Soins indique avoir eu un entretien avec la cadre du service de chirurgie digestive du CHU de [Localité 6], Mme [K], qui lui a précisé ne plus souhaiter travailler avec la société car [R] [F], qu'elle apprécie beaucoup, lui a indiqué faire l'objet d'une procédure pour concurrence déloyale,

- des copies d'échanges de mails entre la société et le secrétariat du docteur [E] en date du 12 septembre 2022 aux termes desquels le secrétariat sollicitait la mise en relation avec Mme [F],

- des documents comptables aux fins d'établir l'existence d'une baisse de chiffre d'affaires de la société.

La cour constate que Mme [F] ne conteste pas spécifiquement l'existence des actes de concurrence dont se prévaut la société Consortium Soins.

Cette dernière établit que la salariée occupe des fonctions identiques à celles occupées en son sein, pour le compte d'une entreprise concurrente, oeuvrant sur le même secteur d'activités.

Elle démontre qu'à travers son profil Linkedin et le discours tenu à certains partenaires de la société Consortium Soins, Mme [F] a violé sa clause de non concurrence et a commis des actes de concurrence déloyaux à l'encontre de son ancien employeur.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la salariée à rembourser à la société Consortium Soins le montant de la contrepartie financière versée, soit la somme de 4 125 euros, celle-ci n'étant pas spécifiquement contestée dans son quantum.

En l'espèce, la société fait état d'un détournement de clientèle et produit des pièces permettant d'établir la captation d'une partie de la clientèle pour le compte du nouvel employeur de Mme [F].

La société évalue son préjudice commercial à la somme de 247 354 euros.

Il ressort des éléments produits que la salariée a travaillé pour le compte de la société Consortium Soins pendant une durée de près de 5 mois, qu'elle a été formée par cette dernière, qu'elle a obtenu un entretien d'embauche au sein d'une société concurrente avant même le terme de la relation contractuelle, que les deux sociétés oeuvrent dans le même secteur d'activités.

La salariée ne précise pas en quoi le montant de la clause pénale se révélerait excessif étant constaté qu'elle représentait 6 mois de salaire et que la société établit avoir subi un préjudice.

Au regard de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de condamner Mme [F] à verser à la société la somme de 12 499,98 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la clause de non concurrence.

Il y a lieu de rappeler que la clause pénale n'est en principe pas cumulable avec des dommages-intérêts sauf si la partie victime du manquement démontre qu'elle a subi un préjudice distinct de celui couvert par la clause pénale.

En l'espèce, la cour constate que la société ne justifie d'aucun préjudice distinct non indemnisé par ailleurs au titre de la clause pénale de sorte que, par infirmation du jugement entrepris, il y a lieu de la débouter de sa demande.

Le préjudice subi par la société ayant été intégralement réparé et la société ne démontrant pas l'existence d'un préjudice persistant au cours des années comprises entre 2023 et 2025, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la salariée d'interdire de poursuivre son activité.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.

Il convient en l'espèce de condamner la salariée, appelante succombante dans la présente instance, à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [F] les frais irrépétibles exposés par elle.

Il y a également lieu de condamner la salariée appelante aux dépens d'appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 4 avril 2024 sauf en ce qu'il a accordé à la société des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant:

Déboute la société Consortium Soins de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;

Condamne Mme [R] [F] à verser à la société Consortium Soins la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [R] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site