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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 17 avril 2025, n° 24/00535

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Plurimmo (SAS)

Défendeur :

M. V.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Benhamou, Me Mitaut, Me Lachat, Me Galichet, SCP VBA Avocats Associés, SCP Lachat Mouronvalle

T. com. Grenoble, du 15 déc. 2023, n° 20…

15 décembre 2023

Faits et procédure :

1. [V] [T] est architecte à [Localité 6] en Isère. La société Plurimmo est spécialisée dans la promotion immobilière à [Localité 2].

2. Au cours du 1er semestre 2017, [V] [T] a proposé ses services à la société Plurimmo pour intervenir sur un terrain dit « [Localité 5] '' à [Localité 4] (38). Il lui a été con'é une mission d'étude préliminaire, suivi d'une présentation d'un plan sommaire permettant la construction de 25 logements en accession et 11 logements en locatif pour une surface totale de 2.450 m². Le projet a été abandonné par la société Plurimmo en 2017, pour être repris par elle en 2018, suite au rachat de terrains.

3. Le 31 mai 2020, [V] [T] a facturé ses prestations à la société Plurimmo. Il l'a relancée le 30 juin 2020, puis le 10 août 2020, avant de la mettre en demeure le 22 février 2021. Il l'a faite assigner devant le tribunal de commerce de Grenoble le 10 novembre 2022.

4. Par jugement du 15 décembre 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a :

- débouté la société Plurimmo de sa demande de renvoi vers une autre juridiction ;

- condamné la société Plurimmo à payer la somme de 31.475,52 euros à [V] [T] ;

- dit que la somme due portera intérêt au taux d'intérêt égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance de la facture impayée (date échéance le 30 mai 2020) ;

- débouté [V] [T] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de la rupture des relations établies ;

- débouté [V] [T] de sa demande de rémunération en tant qu'apporteur d'affaires ;

- débouté [V] [T] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une résistance abusive ;

- condamné la société Plurimmo à verser à [V] [T] une indemnité arbitrée à la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Plurimmo aux entiers dépens de l'instance ;

- liquidé les dépens.

5. La société Plurimmo a interjeté appel de cette décision le 30 janvier 2024, en ce qu'elle a :

- débouté la société Plurimmo de sa demande de renvoi vers une autre juridiction au cas d'espèce le tribunal de commerce de Lyon comme juridiction spécialisée ;

- débouté la société Plurimmo de sa demande fondée sur la prescription ;

- condamné la société Plurimmo à payer la somme de 31.475,52 euros à [V] [T] ;

- dit que la somme due portera intérêt au taux d'intérêt égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance de la facture impayée (date échéance le 30 mai 2020) ;

- condamné la société Plurimmo à verser à [V] [T] une indemnité arbitrée à la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Plurimmo aux entiers dépens de l'instance.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 30 janvier 2025.

Prétentions et moyens de la société Plurimmo :

6. Selon ses prétentions remises par voie électronique à la cour le 24 avril 2024, elle demande à la cour, au visa de l'ancien article L.442-6, I, 5° du code de commerce, des articles L. 441-9 al. 2, L. 442-1, II, L. 442-4, III, D. 442-3 et D. 442-4, III du code de commerce, de l'article 122 du code de procédure civile, de l'article 2224 du code civil, de l'article 289, I, 3 du code général des impôts, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté la concluante de sa demande de renvoi vers une autre juridiction ;

- condamné la concluante à payer la somme de 31.475,52 euros à [V] [T] ;

- dit que la somme due portera intérêt au taux d'intérêt égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance de la facture impayée (date échéance le 30 mai 2020) ;

- condamné la concluante à verser à [V] [T] une indemnité arbitrée à la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la concluante aux entiers dépens de l'instance.

7. Elle demande en conséquence à la cour, statuant à nouveau :

- à titre liminaire, de juger prescrits l'action en paiement et le mémoire d'honoraires de M.[T] du 31 mai 2020 ;

- de juger prescrites les prestations alléguées par M.[T] ;

- de juger les dispositions des articles L. 442-1 et suivants du code de commerce applicables aux faits de l'espèce ;

- de juger l'incompétence du tribunal de commerce de Grenoble ;

- en conséquence, de dire que l'action de M. [T] se heurte à une fin de non-recevoir sur le fondement des articles L. 442-1 et suivants du code de commerce ;

- de renvoyer M.[T] devant le tribunal de commerce compétent, à savoir de Lyon ;

- sur le fond, de juger le paiement et le montant des honoraires formulés par M.[T] mal fondés ;

- de condamner M.[T] au paiement de la somme de 5.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'appelante expose :

8. - qu'au début de l'année 2017, elle a confié une mission d'étude préliminaire à l'intimé concernant l'emprise foncière de trois maisons d'habitation sur la commune de [Localité 4], pour lesquelles elle négociait directement et sans intermédiaire avec les propriétaires pour leur rachat ; qu'un plan sommaire a été présenté permettant la construction de 36 logements, dont 25 en accession et 11 en locatif pour une surface habitable totale de 2.450 m², de sorte que la concluante a pu engager une discussion avec les propriétaires du foncier puisque l'équilibre financier pouvait être atteint sur cette capacité de construction ; que cependant, l'intimé a fait une interprétation erronée des règles du PLU applicable à la commune, étant ainsi contrainte de dégrader la capacité du projet, une première fois le 19 octobre 2017, puis une seconde fois le 25 octobre 2017; qu'il s'est avéré que la surface totale habitable prévue initialement à 2.450 m² tombait à 2.230 m², générant une perte de 922.500 euros sur le projet; que la concluante a ainsi décidé de l'abandonner fin octobre 2017 et a cessé toute relation avec l'intimé, qui n'a alors réclamé aucun honoraire ;

9. - qu'ultérieurement, la concluante a relancé ce projet, en le basant sur cinq terrains avec maisons à racheter, ce qui a été réalisé en 2022 par le biais de la société civile immobilière de la concluante; que l'intimé, ayant eu connaissance de ce projet, a alors établi un mémoire d'honoraires le 31 mai 2020 pour 31.475,52 euros TTC, en retenant un coût de construction de 1.700 euros HT par m² de surface habitable et un taux de rémunération de 7 % ;

10. - concernant la fin de non-recevoir résultant des articles L.442-1 et suivants du code de commerce, que le tribunal a, de façon erronée, jugé qu'il n'existe pas de contrat entre les parties permettant de mettre en application ces dispositions, puisque ces articles s'appliquent aux relations commerciales établies sans référence à une quelconque relation contractuelle écrite; que l'intimé n'a pas contesté l'application de ces articles puisqu'il a fondé son assignation sur l'ancien article L.442-6 I 5° ; que pour justifier sa condamnation, le tribunal s'est fondé sur l'article 1103 du code civil, et ainsi sur un contrat, ce qui est contradictoire ;

11. - en conséquence, que l'article L.442-4 III est applicable, disposant que les litiges relatifs à l'application des articles L.442-1 et suivants sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret, en l'espèce le tribunal de commerce de Lyon ;

12. - concernant la prescription de la demande de l'intimé, que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement d'une facture n'est pas la date de la facture, mais la date à laquelle elle aurait dû être faite, et ainsi la fin de la mission, conformément à l'article L441-3 du code de commerce (Com. 26 février 2020 n°18-25.036) ;

13. - qu'en l'espèce, les dernières prestations revendiquées par l'intimé sont du mois d'octobre 2017 au titre de ses deux études préliminaires, et non au titre d'un compte-rendu d'entretien en mairie dont la datation est incertaine ; que l'assignation a été délivrée le 10 novembre 2022, ainsi après l'expiration du délai de prescription quinquennale ;

14. - concernant le paiement et le montant des honoraires, que la facture est, en principe, émise dès la réalisation de la prestation de services selon l'article L289 I du code général des impôts et l'article L.441-9 du code de commerce, alors que celle émise par l'intimé remonte au 31 mai 2020 ;

15. - qu'aucun contrat formel et signé des parties ne permet d'asseoir cette facture, alors qu'elle est fondée sur une estimation du coût de construction et des études préliminaires ; que l'estimation du coût des travaux à 3.791.000 euros est infondé puisque cela aboutit à un coût de 1.700 euros HT/m² supérieur au coût habituel de 1.300 euros en 2017 ; que le taux de 7 % est abusif, puisque celui habituellement pratiqué pour un architecte au sein d'une équipe de maîtrise d'oeuvre est de 4 à 4,5 % pour une mission complète ;

16. - que l'intimé a commis des erreurs en interprétant de façon erronée le PLU applicable, ce qui a entraîné la dégradation du projet, alors que dans ses études préliminaires, il n'a pas fourni de plans détaillés ni de coupe, mais un plan de masse inchangé entre ses versions ; que ces faits ont entraîné l'abandon du projet pendant plusieurs années ;

17. - que la facture comprend la somme de 7.961,10 euros au titre d'une ouverture administrative du dossier, ce qui n'existe pas dans la pratique ; que la demande concernant cette somme est prescrite, puisque cette ouverture remonte au mois de mars 2017 ; que la somme de 13.268,50 euros au titre d'études préliminaires n'est ni détaillée ni expliquée et ne correspond pas aux usages limitant ce coût entre 600 et 1.800 euros HT; que la somme de 5.000 euros concernant la demande de certificat d'urbanisme n'est pas due, s'agissant du traitement d'un formulaire déposé auprès de la mairie.

Prétentions et moyens de [V] [T] :

18. Selon ses conclusions remises par voie électronique à la cour le 11 juin 2024, il demande à la cour, au visa des les articles 1103 et suivants du code civil, de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, d'infirmer le jugement du 15 décembre 2023 en ce qu'il a :

- débouté le concluant de sa demande tendant à voir condamner la société Plurimmo à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né de la rupture des relations établies ;

- débouté le concluant de sa demande tendant à voir condamner la société Plurimmo à lui verser la somme de 90.000 euros au titre de sa rémunération comme apporteur d'affaire ;

- débouté le concluant de sa demande tendant à voir condamner la société Plurimmo à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice causé par sa résistance abusive.

19. Il demande ainsi à la cour, statuant à nouveau :

- de condamner la société Plurimmo à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né de la résiliation unilatérale du contrat aux torts de l'appelante ;

- de condamner la société Plurimmo à lui verser la somme de 90.000 euros au titre de sa rémunération comme apporteur d'affaire ;

- de condamner la société Plurimmo à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice causé par sa résistance abusive ;

- de confirmer le jugement du 15 décembre 2023 en ce qu'il a condamné la société Plurimmo à verser au concluant la somme de 31.475, 52 euros au titre de ses honoraires ;

- de confirmer le jugement du 15 décembre 2023 pour le surplus ;

- de condamner la société Plurimmo à verser au concluant la somme de 4.800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Plurimmo aux entiers dépens.

L'intimé répond :

20. - qu'il a été l'apporteur du projet en mars 2017, de sorte qu'en avril 2017, l'appelante lui a demandé d'engager des études préliminaires afin d'établir un projet de logements collectifs ; que plusieurs projets d'études ont été réalisés, avec une réunion en mairie le 15 septembre 2017 et la demande d'un certificat d'urbanisme ; que l'appelante a indiqué au concluant qu'elle envisageait de l'intégrer au cabinet d'architecture qu'elle allait désigner ; que le travail du concluant a permis à l'appelante d'établir des offres d'achats et de mener des négociations qui ont abouti, avant d'évincer le concluant ;

21. - que l'appelante n'a jamais contesté que le concluant ait apporté l'affaire, alors que l'existence d'un contrat est caractérisée ; que l'appelante ne peut invoquer une résiliation du contrat au 1er novembre 2017, puisqu'un rendez-vous avait été prévu pour le 3 novembre ;

22. - concernant la recevabilité de l'action du concluant, que le contrat a été poursuivi au mois de novembre 2017 ; que l'appelante n'a pas contesté la facture émise par le concluant avant la procédure suivie devant le tribunal de commerce ;

23. - concernant la compétence territoriale du tribunal de commerce, que l'article L.442-1 du code de commerce concerne les pratiques commerciales restrictives, alors que l'action ne concerne que l'indemnisation de la rupture unilatérale du contrat ; que l'action n'est pas irrecevable au regard de l'article L.442-1, qui ne peut donner lieu qu'à une déclaration d'incompétence.

24. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur l'existence d'un contrat et la compétence du tribunal de commerce de Grenoble :

25. Selon le tribunal de commerce, l'article L.442-1 du code de commerce édicte que la rupture brutale s'entend par une rupture ne tenant pas compte notamment de la durée de la relation commerciale. Il a indiqué qu'il n'existe aucun contrat entre les parties, ce qui ne permet donc pas de mettre en application les articles L442-1 et suivants du code de commerce. Cependant, ultérieurement, le tribunal a statué au visa de l'article 1103 du code civil, en indiquant que les commandes passées auprès de l'intimé ont fait l'objet d'échanges écrits dont des mails, une demande de certificat d'urbanisme et des études préliminaires, alors que l'appelante ne conteste pas ces documents, dont elle-même en démontre l'existence dans son bordereau de pièces.

26. La cour constate, s'agissant de l'existence d'un contrat, qu'il est justifié par l'intimé de la réalisation de plusieurs plans de masse concernant l'implantation de logements. Par mail du 18 septembre 2017, il a indiqué à l'appelante être en train de demander le certificat d'urbanisme suite à une réunion tenue le vendredi précédant, et il lui a demandé des précisions concernant la désignation du promoteur chargé de l'opération. L'appelante lui a communiqué les éléments nécessaires le même jour. Il n'est pas contesté que l'intimé a établi ce certificat, qu'il a fait signer à l'appelante. La mairie de [Localité 4] a accusé réception de cette demande au nom de la société Plurimmo.

27. En outre, par mail du 16 octobre 2017, l'appelante a fourni à l'intimé des précisions afin de valider des plans de niveaux, notamment concernant le nombre de logements et leurs surfaces. Elle a rappelé que comme indiqué verbalement, elle va l'intégrer au cabinet d'architecture qu'elle va désigner, pour que l'intimé puisse collaborer avec cette structure. Enfin, il n'est pas contesté que l'intimé a assisté l'appelante lors de rendez-vous avec la mairie.

28. Il en résulte qu'un contrat a bien été conclu entre les parties, afin que l'intimé réalise des plans, certes sommaires, concernant l'implantation de logements, accompagne l'appelante dans ses démarches préliminaires auprès de la mairie et dépose, pour le compte de l'appelante, un certificat d'urbanisme. Le refus ultérieur de l'appelante de poursuivre l'opération n'établit pas l'absence de contrat la liant à l'architecte (Civ 3°, 9 février 2011, n°10-10.264 cité par l'intimé).

29. Toute relation commerciale établie, qu'elle porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service, entre dans le champ d'application de l'article L.442-6 du code de commerce. Il en résulte que les prestations réalisées par un architecte, issues d'une création purement intellectuelle et exclusive de toute acquisition antérieure en vue de la revendre, rentrent dans le cadre de cet article (Com. 16 décembre 2008 n°07-18.050 cité par l'intimé).

30. Concernant la portée de ce texte, il résulte des anciens articles L.440-1 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction en vigueur à l'époque de la relation entretenue par les parties, que ces textes concernent la transparence, les pratiques restrictives de concurrence et certains pratiques prohibées, au titre du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence. L'article L.442-6 vise spécialement la prohibition de pratiques anticoncurrentielles dans le domaine de la production et de la grande distribution notamment dans le cadre de relations d'affaires habituelles, ce qui n'est pas l'objet de la présente instance, sauf à éluder la compétence normale des juridictions commerciales lors de la rupture d'un contrat.

31. Il en résulte que le litige n'entre pas dans le cadre de ces textes, ce litige ne concernant que la rupture d'un contrat de prestations de services entre un architecte et un promoteur, en dehors de toute relation d'affaires habituelles.

32. Il ressort de ces motifs substitués à ceux des premiers juges que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Plurimmo de sa demande de renvoi vers une autre juridiction.

2) Concernant la recevabilité de l'action en paiement au regard de la prescription:

33. Il n'est pas contesté par les parties que l'action en paiement de l'intimé est soumise au délai de prescription quinquennale.

34. Selon l'article L.441-3 du code de commerce, dans sa version applicable à la date de la relation entretenue par les parties, tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. Sous réserve des deuxième et troisième alinéas du 3 du I de l'article L.289 du code général des impôts, le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L'acheteur doit la réclamer. La facture doit être rédigée en double exemplaire. Le vendeur et l'acheteur doivent en conserver chacun un exemplaire. L'article L.289 précité dispose que la facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services.

35. Il résulte de ces textes que la prescription n'a pas couru à compter de l'émission de la facture établie par l'intimé le 31 mai 2020, mais de la date de la réalisation de ses prestations, pour ce qui concerne le paiement de leur prix, de la date de l'apport prétendu de l'affaire pour le montant de la commission réclamée, et de la date de la rupture de la relation d'affaires concernant la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, au regard de l'assignation délivrée le 10 novembre 2022.

36. En la cause, les prestations accomplies par l'intimé remontent au mois d'octobre 2017. Il n'est pas justifié de prestations accomplies sur le mois de novembre, les notes manuscrites versées aux débats par l'intimé concernant les mois d'avril et septembre 2017. Il en résulte que la demande en paiement formée par l'assignation du 10 novembre 2022 a été tardive, peu important que l'intimé ait facturé ses prestations le 31 mai 2020.

37. En outre, concernant la demande reposant sur l'apport de l'affaire, la cour constate que l'intimé indique dans ses conclusions avoir proposé en mars 2017 à l'appelante d'intervenir sur le terrain sis à [Localité 4]. Il en résulte que sa demande concernant le paiement d'une commission d'apporteur d'affaires formées le 10 novembre 2022 est atteinte également par la prescription.

38. Concernant enfin la demande portant sur une rupture abusive de la relation contractuelle, la cour constate que par mail du 27 octobre 2017, la société Plurimmo a indiqué à l'intimé que la faisabilité du projet est remise en question, en raison de la diminution des surfaces constructibles, ne permettant plus une rentabilité de l'opération. Un rendez-vous a été proposé pour discuter de ce problème le 3 novembre 2017, sans qu'aucune pièce ne permette de savoir si ce rendez-vous a bien eu lieu, et quelle en a été la teneur. La cour ne peut ainsi qu'en retirer que la relation d'affaires a été rompue définitivement le 3 novembre 2017. En conséquence, la demande de dommages et intérêts formées le 10 novembre 2022 est également tardive.

39. La cour en retire ainsi que l'appelante n'a pas résisté abusivement à cette action. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention de [V] [T].

40. Il résulte de ces motifs que le jugement entrepris ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a :

- condamné la société Plurimmo à payer la somme de 31.475,52 euros à [V] [T] ;

- dit que la somme due portera intérêt au taux d'intérêt égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance de la facture impayée (date échéance le 30 mai 2020) ;

- débouté [V] [T] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de la rupture des relations établies ;

- débouté [V] [T] de sa demande de rémunération en tant qu'apporteur d'affaires ;

- condamné la société Plurimmo à verser à [V] [T] une indemnité arbitrée à la somme de 2.000 euroos au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Plurimmo aux entiers dépens de l'instance.

41. Statuant à nouveau, la cour déclarera [V] [T] irrecevable en ces demandes en raison de la prescription de son action.

42. Succombant en toutes ses demandes, [V] [T] sera condamné à payer à la société Plurimmo la somme de 3.500 euros au titre des frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

43. [V] [T] sera enfin condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L.440-1 et suivants du code de commerce (ancien), les articles 1103 et 2244 du code civil,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société Plurimmo à payer la somme de 31.475,52 euros à [V] [T] ;

- dit que la somme due portera intérêt au taux d'intérêt égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance de la facture impayée (date échéance le 30 mai 2020) ;

- débouté [V] [T] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de la rupture des relations établies ;

- débouté [V] [T] de sa demande de rémunération en tant qu'apporteur d'affaires ;

- condamné la société Plurimmo à verser à [V] [T] une indemnité arbitrée à la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Plurimmo aux entiers dépens de l'instance.

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;

statuant à nouveau,

Déclare [V] [T] irrecevable en son action concernant le paiement de la facture d'honoraires du 31 mai 2020, de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de la rupture des relations établies et de sa demande de rémunération en tant qu'apporteur d'affaires ;

Condamne [V] [T] à payer à la société Plurimmo la somme de 3.500 euros au titre des frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [V] [T] aux dépens de première instance et d'appel ;

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